2. Un système bancaire en développement

Votre rapporteure s'est particulièrement intéressée au système financier, les intermédiaires bancaires constituant des sources privilégiées de l'information demandée dans le cadre de la coopération fiscale.

a) Un système bancaire concentré

Il apparaît que le secteur financier non bancaire demeure peu développé, représentant 18 % du total des actifs du système financier 15 ( * ) . Le secteur des assurances pâtit notamment d'une taxation complexe et d'une réglementation restrictive sur la distribution des produits. Les marchés des actions et des obligations restent également peu développés, en comparaison d'autres pays de la région.

Le marché obligataire est dominé par les titres d'Etat. La participation étrangère est limitée en raison des restrictions constitutionnelles sur l'activité bancaire.

L'essentiel du système financier est donc représenté par les banques . On distingue, les banques universelles 16 ( * ) , les banques commerciales 17 ( * ) les banques rurales 18 ( * ) , les banques d'épargne et les banques gouvernementales spécialisées. Participent également au système financier les sociétés d'investissements et de crédit ( thrift banks ) et les coopératives rurales. Les banques commerciales 19 ( * ) représentent à elles seules près de 88 % du total des actifs bancaires, dont les deux tiers sont détenus par les dix plus importantes d'entre elles 20 ( * ) .

Le secteur bancaire est , en outre, caractérisé par la forte présence des conglomérats , souvent possédés par les « grandes familles » sino-philippines ou hispano-philippines. Environ 60 % des actifs bancaires sont contrôlés par des banques leur appartenant.

Cette caractéristique peut être une source de risque systémique. Selon une estimation du FMI de la vulnérabilité des banques à plusieurs chocs, le risque le plus important proviendrait de la faillite d'un des grands conglomérats qui possède une des grandes banques.

Le mouvement de concentration concerne également le secteur des banques rurales 21 ( * ) . Le régulateur Banco Sentral Ng Pilipinas (BSP) et la « Philippines Deposit Insurance Corporation » ont mis en place en 2010 un programme de renforcement des banques rurales 22 ( * ) afin d'aider celles qui sont prospères à acquérir et restructurer les plus faibles d'entre elles. Ce programme a été renforcé en 2012 (SPRB+) afin de permettre aux banques universelles de participer au mouvement de réorganisation.

Quant aux banques commerciales, elles pourraient connaître le même sort grâce à l'alliance des grands conglomérats philippins pour leur acquisition.

Les banques étrangères ne comptent que pour 11,9 % du total des actifs du système bancaire en raison des restrictions d'investissement. L'étude d'impact précise que « Aucune banque française n'a de licence bancaire aux Philippines, ni n'est actionnaire de banques philippines. BNP Paribas et Crédit Agricole sont uniquement des « offshore banking units » supervisées par la Banque centrale, qui ne peuvent opérer qu'en devises, pas en pesos. Il y a en tout cinq offshore banking units : outre les deux françaises, JP Morgan, Taiwan Cooperative Bank et jusqu'à il y a peu ABN Amro (qui vient de fermer). [...]

Les dépôts en devises des quatre banques offshore actives [restantes] n'étaient en 2010 que de 6 millions de dollars, la quasi-totalité (96 %) de leurs financements (523 millions de dollars) venant de leur maison-mère . »

S'agissant des devises, la dollarisation est « limitée », les dépôts en dollars ne représentant que 21 % des dépôts totaux.

b) Une activité de crédit modeste

L'évolution du crédit demeure modeste . Ce secteur ne représentait aux Philippines que 50 % environ du PIB en 2010, soit l'un des plus faibles de la zone ASEAN. Entre mai 2006 et 2011, le crédit net bancaire n'avait progressé en termes réels que de 24 %, les deux tiers du crédit étant destinés au secteur privé 23 ( * ) .

Ce constat résulte moins d'un manque de liquidité du système bancaire que d'une aversion au risque en raison de la crise asiatique. La demande réduite de crédit était également liée jusqu'en 2010 à la faiblesse de l'investissement privé entravé par les exigences très strictes d'actifs en garantie pesant sur les banques. Ces dernières disposaient donc, en général, d'importants excédents de dépôts sur prêts 24 ( * ) qu'elles plaçaient sur les comptes de dépôts spéciaux 25 ( * ) à la Banque centrale des Philippines (BSP). Un débat s'est ouvert sur une éventuelle baisse des taux de la BSP sur ces comptes afin de relancer l'investissement.

Une évolution favorable au crédit semble cependant se dessiner depuis 2012 à la faveur de la croissance tirée par la consommation et l'investissement privé et public. Depuis le début de l'année, l'activité de crédit s'accélérait à un rythme proche de 15 %.

c) Une régulation satisfaisante

Les indicateurs bilanciels des principales banques philippines sont plutôt satisfaisants . Celles-ci sont peu exposées aux risques de la zone euro. Elles ne détenaient, en fin d'année 2011, que 1,4 % de leurs actifs en Europe, chiffre en forte diminution par rapport à 2010 (2,9 % au début de 2010).

De surcroît, les Philippines ont été peu affectées par les effets de la crise financière internationale de 2009 . Les réformes entreprises au cours des années 1990 ont permis d'assainir les bilans bancaires et d'améliorer la gestion du risque en renforçant la réglementation prudentielle.

L'adoption des principes de Bâle II en 2007 a renforcé les ratios de qualité des actifs. La solvabilité des banques est satisfaisante 26 ( * ) . Le taux des prêts non performants a baissé de dix points entre 2004 et 2010 à 4,3 %.

S'agissant des derniers actifs dits « non performants » , datant de la période précédant 1997, ceux-ci font l'objet d'un traitement spécifique .

En 2002, la Banque centrale a, en effet, été autorisée par la loi 27 ( * ) à créer une structure ad hoc de rachat d'actifs 28 ( * ) afin d'acquérir en « escompte » ces créances bancaires « non performantes ». En juillet 2012, la BSP a instauré une procédure accélérée 29 ( * ) permettant aux banques d'achever le processus d'assainissement de leurs bilans dès 2013. Un accroissement de leur activité de financement de l'économie devrait en résulter.

La régulation de la Banque centrale « BSP »

« En milieu d'année 2012, l'agence de notation Fitch estimait que la régulation de la Banque centrale des Philippines (BSP) était satisfaisante mais devait s'améliorer au regard de deux risques spécifiques au secteur bancaire philippin :

- la concentration des prêts sur quelques grands conglomérats industriels,

- le contrôle très étroit des banques par les mêmes conglomérats.

La régulation est généralement considérée comme étant bien assurée par la Banque centrale des Philippines qui veille à préserver la solidité - et les bons « ratings » - des banques philippines et son Gouverneur est régulièrement considéré comme un des meilleurs d'Asie.

La BSP, de son côté, annonçait en 2012 qu'elle mettrait en vigueur, à compter du 1 er janvier 2014, des ratios bancaires qui iraient au-delà des exigences de « Bâle III ». Le ratio de capital « Tier1 » serait à cette date de 6 % (4,5 % pour Bâle III) et le ratio « Tier1 + conservation buffer » sera de 8,5 % (7 % pour Bâle III).

Le ratio d'adéquation du capital des banques, « capital adequacy ratio » (ou CAR) de la plupart des banques philippines se situait en moyenne en 2011 à 16 % ou 17 %, contre une obligation de 10 % fixée par la BSP.

Enfin, la BSP estime que les banques philippines devraient davantage participer au financement de l'économie en suivant de plus près l'évolution de ses taux directeurs. Elle estime en effet que le « pass through rate » (PTR) de ses derniers ajustements monétaires n'aurait atteint que 75 %. Les banques n'auraient ainsi abaissé leurs taux que de 35 points de base après l'ajustement de 50 points de base de la BSP en janvier et mars 2011, alors qu'en 2010 le PTR avait été de 110 %.

L'agence Moody's a décidé d'améliorer en 2012 les ratings BFSR ( bank financial strenght rating ) des quatre plus grandes banques du pays, BDO (D et Ba2 pour les « foreign currencies deposits »), BPI (D et Ba2 pour les FCDs), LBP (la seule publique des 4, D- et Ba2) et enfin Metro Pacific (D et Ba2). »

Source : Direction de la législation fiscale

Si les ratios de capitalisation et la qualité des actifs bancaires sont bons, leur rentabilité est faible, en raison de la détention d'un grand nombre de titres publics peu risqués.

Le règlement des derniers « actifs non performants » de 1997 ainsi qu'une politique gouvernementale volontariste d'amélioration du cadre des affaires ont permis un développement notable du secteur bancaire dans les derniers mois. Les profits combinés des banques universelles et commerciales locales étaient ainsi en hausse de 23,5 % en 2011, avec des gains de change importants grâce à la montée du peso par rapport au dollar 30 ( * ) .


* 15 Source : NEDA 2011, Agence nationale du développement économique, équivalent d'un ministère du plan.

* 16 Les banques universelles sont des conglomérats financiers ayant une activité globale de banques de détail, de banques de financement et d'investissement et de banque de gestion d'actifs .

* 17 Une banque commerciale collecte les ressources du public, principalement par le biais des dépôts sur les comptes bancaires et octroie des crédits notamment aux entreprises. Elle se distingue des banques d'affaires.

* 18 Les banques rurales sont régies par une loi de 1992. Elles sont définies en fonction de leur clientèle cible (fermiers, pêcheurs, commerçants ayant de faibles besoins financiers).

* 19 Les trois plus grandes banques locales en 2011 étaient Bank of the Philippines Island (BPI), Metro Bank Trust et Banco de Oro (BDO). En milieu d'année 2012, la BDO était toutefois en tête par le total de ses actifs (1,185 TPesos soit 22,8 milliards de dollars US environ) et avait été élue meilleure banque de détail des Philippines par le centre de recherche indépendant « Asian banker » de Singapour.

* 20 Source : FMI, 2010.

* 21 A fin 1997, on comptait 809 banques rurales dans le pays ; parmi elles, une partie (51) étaient détenues par des organisations coopératives. On n'en dénombrait plus que 647 en décembre 2010. La loi impose que la propriété du capital de ces établissements soit détenue par des citoyens ou des organisations nationales. Le capital minimum est faible, de 2 à 20 millions de pesos philippins.

* 22 Le « Strenghtening Program for Rural Banks » (SPRB) doté d'un montant de 5 milliards de pesos (près de 100 millions de dollars US).

* 23 Les activités de prêts bancaires sont principalement tournées vers le marché domestique et sont destinées aux conglomérats. Les prêts aux PME sont peu développés. Depuis dix ans, les crédits à la consommation progressent toutefois. Hors secteur financier, le portefeuille de prêts des banques est principalement dirigé vers les secteurs de l'immobilier, les activités industrielles et commerciales, la construction puis l'agriculture.

* 24 Le ratio prêts/dépôts était encore de 70 % en moyenne en 2011.

* 25 Il s'agit de « special deposits accounts » ou SDAs. Ceux-ci constituent des « fix term deposit » (7 jours, 14 jours et 1 mois) créés en 1998 et qui ont un « Price Earning Growth » sur le taux d'emprunt « overnight » de la BSP de 4 % actuellement. Les montants placés sur les SDAs s'élevaient ainsi à 37,2 milliards de dollars en avril 2012, soit près de 17 % du PIB.

* 26 La solvabilité mesurée à travers le ratio de capital sur actifs pondérés est correcte.

* 27 Republic Act 9182 du 23 décembre 2002 «A ct granting tax exemptions and fee privileges to special purpose vehicles which acquire or invest in non-performing assets, setting the regulatory framework therefore, and for other purposes ».

* 28 Il s'agit, en l'espèce, de « special purpose vehicles » (ou SPV).

* 29 Procédure dite « fast track ».

* 30 La majorité des fonds récoltés par les banques en 2011 était constituée de comptes d'épargne et de comptes à terme placés à 90 % dans les plus grandes banques du pays. Au premier trimestre 2012, les profits s'élevaient à 30,45 milliards de pesos (585 millions de dollars), en hausse de 41 % par rapport à la même période de 2011.

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