2. Le projet de loi constitutionnelle : quelques rappels

De quoi s'agit-il concrètement ?

Il s'agit simplement de prévoir que le Gouvernement s'engagerait à réaliser chaque année un certain effort sur les dépenses et les recettes, qu'il se fixerait lui-même, et dont le respect serait soumis au contrôle du Conseil constitutionnel . Plus précisément, il s'engagerait à ne pas dépasser un « plafond » de dépenses pour l'Etat et les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, et à prendre des mesures nouvelles sur les recettes (c'est-à-dire des mesures d'augmentation des recettes) au moins égales à un certain « plancher ».

En d'autres termes, il s'agirait de soumettre au Conseil constitutionnel le respect par les lois financières annuelles des engagements pris au titre de chacune de ces années dans la programmation pluriannuelle.

L'engagement porterait donc, à juste titre 79 ( * ) , uniquement sur ce que le Gouvernement maîtrise et que le Parlement vote. Si la croissance était inférieure aux prévisions, il ne devrait pas faire d'effort supplémentaire. En effet, il s'agirait bien d'un « plancher » de mesures nouvelles sur les recettes, et non d'un « plancher » de recettes. En sens inverse, si la croissance était supérieure aux prévisions, il ne pourrait pas en tirer prétexte pour laisser filer les dépenses et alléger les recettes.

3. Pourquoi le projet de loi constitutionnelle est inutile

Le problème du projet de loi constitutionnelle n'est pas qu'il serait trop contraignant, mais qu'il est inutile .

a) La persistance d'hypothèses de croissance irréalistes viderait la règle de toute portée

En particulier, il ne comprend aucun élément chiffré .

Ainsi, rien n'empêcherait le Gouvernement de s'engager à un effort volontairement trop faible, en retenant une hypothèse de croissance volontairement trop élevée . C'est d'ailleurs ce que l'actuel Gouvernement a fait dans les deux lois de programmations des finances publiques, couvrant respectivement les périodes 2009-2012 et 2011-2014 80 ( * ) , qui reposaient sur une hypothèse de croissance irréaliste de 2,5 % par an.

Ainsi, la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 - censée préfigurer, par son contenu, les lois-cadres de programmation des finances publiques prévues par le texte constitutionnel - prévoit des mesures nouvelles sur les recettes de seulement 3 milliards d'euros par an de 2012 à 2014. Or, l'hypothèse de croissance pour 2012 étant passée de 2,5 % selon la loi de programmation des finances publiques à 1,75 % selon la prévision associée au présent projet de loi de finances, les mesures nouvelles prévues pour 2012 par le texte initial du présent projet de loi de finances sont de 11,2 milliards d'euros. Compte tenu de l'invraisemblance de l'hypothèse de croissance initialement retenue, le « plancher » de 3 milliards d'euros a donc été délibérément fixé à un niveau beaucoup trop bas pour avoir la moindre portée pratique.

L'actualité récente montre donc qu'appliquée par le Gouvernement actuel, la règle constitutionnelle aurait été privée de toute portée. Son incapacité à permettre la réduction du déficit aurait ruiné sa crédibilité.

On pourrait certes prévoir dans la loi organique, à laquelle le texte constitutionnel renvoie pour son application, que l'hypothèse de croissance n'est pas fixée arbitrairement par le Gouvernement, mais correspond, par exemple, aux prévisions d'un panel d'experts, ou à la croissance potentielle calculée selon une méthodologie définie. Mais ce serait là une toute autre logique que la règle « en trompe-l'oeil » proposée par le Gouvernement.

En fait, de deux choses l'une :

- ou un Gouvernement veut réellement réduire le déficit public, et il le fait ;

- ou il ne le veut pas, et il trouvera toujours des échappatoires pour en faire moins qu'il le faudrait. Même si la règle était précisée pour empêcher de retenir des hypothèses de croissance irréalistes, il pourrait toujours recourir à d'autres procédés. Par exemple, il pourrait délibérément surestimer l'impact des mesures nouvelles sur les recettes. Il pourrait aussi procéder à des modifications de périmètre.


* 79 Néanmoins, la restriction du champ d'application de la règle aux seules dispositions relevant du champ de compétence du législateur financier a pour effet de ne pas couvrir certaines administrations publiques, en particulier les collectivités territoriales et les organismes sociaux ne relevant p as du champ des lois de financement de la sécurité sociale (assurance chômage et retraites complémentaires).

* 80 Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

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