II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN SOUTIEN DE PRINCIPE À LA MISE EN oeUVRE DE LA TTF PAR LE BIAIS D'UNE COOPÉRATION RENFORCÉE

L'instauration d'une taxe sur les transactions financières fait partie des soixante engagements pris par François Hollande, alors candidat à la Présidence de la République, devant les Français. A défaut de pouvoir réunir l'ensemble des Etats de l'Union européenne autour d'un projet commun, il importe que la TTF, longtemps repoussée, puisse enfin aboutir dans le cadre d'une coopération renforcée.

Il apparaît néanmoins crucial de définir avec précision les objectifs et les modalités de cette TTF, dont le principe peut recouvrir des réalités très différentes. En effet, le texte proposé par la Commission européenne en septembre 2011 est très différent de l'idée originelle de « taxe Tobin » 9 ( * ) .

Aujourd'hui, la priorité doit être la stabilité financière et la lutte contre la spéculation . Par exemple, la TTF est de nature à rendre non rentables les transactions effectuées par la voie du trading haute fréquence.

Par ailleurs, selon le principe du « double dividende » 10 ( * ) , la TTF constitue une ressource budgétaire nouvelle pour les Etats membres : le secteur financier contribue ainsi au redressement des comptes publics.

Toutefois, comme le montre l'étude d'impact de la proposition initiale de la Commission européenne, des difficultés importantes, qu'elles soient juridiques, administratives ou économiques doivent encore être levées.

Dès lors, la nouvelle proposition législative élaborée par la Commission européenne devra identifier clairement l'ensemble de ces difficultés et avancer les moyens techniques adéquats pour les surmonter.

B. UN CHAMP D'APPLICATION LARGE

Le principal risque encouru par la TTF réside dans un effet d'éviction, c'est-à-dire notamment la substitution d'un produit financier par un autre. Par conséquent, il est indispensable que le champ d'application de la TTF soit le plus large possible et vise le plus grand nombre d'instruments financiers, y compris les obligations et les produits dérivés.

Par ailleurs, la méthode de transaction doit être neutre au regard de l'exigibilité de la taxe. Ainsi, l'échange d'instruments financiers doit être taxé qu'il s'opère sur un marché réglementé, sur un système multilatéral de négociation ou encore de gré à gré.

En tout état de cause, le législateur européen devra définir l'assiette de la TTF en gardant à l'esprit que celle-ci doit permettre de préserver la protection de l'épargne, le bon fonctionnement des marchés ou encore le financement des différents acteurs économiques (entreprises, collectivités territoriales et Etats). A cette fin, l'assiette pourra être adaptée selon l'instrument financier considéré.

C. UNE DÉFINITION PRAGMATIQUE DU CHAMP D'APPLICATION TERRITORIALE DE LA TTF

Afin de pouvoir taxer une transaction, il convient tout d'abord de la localiser, c'est-à-dire de la rattacher au territoire d'un Etat participant à la coopération renforcée.

Dans sa proposition initiale, la Commission européenne se référait à un unique principe de « résidence élargi » pour l'ensemble des transactions financières. Autrement dit, toute transaction réalisée par un acteur résidant sur le territoire de l'Union européenne ou qui a un lien économique avec le territoire de l'Union européenne est soumise à la taxe. Ce principe conduirait à taxer des opérations réalisées hors du territoire de l'Union européenne. Or, comme pour toute disposition extraterritoriale, elle emporte un risque pour le recouvrement effectif de la taxe.

Par conséquent, votre rapporteur estime qu'il est préférable que le champ d'application territoriale de la taxe soit adapté en fonction de l'instrument financier échangé .

Par exemple, dans le cadre de la TTF française ou du Stamp duty britannique, qui portent sur les transactions sur actions, il est fait référence au lieu du siège social de l'entreprise ayant émis cette action pour « localiser » la transaction.

D. DES TAUX UNIFORMES POUR L'ENSEMBLE DES ETATS PARTICIPANT À LA COOPÉRATION RENFORCÉE

La proposition initiale de la Commission européenne fixait seulement des taux minimum, et laissait aux Etats membres le soin de définir les taux applicables dans leur pays. Pour cette raison, la taxe est due à la fois par le vendeur et par l'acquéreur.

Pour les actions et les obligations, le taux minimal retenu était de 0,1 % du montant de la transaction (soit en réalité un prélèvement minimal de 0,2 % compte tenu de la règle de paiement par l'acheteur et le vendeur). Pour les contrats de dérivés, le taux minimal s'établissait à 0,01 % du montant notionnel 11 ( * ) du contrat (soit un prélèvement minimal de 0,02 %).

Sur le principe, il convient effectivement de retenir une approche différenciée selon les types d'instruments financiers, compte tenu de règles d'assiette également différentes.

En revanche, le fait que le texte européen ne définisse qu'un taux minimum n'apparaît pas totalement satisfaisant. Il risque d'entraîner des effets de distorsions de concurrence entre les Etats, ce qui les inciterait à ne retenir systématiquement que le taux minimal proposé par la directive.

Une harmonisation européenne maximale, à savoir la définition de taux uniques pour tous les Etats participant à la coopération renforcée, semble de nature à assurer un cadre réglementaire uniforme .

E. UNE AFFECTATION DU PRODUIT DE LA TTF À DÉFINIR PAR LES ÉTATS MEMBRES

Pour l'ensemble des Etats membres, la Commission européenne estime que le produit de la TTF aurait pu atteindre 57 milliards d'euros. Il aurait été concevable que ce prélèvement, véritablement européen, puisse constituer une nouvelle ressource propre de l'Union européen.

En revanche, tel n'est plus le cas dans le cadre d'une coopération renforcée. Il ne serait pas légitime que des Etats qui ne participent pas à la coopération renforcée en retirent malgré tout un bénéfice indirect par le biais d'une affectation au budget de l'UE.

Or le texte de la PPRE adopté par la commission des affaires européennes prévoit que la TTF « doit constituer une nouvelle ressource propre de l'Union européenne ».

Il convient donc d'affirmer dans la proposition de résolution que le produit de la TTF doit revenir aux Etats membres participants à la coopération renforcée , qui pourront ensuite en choisir librement l'affectation, en particulier au budget européen.

F. UNE CLAUSE DE RENDEZ-VOUS NÉCESSAIRE APRÈS UN AN D'APPLICATION

La TTF, parce qu'elle cherche à saisir des produits financiers et des méthodes d'échanges de plus en plus complexes, reste un chantier délicat. Nul doute que les redevables chercheront à utiliser cette complexité pour contourner la taxe et ce, malgré tous les garde-fous introduits par le texte.

Dans ce contexte, seule une période d'observation permettra de véritablement mesurer les incidences de la TTF à la fois sur la sphère financière et la sphère réelle .

En conséquence, après une année d'application, la TTF devrait faire l'objet d'un réexamen obligatoire afin d'évaluer ses conséquences sur la localisation des flux et des centres financiers ainsi que sur le financement de l'économie. Cette évaluation serait fournie au Parlement européen et aux parlements nationaux et devra être détaillée pour chaque État membre participant à la coopération renforcée.

Ainsi, les ajustements éventuellement nécessaires pourraient être rapidement apportés par le législateur européen.

Au cours de sa réunion du mercredi 16 janvier 2013, présidée par M. Philippe Marini, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. François Marc sur la proposition de résolution n° 258 (2012-2013), présentée par Mme Fabienne Keller, au nom de la commission des affaires européennes, sur l'autorisation d'une coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières.

Elle a modifié et complété la rédaction de la proposition de résolution européenne, dont le texte figure ci-après.


* 9 Dans le cas de la taxe Tobin, il était proposé une taxe sur les échanges de devises afin de redonner de l'autonomie aux politiques monétaires nationales.

* 10 Une taxe comportementale, telle que la TTF ou les taxe écologiques, présente l'avantage de soit dissuader l'acteur économique de réaliser une opération, soit, s'il en décide autrement de l'obliger à s'acquitter de la taxe. On parle de « double dividende ».

* 11 Dans un dérivé, le montant notionnel ne correspond pas nécessairement aux flux financiers entre les cocontractants. Par exemple, un Credit Default Swap (CDS) fonctionne comme un contrat d'assurance : le montant notionnel sera de 100 000 euros (c'est le montant assuré) mais les flux financiers (les primes d'assurance) seront seulement de quelques centaines d'euros par mois. Si aucun sinistre ne survient, le contrat se limite donc à des échanges financiers d'un montant bien inférieur à celui du montant notionnel, ce qui explique un taux dix fois inférieur à celui retenu pour les transactions sur actions ou obligations.

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