ARTICLE 14 quater (nouveau) (Art. 167 bis du code général des impôts et art. 171-0 A [nouveau] du livre des procédures fiscales) : Adaptation du dispositif d'exit tax

Commentaire : le présent article vise à modifier le régime de l' exit tax afin de tirer les conséquences de la réforme de l'imposition des plus-values mobilières des particuliers proposée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013. A ce titre, il propose d'adapter les modalités de calcul de l'impôt et des garanties à constituer pour bénéficier d'un sursis de paiement. Par ailleurs, il prévoit de reprendre le renforcement de l'abattement pour durée de détention et le maintien d'un taux d'imposition forfaitaire pour les créateurs d'entreprises. Enfin, il vise à instituer un délai de reprise spécifique applicable à l' exit tax .

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE PRINCIPE DE L'EXIT TAX

La loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 139 ( * ) a institué, à l'article 167 bis du code général des impôts (CGI), une imposition des plus-values latentes lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France , aussi appelée exit tax . Il s'agit d'un dispositif ayant pour finalité de lutter contre l'évasion fiscale .

A cet égard, il s'applique aux contribuables procédant au transfert de leur domicile fiscal hors de France 140 ( * ) , sur la base des plus-values latentes constatées lors de ce transfert, à deux types d'impositions : l' impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux 141 ( * ) .

De ce fait, les plus-values latentes sont tout à la fois imposées au taux prévu au 2 de l'article 200 A du CGI au titre de l'impôt sur le revenu soit, à ce jour, 19 % et aux taux additionnés des prélèvements sociaux, à savoir 15,5 % pour l'année 2012. Le taux global d'imposition au titre de l' exit tax est donc de 34,5 % .

Toutefois, il est nécessaire d'indiquer que l' article 6 du projet de loi de finances pour 2013 , actuellement en cours d'examen par le Parlement, propose d'imposer au barème progressif de l'impôt sur le revenu les plus-values mobilières des particuliers. Aussi prévoit-il également de modifier l'article 167 bis du CGI de manière à appliquer également le barème dans le cadre de l' exit tax . Dès lors, le montant de cette imposition serait égal à la différence entre, d'une part, ce qu'aurait rapporté l'impôt sur le revenu calculé sur tous les revenus taxables en intégrant les plus-values latentes et, d'autre part, l'impôt sur le revenu réellement dû (nouveau II bis de l'article 167 bis précité).

Dans la mesure où l' exit tax vise exclusivement à lutter contre l'évasion fiscale, les contribuables transférant leur domicile fiscal hors de France peuvent ne pas avoir à s'acquitter immédiatement de cette imposition. En effet, les contribuables établissant leur domicile dans un Etat membre de l'Union européenne bénéficient d'office d'un sursis de paiement ; ce dernier peut également être accordé aux contribuables s'installant dans un pays tiers à la condition notamment qu'ils constituent des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor 142 ( * ) . Toutefois, ce sursis tombe si, dans un délai de huit ans à compter du transfert, le contribuable réalise ses plus-values , par exemple, en vendant les valeurs mobilières qui entrent dans l'assiette de la taxe 143 ( * ) .

B. L'ASSIETTE DE L'EXIT TAX

Initialement, l'article 167 bis du CGI prévoyait que l' exit tax était assise sur les plus-values latentes constatées, au moment du transfert du domicile hors de France, sur les droits sociaux ou valeurs mobilières détenues dans les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent dans lesquelles l'ensemble des membres du foyer fiscal du contribuable disposent d'une participation directe ou indirecte aux bénéfices sociaux d'au moins 1 % ou dont la valeur excède 1,3 million d'euros lors de ce transfert .

Par conséquent, l'imposition des plus-values latentes ne concernait que les lignes de titres représentant une participation dans une société supérieure à 1 % ou à 1,3 million d'euros en valeur.

Toutefois, l'assiette de l' exit tax a été profondément modifiée par l'Assemblée nationale , à l'initiative de Jérôme Cahuzac, alors président de la commission des finances, dans le cadre de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 144 ( * ) .

Désormais, il est prévu que l' exit tax s'applique aux contribuables transférant leur domicile hors de France sur les droits sociaux ou valeurs mobilières détenues dans les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent dans lesquelles l'ensemble des membres du foyer fiscal du contribuable disposent de plusieurs participations, directes ou indirectes, aux bénéfices sociaux d'une société d'au moins 1 % ou dont l'ensemble des participations détenues dans différentes sociétés la valeur excède 1,3 million d'euros lors de ce transfert .

Ainsi, se trouvent soumis à l' exit tax les contribuables dont les participations cumulées dans des sociétés sont supérieures, en valeur, à 1,3 million d'euros.

C. LE DÉLAI DE REPRISE APPLICABLE

Lorsqu'elle constate des omissions, des insuffisances ou encore des erreurs d'impositions, l'administration fiscale peut procéder à des rectifications assorties, le cas échéant, de sanctions. Toutefois, cette prérogative peut seulement être exercée pendant un certain délai, appelé délai de reprise ou de prescription.

En application de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales (LPF), pour l' impôt sur le revenu et l' impôt sur les sociétés , le droit de reprise de l'administration fiscale s'exerce, en principe, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due .

Par conséquent, pour contrôler l'application de l' exit tax , l'administration fiscale dispose d'un délai de trois ans à compter du transfert du domicile hors de France .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été adopté à l'initiative du Gouvernement avec l'avis favorable de la commission des finances.

Le I du présent article ( alinéa 1 ) propose de modifier l'article 167 bis du CGI afin de tenir compte des dispositions adoptées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.

A. L'ABATTEMENT POUR DURÉE DE DÉTENTION

L'article 6 précité du projet de loi de finances pour 2013 a prévu de renforcer l'encouragement à la détention longue d'actions ou parts de sociétés via une amélioration du régime d'abattement pour les plus-values imposées selon le barème progressif de l'IR. A cet effet, il propose de modifier l'article 150-0 D du CGI.

Aussi l'abattement serait-il égal à :

- 20 % du montant des plus-values imposables lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins deux ans et moins de quatre ans à la date de la cession ;

- 30 % de leur montant entre quatre et six ans ;

- 40 % de leur montant à partir de six ans .

En conséquence, le A du I du présent article prévoit d'adapter l'article 167 bis du même code à ce dispositif. Ainsi, il propose la prise en compte de l'abattement précité qui devrait être prévu à l'article 150-0 D du CGI dans le calcul des plus-values latentes lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France ( alinéas 2 et 3 ). Afin de permettre l'application de ce mécanisme, il est prévu que le transfert de domicile fiscal soit assimilé à une cession à titre onéreux au sens de l'article 150-0 D précité ( alinéa 4 ).

B. LE MAINTIEN D'UN TAUX FORFAITAIRE POUR LES CESSIONS RÉALISÉES PAR LES CRÉATEURS D'ENTREPRISES

L'article 6 du projet de loi de finances pour 2013 a également prévu que, dans certaines conditions et sur option du contribuable, l' imposition proportionnelle des plus-values au taux de 19 % serait maintenue pour les créateurs d'entreprises . C'est la raison pour laquelle il propose l'insertion d'un 2 bis dans l'article 200 A du CGI. Les conditions devant être réunies pour bénéficier de l'imposition proportionnelle seraient les suivantes :

- la société dont les titres ou droits sont cédés exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale , à l'exclusion des activités procurant des revenus garantis en raison de l'existence d'un tarif réglementé de rachat de la production, des activités financières, des activités de gestion de patrimoine mobilier et des activités immobilières. Il s'agit de la même logique que la condition d'activité permettant de bénéficier des réductions d'impôts dites « Madelin » (pour l'IR) ou « ISF-PME ». Cette condition s'apprécierait de manière continue pendant les dix années précédant la cession ;

- les titres ou droits détenus par le cédant, directement ou par personne interposée ou par l'intermédiaire du conjoint, de leurs ascendants et descendants ou de leurs frères et soeurs, doivent avoir été détenus de manière continue au cours des cinq années précédant la cession ;

- les titres ou droits détenus par le cédant , directement ou par personne interposée ou par l'intermédiaire du conjoint, de leurs ascendants et descendants ou de leurs frères et soeurs, doivent avoir représenté, de manière continue pendant au moins deux ans au cours des dix années précédant la cession des titres ou droits, au moins 10 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés ;

- ces mêmes titres et droits doivent représenter au moins 2 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés à la date de la cession ;

- enfin, le contribuable doit avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue au cours des cinq années précédant la cession en tant que, soit gérant nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d'une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions 145 ( * ) . Ce contribuable pourrait également avoir exercé une activité salariée au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés.

Aussi le B du I du présent article propose-t-il de maintenir l'application du taux forfaitaire de 19 % pour le calcul de l' exit tax au profit des créateurs d'entreprise répondant aux conditions mentionnées ci-dessus ( alinéas 5 à 12 ).

En outre, le F du I du présent article ( alinéa 45 ) prévoit que lorsque l' exit tax devient exigible, si les conditions décrites par l'article 200 A du CGI n'étaient pas remplies lors du transfert du domicile hors de France mais qu'elles le sont devenues, il est appliqué le taux de 19 % ( alinéa 46 ). Le surplus d'impôt sur le revenu est dégrevé ou restitué ( alinéa 47 ). Des précisions quant à l'application de ces dispositions sont également apportées ( alinéas 48 à 54 ).

C. LE CALCUL DU MONTANT DES GARANTIES CONSTITUÉES PAR LE CONTRIBUABLE

Comme cela a été indiqué, les contribuables transférant leur domicile fiscal dans un Etat hors de l'Union européenne peuvent bénéficier d'un sursis de paiement à la condition notamment qu'ils constituent des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor .

Le C du I du présent article propose de préciser les modalités de calculs du montant des garanties devant être constituées ( alinéas 13 et 14 ) ; celui-ci est de :

- 30 % des plus-values entrant dans le champ de l'assiette de l' exit tax lorsqu'il est fait application du barème de l'impôt sur le revenu ( alinéas 16 ) ;

- 19 % des plus-values entrant dans le champ de l'assiette de l' exit tax lorsqu'il est fait application du taux forfaitaire du même pourcentage ( alinéa 15 ).

En outre, il est précisé que, dans le mois suivant la réception de l'avis d'imposition émis au titre de l' exit tax , le contribuable constitue, le cas échéant, un complément de garanties à hauteur de la différence entre ce montant d'impôt et le montant de la garantie préalablement au transfert du domicile fiscal hors de France ( alinéa 17 ) ; lorsque le montant de l'impôt calculé est inférieur aux garanties préalablement constituées, le contribuable peut demander la levée de ces garanties à hauteur de la différence entre le montant de ces dernières et celui de l'impôt ( alinéa 18 ).

Le III du présent article ( alinéa 63 ) prévoit que les contribuables ayant constitué, sous l'empire de l'actuel régime de l' exit tax , des garanties afin de bénéficier d'un sursis de paiement sont tenus, le cas échéant, d'apporter un complément de garantie pour assurer le recouvrement de l'impôt. Ce complément correspond à la différence entre le montant résultant de l'application d'un taux de 24 % aux plus-values latentes et celui de la garantie constituée pour assurer le recouvrement de l'impôt calculé initialement au taux de 19 %.

D. LES CONDITIONS D'EXIGIBILITÉ DE L'EXIT TAX

Le D du I du présent article ( alinéa 19 ) propose de modifier le VII de l'article 167 bis du CGI relatif aux conditions d'exigibilité de l' exit tax . Il opère tout d'abord des modifications rédactionnelles ( alinéas 20 à 22 et 25 à 33 ).

L'article 6 du projet de loi de finances pour 2013 prévoit d' assouplir les conditions permettant de bénéficier d'un report d'imposition sur les plus-values si celles-ci sont réinvesties au capital d'une société, conformément à l'article 150-0 D bis du code général des impôts. Suivant cette logique, le présent article propose que l' exit tax devienne exigible si les plus-values réalisées ne sont pas réinvesties conformément aux dispositions de l'article 150-0 D bis précité ( alinéas 23 et 24 ).

E. LES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES

Le E du I du présent article ( alinéa 34 ) apporte l'ensemble des modifications rédactionnelles aux VIII et IX de l'article 167 bis du CGI, relatifs aux obligations déclaratives, rendues nécessaires tant par les dispositions de l'article 6 du projet de loi de finances pour 2013 que celles du dispositif proposé ( alinéas 35 à 44 et 55 à 60 ).

F. LA MODIFICATION DU DÉLAI DE REPRISE APPLICABLE DANS LE CADRE DE L'EXIT TAX

Le II du présent article insère un nouvel article L. 171-0 A dans le LPF ( alinéas 61 et 62 ) afin de modifier le délai de reprise dont dispose l'administration s'agissant de l' exit tax . Ainsi, le délai de reprise s'exercerait jusqu'à la troisième année qui suit l'évènement mettant fin au sursis de paiement dont bénéfice le contribuable, ou entraînant le dégrèvement ou la restitution de l'imposition.

G. L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU DISPOSITIF

Le IV du présent article prévoit que les dispositions proposées relatives à l' exit tax s'appliquent aux transferts de domicile fiscal hors de France intervenus à compter du 1 er janvier 2013 ( alinéa 64 ).

Quant à celles portant sur le nouveau délai de reprise qu'il est proposé de créer, elles trouveraient à s'appliquer aux transferts de domicile hors de France intervenus à compter du 3 mars 2011 ( alinéa 65 ), soit la date d'entrée en vigueur de l' exit tax .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article, issu - malgré sa complexité - d'un amendement déposé par le Gouvernement en cours de discussion devant l'Assemblée nationale en première lecture - propose de tirer toutes les conséquences de la réforme de l'imposition des plus-values mobilières des particuliers proposée par le projet de loi de finances pour 2013. En effet, son article 6 prévoit d' imposer ces plus-values sur la base du barème de l'impôt sur le revenu , et non plus sur celle du taux forfaitaire de 19 %. Aussi ce mécanisme a-t-il été transposé à l' exit tax . Toutefois, l'ensemble des modifications nécessaires n'ont pas été apportées à l'article 167 bis du code général des impôts (CGI).

Le dispositif proposé a précisément pour finalité de combler ces lacunes. Ainsi, il prévoit de modifier les modalités de calcul de l' exit tax et des garanties que doivent constituer les contribuables qui souhaitent bénéficier d'un sursis de paiement. Il s'agit de s'assurer de l'effectivité du dispositif en adaptant le montant des garanties aux nouveaux taux d'imposition applicables.

En outre, il faut rappeler que les impositions discriminatoires sont susceptibles d'être déclarées incompatibles avec le droit de l'Union européenne en ce qu'elles violent les libertés de circulation. A cet égard, il faut rappeler que l'ancienne version de l' exit tax avait dû être abrogée car la Cour de justice de l'Union européenne l'avait déclarée contraire à la liberté d'établissement. Aussi est-il nécessaire d'éviter une telle déconvenue au dispositif actuel. C'est la raison pour laquelle le présent article prévoit de faire bénéficier les assujettis à l' exit tax du renforcement de l'abattement pour durée de détention et du maintien d'un taux d'imposition forfaitaire pour les créateurs d'entreprises proposés par l'article 6 précité du projet de loi de finances pour 2013. L'extension de ces mesures à l' exit tax constitue une nécessité pour assurer l'effectivité de cette imposition.

Enfin, le dispositif proposé prévoit l'institution d'un délai de prescription spécifique s'agissant de l' exit tax . Plutôt que de faire courir ce délai à compter du transfert du domicile hors de France, il est proposé de le faire débuter à la date d'exigibilité de l'impôt ou à partir de l'évènement entraînant le dégrèvement ou la restitution de l'impôt. Cette modification paraît opportune en ce qu'elle permet un contrôle effectif de cette imposition par l'administration.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 139 Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

* 140 Il s'agit des contribuables qui transfèrent leur domicile hors de France, dès lors qu'ils y ont été fiscalement domiciliés, de manière continue, pendant les six années précédant ce transfert.

* 141 La contribution sociale généralisée (CSG), la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), le prélèvement social et les taxes additionnelles au prélèvement social.

* 142 Cette garantie n'est pas exigée pour les contribuables transférant leur domicile fiscal dans un Etat tiers pour des raisons professionnelles.

* 143 Pour les contribuables n'ayant pas bénéficié d'un sursis de paiement, une fois ce délai de huit ans écoulé, l' exit tax est dégrevée ou restituée si les plus-values n'ont pas été réalisées.

* 144 Loi n° 2011-1978 du 29 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

* 145 Ces fonctions sont énumérées au 1° de l'article 885 O bis du code général des impôts relatif à la définition des biens professionnels pour le calcul de l'ISF.

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