6. Un mode de scrutin défavorable au pluralisme et à la parité

Aux difficultés suscitées par la fusion entre les conseillers généraux et régionaux, s'ajoutent les problèmes relatifs au mode de scrutin retenu pour l'élection des conseillers territoriaux.

En premier lieu, comme le soulignait Michèle André dans son rapport « Il faut sauver la parité », l'histoire du choix des modalités d'élection des conseillers territoriaux est la « chronique d'une régression annoncée de la parité ». La Délégation sénatoriale aux droits des femmes considérait alors que « la transposition à l'élection des conseillers territoriaux du mode de scrutin actuellement utilisé pour l'élection des conseils généraux, connus pour être les assemblées les plus masculinisées de France, ne peut entraîner que des conséquences trop prévisibles. Compte tenu de la compétition accrue qui résultera de la division par deux du nombre d'élus locaux, il est même à craindre que la proportion de femmes pour les conseillers territoriaux élus avec ce mode de scrutin soit encore inférieure à ce qu'elle est dans les conseils généraux actuellement : 12,3 % ».

Votre rapporteur s'associe à ce constat et estime que le choix du législateur de 2010 pour le mode de scrutin des conseillers territoriaux porte en germe le risque d'une régression sans précédent du nombre de femmes dans les assemblées locales.

De même, le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours apparaît comme l'un des plus défavorables à l'expression du pluralisme des idées politiques, notamment avec le relèvement du seuil de passage au second tour dont il s'est accompagné (de 10 à 12,5 % des électeurs inscrits, ce qui correspond, avec une abstention qui avoisine souvent les 50 %, à 25 % des suffrages exprimés) : ce choix est peu cohérent avec l'inscription, au sein de l'article 1 er de la Constitution, de ce même principe de pluralisme, que la loi est tenue de favoriser.

7. La faiblesse de l'argument économique : le coût des prétendues économies générées par la diminution du nombre d'élus

Enfin, force est de constater que l'argument selon lequel la réforme serait génératrice d'économies n'est pas fondé en pratique, et que la création des conseillers territoriaux sera à l'inverse à l'origine de coûts substantiels.

Ces coûts (qui excèdent très largement les 40 millions d'économies attendues de la baisse de l'enveloppe des indemnités) correspondent à deux principaux postes de dépenses nouveaux :

- les indemnités qui seront versées aux remplaçants des conseillers territoriaux : dans le système conçu par le gouvernement, des remplaçants devront en effet seconder les conseillers territoriaux dans l'exercice de leur mandat ;

- surtout, la reconstruction des hémicycles régionaux et les travaux qui devront être réalisés dans les locaux des conseils régionaux pour loger les nouveaux élus et leurs collaborateurs : selon les estimations fournies à votre rapporteur par l'ARF, le montant de ce réaménagement devrait coûter entre 600 millions et un milliard d'euros.

La création des conseillers territoriaux représenterait donc une perte de plusieurs centaines de millions d'euros pour les finances publiques .

Page mise à jour le

Partager cette page