D. LA PROTECTION DES DROITS DES PATIENTS : LE REFUS DE TOUTE AVANCÉE

Deux articles avaient été insérés au Sénat à l'initiative des groupes socialiste-EELVr et CRC qui conduisaient à des changements profonds dans la protection des droits des patients. Ils ont été supprimés en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale.

Le premier introduisait la responsabilité sans faute des fabricants de médicaments pour risque de développement ( article 17 bis ).

Aujourd'hui codifiée à l'article 1386-11 du code civil 9 ( * ) , l'exonération de responsabilité pour risque de développement des médicaments, qui apparaît après la mise sur le marché, a été introduite au moment de la transposition de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. En pratique, un fabricant ne peut être responsable du dommage causé par un produit défectueux lorsqu'il lui était impossible, au moment de sa mise en circulation, de déceler l'existence d'un défaut dans sa conception. Aux termes de l'article 15 de la directive, la transposition par les Etats membres de ce point précis est facultative.

Or la jurisprudence française tendait à reconnaître la responsabilité sans faute du producteur pour risque de développement. Il aurait alors été logique de faire le choix de ne pas introduire en droit français l'exonération de responsabilité pour risque de développement. La commission des lois du Sénat s'était d'ailleurs opposée à l'introduction de cette exonération, estimant que cela conduisait à revenir sur une jurisprudence établie et particulièrement protectrice.

Le législateur français a d'ailleurs fait, en 1998, le choix d'utiliser la souplesse permise par l'article 15 de la directive pour que les produits issus du corps humain n'entrent pas dans le champ de l'exonération 10 ( * ) . Il aurait été légitime, compte tenu des risques inhérents à l'utilisation des médicaments, que ceux-ci ne soient pas soumis au régime de responsabilité de droit commun mais plutôt à celui des produits issus du corps humain.

Le second article avait également pour objet de revenir sur les conséquences défavorables pour les victimes d'accidents médicamenteux de la directive de 1985 ( article 17 ter ).

L'article 1386-9 du code civil impose aux victimes d'accidents médicamenteux de prouver « le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ». L'article 17 ter devait permettre d'alléger la charge de la preuve en utilisant la méthode du faisceau d'indices.

Aurait été considérée comme la manifestation d'un effet indésirable :

- toute affection similaire à un effet désirable mentionné dans la notice du médicament ;

- toute affection figurant sur une liste définie par décret en Conseil d'Etat.

Cette méthode du faisceau d'indices est aujourd'hui appliquée par les juges administratif et judiciaire français. La Cour de cassation admet ainsi que le dommage causé par le défaut d'un médicament peut résulter de simples présomptions, pourvu que celles-ci soient graves, précises et concordantes.

Or, l'Assemblée nationale s'est notamment appuyée sur le fait que l'article « ne fixe aucun critère précis pour juger de la présomption de causalité entre l'affection du patient et la prise du médicament » 11 ( * ) pour le supprimer. Cette critique est doublement surprenante : l'objectif de l'article 17 ter était justement d'apporter plus de souplesse dans l'établissement du lien de causalité ; le législateur a cependant utilisé pleinement sa compétence en disposant que la liste d'affections définie par décret en Conseil d'Etat devrait préciser « tous les éléments de nature à établir le dommage et l'implication d'un médicament dans la survenue de ce dernier ».


* 9 Le 4° de l'article 1386-11 du code civil dispose que le producteur est exonéré de la responsabilité du dommage causé par un produit défectueux lorsque « l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ».

* 10 Article 1386-12 du code civil : « Le producteur ne peut invoquer la cause d'exonération prévue au 4° de l'article 1386-11 lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci ».

* 11 Rapport de nouvelle lecture AN n° 3964, fait par Arnaud Robinet au nom de la commission des affaires sociales, p. 47.

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