LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

I. MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a modifié les crédits de la mission.

1. À titre reconductible

Les députés ont adopté un amendement du Gouvernement minorant de 6,290 millions d'euros en AE et CP les crédits de la mission, afin de gager les ouvertures de crédits opérées lors de la discussion de la seconde partie.

Cette minoration se répartit ainsi :

- une diminution de 950 000 euros en AE et CP sur le programme 110 « Aide économique et financière au développement » ;

- une baisse de 5 340 000 euros en AE et CP sur le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

2. À titre non reconductible

L'Assemblée nationale a adopté une majoration de crédits destinée à abonder, à titre non reconductible et conformément au souhait exprimé par sa commission des finances, de 448 100 euros en AE et en CP le plafond de la mission « Aide publique au développement ».

Ces crédits ont été intégralement imputés sur le programme « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

3. Le solde de ces modifications des crédits

Le solde de ces modifications sur la mission « Aide publique au développement » aboutit à réduire, globalement, les crédits de 5 841 900 euros .

II. COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS »

Les dotations du compte de concours financiers n'ont pas été modifiées par l'Assemblée nationale.

III. ARTICLE 62

L'article 62 a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 15 novembre 2012, sous la présidence de M. Albéric de Montgolfier, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement » (et article 62) et sur le compte de concours financier « Prêts à des Etats étrangers » .

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - S'agissant des grandes tendances internationales en 2011, les apports nets d'aide publique au développement se sont élevés à environ 133 milliards de dollars, soit une diminution de 2,7 % en monnaie constante par rapport à 2010, essentiellement expliquée par les contraintes budgétaires qui pèsent sur de nombreux Etats membres du comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. Les contributions de l'Espagne, de la Grèce et du Japon, en dollars constants, ont baissé respectivement de 32,7 %, de 39,3 % et de 10,8 %. Les États-Unis demeurent le premier pays donateur suivi de l'Allemagne, du Royaume-Uni et de la France. En pourcentage de leur revenu national, arrivent en tête la Suède, la Norvège, le Luxembourg, le Danemark puis les Pays-Bas, la France se classant dixième, avec un ratio de 0,46 % quand l'effort des pays du CAD est de 0,31 %. Je rappellerai qu'en 2002, la conférence de l'ONU à Monterrey avait fixé un objectif de 0,7 % et qu'en 2005, les Etats de l'Union européenne membres du CAD avaient défini un objectif intermédiaire de 0,51 %. Les objectifs ne sont donc pas respectés.

En ce qui concerne l'APD française, celle-ci dépasse le strict cadre de la mission : aux crédits de celle-ci s'ajoutent ceux de l'ensemble des missions budgétaires concourant à l'aide au développement, les opérations de prêts, la part de la contribution de la France au budget de l'Union européenne qui contribue à l'aide au développement, les autres crédits publics ou encore les financements innovants.

Nous avons régulièrement émis des réserves sur le périmètre des dépenses d'APD prises en compte. La Cour des comptes, dans son rapport de juin dernier, a d'ailleurs émis les mêmes critiques. Sont ainsi comptabilisés l'aide versée à Wallis-et-Futuna ou les frais d'écolage des étudiants venant de pays en développement ; à l'inverse, certaines dépenses, telle la dépense fiscale en faveur des dons aux organisations de solidarité internationale, ne sont pas comptabilisées.

Sur un montant total d'APD française de 9,8 milliards d'euros en 2013, les ressources budgétaires représentent 7,3 milliards d'euros répartis entre plus de dix-huit programmes, dont les deux de la mission « Aide publique au développement ». Celle-ci représente 41 % des crédits budgétaires et 31 % des dépenses totales. La contribution des opérations de prêts pour 2013 est évaluée à 67 millions d'euros et celle des annulations de dettes à 896 millions. L'aide publique au développement financée à travers le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne s'établit à 967 millions, les financements innovants à 254 millions d'euros et les autres crédits publics à 291 millions. Selon les prévisions annexées au présent projet de loi de finances, notre APD atteindrait 10,9 milliards d'euros en 2015. La réalisation de celles-ci reste cependant liée au calendrier des traitements de dettes dans le cadre du club de Paris, lui-même soumis à de multiples incertitudes.

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - L'on parle souvent des financements innovants destinés à apporter à la politique de développement des ressources stables. La France a mis en place, dès 2005, à l'initiative du Président Chirac, la contribution de solidarité sur les billets d'avion. Nous nous réjouissons de son succès : sans impact négatif sur le trafic aérien ou le tourisme, elle a drainé depuis sa création 951 millions d'euros, pour financer l'accès aux vaccins et aux médicaments. Je songe notamment au fonds sida qui a pu bénéficier de ce financement.

Dans le prolongement de cette contribution, le projet de loi de finances prévoit d'affecter au fonds de solidarité pour le développement (FSD) 10 % du produit de la taxe sur les transactions financières, dont le produit attendu s'élève à 1,6 milliard d'euros, soit 160 millions d'euros pour le développement. Je dois tout de même souligner que les premiers encaissements laissent présager un montant inférieur.

Cependant, l'article 26 plafonne à 60 millions d'euros le montant affecté au FSD. Yvon Collin et moi-même regrettons ce plafonnement, car seuls 3,75 % du produit de la taxe iront financer l'aide publique au développement. Nous sommes très loin de l'objectif initial ! Nous proposerons au Sénat, en notre nom propre, un amendement de déplafonnement.

Nous espérons en revanche que cette affectation incitera d'autres pays à suivre cette voie, notamment en Europe. La Commission a présenté en septembre 2011 une proposition en ce sens. Fin juin, il n'y avait pas consensus, notamment en raison de la voix discordante du Royaume-Uni. Cette taxe pourrait néanmoins voir le jour, sous la forme d'une coopération renforcée, à onze voire douze pays, conformément aux termes du pacte pour la croissance et l'emploi conclu lors du sommet européen de juin. Une partie des recettes pourrait être affectée aux politiques de développement, comme l'a souhaité le Parlement européen.

La mission «  Aide publique au développement » comprend le programme 110 « Aide économique et financière au développement » et le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ». Le programme 301 « Développement solidaire et migrations » a été supprimé et les crédits de l'action 3 « Autres actions bilatérales de développement solidaire » ont été transférés sur l'action 9, « Actions de co-développement », du programme 209.

Sur l'ensemble de la mission, les autorisations d'engagement sont en diminution de plus de 11 %, soit une baisse supérieure à 300 millions, et les crédits de paiement en recul de 6 %, soit près de 200 millions.

Le premier programme retrace les crédits consacrés à l'aide économique et financière multilatérale, en baisse d'une centaine de millions en autorisations d'engagement et de 50 millions en crédits de paiement. Cependant, ces évolutions sont essentiellement le fruit des calendriers de reconstitution des fonds. La onzième reconstitution du fonds asiatique de développement menée en 2011 et 2012 pour couvrir la période 2013-2016 explique presqu'entièrement la diminution des autorisations d'engagement sur cette action. La baisse des crédits de paiement provient essentiellement de la réduction de près de 30 millions des crédits demandés pour le fonds pour l'environnement mondial (FEM), dont la cinquième reconstitution est intervenue en 2010. La deuxième action retrace les crédits consacrés à l'aide économique et financière bilatérale. Les crédits de paiement sont stables et les autorisations d'engagement en hausse, pour reconstituer le fonds pour les technologies propres, à hauteur d'une centaine de millions. Enfin, les autorisations d'engagement demandées au titre des traitements de dettes correspondent aux montants attendus pour cette année.

M. Yvon Collin , rapporteur spécial. - Les crédits du second programme de la mission « Solidarité à l'égard des pays en développement » sont en baisse de 8 %. Les crédits de la quasi-totalité des sous-actions de coopération bilatérale diminuent. Si l'on exclut les contrats de désendettement et de développement et les dons projets, le recul est en moyenne de 6,5 % pour un montant d'environ 6 millions.

Les crédits de l'action « coopération multilatérale » sont stables, la baisse de 5 millions s'expliquant par une dépense exceptionnelle l'an dernier, pour l'organisation du XIV ème sommet de la francophonie, en octobre, à Kinshasa.

La troisième action de ce programme retrace exclusivement la contribution française au Fonds européen de développement (FED). La France, qui était le premier Etat contributeur, a obtenu lors de la négociation du dixième FED une baisse de sa clé de contribution, qui est passée de 24,3 % à 19,55 %. Elle devient donc le deuxième contributeur, derrière l'Allemagne. La marge dégagée pourra être employée au rééquilibrage de notre aide bilatérale. La France reste favorable à la budgétisation du FED, qui conduirait à diminuer encore sa clé de répartition, à 17,8 %. Il conviendra de veiller à ce que ces montants ne soient pas redéployés ailleurs.

Enfin, les crédits de la dernière action sont destinés à financer des projets d'aide au développement menés par les associations de migrants, en cohérence avec la politique de développement française, pour un montant de 18,5 millions d'euros.

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale. - Sur le compte spécial de concours financiers « Prêts à des états étrangers », la principale évolution concerne le programme « Prêts aux Etats membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro » créé en mai 2010 pour retracer la contribution au plan de soutien à la Grèce.

Le mécanisme européen mis en place à cette occasion a été utilisé une seule fois. Les autres plans d'assistance financière ont reposé sur le fonds européen de stabilité financière (FESF) puis le mécanisme européen de stabilité (MES), mis en place depuis lors. Le deuxième plan d'assistance à la Grèce, décidé en juillet 2011, a confié au FESF les déboursements futurs, y compris le reste à débourser des prêts bilatéraux. Ainsi, sur les 16,8 milliards en autorisations d'engagement votés en mai 2010, seuls 11,4 milliards ont été déboursés et les 5,4 milliards restants seront annulés. La dernière tranche de prêt bilatéral à la Grèce a été versée en décembre 2011 et ce programme est désormais « en sommeil » : aucune dépense n'est inscrite en 2012 et aucun mouvement n'est prévu avant le premier remboursement en 2020.

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - L'article 62 relève de 2,65 à 2,85 milliards d'euros le plafond des remises de dettes dans la limite duquel le ministre chargé de l'économie est autorisé à accorder des annulations de dettes. Le montant des annulations de dettes additionnelles accordées par la France s'élevait à 1,75 milliard au 31 décembre 2011 et devrait atteindre 2,35 milliards fin 2012, du fait notamment de l'allègement de la dette de la Côte-d'Ivoire. En 2013, les montants à annuler seront de 450 millions, dont 350 millions pour la Côte-d'Ivoire. Le plafond serait donc dépassé.

Le relèvement du plafond des autorisations d'annulation de dette en faveur des pays pauvres très endettés est une nécessité mécanique, qui découle des engagements internationaux de la France. Nous vous invitons donc à adopter cet article, comme les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des états étrangers »

M. Albéric de Montgolfier , président. - Je suis étonné que le troisième pays bénéficiaire de l'aide au développement bilatérale soit la Chine, pour plus de 200 millions en 2010, ce qui est à la fois beaucoup et très peu pour ce pays.

M. Yvon Collin , rapporteur spécial. - C'est une observation récurrente... Je suis allé voir sur place comment les choses se passaient. L'antenne de l'Agence française de développement (AFD) en Chine, qui comprend une quinzaine de personnes, fait un travail formidable dans deux provinces, dont le Sichuan frappé par un terrible séisme qui a fait 400 000 victimes. La France a participé activement à l'effort de reconstruction. Elle a accordé des prêts, non bonifiés et refinancés sur le marché, qui ne coûtent donc rien à l'Etat. Notre consul de Chengdu nous dit que la présence française est très appréciée des autorités locales. Je rappelle que cette province compte 80 millions d'habitants ! Dans une autre province, nous avons vendu un projet de chauffage urbain au charbon ultra moderne, conçu par des ingénieurs français. Ce partenariat est donc tout à fait justifié et apprécié par les entreprises françaises implantées en Chine.

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale. - Quelle part de notre aide apporter aux pays les moins avancés, aux pays qui ont des relations historiques avec le nôtre, aux pays émergents ? Peut-on être absent des grandes zones de développement ? La réflexion n'est jamais close.

De plus, les ministres successifs ont toujours souhaité afficher une stabilité, voire une augmentation de l'aide publique au développement. C'est ce qui explique par exemple que les bourses aux étudiants ressortissants de pays en développement soient comptabilisées dedans. Cette année, le ministre a eu bien du mal à sauver son budget. M. de Raincourt l'an dernier avait su être ferme !

M. Albéric de Montgolfier , président. - L'inclusion dans l'APD des crédits destinés à Mayotte et à Wallis-et-Futuna relève du même souci d'affichage.

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale. - Oui. Je signale tout de même que Mayotte ne figure plus dans l'APD, depuis la départementalisation.

M. Jean-Claude Frécon . - Il est tout de même surprenant que la Chine ait été en 2010 le troisième bénéficiaire de l'APD française.

M. Yvon Collin , rapporteur spécial. - L'action française en Chine ne se réduit pas à l'aide humanitaire, mais sa présence lors du séisme a permis de développer de solides liens avec la province du Sichuan.

M. Jean-Claude Frécon . - Si la Chine est le troisième pays bénéficiaire de notre aide, c'est pour d'autres raisons... D'autre part, n'est-il pas surprenant d'inclure l'aide aux territoires français dans l'APD ?

Mme Michèle André . - Je voulais poser la même question.

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale. - Dans cette mission, on additionne des « choux à des carottes » : l'aide directe, la bonification d'intérêt et des effacements de dette échelonnés dans le temps. A l'inverse, on ne prend pas en compte la dépense fiscale assise sur les dons aux organisations de solidarité internationale.

M. Jean-Claude Frécon . - Dans tous les cas, l'aide à Wallis-et-Futuna porte sur un territoire français ! Elle ne devrait pas être comptabilisée dans l'APD.

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale. - Pour l'année 2013, nous n'avons pas arrêté notre programme de contrôle ni décidé s'il portera sur un pays ou sur une politique transversale, ce qui est un travail bien plus difficile à mener.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des états étrangers », ainsi que l'article 62 du projet de loi de finances pour 2013.

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Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2012, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission, du compte spécial ainsi que de l'article 62.

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