2. Un système éducatif qui a échoué à garantir l'égalité des chances

Début octobre 2012, la Cour des comptes a transmis à votre commission des finances deux référés relatifs à l'égalité des chances dans l'enseignement scolaire 2 ( * ) . Dans le premier, la Cour s'interroge sur l'adéquation des moyens mis en oeuvre entre les académies et les établissements afin d'assurer cette égalité ; dans le second, elle élargit la question à l'ensemble des politiques publiques interministérielles. La problématique commune à ces deux documents conduit à les analyser conjointement.

Reprenant les résultats des enquêtes menées au niveau international, la Cour rappelle d'abord que le système scolaire français est - plus que d'autres - inégalitaire en termes de résultats des élèves. Fondée sur l'étude de quatre académies (Aix-Marseille, Créteil, Dijon et Rennes 3 ( * ) ), son analyse apporte un éclairage supplémentaire : non seulement le système éducatif ne corrige pas les inégalités de départ, mais il contribue même à les renforcer .

Forte de ce constat, la Cour s'est penchée sur les politiques mises en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés par la loi en termes d'égalité des chances et de réussite de tous les élèves. Elle observe une absence de corrélation entre les difficultés scolaires sur le terrain et les moyens d'enseignement alloués par le ministère de l'éducation nationale , voire, parfois, des situations paradoxales : des établissements confrontés à un échec scolaire important peuvent être moins bien dotés que des établissements qui ont des taux de réussite plus élevés.

Ce constat est la conséquence du mode d'allocation des moyens mis en oeuvre par le ministère. Les critères pris en compte, tels l'appartenance à une zone rurale ou urbaine, la catégorie socioprofessionnelle moyenne des familles, la proportion de minima sociaux parmi les parents, sont largement inadaptés aux objectifs assignés au système éducatif. En outre, le niveau d'agrégation retenu, c'est-à-dire l'académie, est trop large pour permettre la prise en compte directe des difficultés scolaires.

D'une manière générale, la Cour déplore le manque de transparence des modèles d'allocation des moyens , puisqu'il n'est pas possible de calculer les dotations qui seront accordées aux académies en appliquant des critères explicites. En définitive, la dotation globale horaire par élève est davantage corrélée à la taille de l'établissement qu'aux difficultés scolaires des élèves .

La Cour appelle donc à repenser la politique d'éducation prioritaire afin de dépasser la forte inertie actuelle dans la répartition des moyens. Recenser précisément les besoins des élèves et mieux y répondre suppose de mener une analyse plus fine, au niveau des bassins de formation. Mieux assurer l'égalité des chances passerait également par une redéfinition de la carte des formations, une sectorisation mieux orientée vers la mixité sociale et scolaire et une politique d'éducation prioritaire plus concentrée sur les établissements à forte difficulté scolaire .

La Cour formule les mêmes recommandations dans son analyse de l'ensemble des politiques publiques interministérielles : les raisonnements en moyenne ayant échoué, il convient de choisir des critères directement liés aux politiques mises en oeuvre , c'est-à-dire, au cas d'espèce, les résultats scolaires .

Réagissant à la publication du référé propre à l'enseignement scolaire, le ministre de l'éducation nationale a mis en garde contre la tentation d'allouer les moyens scolaires selon les résultats obtenus, qu'il juge non pertinente, car signifiant « une relation mécanique et linéaire entre amélioration des moyens et performance scolaire ». Il renvoie la question de la refonte du système d'allocation des moyens aux débats en cours sur la refondation de l'école.

La redéfinition de la politique de la ville devrait constituer, pour le Premier ministre, le support naturel pour « mettre en synergie toutes les politiques portées localement par l'Etat et par les collectivités territoriales, pour construire un véritable projet de territoire, cohérent et transversal ».

La question de l'adéquation des moyens mis en oeuvre aux objectifs assignés au système éducatif est au coeur de la démarche de la refondation de l'école. Même si une vision mécaniste de l'allocation des ressources ne saurait constituer une réponse aux graves insuffisances de l'action publique de promotion de l'égalité des chances, cette dernière doit être replacée au coeur de la politique éducative des prochaines années.


* 2 Documents du 3 octobre 2012 disponibles sur le site de la Cour des comptes : www.ccomptes.fr/Actualites/A-la-une/Egalite-des-chances-et-repartition-des-moyens-dans-l-enseignement-scolaire.

* 3 Ces quatre académies regroupent près de 20% des élèves de l'enseignement primaire comme de l'enseignement secondaire.

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