C. LA DÉTRESSE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Nous ne reprenons pas ici les observations générales sur la RGPP, mais la situation de la protection judiciaire de la jeunesse autorise l'insistance.

Désespoir et désespérance résument l'état d'esprit des acteurs de ce secteur auquel nous devons rendre hommage.

Commençons par dénoncer une communication qui tourne le dos à la réalité. Une fois de plus, c'est le discours répressif qui sollicite l'opinion : faut-il pourtant rappeler que sur les 110 000 adolescents confiés à la protection judicaire de la jeunesse, 95 % sont en milieu ouvert.

Pourquoi faut-il que le ministre de l'intérieur, dans son commentaire du « Livre blanc sur la sécurité publique » 87 ( * ) s'en prenne exclusivement à une approche judiciaire des mineurs en mettant en cause « la lenteur de la justice » par rapport aux actes commis « par des mineurs qui doivent être remis dans le droit chemin le plus tôt possible ».

Revenant sur la responsabilité des parents et de la famille, il « souhaite créer une contravention à l'égard des parents qui laissent leurs enfants de moins de 13 ans seuls dans la rue la nuit après 23 heures. Le montant doit être dissuasif : 150 euros par exemple. Si cela ne suffit pas à provoquer une prise de conscience des parents, je souhaite qu'ils s'engagent par la signature d'un contrat de responsabilité parentale avec suspension possible des allocations familiales en cas de non respect des termes de ce contrat ».

Le service de la protection judicaire de la jeunesse a vu ses postes diminuer de 420 en trois ans. En 2012, il devra compter 106 postes en moins. Nous retrouvons aussi le phénomène de sous-budgétisation.

Au cours de l'année 2011, 40 à 50 contrats de personnel spécialisé n'ont pas été renouvelés faute de moyens, pour rentrer dans l'enveloppe des crédits budgétaires.

Pour le secteur associatif habilité, le report de charge reste une procédure habituelle : 27 millions d'euros pour la période 2009-2010, 34 millions d'euros pour la période 2010-2011 (soit un mois de fonctionnement) et enfin 40 millions d'euros pour la période 2011-2012.

Acteur historique majeur, ce secteur gère 1 293 établissements (le public en gère 273). Ses représentants estiment qu'entre 2008 et 2012, leurs subventions ont baissé de 21 %, soit une diminution de 60 millions d'euros. Ils constatent un décalage entre les besoins et les moyens, l'affichage politique et la réalité, l'inflation législative répressive et la nécessité de renforcer la dimension élective au profit des jeunes. Dans l'immédiat, beaucoup d'associations n'ont pas encore reçu d'accord budgétaire pour 2011. Un sixième du budget de certaines associations ne serait pas financé.

Les représentants du secteur associatif habilité expriment des craintes quant aux procédures d'harmonisation « public-privé ». Ces craintes portent sur la définition des éléments comparatifs, sur le coût des mesures d'investigation, sur l'évolution du coût moyen de fonctionnement des CEF qui passerait de 594 euros en 2011 à 575 euros en 2012 (après avoir été de 642 euros en 2007).

Ce passage de 594 euros à 575 euros s'obtiendrait par une amélioration du taux d'occupation, une diminution des dotations de fonctionnement (- 2,5% en 2012, comme en 2011), un encadrement de 24 ETPT pour 12 places (au lieu de 26-27 ETPT dans certains CEF associatifs).

Le ministère prévoit de créer 20 CEF supplémentaires (45 existent aujourd'hui). C'est donc la preuve que celui-ci refonde la protection judiciaire de la jeunesse sur le pénal.

Le CEF peut-il tout faire ? N'y-a-t-il pas un risque de dévoiement ?

Certains estiment que nous n'avons pas besoin de 20 CEF supplémentaires et qu'il faudrait faire fonctionner ceux qui existent.

Pour conclure :

- une durée moyenne de séjour en CEF est nécessaire pour tenter de diminuer la récidive. Les spécialistes estiment cette « bonne » durée à sept mois (et non à quatre ou cinq mois) ;

- par rapport à l'enfermement, il doit y avoir un amont et un aval. Dans certaines directions régionales, il a été dit qu'il n'y avait plus de budget d'accompagnement du jeune placé en extérieur ;

- les associations, lorsqu'il s'agit de jeunes majeurs, ne travaillent plus dans un cadre contractuel (contrairement à ce qui se passe pour les mineurs) ;

- enfin, il faut veiller à la réduction du délai de prise en charge par l'administration de la protection judiciaire. Il peut s'écouler 20-25 jours entre la sortie de chez le juge et la rencontre d'un éducateur. Cette « zone grise » est à risque.


* 87 Le Monde du 27 octobre 2011.

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