EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 26 octobre 2011, sous la présidence de Mme Marie-France Beaufils, vice-présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Marc Massion et Jean Arthuis, rapporteurs spéciaux, sur la participation de la France au budget de l'Union européenne (article 30 du projet de loi de finances pour 2012).

M. Marc Massion , rapporteur spécial. - C'est avec un grand plaisir que pour la première fois je vais rapporter ce matin devant vous, avec Jean Arthuis, la contribution française au budget communautaire dans le projet de loi de finances pour 2012, contribution qui prend la forme d'un prélèvement sur les recettes de l'Etat. L'article 30 de projet de loi de finances pour 2012, évalue ainsi ce prélèvement, voté chaque année en loi de finances, à 18,878 milliards d'euros, soit une augmentation assez marquée par rapport à celui voté pour 2011, avec une hausse de 646 millions d'euros, soit 3,5 %. Mais Jean Arthuis reviendra tout à l'heure de manière plus approfondie sur la question du montant de notre contribution.

Je voudrais commencer cette présentation en évoquant la négociation budgétaire communautaire pour l'année 2012, négociation qui est toujours en cours.

Comme à l'accoutumée, l'avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne le 20 avril dernier. La Commission a proposé une augmentation de 4,2 % des crédits d'engagement (CE) par rapport à 2011, soit 147,8 milliards d'euros. Les hausses concernent surtout les rubriques 1a « Compétitivité » et 3a « Liberté, sécurité et justice ». Les crédits de paiement (CP) affichent quant à eux une hausse de 4,9 % pour atteindre 132,7 milliards d'euros.

J'ai relevé que le projet de budget, adopté à une courte majorité par le Conseil le 25 juillet 2011, se veut plus rigoureux, ce qui est habituel sauf que cette pratique prend un sens encore plus significatif aujourd'hui, dans le contexte des efforts exigés en matière d'assainissement des finances publiques nationales et de stratégie de retour à l'équilibre budgétaire. Ainsi, des coupes importantes sont réalisées en CE et, surtout, en CP, ramenant respectivement la hausse pour 2012 à 3 % et 2,02 % par rapport à 2011. Ces coupes ont principalement pour origine la préoccupation exprimée par de nombreux Etats membres, dont la France, d'une discipline budgétaire renforcée.

Je vous renvoie, par exemple, à la fameuse « lettre des cinq », par laquelle, en décembre 2010, l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Finlande avaient demandé une augmentation annuelle du budget communautaire limitée à l'inflation. Cet été, au sein du Conseil, si l'Allemagne et la France ont accepté de se rallier au compromis de la présidence polonaise, ce n'est que par pragmatisme. Je précise que six Etats membres ont voté contre le projet du Conseil : le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Finlande, la Suède, le Danemark et l'Autriche.

Enfin, je souligne que le Parlement européen devrait voter en séance plénière, ce 26 octobre, un budget assez éloigné du projet du Conseil mais relativement proche des propositions initiales de la Commission, s'il suit les propositions de sa commission des budgets. La commission des budgets du Parlement européen, appelée également COBU, propose ainsi, pour 2012, une hausse de 3,95 % des CE et de 5,23 % des CP. Il va sans dire que ces propositions d'augmentation des crédits rendront très difficiles les négociations entre les deux branches de l'autorité budgétaire lors de la phase de conciliation. Ces difficultés seront aggravées par la négociation qui s'est ouverte cette année concernant la future programmation 2014-2020.

C'est en effet à ce sujet que les tensions entre les Etats membres, la Commission et le Parlement européen sont les plus grandes.

La Commission a adopté le 29 juin 2011 une communication intitulée « un budget pour la stratégie Europe 2020 ». Elle y détaille, pour la première fois, des éléments chiffrés sur le prochain cadre pluriannuel. Les propositions de la Commission révèlent tout d'abord une priorité pour les dépenses de recherche et d'innovation (+ 60 % entre les deux programmations à périmètre comparable), la gestion des flux migratoires (même hausse), l'action extérieure (+ 40 %). Elles se caractérisent de plus par la poursuite de la politique de cohésion (+ 11 %) et la stabilité de la PAC (nonobstant son verdissement, avec 30 % des aides qui seraient désormais liées à l'environnement). Les dépenses administratives ne sont pas en reste puisqu'il s'agirait d'une hausse de 25 %, loin de la maîtrise qui devrait être de rigueur.

Sur sept ans, il s'agirait au total de 972 milliards d'euros de CP. Mais ces propositions ne sont pas fiables :

- par un premier artifice dans sa présentation, la Commission minore les crédits qui seront mobilisés. Sa communication est en effet réalisée en euros constants et en CE, alors que seule une présentation en CP et en euros courants permettrait d'apprécier l'impact réel des propositions sur les contributions nationales : la réalité de l'augmentation de la dépense qui, chaque année, devra être réévaluée de l'inflation est volontairement masquée. J'observe que tous les Etats membres calculent leurs contributions en euros courants et qu'ils font de même avec leurs programmations pluriannuelles quand ils en utilisent ;

- par un second artifice, la Commission dissimule les tensions importantes que sa programmation exercera sur les finances des Etats membres, elle multiplie ainsi les débudgétisations incompréhensibles qui dégonflent artificiellement son projet. Non seulement sont maintenus hors budget général de l'UE et hors cadre financier pluriannuel, le fonds européen de développement (FED) et les mécanismes de stabilisation financière, mais surtout passent hors budget des politiques pourtant communautaires et financées sous plafond dans le cadre actuel, à l'image des dépenses relatives à ITER et au programme européen de surveillance de la Terre.

En euros courants, avec le périmètre classique de financement de l'UE auquel on ajouterait le FED et d'autres politiques débudgétisées, le total de dépense serait de 1 156 milliards d'euros en CP, soit 184 milliards d'euros de plus que le projet de la Commission.

En bref, par des artifices de présentation et des débudgétisations inacceptables, la Commission européenne formule un projet de programmation pour 2014-2020 qui représente une entorse au principe de sincérité budgétaire. En outre, le niveau de dépenses proposé est tout simplement insoutenable et contredit notre stratégie de retour à l'équilibre. Ce seul motif suffirait à motiver le choix de l'abstention quant à l'article 30 de notre projet de loi de finances pour 2012. J'ajoute à cela mon désaccord profond avec la diminution de 76 % des crédits du programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD), proposée par la Commission européenne, soit 113 millions d'euros en 2012 au lieu de 500 millions d'euros ; l'enveloppe allouée à la France au titre du PEAD passerait même de 73 millions d'euros à 15,9 millions d'euros, soit une baisse de 80 %.

Les remarques qui vont nous être faites maintenant sur le montant de la contribution française au budget communautaire en 2012 devraient, elles aussi, encourager la stratégie d'abstention que je préconise.

M. Jean Arthuis , rapporteur spécial . - Je remercie Marc Massion de nous avoir fourni ces éléments si riches d'enseignements. J'indique que je partage ses analyses, tout particulièrement s'agissant des propositions inacceptables de la Commission européenne.

Je voudrais formuler tout d'abord quelques remarques sur le montant du prélèvement qui est l'objet de notre débat ainsi que sur l'évolution de notre solde net.

Le rythme d'augmentation du prélèvement entre 2011 et 2012 qu'il nous est proposé de voter à travers l'article 30 de projet de loi de finances pour 2012 est de 3,5 %. Cette hausse de 646 millions d'euros, qui porte l'estimation de notre contribution à 18,878 milliards d'euros, résulte aux deux tiers de l'évaluation des besoins de financement de l'UE, le reste s'expliquant par divers facteurs assez complexes.

Nous savons d'expérience qu'au terme de l'exécution 2012, des ouvertures nouvelles en CP seront intervenues et qu'entre le montant du prélèvement affiché dans notre article 30 et ce qu'il sera finalement, il y aura des écarts, favorables ou défavorables au demeurant. J'appelle en effet votre attention sur les écarts considérables constatés entre la prévision et l'exécution du prélèvement. En 2011, il est peut-être possible que l'on assiste à une exécution plus conforme aux prévisions : à ce jour la surestimation serait ainsi quasi-nulle, de l'ordre de 4 millions d'euros, mais des corrections sur exercices antérieurs pourraient in fine aboutir à une sur-exécution de l'ordre d'une centaine de millions d'euros. Je vous ai rappelé ces données pour vous dire que l'estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement doit être plus précise et plus fiable.

Pour aller au-delà du sujet du prélèvement lui-même, je précise que la France devrait demeurer en 2012 le deuxième contributeur au budget communautaire derrière l'Allemagne, la part de sa contribution représentant 16,4 % du total des ressources de l'UE, part qui semble, enfin, se stabiliser. La France a par ailleurs remplacé depuis 2006 l'Espagne au rang de premier pays bénéficiaire en recevant environ 12 % des dépenses de l'UE, mais cette situation qui se dégrade est de plus très fragile puisqu'elle ne résulte essentiellement que du poids de la PAC. 75 % des crédits européens dépensés en France sont en effet des dépenses agricoles. Réjouissons-nous à cet égard que les propositions de la Commission européenne aillent dans le sens d'un maintien des dépenses agricoles à un niveau équivalent dans la prochaine programmation.

Je poursuis avec l'épineuse question des soldes nets. Question récurrente et délicate car elle entretient un état d'esprit en contradiction avec le projet communautaire, qui doit s'élever au-dessus de ces considérations de boutiquiers. Cela étant, soyons bien conscients que ce qui mobilise la plupart de nos partenaires, c'est bien leur solde net et le gain qui en résulte dans une sorte de coupe d'Europe des égoïsmes nationaux. Entre 2009 et 2010, la France est passée du rang de troisième à celui de deuxième contributeur net au budget communautaire en volume et du rang de huitième à celui de septième contributeur net en pourcentage du revenu national brut. Notre situation ne cesse donc de se dégrader depuis dix ans : notre solde net représentait moins de 400 millions d'euros en 1999, mais il a été multiplié par treize en dix ans et dépasse le seuil des 5 milliards d'euros depuis 2008. C'est sans doute le prix de notre attachement à la PAC. De même que nous avons dû faire des compromis pour obtenir la TVA à 5,5 % dans la restauration. La multiplication des rabais et des corrections témoigne de ces marchandages incessants, dont nous sommes l'un des rares contributeurs nets, avec l'Italie et le Danemark, à ne pas bénéficier. Aujourd'hui, outre le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et l'Autriche profitent en effet eux-aussi de diverses corrections en leur faveur.

Bien-sûr, je voudrais, comme avait l'habitude de le rappeler à juste titre notre ancien collègue rapporteur spécial, Denis Badré, souligner la faiblesse de ces analyses en termes de « retour net », qui ignorent les contributions incalculables de la construction européenne : la libre circulation, l'ouverture des Etats les uns vers les autres, et la généralisation de valeurs et, plus particulièrement, celles de la démocratie, de la paix et de la liberté, à défaut de celle de la sincérité des comptes publics.

Toutefois je ne crois pas que l'on puisse en ces temps difficiles faire l'économie d'une analyse en termes de soldes nets. Il convient bien entendu de ne pas s'enfermer dans de telles grilles d'analyses, mais on ne peut pas non plus les écarter.

Trois points pour conclure mon intervention :

- contrairement à ce que laisserait penser le travail de la Commission européenne, l'Europe ne peut pas se placer en-dehors des efforts exigés en matière d'assainissement des finances publiques. A cet égard, je recommande un renforcement de la mise en oeuvre vigilante du principe de subsidiarité, au regard duquel devraient être systématiquement examinés le budget, le fonctionnement et les politiques de l'Union européenne ;

- dans le système communautaire actuel, les parlementaires nationaux se limitent à autoriser un prélèvement sans en discuter ni le montant, ni l'usage qui en sera fait à travers les dépenses de l'Union européenne. Une telle situation n'est pas satisfaisante. Un budget dont les dépenses sont arrêtées par les autorités communautaires, mais dont 85 % des ressources restent dépendantes de décisions des parlements nationaux, porte atteinte au principe du consentement à l'impôt, essentiel dans une démocratie ;

- une plus grande reconnaissance du rôle des parlements nationaux paraît donc nécessaire. Nous devons prendre toute notre place dans la coordination des finances publiques des Etats membres et dans la réflexion en cours sur la réforme du budget communautaire. Il pourrait en être ainsi pour la préparation des conseils européens.

Pour l'heure, Marc Massion et moi-même vous recommandons de vous abstenir quant au vote sur l'article 30 de notre projet de loi de finances pour 2012. Il s'agit d'une contribution obligatoire mais il est utile de faire part de notre humeur. J'ajoute, à titre personnel, mon incompréhension à l'égard de la Commission européenne et du Conseil qui ont laissé filer la Grèce dans une politique de trucage et de maquillage de ses comptes publics, transformant ainsi le Pacte de stabilité et de croissance en pacte de tricheurs et de menteurs. Voici un motif supplémentaire pour justifier mon abstention.

Mme Michèle André . - Je me demande si la discussion est encore ouverte s'agissant du PEAD et s'il est encore possible d'intervenir afin de débloquer les crédits. Cette question inquiète beaucoup les associations, notamment les banques alimentaires, qui se sentent abandonnées.

M. Marc Massion , rapporteur spécial . - 500 millions d'euros sont bien prévus dans le projet de budget pour 2012 ; ce qui manque c'est une décision de la Commission européenne prévoyant l'utilisation de la totalité de ces crédits.

M. Jean Arthuis , rapporteur spécial . - De telles dépenses doivent-elles réellement relever de l'Union européenne ou des Etats membres ? Pourquoi l'Europe s'occupe-t-elle de l'aide alimentaire ? Alors qu'on rappelle tout le temps le principe de subsidiarité, j'évoque des doutes pour ma part.

Mme Marie-France Beaufils , présidente . - A l'origine, ce programme devait permettre une utilisation des excédents alimentaires constitués grâce à la PAC. Ces derniers n'existant plus, la justification d'une politique communautaire est moins fondée. Toutefois, je suis favorable à ce que la solidarité s'exerce dans un cadre plus large que les Etats membres.

M. Jean-Paul Emorine . - Je m'interroge sur l'utilisation de la notion de soldes nets, étant un européen convaincu. Si nous voulons construire l'Europe il faut bien que certains paient et la solidarité financière paraît donc nécessaire, je ne partage donc pas totalement l'analyse de Jean Arthuis. Par ailleurs, dans la mesure où le PEAD ne repose plus sur les excédents agricoles, je propose d'imputer son coût à la politique de cohésion et non plus à la PAC. S'agissant de la Grèce, comme l'a montré l'audition du ministre des affaires européennes, Jean Leonetti, le 25 octobre 2011, par la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat, il est indispensable que, dès lors que l'Europe apporte des concours financiers, elle impose un cahier des charges rigoureux, tout particulièrement en matière fiscale. Enfin, je partage la proposition des rapporteurs de demander l'abstention sur l'article 30 du PLF pour 2012.

M. François Marc . - Je souscris également à la proposition qui nous est faite de nous abstenir, parce qu'il y a plusieurs motifs d'insatisfaction. Cette année, dans le cadre de la préparation d'un rapport au nom de la commission des affaires européennes sur les perspectives pluriannuelles 2014-2020, j'ai rencontré notre représentant permanent à Bruxelles, Philippe Etienne, qui résume de façon éloquente la situation des finances communautaires par l'expression suivante : « il est difficile de faire entrer la couette dans l'édredon ». On souhaite, en effet, tout à la fois conserver les politiques actuelles, telles que la cohésion ou la PAC, au même niveau et répondre aux enjeux de compétitivité exigés par la stratégie Europe 2020 par des dépenses nouvelles ; or une telle équation est impossible à tenir. Et la débudgétisation n'est pas une solution, il s'agit au contraire d'un pis-aller.

M. Jean Arthuis , rapporteur spécial . - C'est du maquillage !

M. François Marc . - La difficulté est en fait de savoir comment démultiplier les recettes. De nouveaux modes de financement doivent être identifiés, à l'instar des « project bonds », obligations dont le produit serait affecté à des grands projets d'infrastructures européennes. Il est important que la France mette en avant cette préconisation. Il faut inventer et concrétiser un effet de levier pour le budget communautaire.

M. Gérard Miquel . - Ma question porte sur la politique de cohésion. La France se singularise par des dépenses européennes qui transitent par l'Etat. Je connais cependant l'exemple de la région Alsace qui gère directement à titre expérimental certains crédits communautaires. Pourquoi ne pas confier aux régions la gestion des dotations issues de l'Union européenne ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Contrairement à ce qui a été dit, je souhaite voter pour l'article 30 du projet de loi de finances pour 2012 et le voir adopté. Comme cela a été rappelé, nous sommes deuxième contributeur au budget communautaire, mais nous en sommes également le premier bénéficiaire, à la faveur notamment de la PAC. Je voudrais être logique avec mes précédentes interventions, qui portaient par exemple sur la pêche et l'ostréiculture. J'estime en effet que s'abstenir n'aiderait pas notre pays, notamment dans le contexte des discussions qui ont lieu en ce moment.

M. Pierre Jarlier . - Pour ma part, je m'abstiendrai pour les raisons évoqués par les deux rapporteurs spéciaux. Par ailleurs, je souhaite revenir sur la crise grecque et prolonger les propos tenus par Jean Arthuis. Pourquoi n'a-t-on pas su contrôler efficacement les comptes de la Grèce ? Quand je vois les contrôles parfois tatillons exercés par les autorités européennes sur le territoire national, y compris pour des sommes très faibles, je ne comprends pas pourquoi la situation d'un Etat est passée entre les mailles de leur vigilance. Je trouve également inacceptable que l'on réduise le PEAD alors que le budget de l'UE augmente.

M. Marc Massion , rapporteur spécial . - Pour répondre à Marie-Hélène Des Esgaulx, il ne s'agit pas de voter un budget mais de voter l'autorisation d'un prélèvement sur les recettes de l'Etat, ce qui est différent. L'Europe donne des leçons aux Etats membres, or elle laisse déraper ses dépenses. Il faut aujourd'hui alerter sur cette dérive.

M. Jean Arthuis , rapporteur spécial . - En réponse à Jean-Paul Emorine, je reconnais le caractère sordide du débat sur les soldes nets. Le problème c'est que nos partenaires utilisent ce raisonnement. Chaque fois que l'on cherche à obtenir un accord sur tel ou tel point, c'est en contrepartie d'avantages accordés à d'autres Etats.

Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - Comme la TVA à 5,5 % dans la restauration.

M. Jean Arthuis , rapporteur spécial . - Oui, et je l'ai dit. Je voudrais qu'on effectue un travail complémentaire sur les motifs de ces concessions accordées à travers les multiples rabais et corrections à certains Etats membres. Elles mettent en péril le pacte européen. L'Europe est attendue pour réguler les marchés financiers ou pour encadrer la spéculation pas pour ce type de marchandages. Ces concessions entraînent souvent des coûts cachés que nous devrions regarder d'un peu plus près. Par ailleurs, je suis d'accord avec les différentes observations de Jean-Paul Emorine sur le PEAD, mais la disparition des excédents conduit à renvoyer ces actions d'urgence vers les Etats membres. Pour ce qui concerne les remarques de François Marc, je ne comprends pas qu'on ait laissé la Grèce maquiller ses comptes, au nom d'une prétendue souveraineté nationale. De plus, les débudgétisations ne sont évidemment pas la solution, c'est, là aussi, du maquillage. Quant aux « project bonds », cela ne me semble pas être une bonne piste à explorer : ce serait une façon de reporter les dettes nationales vers un endettement européen. Enfin, à propos de la régionalisation évoquée par Gérard Miquel, il s'agit d'une question très politique à laquelle je n'ai pas la réponse. Mais il faut bien laisser du travail aux préfectures.

Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - J'appuie également la recommandation de l'abstention. François Marc nous l'a bien démontré, nous sommes à la fin d'un cycle, nous ne pouvons plus négocier le budget communautaire comme auparavant, avec tous ces petits critères traditionnels, ces rabais et ces rabais sur les rabais. Et la crise que nous traversons est révélatrice de ce point de vue. Je constate que Jean Arthuis a adopté la position de l'Allemagne, qui consiste à poser comme préalable le retour à l'équilibre budgétaire. Les Etats de l'UE ne veulent plus s'endetter mais si l'on veut faire de l'Europe une zone de croissance forte, il faudra bien investir. En effet, pour relancer la croissance dans la compétition mondiale, nous devrons engager des dépenses nouvelles, en particulier des investissements dans le domaine de l'innovation. S'endetter pour faire de la croissance ne me gêne pas du tout si cela correspond à une stratégie de compétitivité et c'est au demeurant l'enjeu des eurobonds. Il faudra bien entendu faire attention à nos comptes mais je note que nous sommes quasiment déjà dans une fédération budgétaire, à l'image du « paquet gouvernance » adopté en septembre 2011 ; il ne faut simplement pas en rester là. Si l'on va vers le fédéralisme budgétaire sans lutter efficacement dans la compétition mondiale, nous mourrons comme les étrusques, heureux, mais nous mourrons. C'est une conviction profonde.

M. Jean Arthuis , rapporteur spécial . - Dans la compétition internationale, il y a des pays qui produisent plus qu'ils ne consomment et dégagent donc des excédents, mais nous faisons partie des pays qui consomment plus qu'ils ne produisent, dans une sorte de pacte entre les actionnaires, les dirigeants d'entreprises et les consommateurs. Si l'on ne change pas profondément cet état de fait, la situation ne fera qu'empirer. Je suis donc favorable à des mesures qui relancent la croissance, mais à la condition fondamentale que des réformes structurelles permettent de faire évoluer notre modèle économique. A défaut, nous ne bénéficierons que d'un système de soins palliatifs, à travers des fonds souverains qui viendront soutenir notre consommation de produits importés, au prix de notre souveraineté et de notre indépendance.

Mme Marie-France Beaufils , présidente . - Les campagnes présidentielles et législatives de l'année prochaine permettront de débattre de ces questions. Comme je le dis souvent, on attend toujours l'harmonisation sociale et fiscale en Europe ; or il s'agit d'une question essentielle pour avancer aujourd'hui. Bien qu'une majorité semble se dégager en faveur de l'abstention, j'adopterai pour ma part une position de rejet de l'article 30 du projet de loi de finances pour 2012.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Je ne comprends pas : la commission est pour ou contre les crédits, ou bien s'en remet à la sagesse du Sénat, mais que signifie le fait qu'elle préconise l'abstention ?

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'abstention sur l'article 30 du projet de loi de finances pour 2012, relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne.

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Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2011, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'abstention sur l'article 30 du projet de loi de finances pour 2012, relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne.

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