ANNEXE 1 CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LES AMBASSADEURS THÉMATIQUES

M. Richard Yung, rapporteur spécial

Lors des derniers débats budgétaires, le Sénat a eu l'occasion de se pencher à plusieurs reprises sur la question des « ambassadeurs thématiques ». Un amendement de réduction de 13 millions des crédits du programme 105, motivé par ses auteurs (dont la première signataire était notre collègue Nathalie Goulet) par la volonté de supprimer l'ensemble de ces postes, a même été adopté par notre assemblée lors de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative. Il a ensuite été supprimé par la commission mixte paritaire, qui a majoritairement considéré que le coût réel des ambassadeurs thématiques n'était pas réellement connu et que, dès lors, l'amendement sénatorial risquait de peser lourdement sur l'exécution du programme.

C'est dans ce contexte que votre rapporteur spécial a souhaité faire le point sur la question , dans le cadre de ses travaux de contrôle budgétaire et conformément aux dispositions de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux finances publiques (LOLF).

Il a rencontré à plusieurs reprises l'administration centrale du ministère ainsi que six ambassadeurs thématiques et s'est fait communiquer les éléments financiers et opérationnels concernant chaque ambassadeur.

In fine, si l'enjeu financier de cette question est à relativiser fortement, le Parlement doit manifester sa vigilance sur le sujet afin de prévenir tout risque de dérive.

I. DES MISSIONS ET DES PROFILS DIVERS

A. LES AMBASSADEURS THÉMATIQUES : UN MONDE HÉTÉROCLITE

En premier lieu, qui sont les ambassadeurs thématiques ?

Les tableaux suivants dresse la liste des 28 postes existant actuellement en détaillant le statut de son titulaire et le montant des frais exposés par le MAE en 2011 pour ce qui le concerne.

Panorama des postes d'ambassadeurs thématiques existants

Fonction

Nom du titulaire

Statut du titulaire

Montant de crédits pris en charge par le MAE pour le poste en 2011 (en euros)

Dépenses de rémunération

Frais de mission

Frais de représentation

Ambassadeur pour les droits de l'homme

François Zimeray

Avocat

161 831

29 092

4 496

Ambassadeur délégué à l'environnement

Jean-Pierre Thébault

CAEHC 6 ( * )

-

51 728

-

Ambassadeur chargé de promouvoir la cohésion sociale

Gilles de Robien

Ancien ministre

-

-

-

Ambassadeur chargé du processus euro-méditerranéen

Serge Telle

CAEHC

-

-

-

Ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'Océan indien

Philippe Leyssene

Contrôleur général des armées

13 220

-

-

Ambassadeur chargé de la bioéthique et de la responsabilité sociale des entreprises

Michel Doussin

MP 7 ( * ) 2

12 741

1 038

Ambassadeur chargé de la lutte contre la criminalité organisée

Olivier Weber

Journaliste

145 507

15 582

1 557

Ambassadeur chargé de la coopération décentralisée avec l'Asie

Jacques Valade

Ancien ministre

17 648

Ambassadeur délégué aux investissements internationaux 8 ( * )

David Appia

Conseiller économique hors classe

Rattachement à la direction générale du Trésor

Ambassadeur chargé des relations avec la société civile

Régis Koetchet

MP 1

-

10 804

-

Ambassadeur chargé de la négociation internationale pour les pôles arctique et antarctique

Michel Rocard

Ancien Premier ministre

47 286

32 379

-

Ambassadeur chargé de l'audiovisuel extérieur

Louis de Broissia

Ancien sénateur

-

492

-

Ambassadrice déléguée à la science, la technologie et l'innovation

Catherine Bréchignac

Directrice de recherche au CNRS

Prise en charge partagée entre le CNRS et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche

Ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de la communauté du Pacifique

Hadelin de la Tour du Pin Chambly de la Charce

MP 1

-

-

-

Ambassadeur pour les commissions intergouvernementales, la coopération et les questions frontalières

Frédécric Basaguren

CAEHC

-

3 133

94

Ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique

Serge Lepeltier

Ancien ministre

Prise en charge par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Ambassadeur chargé du partenariat oriental de l'Union européenne et de la Mer Noire

Serge Smessow

MP 2

-

5 970

-

Ambassadeur chargé de la préfiguration de l'Office méditerranée de la jeunesse

Poste vacant

-

-

-

-

Ambassadeur chargé de l'adoption internationale

Thierry Fraysse

CAEHC

-

1 078

-

Ambassadeur, co-président du Groupe de Minsk

Jacques Faure

MP 1

-

-

-

Ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane

Fred Constant

Professeur des universités

128 492

-

-

Ambassadeur chargé de la lutte contre le VIH-SIDA et les maladies transmissibles

Mireille Guigaz

MP 2

-

17 516

263

Ambassadeur, secrétaire général de la commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel

Philippe Delacroix

CAEHC

-

761

-

Ambassadeur, chargé de la mobilité externe des cadres du MAE

Didier Lopinot

MP 2

-

-

-

Ambassadeur délégué pour le Sahel

Jean Félix-Paganon

MPHC

-

3 235

-

Ambassadeur chargé du suivi de la renégociation des accords de défense franco-africains

Elisabeth Barbier

MP 1

-

2 157

142

Ambassadeur chargé des questions économiques de reconstruction et de développement

Pierre Duquesne

Administateur
du Trésor

-

31 949

-

Ambassadeur chargé des questions migratoires

Patrick Roussel

MP 2

-

428

-

Source : ministère des affaires étrangères

Ce tableau montre une grande diversité de situations .

Diversité statutaire tout d'abord : seize ambassadeurs sur vingt-huit sont des agents du Quai d'Orsay, le profil des autres titulaires variant entre la politique, d'autres administrations et des fonctions du secteur privé.

Diversité des dossiers ensuite :

- une douzaine d'ambassadeurs ont des fonctions liées à une zone géographique , avec des problématiques parfois proches de celles des ambassadeurs classiques. Tel est, par exemple, le cas des ambassadeurs chargés de la coopération régionale dans une zone donnée, où la France est présente du fait de ses territoires ultramarins ;

- d'autres se voient confier un dossier thématique véritablement transversal (comme la lutte contre la criminalité organisée) ;

- certains profils enfin, correspondent à un poste de direction d'un service central du ministère - le titre d'ambassadeur venant alors comme un simple élément de valorisation. Tel est notamment le cas des ambassadeurs chargé de l'adoption internationale, ou encore chargé de la mobilité externe des cadres du MAE.

B. UN ENJEU BUDGÉTAIRE RÉDUIT

Cet examen amène votre rapporteur spécial à relativiser l'enjeu budgétaire lié aux ambassadeurs thématiques .

La somme totale engagée en 2011 par la mission « Action extérieure de l'Etat » pour l'ensemble des 28 postes du tableau précédent n'atteint pas 725 000 euros 9 ( * ) :

- 613 000 euros pour le programme 105;

- 111 000 euros pour le programme 185;

- et 2 000 euros pour le programme 151.

L'explication tient avant tout au très faible montant des crédits de rémunération , la plupart des ambassadeurs étant :

- soit des fonctionnaires du Quai d'Orsay qui perçoivent alors un traitement correspondant à leur corps d'emploi et à leur grade (qu'ils percevraient dans toute autre position d'activité, sans prime attachée au titre d'ambassadeur) ;

- soit des personnalités extérieures travaillant la plupart du temps à titre bénévole (même si un secrétariat peut leur être partiellement ou spécifiquement affecté).

Les frais de mission et de représentation apparaissent également tenus.

Il convient donc de démythifier le niveau de la « manne » que l'on pourrait retirer de la suppression des ambassadeurs thématiques, ces postes n'étant, au total, pas des centres de coût extraordinaires.

A cet égard, la position définitive prise par le Parlement lors de l'examen de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 précitée paraît sage, un retrait de 13 millions d'euros au-delà du milieu de l'année au programme 105 étant de nature à poser de redoutables problèmes d'exécution budgétaires que la suppression de l'ensemble des postes d'ambassadeurs thématiques n'aurait pu gager, loin de là.

Pour autant, il est légitime que le Parlement exerce sa vigilance sur ce type de postes.

II. UNE VIGILANCE PARLEMENTAIRE À MAINTENIR

A. DES CONDITIONS DE NOMINATION DES AMBASSADEURS THÉMATIQUES PARFOIS DISCUTABLES

En premier lieu, les conditions de nomination des ambassadeurs thématiques apparaissent discutables.

En effet, aux termes du troisième alinéa de l'article 13 de la Constitution, « les ambassadeurs et envoyés extraordinaires (...) sont nommés en Conseil des Ministres ».

Or, les travaux de votre rapporteur spécial l'ont amené à constater que cette règle n'est pas systématiquement respectée. Les ambassadeurs suivants ont ainsi été nommés par une simple « note de service » du MAE :

- ambassadeur chargé de la bioéthique et de la responsabilité sociale des entreprises ;

- ambassadeur chargé de la coopération décentralisée avec l'Asie ;

- ambassadeur chargé des relations avec la société civile ;

- ambassadeur pour les commissions intergouvernementales, la coopération et les questions frontalières ;

- ambassadeur en charge du partenariat oriental de l'Union européenne et de la Mer Noire ;

- ambassadeur chargé de la mission de préfiguration de l'Office méditerranéen de la jeunesse (poste vacant, tous les titulaires successifs l'ont été par cette voie) ;

- ambassadeur, co-président du Groupe de Minsk ;

- ambassadeur, secrétaire général de la commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel ;

- ambassadeur, chargé de la mobilité externe des cadres du MAE ;

- ambassadeur délégué pour le Sahel ;

- ambassadeur chargé du suivi de la renégociation des accords de défense franco-africains ;

- ambassadeur chargé des questions économiques de reconstruction et de développement ;

- ambassadeur chargé des questions migratoires.

Même s'il n'existe pas de jurisprudence constitutionnelle permettant de savoir si la Constitution ne vise que les ambassadeurs « classiques », chefs d'une mission diplomatique, les gouvernements successifs ne semblent pas avoir toujours respecté la forme de nomination qui s'impose .

B. UNE TENTATION RÉCURRENTE DE L'EXÉCUTIF QUI DOIT CONDUIRE LE PARLEMENT À MANIFESTER SA VIGILANCE

Cette relative légèreté sur la forme n'est pas anodine , le titre d'ambassadeur ne devant pas être galvaudé.

Elle peut aussi être la traduction de conditions véritablement particulières de nomination, votre rapporteur spécial ayant ainsi entendu tel ou tel titulaire d'une de ces fonctions reconnaître que sa propre nomination relevait du « fait du prince », indépendamment de toute utilité identifiée de sa fonction au sein du ministère, et parfois à l'encontre de la volonté du ministre lui-même.

Même si votre rapporteur spécial a pu constater que chaque ambassadeur effectue un travail après avoir reçu une lettre de mission et en rend compte au travers d'un rapport d'activité, de telles conditions de nomination ne sauraient être cautionnées , quand bien même elles constituent une tentation quasi permanente pour l'exécutif.

Il est donc sain que le Parlement manifeste sa vigilance , ne serait-ce que pour garantir que la création de chaque poste et la nomination de chaque titulaire seront débattues comme il convient.

C'est pourquoi il semble opportun de déposer un amendement de réduction de crédit, d'un montant relativement modique, mais qui imposera au Gouvernement de reformater le nombre d'ambassadeurs thématiques , qui peut clairement être réduit.


* 6 Conseiller des affaires étrangères hors classe.

* 7 Ministre plénipotentiaire ; le chiffre ou les deux lettres qui suivent précisent le grade.

* 8 Aux termes de l'article 3 du décret n° 2001-1091 du 21 novembre 2001 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), le président de l'Agence est également ambassadeur délégué aux investissements internationaux.

* 9 Les frais de M. Duquesne, ambassadeur chargé des questions économiques de reconstruction et de développement, sont en partie déversés sur le programme 209 de la mission « Aide publique au développement ».

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