EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a fait l'objet de multiples difficultés soulevées par la mise en oeuvre des dispositions régissant l'achèvement et la rationalisation de la carte intercommunale. Afin de répondre aux inquiétudes exprimées par les élus locaux et les associations nationales d'élus, votre Haute Assemblée a adopté la proposition de loi n° 793 (2010-2011) de notre collègue Jean-Pierre Sueur, afin de « préserver les mandats en cours des délégués des EPCI menacés par l'achèvement de la carte de l'intercommunalité », pour reprendre son intitulé. A l'initiative de votre rapporteur d'alors, Alain Richard, votre commission puis le Sénat en séance publique avaient adopté un certain nombre de correctifs destinés à améliorer les dispositions relatives à l'achèvement de la carte intercommunale.

La majorité de ces dispositions a ensuite été reprise dans la proposition de loi de notre collègue député Jacques Pélissard, adoptée par le Sénat le 20 février 2012, et devenue la loi du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale.

Toutefois, certaines dispositions insérées à l'initiative de votre commission dans la proposition de loi de M. Sueur n'ont pu faire l'objet d'un accord avec l'Assemblée nationale. Il s'agissait des dispositions permettant d'assouplir les règles prévues par la loi du 16 décembre 2010 sur le nombre de délégués communautaires au sein d'un établissement public de coopération intercommunale. La loi prévoit un cadre rigide, qui laisse peu de place à l'accord local, contraire à l'esprit même de l'intercommunalité, comme l'avaient relevé plusieurs de nos collègues, lors des débats parlementaires, en 2010. L'application de ces nouvelles dispositions ne permet pas toujours de prévoir une représentation politique qui reflète le poids démographique des communes, ce que regrettent aujourd'hui les élus locaux, qui demandent à « faire confiance à l'intelligence territoriale ».

Afin de répondre aux attentes des élus en la matière, notre Haute Assemblée est aujourd'hui saisie, à la demande du groupe socialiste, de la proposition de loi n° 754 (2011-2012), déposée par notre collègue Alain Richard le 10 septembre 2012. L'objectif de cette proposition de loi est de permettre une transition souple entre les dispositions antérieures à la loi du 16 décembre 2010, plus permissives, et celles qui entreront en vigueur lors du prochain renouvellement communal, prévu en mars 2014, plus rigides et reposant sur un tableau. Plus précisément, elle propose de revenir sur les règles limitatives de représentation des communes au sein de l'organe délibérant des communautés de communes et d'agglomération ainsi que sur le plafonnement du nombre de vice-présidents.

L'adoption de cette proposition de loi s'inscrit dans un contexte d'urgence. En effet, certain accords ont pu être trouvés ou sont en cours d'être finalisés, dans le cadre de l'évolution des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale. Les règles de composition doivent être stabilisées rapidement. C'est pourquoi cette proposition de loi, qui apporte la souplesse réclamée par les élus locaux et les associations nationales d'élus, doit être adoptée dans les plus brefs délais afin de répondre aux inquiétudes exprimées sur le terrain.

I. L'AMÉLIORATION DU PILOTAGE DE L'ACHÈVEMENT DE LA CARTE INTERCOMMUNALE

La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales 1 ( * ) a prévu l'adoption des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) permettant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, avant le 31 décembre 2011. Toutefois, plusieurs difficultés sont apparues qui ont nécessité l'adoption de la loi du 29 février 2012 2 ( * ) , reprenant plusieurs dispositions de la proposition de loi 3 ( * ) de notre collègue, Jean-Pierre Sueur, adoptée par le Sénat à l'automne 2011. Reste qu'aucun accord n'a pu être trouvé sur les dispositions relatives à la représentation des communes au sein des groupements qui demeure, à ce jour, toujours problématique.

A. LES AMÉLIORATIONS APPORTÉES EN MATIÈRE D'ACHÈVEMENT DE LA CARTE INTERCOMMUNALE

1. Les principes directeurs de l'achèvement de la carte intercommunale : compléter et rationaliser les intercommunalités

Les règles régissant l'achèvement de la carte intercommunale résultent de l'article 35 de la loi du 16 décembre 2010, aujourd'hui codifié à l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales. Les SDCI sont les instruments de ce processus de rationalisation et d'achèvement de la carte intercommunale et poursuivent une double vocation :

- permettre une couverture intégrale du territoire par les EPCI à fiscalité propre et la suppression des enclaves et des discontinuités territoriales ;

- prévoir les modalités de rationalisation des périmètres des autres EPCI et des syndicats mixtes existants par création, extension, transformation ou fusion de ceux-ci.

Six orientations ont été fixées au schéma pour atteindre les objectifs poursuivis :

- la constitution d'EPCI à fiscalité propre regroupant au moins 5 000 habitants. Toutefois, deux tempéraments ont été retenus à cette obligation : elle ne s'applique pas aux EPCI situés en zone de montagne, même partiellement, et le préfet peut y déroger « pour tenir compte des caractéristiques particulières de certains espaces », liées à leur insularité, leur faible densité démographique, etc. ;

- l'amélioration de la cohérence spatiale des EPCI à fiscalité propre en tenant compte du périmètre des unités urbaines, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale (SCOT) ;

- l'accroissement de la solidarité financière ;

- la réduction du nombre de syndicats de communes et de syndicats mixtes, avec notamment la suppression des « doubles emplois entre des EPCI ou entre ceux-ci et des syndicats mixtes » 4 ( * ) ;

- le transfert des compétences exercées par les syndicats à un EPCI à fiscalité propre ;

- la rationalisation des structures compétentes en matière d'aménagement de l'espace, de protection de l'environnement et de respect des principes du développement durable.

2. Les difficultés liées à la mise en oeuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale

Sans entrer dans le détail des dispositifs prévus par la loi du 16 décembre 2010 qui ont été abordés par notre collègue Alain Richard dans ses deux rapports consacrés à la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur et la loi du 29 février 2012 5 ( * ) , votre rapporteure rappelle seulement que l'application de cette loi a été génératrice de blocages et de réticences, qui ont permis d'expliquer l'échec de la concertation dans trente-trois départements.

Tout d'abord, aux termes du calendrier prévu par la loi, les commissions départementales de coopération intercommunale n'ont disposé, au mieux, que d'un délai de quatre mois pour modifier les projets de schémas qui leur ont été présentés avant de les adresser pour avis, en mai et juin 2011, aux collectivités concernées.

Ensuite, de nombreuses incertitudes étaient perceptibles quant au sort réservé à certaines compétences de proximité , dont l'exercice au niveau intercommunal était mis en danger par deux des orientations assignées aux SDCI :

- la fixation du seuil minimal de 5 000 habitants pour la mise en place d'un EPCI à fiscalité propre ;

- la réduction du nombre de syndicats de communes et de syndicats mixtes, appelés à disparaître au profit des EPCI à fiscalité propre.

De nombreuses compétences sont assurées par des groupements de petite taille ou par des syndicats. L'augmentation du nombre de communes membres d'une intercommunalité, liée à l'élargissement des périmètres, peut rendre complexe la gestion de ces compétences par le nouvel établissement et le dissuader de les adopter dans le cas où une petite communauté en rejoint une autre plus urbaine.

Enfin, de nombreux changements substantiels ont été apportés aux règles régissant la composition des conseils communautaires des EPCI et le nombre de vice-présidents . Les nouvelles règles de plafonnement du nombre des membres des organes délibérants s'appliquent immédiatement à l'ensemble des EPCI subissant, en 2012-2013, une modification de leur périmètre, sous l'effet du processus de rationalisation de la carte intercommunale. Or, le plafonnement immédiat du nombre de délégués communautaires et de vice-présidents a conduit fréquemment à la cessation anticipée des mandats des représentants des communes, notamment les plus petites, à l'origine de nombreuses tensions sur le terrain et déstabilisant la gouvernance des EPCI.

3. Les améliorations apportées par la loi du 29 février 2012

Afin de remédier à ces difficultés, le Sénat a adopté la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur, visant à « préserver les mandats en cours des délégués des EPCI menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité ». La loi du 29 février 2012, issue d'une proposition de loi de notre collègue député, Jacques Pélissard, comporte de nombreuses dispositions identiques, sur le fond, à celles adoptées par la proposition de loi de M. Sueur.

Là encore, sans entrer dans le détail des différentes dispositions adoptées par le Parlement, votre rapporteure se bornera à rappeler les principales améliorations qui ont permis d'assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale. Ainsi, la loi a :

- maintenu les mandats en cours des délégués intercommunaux ;

- renforcé les droits accordés aux suppléants de ces délégués et conforté leur statut.


* 1 Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

* 2 Loi n° 2012-281 du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale.

* 3 Proposition de loi n° 793 (2010-2011) tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité.

* 4 4° du III de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales.

* 5 Rapports n° 67 (2011-2012) et n° 367 (2011-2012) de M. Alain Richard, faits au nom de la commission des Lois. Ces rapports sont consultables aux adresses suivantes : http://www.senat.fr/rap/l11-067/l11-067.html et http://www.senat.fr/rap/l11-367/l11-367.html

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