EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 9 novembre 2011, sous la présidence de M. Jean-Claude Frécon, vice-président, et de M. Philippe Marini, président, la commission a procédé à l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2012, sur le rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.

Article 3

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - L'article 3 créé un troisième impôt sur le revenu après la CSG et l'impôt sur le revenu à proprement parler. Cette innovation doit être prolongée par une réflexion globale sur la fiscalité des personnes. Le Gouvernement a limité cette mesure dans le temps, ce qui ne nous semble pas acceptable. D'où l'amendement n° 1.

M. Serge Dassault . - Il ne faut pas se focaliser sur les augmentations d'impôt limitées dans le temps : le plus souvent, les mesures perdurent. Ne touchons donc pas à cet article.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Nous sommes dans le cadre d'une loi de finances annuelle : il faut laisser au Gouvernement la possibilité de réagir en fonction des évènements. Avec cet amendement, vous interdiriez toute réactivité. Avant de prendre pareille décision, attendons le grand soir de la fiscalité que l'on nous annonce. Tenons-nous à la mesure voulue par le Gouvernement.

Mme Marie-France Beaufils . - Je partage l'avis de notre rapporteure générale : le Gouvernement a annoncé diverses mesures pérennes qui vont frapper les foyers les plus modestes alors que celles qui pèsent sur les plus hauts revenus seraient exceptionnelles. Il faut mettre un terme à ce « deux poids, deux mesures ».

M. Jean Arthuis . - Cet impôt sur le revenu exceptionnel ne va pas dans le sens de la lisibilité et de la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu. Pour ma part, je préfèrerais que soient créées une ou deux tranches supplémentaires au barème de l'impôt sur le revenu afin que le produit de cet impôt progressif soit revu à la hausse. Je rappelle que l'impôt sur le revenu ne représente en France que 2,5 % du PIB, soit un taux très faible. Je déposerai un amendement en ce sens et je proposerai la suppression de l'article 3.

M. François Marc . - Je voterai cet amendement : la France connaît un endettement et des déficits chroniques et c'est faire preuve d'un optimisme béat que d'annoncer la suppression de cet impôt exceptionnel dès le retour à l'équilibre.

L'amendement n° 1 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Cette taxation des hauts revenus n'est pas exclusive d'une nouvelle tranche supérieure du barème de l'impôt sur le revenu, monsieur Arthuis.

Articles additionnels après l'article 3

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Le plan Fillon II annoncé lundi dernier ne remet pas en cause le dispositif coûteux mis en place à l'été 2007 par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA). Avec l'amendement n° 2, nous proposons de revenir sur les allègements des droits de mutation à titre gratuit de manière à en revenir à la situation d'avant 2007. Le taux d'imposition prévu n'aurait rien de confiscatoire et rapporterait 2,1 milliards d'euros à l'Etat.

M. Philippe Marini, président . - Quel est le niveau de l'abattement ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Nous passerions de 159 000 euros à 50 000 euros par part. Il y aurait, en plus, un abattement global de 50 000 euros sur les parts revenant aux enfants en ligne directe.

M. Philippe Marini, président . - Il est vrai que posséder un patrimoine de 159 000 euros, c'est être très riche !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Avec deux enfants, le patrimoine médian des Français, - 117 000 euros - resterait exonéré. Un patrimoine représentant le double de la médiane serait taxé à 5,6 % au titre des droits de mutation à titre gratuit au lieu d'être exonéré, et un patrimoine d'un million d'euros serait taxé à hauteur de 16,6 % contre 13,3 % aujourd'hui, ce qui n'a rien de confiscatoire.

M. Philippe Marini, président . - Nous verrons ce que cela représente en mètres carrés à Paris et dans les grandes villes de province.

Modifiez-vous le régime du conjoint survivant ? Il ne faudrait pas pénaliser les pauvres veuves.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Nous avons suffisamment travaillé avec Mme André sur le sujet. Non, nous ne modifions pas le régime du conjoint survivant.

M. Albéric de Montgolfier . - Nous avons eu hier un débat très intéressant sur les crédits de la mission « Ville et logement » et nous avons rappelé le prix très élevé de l'immobilier en Île-de-France. Il est aujourd'hui impossible pour des jeunes de se loger dans cette région s'ils ne disposent pas d'un apport personnel. La transmission patrimoniale n'est pas un luxe mais un simple moyen de se loger. L'alourdissement des droits de mutation rendrait sans doute plus difficile pour des jeunes l'acquisition d'un bien immobilier. Soyons donc prudents.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Ne pas tenir compte du doublement des prix de l'immobilier est irréaliste. Vous parlez de l'Île-de-France, mais dans bien des régions, il en va de même. Voyez le bassin d'Arcachon. En outre, lorsqu'on transmet un bien à ses enfants, on a déjà payé des impôts et on est taxé une deuxième fois ! C'est vraiment injuste.

En 2007, nous étions parvenu à un équilibre satisfaisant et je regrette que Mme la rapporteure générale veuille tout remettre en cause. Que l'on discute de telle ou telle mesure de la loi TEPA, je peux le comprendre, mais pas de celle sur les droits de succession.

M. Joël Bourdin . - Cet amendement touchera les catégories les plus faibles. Les notaires m'ont dit que les premiers bénéficiaires de la loi TEPA ne sont pas les gros patrimoines, pour qui les exonérations représentent en définitive peu de chose, mais les patrimoines petits et moyens. Avec la législation actuelle, une maison de 400 000 euros, qui représente les fruits d'une vie de labeur, peut être transmise sans droits de succession aux deux enfants de la famille. Ce ne serait plus le cas si votre amendement était adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Votre argument concernant les jeunes n'est pas recevable. L'âge moyen pour les successions est de 52 ans.

M. Joël Bourdin . - Ce n'est qu'une moyenne.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Et puis, je m'étonne de votre étonnement ! N'avez-vous pas avalisé en juillet le durcissement du régime de donations qui avait été assoupli en 2007 ?

M. Philippe Marini, président . - Cela prouve notre sens de l'écoute !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Enfin, je rappelle que 50 % des ménages n'ont rien à transmettre à leurs enfants. Il faut aussi penser à eux.

M. Philippe Marini, président . - Mais aussi aux classes moyennes.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Le patrimoine médian est de 117 000 euros et la première tranche d'imposition est de 5 %. Est-ce confiscatoire ?

M. Philippe Marini, président . - Dans nos départements, nous rencontrons rarement des citoyens médians, qui sont des inventions des statisticiens.

L'amendement n° 2 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Dans la première loi de finances rectificative, le droit de partage a été augmenté de 1,4 point afin de financer en partie l'allègement de 1,9 milliard d'euros de l'ISF. Il faut revenir sur ce doublement du droit de partage car ce n'est pas aux ménages qui ne payent pas l'ISF d'en financer l'allègement. Tel est l'objet de l'amendement n° 3.

M. Philippe Marini, président . - Proposez-vous de revenir sur la réforme de l'ISF ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - En tant que rapporteure générale, non, mais d'autres pourraient le faire...

M. Philippe Marini, président . - Cet amendement crée un déficit.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Certes, et cette perte de recettes se monte à 325 millions d'euros. Mais n'ayez crainte, à la fin de la première partie, nous ferons les additions et les soustractions et nous vous présenterons le solde.

M. Philippe Marini, président . - J'espère qu'il sera positif.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Et il ne sera pas obtenu par effraction, monsieur le Président !

M. Philippe Marini, président . - Ni par dissolution... Ne poursuivons pas sur des considérations qui dépassent notre modeste entendement.

L'amendement n° 3 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Avec l'amendement n° 4, je vous propose d'éviter la perte d'un milliard d'euros à compter de 2014 en raison de la disparition progressive, à compter de 2012, d'une base imposable. Afin d'empêcher que ce processus ne s'enclenche en 2012, il convient d'abroger l'abattement pour durée de détention applicable aux plus-values de cessions de valeurs mobilières instauré par la loi de finances rectificative pour 2005. Il s'agit d'une mesure d'équité et de sauvegarde des finances publiques.

M. Philippe Marini, président . - Vous proposez de revenir sur les abattements d'un tiers par an au-delà de la cinquième année actuellement en vigueur. Vous estimez le produit de cette mesure à un milliard d'euros, mais ce montant figure-t-il dans un document annexe de la loi de finances ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Par définition, on ne peut encore connaître le montant exact mais il s'agit d'une estimation du ministère de l'économie et des finances.

M. Philippe Marini, président . - Cette estimation me laisse sceptique. Entre 2005 et 2011, les plus-values des valeurs mobilières n'ont pas été particulièrement élevées...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Nous demanderons en séance publique des précisions à Mme la ministre.

D'autre part, je vous rappelle qu'en 2010, le rapporteur général de l'Assemblée nationale avait fait voter un report de trois ans de cette exonération.

M. Philippe Marini, président . - Et je vous avais convaincu d'y surseoir en vous disant qu'elle serait examinée lors de la révision de l'impôt sur le patrimoine, mais la mesure s'est perdue en route...

Si la même mesure était proposée par le Gouvernement, la voteriez-vous ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - En l'occurrence, c'est moi qui propose cette mesure.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Avec cet amendement, on est dans le pur affichage puisqu'il ne prendrait effet qu'en 2014. Tout ceci n'est pas très sérieux !

Les Français épargnent beaucoup et cela est en partie dû aux conditions fiscales. Supprimer sur ces mesures reviendrait à mettre en péril l'épargne longue, et donc notre équilibre budgétaire. Vous semblez vous opposer par plaisir, mais en touchant aux fondamentaux de notre économie, vous prenez des risques certains.

M. Joël Bourdin . - Je suis étonné que vous vous focalisiez sur les plus-values en pleine crise. Vous faites preuve d'un optimisme étonnant, alors que les moins-values s'accumulent. Vous devriez respecter les équilibres macro-économiques et ce serait risqué de s'en prendre à l'assurance-vie et au plan d'épargne en actions (PEA). Si vous découragez l'épargne, notre économie en mourra. L'épargne doit être cajolée, car elle permet de financer les investissements. Ou alors, pourquoi ne pas supprimer tout simplement la bourse de Paris ?

M. Claude Belot . - Il y a vingt ans, M. Charasse, alors ministre du budget, nous expliquait toute l'importance de l'épargne longue et c'est pourquoi il nous avait proposé de créer le PEA qui, reconnaissons-le, a été une réussite. Encourager l'épargne nationale, c'est donner plus de force à notre économie tout en la protégeant. Avec cet amendement, vous retirez tout intérêt aux contrats d'assurance-vie et aux PEA. Je ne voterai pas cet amendement qui aboutirait à casser l'épargne longue.

M. Philippe Marini, président . - Je précise que cette mesure ne s'appliquerait pas à l'assurance-vie, mais il n'en reste pas moins qu'elle enverrait un signal négatif à l'épargne longue.

M. François Marc . - Alors que la situation des plus modestes s'aggrave, il n'y a rien de choquant à faire contribuer les revenus patrimoniaux à l'effort de la nation. D'ailleurs, le Gouvernement ne dit pas autre chose.

Considérer qu'il y a ici des gens « sérieux » et d'autres qui ne le seraient pas, ce n'est pas acceptable, c'est même injurieux. J'invite ceux qui qualifient nos mesures d'affichage à balayer devant leur porte et je les renvoie au projet de loi de finances rectificative d'il y a quelques semaines qui devait tout régler et qui se traduit, aujourd'hui, par un déficit accru de 2 milliards d'euros. Les propositions de notre rapporteure générale sont sérieuses et nous ne sommes pas en décalage avec les attentes du pays lorsque nous proposons de taxer un peu plus le patrimoine.

M. Philippe Marini, président . - J'invite chacun à respecter les autres et à éviter les propos inutilement blessants. Laissons ce jeu de ping-pong à la séance publique. Monsieur Marc, vous feignez de croire que le collectif a creusé le déficit de la France de 2 milliards d'euros mais vous savez bien qu'il n'en est rien : c'est la situation internationale qui en est la cause.

M. Jean Arthuis . - Notre rapporteure générale pose un vrai problème : ce régime fiscal très particulier portant exonération des plus-values au terme de huit années de portage donne lieu à des optimisations fiscales, et il y a sans doute matière à le remettre en cause. Il est facile pour une entreprise de transformer une partie des salaires ou des dividendes en plus-values. Il faudra revenir sur ces dispositions afin d'éviter ces instruments d'optimisation. De même, il y a des opérations sur PEA qui sont parfaitement contestables. Il faudrait que les plus-values soient taxées dans des conditions proches du barème de l'impôt sur le revenu. Je m'abstiendrai donc sur cet amendement.

M. Philippe Dallier . - Moi aussi, car le fait que ces plus-values soient exonérées me pose un vrai problème. Large base et faible taux, voilà notre leitmotiv.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - A l'adresse de MM. Bourdin et Belot qui partageaient de vives inquiétudes, je précise que cet amendement ne touche ni à l'assurance-vie, ni au PEA.

Dans son plan de rigueur, M. Fillon a l'intention de s'attaquer aux prélèvements libératoires. Il y aura certainement un report de l'épargne vers les PEA et l'assurance-vie. Nous verrons alors comment vous réagirez. Pour ma part, si je suis d'accord avec lui sur le principe, je ne le suis pas sur les modalités.

L'assurance-vie représente plus de 1 300 milliards d'encours...

M. Joël Bourdin . - Il ne faut pas y toucher !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Malheureusement, cette épargne n'est pas assez orientée vers le soutien aux entreprises. Nous en avons parlé en commission des finances à maintes reprises.

Enfin, Madame Des Esgaulx, contrairement à ce que vous dites, cette mesure n'est pas de pur affichage car elle va produire ses premiers effets dès 2012 avec un abattement d'un tiers, et l'exonération sera totale en 2014.

M. Philippe Marini, président . - Je me réjouis que vous annonciez votre soutien à diverses mesures du plan Fillon.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Je ne suis pas d'accord sur la méthode, ce qui change tout.

L'amendement n° 4 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Avec l'amendement n° 5, nous en arrivons aux prélèvements forfaitaires libératoires. Il convient de rééquilibrer revenus du travail et revenus du capital et j'espère que nous parviendrons à trancher le débat entre impôts proportionnels et impôts progressifs lors de la prochaine réforme globale de la fiscalité des personnes.

Lundi, M. Fillon a annoncé que l'imposition des intérêts et des dividendes passerait de 19 % à 24 %, à quoi s'ajouteraient des prélèvements sociaux. Je vous propose ici que les dividendes entrent dans le barème de la progressivité de l'impôt sur le revenu. Il s'agit d'une logique différente de celle du Gouvernement. Dans les quatre premières tranches de l'impôt sur le revenu, beaucoup de contribuables choisissent le prélèvement forfaitaire libératoire alors qu'ils n'y ont pas intérêt.

M. Philippe Marini, président . - Il s'agit d'un amendement de principe qui assimile les revenus du capital à ceux du travail en les soumettant au barème progressif. Nous connaissons votre tropisme pour la progressivité.

M. Albéric de Montgolfier . - Est-on sûr du rendement de la mesure que vous proposez ? L'application du barème progressif risque de priver l'Etat des ressources de ceux qui, jusqu'à présent, choisissaient le prélèvement libératoire.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Dans les quatre premières tranches de l'impôt sur le revenu, beaucoup de personnes choisissent le prélèvement forfaitaire alors qu'il leur est défavorable. Mais les dividendes sont concentrés dans le dernier décile des revenus.

M. Philippe Marini, président . - Alors qu'il faudrait plutôt soutenir les marchés, il est intéressant de voir cet amendement apparaître. A un moment où les entreprises auraient besoin de trouver des capitaux, on donne un signal négatif à la rémunération de ces capitaux. Si cette mesure était mise en oeuvre, elle aurait de très sérieux inconvénients économiques et porterait un rude coup à la compétitivité de nos entreprises. Il en est de même lorsqu'on critique les dividendes versés par les banques alors qu'elles ont besoin de renforcer leurs fonds propres, et donc de faire appel à des actionnaires qui attendent d'être rémunérés aux conditions du marché.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - M. le Premier ministre a annoncé que le prélèvement libératoire allait passer à 24 %. Avec les prélèvements sociaux, nous en serons à 37,5 %. C'est bien supérieur à ce qui se pratique chez nos voisins, notamment en Allemagne. Cette mesure est bien plus déstabilisante que celle que je propose.

M. Philippe Marini, président . - Je suppose que dans la grande réforme fiscale que vous attendez, on raisonnera revenu par revenu, et sans considération de foyer fiscal. Vous vous orientez donc vers une individualisation de l'impôt, mais ce n'est pas pour demain.

M. Philippe Adnot . - Je ne voterai pas cet amendement, qui déstabiliserait un peu plus les finances publiques en 2012 : ce n'est pas le moment de manquer de trésorerie ! Peut-être faudra-t-il un jour y revenir, dans le cadre d'une réforme globale, mais pas à six mois d'élections générales. Je suis favorable à ce que tous les revenus soient imposés de la même façon, mais à un taux unique.

L'amendement n° 5 est adopté.

Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - L'amendement n° 6 m'a été inspiré par nos auditions de février sur la fiscalité du patrimoine. Il s'agit de supprimer le plafond de 5 000 euros des droits d'enregistrement applicables aux actes portant cessions d'actions ou de parts de sociétés cotées ou non cotées - plafond instauré, je l'avoue, sous le Gouvernement Rocard -, et de diminuer leur taux de 3 % à 2 %. Je suis fidèle à mon principe : assiettes larges, taux faibles. J'appelle votre attention sur le fait que les « frais de notaire », lors de la cession de biens immobiliers, s'élèvent à environ 7 % et ne sont pas plafonnés. L'opposition sénatoriale, que je sais attachée à la propriété immobilière, devrait donc voter cet amendement, qui rapporterait 930 millions d'euros à l'Etat.

M. Philippe Marini, président . - Je dois à la vérité de dire que, lorsque j'étais rapporteur général, j'avais envisagé de déposer un amendement similaire... Mais il faut tenir compte du fait que Mme Bricq veut aussi abaisser le plafond d'exonération des droits de mutation à titre gratuit. La charge risque d'être lourde. Peut-elle nous préciser quelles catégories de contribuables son amendement toucherait ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Pour l'essentiel, des entreprises qui achètent d'autres entreprises non cotées. Il faut lutter contre l'optimisation fiscale que favorisent les différences de régime : les droits d'enregistrement auxquels sont soumises les cessions de parts sociales de SARL ne sont pas plafonnés. J'ai d'ailleurs été raisonnable : si je m'étais contentée de supprimer le plafond sans diminuer le taux, la mesure rapporterait 1,4 milliard d'euros...

M. Philippe Marini, président . - Cette mesure mérite d'être débattue en séance. Personne n'y voit d'objection ? C'est l'unanimité : l'incroyable arrive !

L'amendement n° 6 est adopté à l'unanimité.

Article 3 bis

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Il s'agit ici de la fiscalité des plus-values immobilières. Les députés ont voulu revenir sur une législation adoptée il y a moins de deux mois, en exonérant la plus-value tirée de la vente d'une résidence secondaire, lorsque le cédant n'est pas propriétaire de sa résidence principale. Une telle exonération existait jusqu'en 2004, mais la fiscalité des plus-values immobilières prenait alors en compte les revenus des ménages. La mesure introduite par les députés coûterait 150 millions d'euros. Je vous propose par l'amendement n° 7 d'y renoncer.

M. Philippe Marini, président . - Cela s'applique-t-il aux Français de l'étranger ou à ceux qui, pour des raisons professionnelles et pour un temps limité, n'habitent pas le logement qui leur sert habituellement de résidence principale ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Cette mesure a une portée universelle et ne vise pas telle ou telle catégorie de contribuables.

M. Philippe Marini, président . - Proposez-vous donc de fixer un plafond au-delà duquel les cessions ne seront pas exonérées ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Non. Je propose de nous en tenir au droit actuel, voté il y a moins de deux mois : la plus-value résultant de la cession d'une résidence secondaire est imposée, même si le cédant n'est pas propriétaire de sa résidence principale.

M. Philippe Marini, président . - Quels que soient ses revenus, et bien qu'il puisse être contraint de vivre ailleurs que là où il possède un logement ?

M. Albéric de Montgolfier . - Lors du vote de la loi de finances rectificative de septembre, nous n'avions pas pris en compte la situation des personnes qui possèdent une résidence secondaire sans être propriétaires de leur résidence principale. Ce bien peut leur servir d'apport pour l'acquisition ultérieure d'une résidence principale : il s'agit souvent de jeunes qui n'ont pas les moyens de se loger au prix du marché, en Ile-de-France par exemple. Les députés ont sagement remédié à ce défaut. Une telle exonération existait jusqu'en 2004 ; il est vrai que les plus-values étaient alors imposées au barème de l'impôt sur le revenu, mais il faut tenir compte des prix actuels de l'immobilier !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - On lit dans l'objet de l'amendement que les députés ont voulu « accorder un avantage supplémentaire aux plus fortunés ». C'est faux ! Y a-t-il beaucoup de riches qui ne soient pas propriétaires de leur résidence principale ? Je vis près d'une base aérienne où les militaires sont mutés pour deux ou trois ans : ils sont nombreux à posséder un bien ailleurs ! Vous concevez la résidence secondaire comme un lieu de villégiature. Mais il y a beaucoup de gens qui, pour des raisons professionnelles, n'habitent pas le seul bien qu'ils possèdent ! Il y a aussi des successions : un jeune Strasbourgeois peut avoir reçu en héritage un appartement à Arcachon !

M. Philippe Adnot . - Je suis favorable à l'amendement, car les députés n'ont prévu aucun plafond de revenus. Il ne me paraît pas juste d'exonérer la vente d'un appartement de 250 mètres carrés à Paris, jusque-là loué à prix d'or...

M. Philippe Marini, président . - Mais Mme la rapporteure générale indique dans l'objet de son amendement que les députés ont prévu un dispositif anti-abus...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Il s'agit d'une mesure destinée à financer l'exonération, non à en limiter le champ. M. de Montgolfier parle de jeunes propriétaires d'une résidence secondaire. J'aimerais savoir combien ils sont de cette espèce rare ! Mon amendement évite toute intrusion dans la vie des ménages : chacun est libre de louer ou non les biens qu'il possède.

M. Joël Bourdin . - Je comprends l'intention de Mme la rapporteure générale, mais j'aimerais disposer d'une typologie des contribuables auxquels cette mesure est susceptible de s'appliquer. Prenez le cas des enseignants : après avoir réussi l'agrégation ou le Capes, ils sont souvent envoyés dans une autre académie ! Je sais Mme Bricq sensible à leur sort...

Mme Fabienne Keller . - Je rejoins les propos de mes collègues. Près des deux tiers des jeunes enseignants subissent une première affectation en Ile-de-France, mais beaucoup acquièrent un bien dans une autre région, parce qu'ils restent attachés à leur terre d'origine et parce qu'ils n'ont pas les moyens d'acheter en région parisienne. Dire que quiconque possède une résidence secondaire est riche, c'est méconnaître la situation de ces fonctionnaires, ou de ces salariés mutés par leur entreprise en fin de carrière, et qui attendent de revenir dans leur région d'origine. Sans parler des jeunes qui achètent un bien qu'ils louent en attendant de pouvoir acquérir leur résidence principale.

M. Philippe Marini, président . - Voici ce que je suggère : Mme la rapporteure générale pourrait retirer son amendement et nous proposer ultérieurement de soumettre l'exonération à un plafond de revenus.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Soit. Je demande la réserve de cet article et de l'article 3 ter qui concerne également les plus values immobilières.

L'amendement n° 7 est retiré ainsi que l'amendement n° 8.

Le vote sur les articles 3 bis et 3 ter est réservé.

Articles additionnels avant l'article 4

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Je propose par l'amendement n° 9 de revenir sur l'universalité du prêt à taux zéro plus (PTZ+) en le soumettant à condition de ressources.

M. Philippe Marini, président . - Nous pouvons tous tomber d'accord sur ce point. Le PTZ+ doit d'ailleurs être revu dans le cadre du plan annoncé lundi par le Premier ministre.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Oui, mais comment ? Nous voulons cibler les ménages qui en ont le plus besoin. Le plafond que je suggère est celui qui s'applique au prêt locatif à usage social (PLUS).

M. Philippe Marini, président . - Il est assez bas.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Il est supérieur au plafond de l'ancien PTZ, et il a l'avantage d'être indexé.

M. Serge Dassault . - Le PTZ+ a permis à beaucoup de familles de devenir propriétaires de leur logement. Mme Bricq propose donc d'instaurer un plafond de ressources ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - En effet. Le plafond applicable au PLUS est de 69 250 euros pour six personnes en zone A.

M. Vincent Delahaye . - Il faut fixer un plafond raisonnable, faute de quoi nous allons tuer le PTZ+, et l'immobilier en souffrira.

M. Philippe Marini, président . - Que diriez-vous d'un plafond de 100 000 euros ?

Mme Michèle André . - A quoi correspondrait ce chiffre ? Il faut un mécanisme d'indexation.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Avec le plafond que je propose, le prêt s'adresserait toujours à 90 % des locataires ! Pour le moment, on pratique un ciblage social à l'envers...

M. Philippe Marini, président . - Mais parmi ces 90 %, la plupart n'ont pas les moyens de recourir à un PTZ+. Il faut se soucier de la solvabilité des emprunteurs.

M. Philippe Dallier . - Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut revenir sur l'universalité du PTZ+. Le Gouvernement a annoncé une réforme, attendons ses propositions : faudra-t-il recentrer le prêt sur l'immobilier neuf, le territorialiser ? Quoi qu'il en soit, le plafond recommandé par Mme Bricq est trop bas.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Je vous propose de voter cet amendement à titre conservatoire : nous reviendrons sur le sujet.

M. Pierre Jarlier . - J'abonde dans le sens de M. Dallier : le plafonnement ne doit pas nuire au but poursuivi par le PTZ+.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - L'idée de soumettre ce prêt à une condition de ressources n'est pas nouvelle : le Premier ministre lui-même a annoncé un plafonnement. Je souhaite que l'on attende le projet du Gouvernement, et je ne participerai pas au vote.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Contrairement à la droite, nous sommes fidèles à nous-mêmes : nous avons régulièrement proposé cet amendement qu'elle a toujours refusé !

M. Francis Delattre . - Les revenus et les prix de l'immobilier varient selon les régions ; ils sont particulièrement élevés en Ile-de-France. Je ne suis pas sûr qu'un plafonnement universel soit adapté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Vous savez bien que le PLUS est zoné.

M. Philippe Marini, président . - Si j'ai bien compris, Mme la rapporteure générale nous soumet cet amendement à titre conservatoire, et il n'est pas destiné à demeurer en l'état jusqu'à la fin de la discussion ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Détrompez-vous : il est destiné à durer autant que cette loi de finances, qui doit être bientôt rectifiée...

L'amendement n° 9 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt immobilier, institué par la loi TEPA, est extrêmement coûteux, et bien qu'il soit en extinction, la dépense fiscale court jusqu'en 2016. Ceux qui ont les revenus les plus élevés sont aussi ceux qui sont le plus subventionnés. Je propose donc de diviser par deux, dès l'imposition en 2012 des revenus de 2011, le plafond des intérêts pris en compte. Sinon, il en coûterait 1,8 milliard à l'Etat en 2012.

M. Roland du Luart . - La mesure s'appliquerait donc aux revenus de 2011 ? Cette rétroactivité me choque.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Mais depuis fin 2010 les acheteurs ne peuvent plus bénéficier du crédit d'impôts. Vous pourriez être tout aussi choqué par le gel du barème de l'impôt sur le revenu annoncé par le Premier ministre, puisqu'il s'appliquera aux revenus de 2011 !

M. Aymeri de Montesquiou . - En lisant l'objet de l'amendement, je ne comprends pas bien pourquoi le crédit d'impôt est considéré comme une subvention aux ménages et non comme une aide à l'accession à la propriété.

M. Philippe Dallier . - C'est qu'il ne concourt pas directement à l'acquisition du bien.

M. Pierre Jarlier . - Le plafond serait-il divisé par deux pour tout le monde, même pour les ménages à faibles revenus ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - A l'heure actuelle, plus les revenus de quelqu'un sont élevés, plus il bénéficie du crédit d'impôt : c'est injuste ! Cette mesure avait été très contestée au Sénat. Je rappelle à M. de Montesquiou que le crédit d'impôt n'est pas pris en compte dans le plan de financement des ménages, parce qu'il est versé avec retard : je vous renvoie au rapport de l'IGF sur les niches fiscales.

Mme Fabienne Keller . - L'amendement est bien rétroactif, puisqu'il s'applique à des ménages qui ont acheté leur logement en espérant pouvoir compter pendant plusieurs années sur la déductibilité de leurs intérêts d'emprunt. Une précision : est-ce bien le plafond des intérêts déductibles qui serait abaissé ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Oui.

Mme Fabienne Keller . - On aimerait savoir quel est le niveau d'endettement des ménages concernés, qui pourraient être durement affectés par une modification brutale du régime.

M. Philippe Dallier . - Mme la rapporteure générale a raison de dire que le crédit d'impôt n'est pas pris en compte dans le plan de financement des ménages, et qu'il est donc considéré comme une subvention, mais les ménages l'intègrent bien dans leurs prévisions. Revenir sur cette mesure paraît un peu raide.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Mais votre raisonnement pourrait s'appliquer à n'importe quelle modification du droit fiscal !

L'amendement n° 10 est adopté.

M. François Marc . - A ce rythme, nous n'aurons pas fini d'examiner les amendements avant l'audition de Mme Pécresse. Qu'entendez-vous faire, monsieur le président,  pour que la commission puisse travailler sereinement ?

M. Philippe Marini, président . - Il est très vraisemblable que nous devrons poursuivre cet après-midi l'étude des amendements. L'examen des rapports spéciaux s'en trouvera décalé. Peut-être le rythme s'accélérera-t-il, mais certains de nos collègues ont beaucoup à dire, puisqu'ils appartiennent à la fois à l'opposition et à la majorité !

Article 4

M. Georges Patient . - Je déposerai en séance un amendement pour maintenir le dispositif existant, indispensable pour l'outre-mer.

Articles additionnels après l'article 4

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Nous en venons à l'impôt sur les sociétés. Mon amendement n° 11 tend à modifier le régime d'exonération des plus-values de cession de titres de participation, dit « niche Copé », dans un triple souci de rendement budgétaire, de cohérence fiscale et de logique économique. Les plus-values à long terme tirées de la cession de titres de participation sont aujourd'hui exonérées, à l'exception d'une quote-part de frais et charges imposée au taux normal de l'impôt sur les sociétés. Cette quote-part est égale à 10 % du résultat net des plus-values de cession, la loi de finances rectificative de septembre ayant porté ce taux de 5 % à 10 %. Cette assiette est incohérente : le montant de l'impôt dépend du gain ou de la perte résultant de la participation, alors que l'on cherche à taxer un montant représentatif des coûts de gestion. Plutôt qu'une quote-part de la plus-value nette, je propose donc de soumettre à l'impôt une quote-part de 10 % du prix de cession des titres durant l'exercice.

Je ne suis pas en mesure d'évaluer le rendement de cet amendement, car l'administration a toujours refusé de nous communiquer un chiffrage précis de cette « niche ». Mais je suis sûre que l'assiette proposée est plus large et plus cohérente.

M. Philippe Marini, président . - Je ne crois pas que l'administration fasse preuve de mauvaise volonté. Elle a elle-même produit un chiffrage très élevé de cette exonération, évaluant son coût à plus de 2 milliards d'euros, parce qu'elle supposait que toutes les transactions qui ont réellement eu lieu se seraient produites en l'absence de cette mesure : c'était méconnaître l'incidence du droit fiscal sur les comportements économiques. Nous étions plusieurs à en avoir fait la remarque. Mais pour parvenir à un chiffrage plus réaliste, il faudrait évaluer, de façon nécessairement assez arbitraire, le volume des transactions en fonction de différents régimes fiscaux.

Si je comprends bien, l'amendement aurait pour effet de taxer toutes les cessions, même à perte ? C'est original...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Il s'agit des frais de gestion. Le principe général de déductibilité des charges s'applique.

M. Philippe Marini, président . - Sous l'appellation de « quote-part de frais et charge », on a créé en réalité un ticket modérateur.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Dans le système actuel, on peut organiser ses moins-values...

M. Philippe Marini, président . - Tout ne peut pas être organisé par le commissariat au plan !

M. Roland du Luart . - Il paraît aberrant de taxer les moins-values.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - En déplaçant le débat sur le terrain de l'assiette, je veux forcer le Gouvernement à débattre enfin de cette niche.

M. François Marc . - Je ne peux pas laisser dire que la majorité sénatoriale veut taxer les moins-values. L'amendement ne fait que modifier l'assiette d'une taxation sur les frais de gestion, qui existe déjà et qui a été relevée par une récente loi de finances rectificative.

M. Jean Arthuis . - Il n'existe pas de réponse satisfaisante. Un groupe supporte chaque année des frais et charges pour suivre l'évolution de ses filiales et participations, mais on ne le prend en compte que lors des cessions. Je ne voterai pas l'amendement, mais Mme la rapporteure générale soulève un véritable problème, sur lequel il faudra revenir.

M. Jean Germain . - Je n'ai pas la compétence de certains de mes collègues, mais il me semble que le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), en octobre 2010, a évalué le coût de cette « niche » à 434 millions d'euros en 2006, 2 milliards en 2007, 12,5 milliards en 2008 et 6 milliards en 2009. Qui plus est, elle bénéficie pour 95 % à de grands groupes. Cela mérite débat !

M. Philippe Marini, président . - Le CPO n'a pas tenu compte de l'incidence de ce régime sur le volume des cessions. Il est très difficile d'évaluer son impact réel.

L'amendement n° 11 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - L'amendement n° 12 tend à restreindre un avantage fiscal injustifié du régime de l'intégration fiscale. Nous savons que ce régime est particulièrement attrayant, qu'il coûte très cher, et qu'il peut donner lieu à des optimisations. Mon amendement procède ainsi à une « déneutralisation » de la quote-part de frais et charges au-delà de 1 million d'euros.

M. Philippe Marini, président . - Même esprit que l'amendement précédent...

L'amendement n° 12 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - L'amendement n° 13 prévoit un dispositif global de plafonnement de la déductibilité des intérêts des emprunts pour les entreprises qui paient l'impôt sur les sociétés. Le régime actuel est particulièrement avantageux. Le taux implicite d'imposition des PME est de 39,5 %, contre 18,6 % pour les entreprises de plus de 5 000 employés. Il faut rétablir un équilibre. Je propose de nous rapprocher du système allemand, cela devrait vous plaire !

M. Philippe Marini, président . - Le régime a été récemment modifié dans un sens voisin quoique plus modéré.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Il s'agissait d'une mesure anti-abus. La nôtre est de portée plus large. Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, s'appuyant sur des calculs de la Direction générale des finances publiques, la recette serait intéressante...

M. Philippe Marini, président . - La portée est plus généreuse...

Mme Michèle André . - Plus générale !

M. François Marc . - Ce très bon amendement a fait l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale. Et la majorité et le Gouvernement ont eu quelque difficulté à trouver des arguments contre : il va renforcer la capacité d'action des PME par rapport aux très grandes entreprises.

M. Philippe Marini, président . - Nous sommes tous enclins au romantisme autour des PME ; mais si nous avions uniquement des PME, la France manquerait d'emplois ! Small is beautiful, certes, mais cela ne peut pas être « tout pour les PME » !

M. François Marc . - Ne vantez-vous pas sans cesse le modèle allemand ?

M. François Fortassin . - Je voterais bien l'amendement, et des deux mains encore. Mais je voudrais bien savoir pourquoi on a laissé subsister pendant des années une telle distorsion de fiscalité entre grandes et petites entreprises. Il y a peut-être une raison ?

M. Philippe Marini, président . - Sans doute la sottise et l'incompétence de vos compétiteurs...

M. Aymeri de Montesquiou . - L'explication est simple, mais pas simpliste : les grandes entreprises font une grande part de leur chiffre d'affaires à l'étranger, voilà pourquoi ! Elles paient logiquement moins d'impôts en France.

L'amendement n° 13 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - L'amendement n° 14 vous intéressera, monsieur le Président, vous qui aviez imaginé une taxe Google : je m'attaque quant à moi à la dérive des marchés. Le « trading à haute fréquence » seconde - des opérations automatisées qui visent un rendement maximum à la seconde - doit être taxé. Je propose que la taxation intervienne, sur une base mensuelle, lorsque plus de 50% des opérations quotidiennes sont annulées. Le taux d'annulation est aujourd'hui de 95% !

M. Philippe Marini, président . - Si la pauvre petite France, place financière minuscule, prend cette mesure, cela changera-t-il quelque chose ? Quelles seront les conséquences ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - L'argument est classique, mais la mesure doit être prise au niveau où elle peut l'être, c'est-à-dire national. De nombreux chefs d'Etat dénoncent la pratique...

M. Philippe Marini, président . - Mais prennent-ils des mesures ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Notre ex-ministre de l'économie dénonçait elle aussi ces transactions.

M. Philippe Marini, président . - A juste titre !

M. Philippe Dominati . - Une étude d'impact a-t-elle été conduite ? Si l'intention est louable, quelles seront les conséquences pour nos établissements financiers face à leurs concurrents installés en Angleterre ou au Luxembourg ? On annonce que l'on demandera son avis à l'l'Autorité des marchés financiers (AMF). Son président s'est-il exprimé ?

M. Jean Arthuis . - L'idée est plaisante, mais le président Marini en souligne les risques. Pourquoi ne pas nous inspirer de la taxe Tobin, en prévoyant que la présente taxe s'appliquera dés lors que les Etats de la zone euro s'engageront à la mettre en oeuvre ?

M. Philippe Marini, président . - Les Etats de la zone euro sont peu de choses au regard des volumes financiers en jeu. L'essentiel des transactions se fait à Londres et New-York.

M. Jean Arthuis . - Ce serait déjà un frein.

M. Philippe Marini , président. - Faites comme nous faisions : demandez un rapport !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Les sociétés concernées sont celles soumises au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel. Le Président de l'AMF a déclaré que l'on pourrait s'interroger sur la suppression de ce mécanisme. Enfin, je précise que la présente taxe, très ciblée, n'est pas exclusive d'une autre, portant sur les opérations financières en général.

M. Philippe Marini, président . - Faisons vivre le débat. Pourquoi ne pas présenter un amendement de suppression de ce type de transactions ?

M. Jean Arthuis . - Un cavalier !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - J'en conviens. Et il n'est pas facile de qualifier juridiquement le trading à haute fréquence. Mais, monsieur le Président, votre taxe Google n'était pas plus sûre juridiquement, cela ne vous a pas retenu de la présenter.

M. Philippe Marini, président . - Et je compte y revenir, même si, dans le passé, j'ai été pulvérisé par les intérêts corporatistes.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Je le serai aussi, c'est le sort réservé aux rapporteurs généraux.

L'amendement n° 14 est adopté.

Article 4 bis

L'amendement rédactionnel n° 15 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - L'amendement n° 16 vise à porter de 15 % à 20 % le taux réduit d'imposition des bénéfices applicable aux plus-values de cession et aux concessions de brevets.

M. Philippe Marini, président . - Dans le but d'améliorer la compétitivité des entreprises ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Dans le but de décourager l'optimisation fiscale. Ce dispositif a en outre perdu de son intérêt, le crédit d'impôt recherche étant très avantageux.

M. Philippe Marini, président . - Mais la mesure s'ajoute à toutes les autres...

L'amendement n° 16 est adopté.

Article 4 octies

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - L'amendement n° 17 tend à supprimer un cavalier budgétaire, qui pourrait de surcroît conduire à une diminution de la participation des salariés.

M. Philippe Marini, président . - Quelle est l'origine de cette disposition ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Elle a été présentée par les députés Nicolas Forissier et Olivier Carré.

M. Philippe Marini, président . - Votre amendement est dans l'esprit de ceux de M. Dassault.

L'amendement n° 17 est adopté.

Article 5

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - M. Marini connaît bien le sujet de l'amendement n° 18, pour avoir le premier soulevé le problème. Les quotas de CO 2 ont été distribués en 2007 dans le plan national d'allocation des quotas (PNAQ), qui a privilégié les sites existants au détriment des nouveaux entrants. A partir de 2013, les enchères seront payantes. La répartition opérée par le PNAQ a été mauvaise en 2007, mais ce n'est pas à l'Etat de payer le différentiel. L'article 5 de ce projet de loi a pour objet d'instaurer une taxe couvrant une partie du déficit de la réserve des nouveaux entrants. Je propose de la calibrer de sorte que la totalité du besoin de la réserve soit financée.

M. Philippe Marini, président . - Il s'agit d'éviter les pertes de recettes budgétaires en 2013.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Tout en tenant compte du cours très bas lors des quotas de CO 2 .

M. Philippe Marini, président . - Cela semble raisonnable.

Mme Fabienne Keller . - En effet. Mais le Gouvernement a bien travaillé la question et présenté un dispositif convenable.

L'amendement n°18 est adopté.

Article additionnel après l'article 5

M. Philippe Marini, président . - L'amendement n° 19 va plaire à M. Adnot.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Ce n'était pas mon souci, mais si tel est le cas, tant mieux.

Nous voulons rétablir plusieurs avantages aux jeunes entreprises innovantes supprimés par le Gouvernement l'an dernier. Ces entreprises sont logiquement en déficit les premières années et les soutenir, c'est soutenir la compétitivité du pays. Le coût est supportable. Ne coupez pas la tête aux jeunes entreprises innovantes !

M. Philippe Marini, président . - Mais lorsqu'elles auront suffisamment grossi, vous les taxerez lourdement ! Décidément, les PME sont beautiful.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - En l'espèce, les JEI ne sont pas beautiful parce que small mais parce qu'en innovant, elles servent la compétitivité.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Je soutiens ce type de mesures et voterai l'amendement. Ce qui existe dans notre droit fiscal à cet égard est original et mérite d'être conservé.

M. Philippe Dominati . - Je partage ce point de vue.

M. Philippe Adnot . - Moi également. Je présenterai un amendement légèrement différent. L'article 40 ne s'applique pas à ce stade ?

M. Philippe Marini, président . - Une rapporteure générale gage ses amendements !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Il y a une perte de recettes, compensée par un gage.

L'amendement n° 19 est adopté.

Article 5 ter

M. Yannick Botrel . - L'article 5 ter concerne la réduction d'un avantage fiscal sur le fioul domestique utilisé par les professionnels ; la mesure doit rapporter 80 millions d'euros, dont 46 millions dans le BTP et 34 millions dans l'agriculture. Les exploitations agricoles sont diversement touchées mais les chambres d'agriculture ont estimé le coût moyen par élevage à 450 euros annuels. D'autres mesures du Gouvernement, introduites par les députés, se traduisent par des exonérations de charges sociales pour certaines catégories de salariés agricoles - mais les montants sont très différents. On reprend en partie ce que l'on a accordé aux agriculteurs et aux entreprises de BTP au nom de la compétitivité. Nous avons décidé d'accepter les dispositions votées à l'Assemblée nationale, mais je voulais tout de même formuler ces observations.

M. Philippe Marini, président . - Le groupe socialiste est-il favorable à un vote conforme sur cet article ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Oui. Et la rapporteure générale ne présente pas d'amendements.

Article 5 octies

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Je présenterai ensemble les amendements n° 20 à l'article 5 octies et 21 à l'article 5 nonies. Chercher de l'argent n'importe où et n'importe comment n'a pas grand sens. La taxation de certaines boissons sucrées et de certaines boissons contenant des édulcorants de synthèse a été instaurée au nom de la santé publique alors qu'aucune réelle politique de prévention n'est menée contre l'obésité. Il ne faut pas faire de bêtises.

M. Philippe Marini, président . - Ni enfreindre les intérêts de certains groupes puissants.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Cela n'est pas mon souci ; je défends les consommateurs.

M. Philippe Adnot . - Je ne comprends pas la position de Mme la rapporteure générale. Elle défend le droit des consommateurs à boire des boissons sucrées, pourquoi pas le droit à fumer ? Revoyons à la baisse le prix des cigarettes ! Quoique producteur de sucre, je crois bon de taxer les boissons sucrées.

M. Roger Karoutchi . - Je ne comprends pas l'exposé des motifs, qui invoque une fiscalité trop lourde pour les ménages à bas revenu, qui seraient plus consommateurs de ces boissons... Critiquez cette recette de poche si vous le voulez, mais vos explications me laissent perplexe.

M. Philippe Marini, président . - Le risque de surpoids des riches serait-il moins grave que celui des pauvres ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - J'ai répondu à l'argumentation de Mme Pécresse qui invoquait des motifs de santé publique. Je pense surtout au porte-monnaie des consommateurs. Les taxes comportementales, pour avoir un effet, doivent être très lourdes.

M. Jean-Paul Emorine . - Il y a tout de même un problème de santé publique. Je recommande à mes petits-enfants de ne pas boire de Coca-Cola, de préférer les jus de fruits. Défendre les consommateurs, c'est défendre leur santé, pas leur portefeuille, et je suis défavorable à l'amendement.

M. Philippe Marini, président . - Le Coca-Cola n'est pas le seul en cause, il y a aussi le Corsica-cola, le Breizh-cola...

M. Yannick Botrel . - Buvez du cidre.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Ou du jus de pommes, qui est sans alcool.

M. Yannick Botrel . - Dans la discussion de la loi de modernisation de l'agriculture, le Gouvernement avait invoqué un motif de santé publique. Or, en affectant cette recette à une exonération de charges salariales, il se détourne de cet objectif ! Je soutiens l'amendement.

Mme Fabienne Keller . - La taxation des boissons contenant des édulcorants figure depuis longtemps dans le plan Bachelot, pour lutter contre l'obésité et le diabète, deux fléaux en augmentation sensible. Nous sommes tous d'accord pour envisager une vraie taxe diététique !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Les édulcorants existent aussi dans des boissons sucrées qui ne sont pas taxées... Je ne choisis pas, comme le fait le Gouvernement, entre tel ou tel groupe, français ou étranger ! Je ne comprends pas la cohérence des choix opérés par le Gouvernement.

M. Philippe Marini, président . - Pourquoi ne pas étendre le champ de la taxe, plutôt ?

M. Jean Arthuis . - C'est un complot entre le grand capital et les consommateurs !

L'amendement n° 20 est adopté.

Article 5 nonies

L'amendement n° 21 est adopté.

Article 6

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - L'amendement n° 22 est le premier d'une série et mon explication vaudra aussi pour les amendements n° 25, 26, 28, 29 et 35.

Il s'agit des économies recherchées par le Gouvernement et mises au point par les députés pour réduire de 200 millions d'euros les dotations aux collectivités territoriales. L'amendement n° 22 rétablit le texte initial concernant la DGF des départements et des régions, ainsi augmentée de 0,2 % en 2012. Les collectivités contribuent déjà, avec le gel de l'enveloppe normée, à l'effort de réduction des dépenses publiques annoncé par le plan Fillon fin août.

M. Philippe Marini, président . - Vous pouvez majorer les ressources des collectivités puisque vous avez relevé les ressources budgétaires avec les précédents amendements.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Effectivement, mais nous voulons surtout revenir au texte initial du Gouvernement.

M. Philippe Marini, président . - Par un jeu étrange et concerté, c'est le Gouvernement qui a sollicité des amendements parlementaires réduisant les dépenses publiques...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Les députés ont accepté de tresser la corde pour se faire pendre, mais nous ne sommes pas obligés de nous la passer autour du cou.

M. Philippe Marini, président . - L'économie de 1 milliard d'euros a été intégrée par le Gouvernement à l'effort de baisse des dépenses publiques.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Les 200 millions d'euros ne sont pas dans l'épure du Gouvernement, ils résultent d'amendements à l'Assemblée nationale.

M. Philippe Marini, président . - Présentés à la demande du Gouvernement.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Les députés n'ont semble-t-il pas la même conception que nous des collectivités territoriales.

M. Philippe Adnot . - Quand la nation accomplit un effort, tout le monde doit participer. Je suis pourtant président d'un conseil général qui a du mal à équilibrer ses comptes...

J'ai présenté au dernier congrès de l'Association des départements un amendement adopté par la majorité de gauche : les collectivités participent à l'effort en contrepartie de mesures réglementaires susceptibles de faciliter les économies. Car les procédures si contraignantes des marchés publics augmentent de 20 % nos coûts de construction par rapport au secteur privé. Sur 70 milliards d'euros d'investissement, nous pourrions gagner 14 milliards en instillant plus de souplesse dans les règlements.

M. Jean Arthuis . - Je partage les propos de M. Adnot. A une semaine du congrès des maires de France, il est tentant de proposer une hausse des dotations versées par l'Etat aux collectivités, mais ce ne serait pas conforme à notre devoir d'assainissement des finances publiques. L'effort doit être équitablement réparti, dans le cadre d'une réduction des dotations de l'Etat, par une meilleure péréquation.

Un décret est en préparation sur la rémunération des sapeurs-pompiers professionnels, un autre a été promulgué concernant les repas servi dans les établissements d'enseignement primaire et secondaire. L'Etat, ici, n'est pas dans son rôle quand il détermine le contenu des assiettes servies dans les cantines. Nous n'échapperons pas pour autant à une baisse des dotations - nous obtiendrons seulement des contreparties pour subir moins de contraintes réglementaires.

M. Philippe Dallier . - On ne saurait demander toujours plus pour les collectivités, qui peuvent parfaitement réduire leur train de vie. C'est par la péréquation, en cours de réforme, que les collectivités les plus pauvres seront aidées. La réforme de la taxe professionnelle n'a pas créé de handicap pour les communes - à la différence des départements et des régions - car la compensation a eu lieu à l'euro. Que le Sénat ne se fasse pas conservateur !

M. Roger Karoutchi . - L'amendement semble alléchant, cependant, pour la région Ile-de-France, par exemple, il représente 2,5 millions d'euros, un deux-millième du budget ! C'est dans les contraintes réglementaires que résident les gisements d'économies. Taxer les hauts revenus, les entreprises, et tout le monde sauf les collectivités ? Cela me paraît une position périlleuse.

M. Pierre Jarlier . - La plupart des collectivités ont déjà des dotations en forte baisse cette année. Il y a eu aussi le contrecoup de la réforme de la taxe professionnelle, qui affecte le dynamisme des bases. Et les efforts de gestion sont quotidiens. Il faut de la rigueur mais aussi de la croissance : or les investissements des collectivités ont commencé à baisser cette année.

M. François Patriat . - Nos collègues cherchent à nous faire croire qu'ils sont plus vertueux. Ils appellent les collectivités à « réduire leur train de vie », alors que l'investissement est en jeu.

M. Philippe Dallier . - Et le fonctionnement ?

M. François Patriat . - Dispendieuses, les collectivités ? C'est une rengaine que l'on propage à plaisir, parce que les exécutifs sont dirigés par des majorités de gauche.

M. Philippe Dominati . - Approche partisane !

M. François Patriat . - Si vous pressurez encore les collectivités, l'investissement va chuter. Les frais de fonctionnement augmentent - électricité et chauffage dans les lycées, par exemple. L'investissement devra être réduit d'autant. Car nous n'avons pas attendu vos leçons de morale pour réduire la voilure ! Un haut dirigeant de la Caisse des dépôts me le confiait récemment, les régions ont été pressurées, carbonisées même, par la réforme de la taxe professionnelle. Et la compensation à l'euro près n'a pas cours au profit des régions... Si certains apprécient l'auto-flagellation, c'est leur droit, mais qu'on ne traite pas les collectivités de dispendieuses tout en rabotant leurs dotations et en les appelant à financer ce qui ne relève pas de leurs compétences.

M. Philippe Marini, président . - Evitons tous de nous faire la morale les uns aux autres.

M. Éric Bocquet . - L'effort est inéluctable, il n'y a pas d'autre solution, nous dit-on. Pensée unique ! La mise à l'index des élus locaux est mal vécue - pourtant vous ne semblez pas avoir compris le message du 25 septembre dernier...

M. Philippe Marini, président . - Réjouissez-vous !

M. Éric Bocquet . - Gel des dotations, réforme de la taxe professionnelle, raréfaction du crédit bancaire, peut-être suppressions d'emplois imposées : tous les matins, les maires se grattent la tête en se demandant comment ils vont faire. Les collectivités ne sont pas une charge, mais un levier. En 2009, quand elles ont été sollicitées pour doubler les investissements, elles ont joué le jeu. Je ne supporte pas cette expression de « train de vie » quand 90 % des élus locaux sont des bénévoles !

M. Philippe Marini, président . - Nous le savons bien.

M. Éric Bocquet . - Prouvez-le !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Nous ne pratiquons pas l'auto-flagellation, nous refusons la démagogie. Il n'y a plus place aujourd'hui pour les égoïsmes catégoriels. Vous ne savez proposer aucune mesure d'économie. Vous n'avez pas pris la mesure de la situation ; les Français, eux, ont compris.

M. Jean-Paul Emorine . - Je ne souhaite engager de polémique, mais les chiffres sont quand même parlants. Le journal Les Echos rapporte qu'au cours des cinq dernières années, l'Etat a réduit le nombre de fonctionnaires de 30 000 par an alors que les collectivités en ont créé 230 000, hors transferts de compétences. Et l'Etat apporte la moitié des 200 milliards de budget cumulé des collectivités territoriales.

M. Jean Arthuis . - Exact !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Je ne peux pas laisser passer le terme de démagogie.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Je parlais des amendements.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Ma position est simplement d'en rester au gel des dotations. Car il perdure. Donc je n'en demande pas plus, pas moins, mais pour le reste je dis stop, et cela n'a rien de démagogique.

L'amendement n° 22 est adopté.

Article 7

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - L'amendement n° 23 procède du même esprit.

L'amendement n° 23 est adopté.

Article additionnel après l'article 8

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale .- Vous vous rappelez que la loi de finances rectificative pour 2010 avait institué un fonds de soutien aux départements en difficulté doté de 75 millions d'euros censé répondre de manière transitoire aux difficultés financières liées notamment au report de la réforme de la dépendance. Mais un nouveau report de cette réforme ayant été annoncé, je vous propose d'apporter une aide exceptionnelle aux départements en difficulté qui attendent cette réforme. Le fonds exceptionnel serait ainsi porté à 100 millions d'euros, répartis selon les mêmes modalités qu'en 2011, le nombre de ses bénéficiaires étant élargi de 35 à 40 départements. Contrairement au dispositif adopté l'an dernier, notre amendement n° 24 propose de financer le fonds par un prélèvement sur les recettes de l'Etat et non par une ponction sur les ressources de la Caisse nationale de solidarité par l'autonomie (CNSA).

M. Jean Arthuis . - En 2011, on n'avait pas tenu compte de la dotation de fonctionnement minimale des départements (DFM), ce qui a faussé la répartition. Si un tel fonds doit être maintenu en 2012, je souhaiterais qu'on tienne mieux compte de la réalité des recettes des départements.

M. Albéric de Montgolfier . - Je remercie la rapporteure générale d'avoir proposé cet amendement qui appelle l'attention sur les difficultés des départements, et singulièrement du fait du retard de la réforme de la dépendance, que je regrette car nous avons besoin de réponses, alors que de nouvelles charges sont sans cesse mises à leur charge. Je pense en particulier à la protection des mineurs isolés. Le fonds de l'enfance étant insuffisamment doté, un certain nombre de mineurs isolés d'origine étrangère se trouvent en effet à la charge des conseils généraux, ce qui est en contradiction avec les textes. Non, les départements ne doivent pas être soustraits à l'effort global de rétablissement des comptes publics, oui, ils peuvent éventuellement accepter une baisse de leur DGF, mais seulement à condition que l'on mette un terme à la création de dépenses nouvelles en particulier dans le domaine social. Je ne suis pas sûr que le fonds pour la protection de l'enfance soit à la hauteur des attentes.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Non, il ne l'est pas.

M. Albéric de Montgolfier . - L'amendement d'appel ne répond pas aux enjeux : seule la réforme de la dépendance le permettra.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - C'est vrai.

M. Albéric de Montgolfier . - Je souscris aux propos de Jean Arthuis sur la nécessité de tenir compte de l'ensemble des recettes.

M. Pierre Jarlier . - L'amendement va dans le sens du soutien aux départements en difficulté, notamment en ce qui concerne l'augmentation à quarante du nombre de bénéficiaires.

En revanche, je souhaiterais revenir sur les propos de Jean Arthuis : pour que le dispositif soit juste, il faut prendre en compte l'ensemble des recettes des départements et les charges qui pèsent sur eux, sans quoi l'on aboutit à des classements aberrants.

M. Aymeri de Montesquiou . - Cela me semble être une erreur d'augmenter de trente à quarante le nombre de départements bénéficiaires, dans la mesure où il y a un écart considérable entre les départements riches et ceux qui ne le sont pas. Ne diluons pas l'aide aux départements financièrement les plus fragiles.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - C'est précisément pour cela que je propose de porter la dotation de 75 à 100 millions d'euros. Le souci de M. Arthuis est légitime, mais la question du potentiel financier est traitée dans le cadre de la mission relations avec les collectivités territoriales que nos collègues François Marc et Pierre Jarlier nous présenteront très bientôt.

M. Jean Arthuis . - Si le potentiel financier ne tient pas compte des DFM, l'on aboutit à des situations complètement faussées dans lesquelles les départements pauvres apparaissent comme des départements riches. Je souhaite que l'on sorte du tabou.

L'amendement n° 24 est adopté.

Article 9 bis

L'amendement n° 25 est adopté .

Article 9 ter

L'amendement n° 26 est adopté.

Article 12

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - L'article 12 prévoit la reprise des trop-perçus par les départements au titre de la compensation du RSA en 2010 et 2011. Pour éviter que certains départements ne subissent un prélèvement trop élevé, la reprise est plafonnée en 2012 à 5 % du montant du droit à compensation. Je propose par l'amendement n° 27 de ramener ce taux à 3 %.

M. Philippe Marini, président . - Cela coûtera 15 millions d'euros.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Mais la reprise pèsera très lourd sur les finances départementales. D'ailleurs, le reste des trop-perçus sera repris sur les exercices ultérieurs : l'Etat ne fait pas de cadeaux.

M. Philippe Marini, président . - Vous mentionnez la situation du Pas-de-Calais, des Alpes-Maritimes, du Val-d'Oise...

M. François Marc . - C'est une mesure qui transcende les clivages partisans !

L'amendement n° 27 est adopté.

Article 14 ter

L'amendement n° 28 est adopté.

Article 15

L'amendement n° 29 est adopté.

Article 16 bis

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Mon amendement n° 30 scinde en deux acomptes le prélèvement exceptionnel sur le fonds de roulement de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) et de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), afin de leur éviter toute difficulté de trésorerie.

M. Philippe Marini, président . - Une telle mesure relève-t-elle du domaine législatif ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - C'est la loi qui fixe la date. Mme André est très attentive à la situation de l'ANTS.

M. Philippe Marini, président . - Connaissant votre rigueur sur la gestion des opérateurs, nous pouvons vous faire confiance.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Ils sont désormais soumis à des plafonds de ressources, et toutes leurs ressources excédentaires sont reversées au budget de l'Etat.

L'amendement n° 30 est adopté.

Article 16 ter

L'amendement rédactionnel n° 31 est adopté.

M. Philippe Marini, président . - Par l'amendement n° 32, Mme la rapporteure générale semble vouloir assouplir le plafonnement des taxes affectées à certains opérateurs et organismes...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Cela ne coûtera rien à l'Etat. Ce plafonnement devrait être limité aux seuls opérateurs, et non à des autorités administratives indépendantes ou à des autorités publiques indépendantes.

M. Philippe Marini, président . - Mais si ces autorités ne sont plus soumises au plafonnement, cela coûtera bien quelque chose à l'Etat !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Non, le plafond a, en 2012, été fixé au niveau de leurs recettes prévisionnelles.

M. Philippe Marini, président . - Etes-vous sûre qu'il ne faut pas prévoir un gage ? Votre amendement fera plaisir à M. Grignon, rapporteur de la loi qui a créé l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf) et qui m'avait indiqué que son statut d'autorité publique indépendante aurait dû la soustraire au plafonnement.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - En effet. Il en va de même du Médiateur national de l'énergie, autorité administrative indépendante. Aucun gage n'est nécessaire.

L'amendement n° 32 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - L'article 16 ter est destiné à améliorer le contrôle parlementaire sur les taxes affectées aux opérateurs de l'Etat. Mon amendement n° 33 le complète en prévoyant que les commissions des finances des deux assemblées seront informées de tout dépassement de plafond donnant lieu à la réaffectation d'une partie du produit d'une taxe affectée, et que l'annexe jaune « Opérateurs de l'Etat » justifiera chaque année le plafonnement des taxes affectées aux opérateurs au regard de leur rendement, des autres ressources qu'ils perçoivent, de leur situation financière globale et des missions qui leur sont assignées.

M. Philippe Marini, président . - Pensez-vous que le Gouvernement pourrait accepter cet amendement ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Avec votre soutien, certainement !

L'amendement n° 33 est adopté.

Article 18

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Sur la création de nouveaux radars, le Gouvernement a beaucoup tergiversé. Mon amendement n° 34 tend à réaffecter au désendettement de l'Etat, en 2012, le surplus escompté de recettes des amendes forfaitaires, dans la limite de 20 millions d'euros.

M. Philippe Marini, président . - Il est vrai qu'il y a déjà beaucoup de radars...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - C'est vous qui le dites !

L'amendement n° 34 est adopté.

Article 18 bis

L'amendement n° 35 est adopté.

Article 26

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Je demande la réserve de l'article 26, en attendant le résultat du vote de nos collègues sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le vote sur l'article 26 est réservé.

Article 27

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - L'amendement n° 36 est un amendement d'appel, dont j'ai parlé avec le rapporteur spécial M. Patriat. L'article 27 confie à Pôle emploi la gestion du recouvrement des indus d'allocations de solidarité, ce qui constitue un nouveau transfert de charges de la part de l'Etat. Peut-être cette mesure est-elle justifiée au plan de l'efficacité administrative, mais quelles en seront les conséquences sur l'organisation et le personnel de Pôle emploi, dont la charge de travail est déjà très lourde ? Comment faire pour que l'opérateur continue à assumer sa mission essentielle, l'accompagnement vers l'emploi ? S'il est appelé à lancer des procédures contentieuses de recouvrement, devra-t-il appliquer des dispositifs juridiques contraignants alors que le niveau des allocations est inférieur à la quotité saisissable ? Les agents de Pôle emploi ne sont pas opposés à ce transfert, à condition d'être rassurés sur ses modalités et en particulier sur sa compensation financière.

M. Philippe Marini, président . - Peut-être doit-on aussi leur demander un effort de productivité...

L'amendement n° 36 est adopté.

Article 28

M. Philippe Marini, président . - L'amendement n° 37 est plus idéologique...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Qu'appelez-vous idéologie ? Nous sommes opposés à l'accroissement de la pression fiscale sur les étrangers qui demandent des titres de séjours : on leur impose un ticket modérateur pour rester en France ! Car les ressources de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) sont constituées à 84 % de recettes fiscales, provenant pour l'essentiel de la taxation de la délivrance et du renouvellement des titres de séjours : ce sont les étrangers qui financent le service public !

M. Philippe Marini, président . - En ce moment, il faut demander un effort à tout le monde...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Mais l'article tend à majorer le montant des taxes de 16,6 millions, qui passeraient de 97 millions d'euros en 2009 à 154 millions en 2012, soit une hausse de 58 % en trois ans !

M. Philippe Marini, président . - Pourquoi ne pas couper la poire en deux ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Je m'oppose au principe même de cette hausse. Ce n'est pas un amendement idéologique : nous avons besoin de main-d'oeuvre.

L'amendement n° 37 est adopté.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Au total, les amendements que j'ai proposés rapporteraient 5,05 milliards d'euros à l'Etat.

M. Philippe Marini, président . - Mais quelle part serait à la charge des entreprises et des ménages ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Je pourrai vous apporter cette précision, mais après avoir entendu Mme Pécresse, il me semble que mes propositions soutiennent la comparaison...

M. Philippe Marini, président . - Mais si l'on additionne le « paquet Pécresse » et le « paquet Bricq », cela fait beaucoup ! Il faut garder un peu de marge pour l'avenir...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - De part et d'autre, nous proposons 5 milliards d'euros de recettes fiscales nouvelles en 2012. Le deuxième plan Fillon repose en 2012 pour les trois quarts sur des hausses de prélèvements obligatoires, dont une augmentation générale de la TVA.

M. Philippe Marini, président . - Non pas générale, mais ciblée. En revanche, le gel du barème de l'impôt sur le revenu a bien une portée générale...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Et il pénalise surtout les foyers relevant des tranches les plus basses. Mais j'ai bien compris que les propositions de la droite n'étaient pas idéologiques...

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'ensemble des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2012 ainsi modifiés, à l'exception des articles 3 bis, 3 ter et 26 dont l'examen est réservé jusqu'à la transmission définitive du texte par l'Assemblée nationale.

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