C. LES AUTORITÉS MILITAIRES

Le ministère de la Défense français a été associé à l'élaboration de la Direction de la sécurité aéronautique d'état (DSAÉ), plus particulièrement, la Direction de la circulation aérienne militaire (DIRCAM), l'interlocuteur privilégié de la Direction générale de l'aviation civile pour la gestion du trafic aérien, et de l'armée de l'air pour le besoin des usagers militaires.

Le Commandement des forces aériennes (CFA) a également été associé via sa Brigade aérienne de contrôle et de l'espace (BACE).

Le ministère chargé des transports et le ministère de la défense ont signé, en novembre 2010, un accord cadre Défense-Aviation Civile qui souligne la volonté d'une coopération active dans la mise en oeuvre du ciel unique européen.

Ce ministère a créé un groupe de coordination composé des militaires du FABEC pour s'assurer que le modèle de gouvernance français de gestion de l'espace aérien serait retenu dans le FABEC et veiller à la sauvegarde des intérêts nationaux relatifs au dessin de l'espace aérien et à sa gestion.

D. LES INDUSTRIELS DE L'AÉRONAUTIQUE

L'accord FABEC ne comporte pas de volet industriel, mais des activités de coopération entre prestataires de services pour identifier des marchés de systèmes ou d'équipements pour lesquels des spécifications et acquisitions conjointes peuvent être conclues. C'est le volet « SESAR » 4 ( * ) du Ciel unique européen qui influera sur le marché des équipementiers et industries de systèmes au sol pour la navigation aérienne.

Ce volet technologique a pour objectif de développer une nouvelle génération du système de gestion du trafic aérien européen, sûre et performante, moins coûteuse et respectant les conditions d'un développement durable.

L'entreprise commune SESAR JU a été créée par la Commission européenne en 2007 sous forme d'un partenariat public-privé. Les partenaires sont la Commission Européenne, Eurocontrol ainsi que 15 autres organisations, entreprises ou consortiums (dont Thales, Airbus et la DSNA).

Les contrats de partenariat correspondants ont été signés le 12 juin 2009 pour un montant total de 1 900 M€ sur 7 ans (dont 700 M€ pour la Commission européenne et 700 M€ pour Eurocontrol). La France est un contributeur majeur : la Direction des services de la navigation aérienne (DSNA) réalisera pour 65 M€ de travaux et les industriels Airbus et Thales dont l'État français est l'un des grands actionnaires, participeront respectivement pour 110 M€ et 240 M€.

95% des projets constituants le programme avaient été lancés à l'été 2011.

Le plan directeur européen SESAR est en cours de mise à jour et doit être approuvé par le Conseil d'administration de la SJU, avant la conférence navigation aérienne de l'OACI de novembre 2012.

Les objectifs du programme SESAR :

- restructurer l'espace aérien afin d'augmenter la capacité et d'améliorer l'efficacité globale du système de gestion du trafic aérien

- accroître le niveau de sécurité d'un facteur 10 dans un contexte de doublement du trafic d'ici 20 ans

- diminuer l'impact sur l'environnement de l'activité aérienne

- développer l'efficacité économique du système.

Ce programme SESAR comprend trois phases :

- la phase de définition

Lancée en 2006, elle s'est concrétisée en mai 2008 par la fourniture d'un plan directeur du système européen de gestion du trafic aérien. Ce plan, approuvé par le Conseil de l'Union Européenne, constitue la base des travaux futurs.

- la phase de développement (2008-2014)

Elle est pilotée par une « entreprise commune » créée à cet effet au niveau européen, a pour but de concevoir et valider des standards, des procédures opérationnelles, des nouvelles technologies et des composants préindustriels pour le futur système de gestion du trafic aérien.

- la phase de déploiement (2015-2025)

Elle verra la production et la mise en service progressive des éléments issus des travaux de la phase de développement : une nouvelle infrastructure sol pour la gestion du trafic aérien, ainsi que de nouveaux équipements à bord des avions.

L'entreprise commune SESAR institue un partenariat entre la Communauté Européenne, Eurocontrol et les principaux industriels et opérateurs du secteur :

- prestataires de service de navigation aérienne : DSNA (France), DFS (Allemagne), ENAV (Italie), NORACON (Europe du Nord et Autriche), AENA (Espagne) et NATS (Royaume-Uni) ;

- aéroports : SEAC (consortium formé par six grands aéroports Européens dont Aéroports de Paris), AENA et NORACON ;

- fournisseurs d'équipements sols : Frequentis, Indra, Natmig, SELEX Sistemi Integrati et Thales ;

- fabricants d'avions : Airbus et Alenia Aeronautica ;

- fabricants d'équipements embarqués : Honeywell and Thales ;

Les nouveaux concepts SESAR

La mise en oeuvre de nouvelles technologies facilitant le partage d'informations entre tous les acteurs (opérateurs aériens, aéroports, prestataires de service de navigation aérienne) constituera un axe essentiel des évolutions proposées pour assurer une gestion plus intégrée des vols dans leurs différentes phases, du départ à l'arrivée, ce qui réduira les temps d'attente au sol ou en vol générateurs de consommation et de pollutions excessives.

L'emploi généralisé des systèmes de navigation par satellite (EGNOS et GALILEO) permettra des procédures plus précises, moins bruyantes et plus économes en carburant, telles que des approches et des montées continues et la réduction des survols à basse altitude des zones à forte densité de population.

La valeur ajoutée de SESAR pour la DSNA

En participant au programme SESAR, le prestataire français de services de navigation aérienne (DSNA) a pour objectif d'augmenter la sécurité et la capacité de l'espace aérien et des aéroports tout en réduisant l'impact environnemental (nuisances sonores et émissions de gaz) de l'activité aérienne.

Entre 2009 et 2016, la DSNA mettra en oeuvre des premières améliorations telles que :

- les descentes et montées continues des avions ;

- l'optimisation du roulage au sol ;

- le CDM (Collaborative Decison Making) : prise de décision en collaboration avec tous les acteurs du transport aérien sur les aéroports ;

- l'optimisation du réseau de routes.

A l'horizon 2020 et au-delà, au fur et à mesure que les avions disposeront de nouveaux équipements de bord issus de la phase de développement de SESAR, la DSNA pourra introduire de nouvelles améliorations telles que :

- la gestion optimisée de trajectoires ;

- les séparations embarquées ;

- la redistribution des rôles pilotes/contrôleurs/machines.

A terme, SESAR permettra une gestion du trafic aérien plus efficace, conduisant à une diminution de 10% des rejets de CO 2 , tout en améliorant la performance des services de navigation.

SESAR : le point de vue d'Air-France

Les compagnies aériennes européennes ont depuis l'origine accompagné le projet SESAR mais ont toujours fait part d'une certaine réserve en raison 1) de la lourdeur des investissements envisagés (30 milliards dont 22 pour les compagnies aériennes au sens large (incluant les militaires et l'aviation générale)) 2) du sentiment que ce projet était largement porté par les fournisseurs de systèmes de navigation aérienne qui y voyaient leurs intérêts financiers directs et une "vitrine technologique" 3) enfin plus généralement, de l'image dégradée dont jouissent les services de navigation aérienne auprès d'un certain nombre de Présidents de grandes compagnies européennes.

La Commission a publié le 22 décembre dernier sa communication intitulée "Mécanismes de gouvernance et d'incitation pour le déploiement de SESAR, le pilier technologique du ciel unique européen". Cette communication de la Commission reprend l'idée de confier la gestion du déploiement de SESAR à un consortium industriel qui serait sélectionné dans le cadre d'une procédure d'appel d'offre. A ce stade, la Communication de la Commission a conduit l'AEA et IATA à souhaiter que les usagers de l'espace aérien, les aéroports et les prestataires de services de navigation aérienne soient mieux associés à la gestion du déploiement de SESAR et disposent de droits de veto sur la mise en oeuvre de certains équipements / technologies dès lors que ces derniers n'apporteraient pas de valeur ajoutée claire.

Sur le fond, il apparaît particulièrement important que l'industrie du transport aérien au sens large soit en mesure de se structurer pour former un consortium susceptible de répondre à l'appel d'offres de la Commission, faute de quoi la Commission désignera elle-même un organisme (comme Eurocontrol par exemple) sur lequel les compagnies aériennes n'auront qu'une influence limitée.

S'agissant du financement du projet SESAR, la Commission européenne propose à ce stade de consacrer une somme de 3 milliards d'euros sur la période 2012-2024 (sur un coût total estimé à 30 milliards d'euros). Cette somme de 3 milliards d'euros serait financée dans le cadre du "mécanisme pour l'interconnexion en Europe" qui prévoit un investissement global de 31,7 milliards d'euros pour la modernisation de l'infrastructure de transport en Europe. Ce règlement doit encore faire l'objet d'une adoption par les Etats membres et le Parlement européen.

Cette situation est à comparer avec celle du projet NEXTGEN après l'adoption le 6 février 2012 par le Congrès américain de la Loi intitulée « FAA Modernization and Reform Act ». Le gouvernement américain va ainsi consacrer à ce programme sur la période 2012-2015 une somme de près de 2,7 milliards de dollars par an (soit un total de 10, 8 milliards de dollars) contre 3 milliards d'euros sur la période 2012-2024 en Europe. Par ailleurs, les autorités américaines prévoient la mise en oeuvre de partenariats public-privé afin de financer l'équipement des avions et vont proposer prochainement des mécanismes de nature à inciter les compagnies aériennes à s'équiper au plus tôt de la technologie nécessaire à la mise en oeuvre de NEXTGEN.

Air France soutient-elle le projet SESAR lancé par la Commission européenne ?

La mise en oeuvre du projet SESAR nous semble également un impératif pour l'Union européenne et nous sommes prêts à y prendre notre part en participant activement à un « consortium industriel » réunissant compagnies, aéroports, prestataires de navigation aérienne et qui gérerait le déploiement industriel du projet.

Quelles réflexions vous inspire le schéma de financement retenu pour le projet SESAR ?

Les compagnies aériennes ne seront pas en mesure de financer seules ce projet dont les investissements sont extrêmement lourds. Un financement public du projet reste clé. La somme de 3 milliards d'euros qui est aujourd'hui évoquée pour la phase de déploiement du projet SESAR n'est pas aujourd'hui à la hauteur de ce que les autorités américaines ont décidé de consacrer pour le programme équivalent NEXTGEN avec près de 11 milliards de dollars sur la période 2012-2015.


* 4 Single European Sky Air Traffic Management

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