B. UNE PROPOSITION DE DÉCISION QUI S'INSCRIT DANS UNE VOLONTÉ DE CONSTITUTION D'UNE STRATÉGIE EUROPÉENNE COHÉRENTE D'APPROVISIONNEMENT ÉNERGÉTIQUE

Le Conseil européen du 4 février 2011 a appelé la Commission à présenter une communication sur la sécurité de l'approvisionnement et la coopération internationale dans le domaine de l'énergie.

Il a également invité les États membres à informer la Commission, à compter du 1 er janvier 2012, de tous les accords bilatéraux en matière d'énergie qu'ils ont conclus avec des pays tiers, la Commission devant mettre ces informations à la disposition des autres États membres en tenant compte de la nécessité de protéger les informations sensibles sur le plan commercial 6 ( * ) .

La Commission a, en application de ce mandat, présenté deux textes sur la sécurité d'approvisionnement en énergie le 7 septembre 2011.

1. La communication sur la sécurité de l'approvisionnement énergétique et la coopération internationale

La Commission européenne a d'abord présenté une communication 7 ( * ) sur la sécurité de l'approvisionnement énergétique et la coopération internationale , qui a pour ambition de définir une stratégie globale concernant les relations extérieures de l'Union dans le domaine de l'énergie.

Elle insiste sur la nécessité d'améliorer la coordination entre les États membres dans la définition de priorités claires pour la politique extérieure de l'Union européenne en matière d'énergie.

Il ressort de la consultation publique menée à cette occasion 8 ( * ) que, si la sécurité énergétique de l'Europe doit reposer à titre principal sur les mécanismes de marché et les compagnies, la politique étrangère a également son mot à dire. Ainsi, la coopération est essentielle avec l'Ukraine et la Turquie, qui sont les principaux pays de transit.

Comme l'indiquent toutefois également les résultats de cette consultation, un équilibre doit être atteint entre, d'une part, la volonté de l'Union de parler d'une seule voix et, d'autre part, la liberté de chaque État membre de définir son propre bouquet énergétique et d'établir des liens internationaux stratégiques à cet effet.

Au total , il apparaît que les accords bilatéraux conclus par des États membres avec des États tiers dans le domaine de l'énergie ne prennent pas toujours suffisamment en compte les règles du marché intérieur de l'énergie et les intérêts des autres États membres .

Ce constat justifie une action commune pour garantir une meilleure transparence des accords bilatéraux actuels et à venir, à condition toutefois d'éviter à cette occasion la diffusion trop large d'informations commerciales sensibles. C'est l'objet de la proposition de décision présentée par la Commission européenne.

2. La proposition de décision instituant un mécanisme d'échange d'informations

La Commission a présenté, en même temps que sa communication, une proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme d'échange d'informations sur les accords intergouvernementaux conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie 9 ( * ) .

LES MÉCANISMES D'ÉCHANGE D'INFORMATION EXISTANTS

Le droit de l'Union européen prévoit déjà des mécanismes d'échange d'information, limités à certains secteurs énergétiques :

- s'agissant de l'uranium , le traité Euratom 10 ( * ) a défini une politique commune d'approvisionnement.

L'article 103 de ce traité définit un mécanisme d'information qui prévoit une possibilité de contrôle de la Commission préalablement à la signature des contrats. Les États doivent communiquer à la Commission européenne leurs projets d'accords ou de conventions bilatérales avec un tiers dans le domaine d'application du traité. La Commission peut alors, dans un délai d'un mois, adresser des observations à l'État intéressé si le projet d'accord ou de convention contient des clauses faisant obstacle à l'application du traité Euratom. La Cour de justice de l'Union européenne peut être saisie en urgence pour statuer sur la compatibilité du projet ; sa délibération a force obligatoire pour l'État ;

- s'agissant des contrats d'approvisionnement en gaz naturel , le règlement n° 994/2010 du 20 octobre 2010 11 ( * ) définit dans son article 13 un mécanisme beaucoup moins contraignant d'échange d'informations .

Les États doivent communiquer à la Commission européenne les accords intergouvernementaux signés avec des pays tiers qui ont un impact sur l'évolution des infrastructures gazières et des approvisionnements en gaz. Cette obligation porte sur les accords signés, et n'implique pas une participation de la Commission pendant la phase de négociation.

Des obligations pèsent également sur les entreprises de gaz naturel. Celles-ci doivent notifier à l'autorité de régulation nationale les principales informations intéressant la sécurité d'approvisionnement et comprises dans les contrats que ces entreprises concluent avec des fournisseurs de pays tiers : durée du contrat, volume total par an et par mois, volumes quotidiens maximum prévus par le contrat et points de livraison.

Ces informations ne sont communiquées à la Commission européenne par l'autorité de régulation nationale que sous une forme agrégée et leur confidentialité doit être respectée.

Sur le plan formel, il convient de rappeler qu'une décision se distingue d'une directive par son application immédiate : elle ne requiert pas l'adoption, dans chaque État membre, de mesures de transposition. Par ailleurs, alors que le règlement est de portée générale, la décision peut s'appliquer seulement à certains acteurs : en l'occurrence, la décision s'adresse aux États membres et n'a donc pas d'effet direct sur les personnes privées.

L' article 1 er délimite le champ de la décision , qui porte sur un mécanisme pour l'échange d'informations entre les États membres et la Commission européenne concernant les accords intergouvernementaux.

En principe, les accords intergouvernementaux soumis à une autre procédure spécifique de notification ne sont pas concernés par la présente décision. Toutefois, cette exclusion ne concerne pas les accords relatifs aux infrastructures gazières et aux approvisionnements en gaz , pour lesquels la présente décision s'appliquera : ces accords font actuellement l'objet d'une obligation de notification moins poussée, définie par le règlement n° 994/2010 du 20 octobre 2010 et décrite ci-dessus.

L' article 2 définit les accords couverts par la décision : il s'agit d'accords juridiquement contraignants, conclus entre les États membres et les États tiers, susceptibles d'avoir un impact :

- soit sur la gestion ou le fonctionnement du marché intérieur de l'énergie ;

- soit sur la sécurité de l'approvisionnement en énergie de l'Union.

L' article 3 établit un mécanisme d'échange d'informations entre la Commission européenne et les États membres :

- les États membres doivent notifier à la Commission tous les accords intergouvernementaux existants ou nouveaux, y compris les textes auxquels ils renvoient. La Commission met tous ces documents à la disposition des autres États membres ;

- les États membres informent la Commission des négociations qu'ils entendent engager avec des pays tiers afin de modifier un accord intergouvernemental existant ou d'en conclure un nouveau. La Commission peut, sur sa demande ou celle des autres États membres concernés, participer aux négociations à titre d'observateur.

L' article 4 prévoit qu'un État membre peut demander à la Commission européenne de l'assister durant ses négociations avec un pays tiers.

L' article 5 donne à la Commission européenne la possibilité, de sa propre initiative, d'évaluer la compatibilité avec le droit de l'Union européenne d'un projet d'accord intergouvernemental avant sa signature. Cette évaluation doit être réalisée dans un délai de quatre mois, période pendant laquelle l'État membre concerné ne peut pas signer l'accord.

L' article 6 prévoit que la Commission facilite la coordination entre les États membres, notamment afin de définir des clauses standard permettant de garantir la conformité des futurs accords intergouvernementaux avec le droit européen de l'énergie.

L' article 7 permet aux États membres de demander à la Commission de préserver la confidentialité de certaines informations , notamment de nature commerciale. La Commission doit tenir compte de cette demande. Cette disposition ne dispense pas l'État de la transmission à la Commission de ces informations confidentielles.

L' article 8 prévoit la remise par la Commission d'un rapport sur l'application de la décision, dans un délai de quatre ans.

L' article 9 fixe l' entrée en vigueur de la décision au vingtième jour suivant celui de sa publication.

Enfin, l' article 10 précise que les États membres sont destinataires de la décision. Celle-ci n'a donc pas d'effet juridique direct à l'égard des autres personnes , notamment les sociétés commerciales.

3. L'évolution des discussions au niveau européen

Si le principe du mécanisme d'échange d'information fait consensus, puisqu'il résulte de la demande faite par le Conseil européen du 4 février 2011, les modalités de mise en oeuvre ne font pas l'objet d'une approche commune entre la Commission, le Conseil de l'Union européenne 12 ( * ) et le rapporteur au Parlement européen, M. Kriðjânis Kariòð 13 ( * ) .

La position du Parlement européen lui-même n'est pas encore connue, pas plus que celle de la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie (ITRE), compétente au fond. Il est toutefois certain que les positions des uns et des autres devront évoluer avant de parvenir à un accord, que la présidence danoise souhaite obtenir d'ici au mois de juin.

• La France a exprimé son opposition à l'obligation d'informer la Commission de l'intention de négocier un accord bilatéral ou du déroulement des négociations et à la possibilité, à l'initiative de la Commission, de vérifier la compatibilité au droit européen du projet d'accord.

Cette position sur un point crucial paraît largement partagée au Conseil, tout particulièrement depuis la réunion d'un groupe « Énergie » le 17 janvier. En effet, alors que le projet de décision élaboré en décembre prévoyait encore que les États « devaient » transmettre à la Commission les projets d'accord pour examen, la position semble avoir évolué pour que cette transmission soit facultative.

En revanche, le rapporteur au Parlement européen a proposé une position que l'on peut qualifier de maximaliste . Allant au-delà du texte de la Commission, il propose que celle-ci soit chargée d'un contrôle ex ante en deux étapes, accompagné de recommandations pour éliminer les éventuelles incompatibilités des accords. Les États seraient obligés de suivre ces recommandations, en renégociant si nécessaire l'accord.

• S'agissant de la protection de la confidentialité des informations , en revanche, les positions sont plus proches .

Le Conseil propose que les accords commerciaux ne soient pas du tout soumis à l'obligation de notification. Le rapporteur au Parlement européen souhaite qu'il soit précisé que toute indication marquée comme confidentielle par un État membre ne sera pas communiquée aux autres États, ce qui n'est pas explicite dans le texte de la Commission.

• Enfin, la France s'est également opposée à la création de clauses standards rédigées par la Commission européenne pour de futurs accords intergouvernementaux. Le Conseil, au contraire, reconnaît l'utilité de ces clauses, mais souhaite que leur usage soit facultatif et non obligatoire ; c'est également la position défendue par le rapporteur au Parlement européen. La France paraît donc assez isolée sur cette question , qui n'est toutefois pas, il faut le souligner, la plus importante.


* 6 Conclusions du Conseil européen , 4 février 2011.

* 7 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la sécurité de l'approvisionnement énergétique et la coopération internationale - « La politique énergétique de l'UE: s'investir avec des partenaires au-delà de nos frontières », 7 septembre 2011 (COM(2011) 539 final).

* 8 Results of the public consultation on the external dimension of the EU energy policy , document de travail de la Commission européenne, 7 septembre 2011 (SEC(2011) 1023 final).

* 9 Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme d'échange d'informations sur les accords intergouvernementaux conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie, 7 septembre 2011 (COM(2011) 540 final).

* 10 Traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique , dit traité Euratom.

* 11 Règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel et abrogeant la directive 2004/67/CE du Conseil.

* 12 Voir le projet de décision amendé par le groupe de travail Énergie du Conseil, document 14648/3/11, 6 décembre 2011, procédure 2011/0238(COD).

* 13 Voir le projet de rapport du Parlement européen, présenté le 13 décembre 2011 par M. Kriðjânis Kariòð, procédure 2011/0238(COD).

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