EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA VOIE D'EAU FRANÇAISE : L'HÉRITAGE D'UN GRAND INVESTISSEMENT DU PASSÉ, EN MAUVAIS ÉTAT ET PEU DISPONIBLE POUR LE TRAFIC

La France dispose du plus long linéaire navigable d'Europe, mais son réseau est singulièrement cloisonné, en mauvais état et pour une grande partie impropre au fret contemporain. C'est là notre héritage : un grand investissement de la Belle époque, qui s'est interrompu et n'a jamais vraiment repris - avec pour résultat de grandes voies de fret en mauvais état qui sont enclavées chacune dans son bassin, et un réseau de petites voies où le trafic est marginal et dont l'état est parfois alarmant.

A. DES VOIES QUI NE FORMENT PAS DE VÉRITABLE RÉSEAU

Notre pays dispose de 8 500 kilomètres de voies navigables, mais ce linéaire est très loin de former un réseau cohérent. En fait, depuis qu'en 1878 le ministre Charles de Freycinet a lancé un vaste plan de mise en réseau et de rénovation des voies navigables, aucun projet de réseau n'a été véritablement entrepris 1 ( * ) . Notre pays a aménagé quelques voies nouvelles, mais à l'époque du « tout routier » et de la vitesse, il n'a pas accordé au fluvial l'importance qu'il méritait. Des routes et des voies de chemin de fer ont franchi la voie d'eau sans tenir compte du tirant d'air, au détriment du réseau des voies navigables. Les ports maritimes ont aménagé leur desserte par la route et parfois par le rail, au détriment de la desserte fluviale. Le non raccordement de Port 2000 à la voie fluviale en est l'illustration la plus récente : le nouveau port maritime du Havre a été coupé de son débouché le plus naturel et utilisé depuis toujours : la Seine.

En l'absence d'un réseau cohérent, les voies d'eau sont regroupées en deux types de réseaux, selon leur usage :

• le réseau « magistral », qui comprend les voies à grand gabarit (1 868 kilomètres) et les voies de gabarit intermédiaire (705 kilomètres). En 2003, la loi a disposé que ce réseau « magistral », du fait de son intérêt pour le trafic, n'est pas décentralisable 2 ( * ) ;

• le réseau « secondaire », qui comprend les voies à petit gabarit 3 ( * ) (5 928 kilomètres) et n'a pas vocation au fret, joue un rôle important dans la fonction hydraulique et dans le trafic de plaisance et de loisirs. Une partie de ce réseau (2 000 kilomètres) est qualifiée de « régionale » : son trafic est essentiellement dédié au tourisme fluvial et à la plaisance.

Le réseau fluvial souffre également de l'existence d'une multitude de gestionnaires :

la majeure partie du domaine public fluvial est confiée à l'établissement public « Voies navigables de France » : 6 100 kilomètres, sur les 8 500 kilomètres de voies navigables ;

l'État a conservé en gestion directe, environ 700 kilomètres de voies navigables ;

enfin, il a concédé à la Compagnie nationale du Rhône 330 kilomètres de voies navigables à grand gabarit.

Des collectivités territoriales sont également devenues gestionnaires. Environ 1 000 kilomètres de voies navigables à petit gabarit ont été transférés dans les années 1980 (Picardie, Pays-de-la-Loire, Bretagne et Poitou-Charentes). La région Bourgogne s'est récemment engagée dans une expérimentation, jusque fin 2012, pour le transfert de 574 kilomètres de voies d'eau.


* 1 Le programme Freycinet a modernisé les équipements sur 4 000 kilomètres de rivières et 3 000 kilomètres de canaux pour les mettre en réseau, mais construit « seulement » 100 kilomètres de voies nouvelles. Il n'a pas été achevé, malgré trente ans d'effort, à une époque où les voies navigables avaient encore une part majeure dans le trafic. La Première guerre mondiale a stoppé le programme, à l'exception d'une partie de la voie rhénane rendue à la France. Dès l'entre-deux-guerres, la France s'est détourné de la voie d'eau.

* 2 Article 56 de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et à la réparation des dommages.

* 3 Le grand gabarit vise les bateaux capables d'emporter plus de 1 500 tonnes, le petit gabarit ceux qui ne peuvent emporter plus de 650 tonnes ; entre les deux, c'est le gabarit « intermédiaire ». Voir Mémento du fluvial, VNF, 2010 .

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