II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

La proposition de résolution n° 19 (2011-2012), dont l'auteur est également le rapporteur désigné par votre commission le 6 juillet dernier pour préparer ses travaux sur la proposition de directive relative à l'efficacité énergétique, porte sur la plupart des thèmes abordés dans cette dernière.

Cette proposition de résolution a été examinée le 9 novembre 2011 par votre commission qui l'a précisée, modifiée et complétée au cours d'un débat approfondi.

A. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION INITIALE PRÉSENTÉE PAR VOTRE RAPPORTEUR

Votre rapporteur, dans le texte qu'il a présenté à votre commission, approuve le principe de cette proposition de directive , l'efficacité énergétique devant constituer l'un des piliers de la politique de l'énergie.

Il retient toutefois des auditions qu'il a menées la nécessité d'adapter certaines dispositions de la proposition de directive afin de mieux prendre en compte les situations de chaque État membre et les politiques déjà menées par ceux-ci au niveau national comme dans les collectivités territoriales.

De plus, bien que la Commission ait eu pour ambition de présenter un texte global sur l'efficacité énergétique, certains gisements importants d'économie d'énergie ne sont pas traités par le texte .

Les objectifs généraux

Les données de la Commission font l'objet de contestations, notamment celles qui proviennent du modèle économétrique PRIMES. Votre rapporteur considère donc que d'autres modèles économétriques pourraient utilement être utilisés avant d'inscrire dans un texte législatif européen l'objectif, proposé par la Commission, chiffré de 368 millions de tonnes-équivalent pétrole de réduction de la consommation d'énergie primaire.

Votre rapporteur rappelle surtout que la France a déjà engagé des politiques qui devraient être prises en compte. Les mesures du Grenelle de l'environnement ont été mises en oeuvre par deux lois promulguées respectivement le 3 août 2009 et le 12 juillet 2010. Elles se poursuivent actuellement dans le cadre d'une table ronde nationale sur l'efficacité énergétique lancée en juin 2011, qui explore les gisements d'économies d'énergie concernant la réduction de la facture énergétique des ménages, l'amélioration de la compétitivité des entreprises et le renforcement du rôle moteur des pouvoirs publics.

Il souhaite donc que l'état de départ et les caractéristiques propres à chaque pays soient prises en compte, comme cela a été fait pour les autres objectifs du « trois fois 20 », Ainsi des objectifs très différenciés ont-ils été fixés pour chaque État membre concernant aussi bien la limitation des émissions de gaz à effet de serre 20 ( * ) que l'intégration des énergies renouvelables 21 ( * ) . De nombreuses personnes auditionnées ont indiqué qu'une approche incitative leur paraissait plus efficace chaque fois que possible.

Le calendrier d'adoption du texte qu'envisage la Commission paraît particulièrement serré. Présentée en juin 2011, la directive doit être adoptée en 2012, transposée en 2013 et évaluée dès la mi-2014. Or le texte n'a pas pu s'appuyer sur l'état des lieux très utile que constituent les plans d'action en matière d'efficacité énergétique (PAEE) que chaque État membre devait remettre à la Commission avant le 30 juin 2011.

Enfin, le secteur des transports mériterait de faire l'objet de mesures spécifiques, éventuellement dans un autre texte.

Les règles portant sur les organismes publics

La proposition de résolution se fonde sur l'idée que le rôle des organismes publics est fondamental, mais que les obligations formulées sur eux présentent un caractère trop rigide . Certaines personnes reçues en audition ont considéré que l'objectif ne serait pas possible à atteindre.

Le texte de la Commission européenne ne tient en effet pas suffisamment compte de l'état du parc immobilier et des travaux déjà réalisés : l'objectif étant fixé par rapport à la surface des bâtiments et non par rapport à la consommation globale d'énergie de la collectivité, le texte pourrait encourager à la réalisation de travaux là où ils sont le moins coûteux et non là où ils offrent le plus grand potentiel d'économies d'énergie. Or il paraîtrait pertinent de comptabiliser également les travaux portant sur l'éclairage public , sur les transports publics et d'une manière générale sur la gestion des services publics .

Une clarification pourrait également être apportée concernant les logements sociaux , car le critère d'« organisme public » utilisé par le texte inclut le parc locatif social dans certains pays, tels que la France, et pas dans d`autres, pour la seule raison que les organismes en charge du logement social sont dotés de statuts différents d'un État à l'autre.

Les spécialistes qu'a reçus votre rapporteur s'étonnent par ailleurs que l'obligation porte sur la « surface au sol », de sorte qu'un immeuble de plusieurs étages compterait comme un bâtiment de plain-pied. Votre rapporteur fait observer que le texte anglais utilise l'expression « floor area », qui correspond plutôt à la surface de parquet.

Votre rapporteur considère également que, au-delà des bâtiments détenus par les organismes publics, les immeubles tertiaires et commerciaux renferment des gisements considérables d'économies d'énergie . En effet, le principal obstacle à l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments est le faible taux de renouvellement du parc : or le marché de l'immobilier professionnel connaît des mutations ou des changements de baux plus fréquents que les autres branches du secteur, ce qui donne l'occasion de réaliser des travaux de rénovation.

Enfin, votre rapporteur fait observer que la règle selon laquelle les organismes publics ne devraient acquérir que des bâtiments à haute performance énergétique devrait être corrigée car elle empêcherait une collectivité d'acheter un immeuble pour le rénover ensuite . L'obligation de n'acquérir que des services à haute performance énergétique paraît également difficile à mettre en oeuvre puisqu'elle exige une connaissance et un contrôle de l'activité des fournisseurs.

Les mécanismes d'obligations en matière d'économies d'énergie

Votre rapporteur se réjouit que le mécanisme d'obligations en matière d'économies d'énergie que propose la Commission européenne confirme a posteriori l'intérêt du dispositif des certificats d'économie d'énergie mis en place en France ou des dispositifs proches instaurés par d'autres pays de l'Union.

La proposition de résolution souligne que le mécanisme européen ne doit pas remettre en cause les modalités du système français , d'autant que celui-ci vient d'entrer dans une nouvelle phase.

L'objectif chiffré de 1,5 % d'économies d'énergie annuelles, portant sur les distributeurs ou les entreprises de vente d'énergie dans chaque État membre, a été contesté au motif qu'il serait particulièrement difficile à atteindre en France et qu'il représenterait une contrainte beaucoup plus importante que le mécanisme des certificats d'économie d'énergie.

Comme l'ont indiqué plusieurs organismes auditionnés, la perspective d'instaurer un système d'échange des certificats d'économie d'énergie entre les États membres devrait faire l'objet d'une réflexion plus approfondie. Elle présente en effet de réels risques d'effet d'aubaine et pourrait réduire l'incitation des « obligés » à réaliser des économies d'énergie dans leur propre pays. Le contrôle des fraudes serait également plus complexe dans un système d'échanges de certificats transnational.

S'agissant de l'encouragement à la réalisation d' audits énergétiques pour les clients finals, votre rapporteur a été sensible aux insuffisances du système des diagnostics de performance énergétique (DPE) en France qui lui ont été signalées. Ceux-ci semblent en effet produire des résultats variables selon l'organisme auquel il est fait appel. Les bilans énergétiques eux-mêmes n'apporteraient pas nécessairement plus d'information.

Tout en notant que le Gouvernement a annoncé une réforme du système des DPE, votre rapporteur souligne que cette expérience devrait être prise en compte au niveau européen : les audits énergétiques prévus par la proposition de directive devront se fonder sur une méthodologie et un référentiel précis et garantissant la fiabilité des résultats.

Le comptage et la facturation de l'énergie

S'agissant du comptage et de la facturation de l'énergie, votre rapporteur a été saisi du caractère souvent trop générique des dispositions de la directive, qui seraient mal adaptées à certains types d'énergie tels que le gaz naturel ou le chauffage collectif. Par exemple, il lui a été expliqué que le coût de l'installation de compteurs individuels dans le cas du chauffage collectif risque d'être exorbitant compte tenu de l'usage limité que les consommateurs pourraient faire des données.

De plus, l'affichage du prix des consommations pourrait être délicat à mettre en place, cette donnée dépendant non pas du distributeur, mais du fournisseur avec lequel le client a conclu un contrat.

Votre rapporteur s'interroge également sur l'interface d'affichage des données prévue par la proposition de directive. Le compteur électrique étant souvent situé à l'extérieur du logement, cette interface correspondrait semble-t-il à un équipement supplémentaire installé dans un lieu de vie.

Or les travaux menés par votre rapporteur, qui a co-présidé jusqu'en septembre 2011 avec son collègue député Jean-Claude Lenoir, aujourd'hui sénateur et membre de votre commission, le comité de suivi de l'expérimentation sur les compteurs communicants, tendent à le convaincre que les effets d'un tel équipement sur les consommations , compte tenu de son coût, ne sont pas démontrés . Les organismes rencontrés pour préparer le présent rapport ont exposé des opinions divergentes sur cette question, certains soutenant l'installation d'un dispositif simple et bien visible tandis que d'autres mettaient en doute son efficacité.

De plus, il a été signalé à plusieurs reprises à votre rapporteur que l'établissement d'une facturation mensuelle ou bimestrielle sur la base de la consommation réelle risquait de remettre en cause la possibilité , accordée aux consommateurs pour certains types d'énergie, de lisser leurs factures sur l'année (mensualisation).

Or, si la facturation au réel de la consommation de gaz était imposée à un client occupant par exemple un logement d'une superficie de 100 m 2 , il pourrait être amené à payer des factures de 170 € environ pendant les mois d'hiver contre 30 € seulement pour les mois d'été, selon un exemple-type communiqué à votre rapporteur.

Le texte de la directive devra donc dissiper les doutes en précisant que, si une information sur la consommation réelle doit bien être apportée au client sur une base mensuelle ou bimestrielle, le paiement peut pour sa part être réparti et échelonné, s'il le souhaite, sur une période plus longue.

Enfin, le calendrier de mise en oeuvre de la facturation mensuelle au réel, prévue par la proposition de directive au 1 er janvier 2015, n'est pas cohérent avec celui qui a été fixé par la directive 2009/72/CE pour les compteurs « intelligents ». Aux termes de cette dernière, l'installation des compteurs doit être menée à bien d'ici à 2020 pour 80 % des clients, les États demeurant libres de la subordonner à une évaluation des coûts et des bénéfices.

Le développement de la cogénération et les réseaux

Le soutien très marqué de la Commission européenne à la cogénération dans les centrales de production d'électricité provoque des réactions contrastées.

La cogénération est une technique utile pour améliorer le rendement d'une centrale , soit en générant de l'électricité dans une installation qui produit de la chaleur, soit au contraire en récupérant la chaleur perdue par un équipement qui fabrique de l'électricité. C'est plutôt la seconde situation que semble viser la proposition de directive.

Or votre rapporteur craint, comme nombre des personnes concernées qu'il a rencontrées, que les mesures proposées par le texte de la Commission européenne ne favorisent la mise en place de la cogénération dans des situations où le besoin de chaleur ne le justifierait pas, à moins que les exemptions prévues par le texte ne deviennent quasiment la règle commune.

Il est d'ailleurs permis de s'interroger, la directive s'adressant à l'ensemble des États membres de l'Union, sur la nécessité de raccorder à des réseaux de chaleur les zones urbaines de régions d'Europe du Sud où les besoins en la matière sont limités, d'autant que les normes de construction devraient à l'avenir limiter fortement la consommation d'énergie dans les bâtiments nouveaux.

Ces règles pourraient rendre plus difficile l'installation de nouvelles centrales électriques, puisqu'elles devraient être situées à proximité d'une agglomération susceptible de se doter d'un réseau de chaleur. La chaleur ne se transporte en effet que sur une distance limitée 22 ( * ) .

Par ailleurs, le texte de la proposition de directive devrait, selon votre rapporteur, être précisé concernant la priorité d'accès au réseau accordée à l'électricité issue de cogénération à haut rendement, afin que celle-ci n'entrave pas l'accès au réseau des énergies renouvelables.

Enfin, concernant l'incitation aux gestionnaires de réseau à promouvoir l'efficacité énergétique , les représentants de la Commission de régulation de l'énergie ont exprimé à votre rapporteur la crainte qu'une attractivité excessive des heures creuses n'entraine la formation d'une nouvelle pointe dans ces périodes, ce qui pourrait résulter par exemple du développement d'usages nouveaux tels que les véhicules électriques.

Par ailleurs, le texte prévoit que la régulation et la tarification du réseau doit favoriser, notamment, le raccordement de sources de production plus proches des sites de consommation : votre rapporteur souligne que cette règle ne devrait pas s'opposer à l'application, en France, du principe de péréquation des prix de l'électricité.


* 20 Décision 406/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à l'effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu'en 2020, annexe II.

* 21 Directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE, annexe I.

* 22 L'annexe VIII de la proposition de directive prévoit l'installation de dispositifs de cogénération à une distance de 65, voire 100 kilomètres, ce qui a suscité une grande perplexité chez les spécialistes interrogés par votre rapporteur.

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