C. UNE PRISE EN COMPTE TARDIVE DE LA NÉCESSITÉ DE SOUTENIR L'EMPLOI DES SALARIÉS ÂGÉS QUI N'A PRODUIT JUSQU'À PRÉSENT QUE PEU D'EFFETS

1. Un constat : l'impossibilité des transitions professionnelles en fin de carrière et la forte hausse, avec la crise, du nombre de chômeurs de plus de cinquante ans
a) Une protection apparente contre le chômage qui disparaît avec l'âge

La situation des seniors, c'est-à-dire des personnes dont l'âge est compris entre cinquante voire cinquante-cinq ou cinquante-sept ans et soixante-quatre ans, face à l'emploi n'est pas uniforme. Comme les jeunes, ils ne forment pas un ensemble cohérent mais plutôt plusieurs sous-groupes dont l'éloignement du marché du travail, du fait de multiples facteurs comme les règles de départ en retraite ou d'assurance chômage, augmente avec l'âge.

Les seniors semblent, en apparence, moins exposés au chômage que le reste de la population : le taux de chômage des 55-64 ans était de 6,5 % en 2011 contre 9,3 % pour la population active 16 ( * ) . Ce constat doit toutefois être nuancé par le fait que leur taux d'activité est seulement, du fait des départs à la retraite à partir de soixante ans jusqu'en 2011, de 44,4 % contre 70,4 % pour les 15-64 ans. Il décroit même dès cinquante-cinq ans : alors qu'il est de 85,8 % dans la tranche 50-54 ans, il passe à 68,8 % pour les 55-59 ans pour tomber à seulement 19,4 % pour les 60-64 ans. Surtout, ceux qui perdent leur emploi se retrouvent de facto exclus du marché du travail.

Les causes sont tout d'abord d'ordre social et liées aux mentalités qui prévalent encore dans les entreprises. Comme l'a souligné la sociologue Anne-Marie Guillemard lors de son audition par votre rapporteure, la France est un pays où les seniors sont jugés inemployables et où la discrimination par l'âge dans l'emploi est très répandue.

En conséquence, leur taux de chômage de longue durée est bien supérieur à celui du reste de la population. En 2011, selon l'Insee, 57,8 % des chômeurs de cinquante ans ou plus l'étaient depuis au moins un an contre 41,5 % des chômeurs de quinze ans ou plus.

Les difficultés françaises en matière d'emploi des salariés âgés sont illustrées par le faible taux de maintien dans l'emploi après soixante ans : il s'élevait en 2010 à seulement 22 % pour les 55-59 ans contre 42 % en moyenne dans l'OCDE 17 ( * ) . Elles sont le résultat d'un système qui, dès la seconde moitié de carrière, contribue à diminuer l'employabilité des salariés, en particulier les moins qualifiés.

Pour reprendre l'expression utilisée par le sociologue Serge Guérin lors de son audition, les entreprises organisent, par leurs pratiques, « l'obsolescence de la personne » . Elles cessent parfois de promouvoir leurs salariés de plus quarante-cinq ans. Les inégalités dans l'accès à la formation professionnelle aggravent cette situation. Il est établi que ce sont les salariés qui disposent du niveau de formation initiale le plus élevé, c'est-à-dire les cadres et les professions intellectuelles supérieures, qui bénéficient le plus des obligations légales qui pèsent sur les entreprises en matière de formation continue de leurs salariés. Selon l'Insee, en 2010, le taux d'accès à la formation au cours des douze derniers mois était de 10 % pour les non-diplômés contre 32 % pour les diplômés de l'enseignement supérieur et de 17 % pour les ouvriers contre 35 % pour les cadres. L'âge constitue un facteur encore plus discriminant : alors que 26 % des 35-44 ans ont eu accès à la formation, ce taux décroit déjà pour les 45-54 ans à 21 % avant de tomber à 9 % pour les 55-64 ans.

Les salariés, et en particulier ceux, les moins qualifiés, qui sont les plus exposés au risque de perdre leur emploi, n'ont donc pas tous la possibilité d'acquérir des compétences ou une qualification nouvelles. Ils ne peuvent pas s'adapter à l'évolution des techniques et il leur est donc difficile, malgré le développement d'outils comme le droit individuel à la formation (Dif) et les conseils que pourraient leur apporter les organismes collecteurs paritaires agréés (Opca), de préserver leur capacité à retrouver un emploi.

En conséquence, les transitions professionnelles après cinquante-cinq ans sont quasiment impossibles : le taux d'embauche des 55-64 ans était de 5,4 % en 2010 contre 8,5 % pour l'OCDE .

En France, les salariés de cinquante-cinq à soixante-quatre ans, qu'ils soient dans l'emploi ou non, sont donc confrontés à plusieurs éléments structurels du marché du travail qui leur sont défavorables. Alors que l'augmentation de l'espérance de vie et le recul de l'âge de la retraite prolongent la vie active, il n'est pas possible de se satisfaire de cette situation.


* 16 Source : Dares Analyses, Emploi et chômage des 55-64 ans en 2011, juillet 2012, n° 49.

* 17 Source : OCDE.

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