II. UNE RÉFORME TARIFAIRE INCOMPLÈTE ET DES RESSOURCES À TROUVER POUR LE RATTRAPAGE

A. UNE RÉFORME TARIFAIRE ENGAGÉE MAIS ENCORE INCOMPLÈTE

1. Une réforme nécessaire et déjà engagée

Elément central pour l'exploitation du réseau, la politique tarifaire souffre en Ile-de-France d'une complexité certaine, liée aux diverses strates de sa constitution. De nombreuses mesures sont intervenues ces dernières années, mais elles sont loin d'épuiser le sujet de la réforme tarifaire, qui a fait l'objet d'un protocole fin 2011 dont le Pass Navigo unique est l'un des points.

Depuis 2006, le Stif a pris de nombreuses mesures tarifaires pour « dézoner » et mettre en place une tarification sociale :

- en octobre 2006, la réduction des « forfaits solidarité transport » passe de 50 % à 75 % (coût annuel : 56 millions d'euros) ;

- en avril 2007, mise en place du « forfait gratuité transport » pour les RMIstes (coût annuel : 28 millions d'euros) ;

- en juillet 2007, la correspondance devient gratuite de bus à bus, et de bus à tram, sans « paliers tarifaires », grâce au ticket t+ (coût annuel : 25 millions d'euros) ;

- en juillet 2007, les zones 6 à 8 sont fusionnées (coût annuel 5 millions d'euros) ;

- en décembre 2008, le « forfait gratuité transport » est étendu aux foyers des titulaires de l'allocation parent isolé (API) et aux personnes bénéficiant simultanément de l'allocation de solidarité spécifique (chômeurs de longue durée) et de la couverture maladie universelle (coût annuel 4 millions d'euros)

- en juillet 2011, les zones 5 et 6 du Pass Navigo sont fusionnées (coût annuel 20 millions d'euros) ;

- en octobre 2011, les jeunes déscolarisés suivant certains cursus d'insertion sociale et professionnelle bénéficient de la gratuité pendant la durée de leur cursus (coût annuel 6 millions d'euros) ;

- en septembre 2012, « dézonage les week end et jours fériés » : les utilisateurs de certains forfaits (Navigo mois et annuel, forfait solidarité transport) peuvent circuler dans toute la région pendant les week-ends et jours fériés (coût annuel 26 millions d'euros) ;

- en janvier 2013, les compléments de parcours sont initiés : lorsqu'ils sortent de leur zone d'abonnement, les utilisateurs de forfaits ne paient que le supplément pour la partie hors des zones de leur forfait (coût évalué à 11 millions d'euros annuels)

Au total, le coût annuel de ces mesures est passé de 114 millions d'euros en 2008 à 181 millions en 2013.

L'analyse de la structure tarifaire montre de fortes disparités dans la couverture des coûts par les usagers, mais également l'importance de l'usage hors abonnement.

- quatre millions d'usagers utilisent un « forfait long » comme titre principal de transport 16 ( * ) . L'ensemble de ces forfaits représente 80 % du trafic et 65 % des recettes 17 ( * ) .

- cinq millions d'usagers utilisent des billets ou des forfaits courts, qui représentent 20 % du trafic et 35 % des recettes.

Dans une analyse communiquée à votre rapporteur, le Stif souligne que la tarification francilienne est plus favorable :

- aux clients réguliers abonnés ;

- aux bénéficiaires de minima sociaux (Forfait gratuit) ;

- aux personnes âgées et handicapées ayant peu de ressources (Améthyste) ;

- aux jeunes scolarisés à partir du collège (forfait ImagineR) ;

- aux actifs salariés (remboursement du forfait par l'employeur) ;

- aux familles nombreuses et aux enfants de moins de 10 ans (bénéficiaires du demi-tarif sur les billets au voyage).

En revanche, la tarification francilienne est assez peu favorable aux chômeurs, aux personnes âgées, aux inactifs ayant des revenus moyens ou élevés et aux visiteurs non franciliens .

La couverture du coût de transport par le tarif connaît de fortes variations comme le montre le tableau ci-dessous :

PARTICIPATION DU VOYAGEUR AU COÛT DU TRANSPORT
(mars 2011)

Moyenne sur l'ensemble des titres

39 %

Ticket t+ unité (et ticket d'accès à bord)

77 %

Billets

Ticket t+ carnet plein tarif

55 %

Billet banlieue unité plein tarif

67 %

Billet banlieue carnet plein tarif

59 %

Forfaits courts

Mobilis

48 %

Navigo

36 %

- dont Navigo année 1-6

20 %

Forfaits longs

- dont Navigo semaine 1-2

63 %

Imagine'R

19 %

- dont ImR Etudiants 1-2

26 %

- dont ImR Etudiants 1-6

14 %

Source :Stif.

2. L'engagement pour un Pass Navigo unique, élément d'une réforme tarifaire plus large

Enoncé lors de la campagne pour les régionales de 2004, l'objectif d'une tarification unique du Pass Navigo est devenu un engagement de la liste victorieuse en 2010, pour une application à compter de 2013.

Aussi, fin 2011, le conseil d'administration du Stif a-t-il voté un voeu pour la mise en oeuvre d'une réforme tarifaire comprenant les éléments suivants :

- une réforme tarifaire globale qui préserve les équilibres financiers du Stif pour ne pas compromettre le développement de l'offre de transport et de la qualité de service, premières priorités des usagers des transports en Île-de-France ;

- la mise en oeuvre d'une tarification unique du Pass Navigo, par la suppression des zones tarifaires. Le voeu précise que le financement devra être assuré par des ressources supplémentaires à celles prévues pour renforcer l'offre et améliorer la qualité de service, et il cite « l'harmonisation du versement transport » ;

- la mise en place de forfaits de proximité pour se déplacer sur de courtes distances ou à moindre fréquence sur l'ensemble du réseau ;

- la mise en place d' un nouveau système tarifaire régi par des unités transports , pour moduler le coût du transport en fonction de différents critères (qualité de service, qualité de l'offre, tarification sociale, etc.) ;

- enfin, le développement de l'inter-opératibilité des titres de transport avec les autres modes de déplacement (vélos en libre service, parking relais, etc...).

La mise en place d'une tarification par unités de transports

Lors de son conseil d'administration du 13 février 2013, le Stif a adopté le dossier d'orientation relatif à « la modernisation de l'infrastructure billettique en Ile-de-France par la mise en place des unités de transports », première étape vers la mise en place d'unités de transports.

La tarification par unités de transports, inscrite au protocole du 7 décembre 2011 sur la réforme tarifaire, vise deux objectifs complémentaires, mais bien différents :

- la modernisation de la billettique : le système de ticket apparaît obsolète, le « porte monnaie électronique », rechargeable sur internet, est plus pratique pour la plupart des usagers et moins coûteux pour le gestionnaire ;

- une plus grande coïncidence, voire une adéquation entre le service consommé et le tarif payé par l'usager : soulignant que ce système existe déjà à Londres, à Tokyo, à Hong-Kong, aux Pays-Bas et au Danemark, le rapport Carrez souligne les avantages d'un tel système pour « mettre un terme à l'érosion du niveau de couverture [des coûts d'exploitation] par la politique de tarification ». En effet, les unités de transports pourront varier en fonction de nombreux critères, y compris le coût de l'infrastructure, de même que leur tarification, qui pourra être fonction de critères sociaux, aussi bien que de critères d'usage (heure, fréquence...).

La mise en place d'un système complet d'unités de transports représente un coût évalué à 120 millions, à quoi s'ajoutent 240 millions pour la rénovation des équipements actuels. Cette rénovation est présentée comme indispensable indépendamment des unités de transports, ce qui fait s'interroger sur les choix réalisés ces dernières années.

En fait, la tarification par unités de transports, qui nécessite des arbitrages importants sur le plan technique, n'est pas nécessairement synonyme de la disparition des tickets, qui pourront continuer de rendre des services utiles aux usagers. Le Stif paraît s'orienter vers le « tout électronique », en abandonnant le magnétique dont le coût de maintenance est important. Ce basculement est important et doit améliorer le service, aussi bien pour la souplesse d'usage que pour l'efficacité (à cet égard, les machines de vente de billets et de rechargement de Pass Navigo paraissent particulièrement peu efficaces, par comparaison à ce qui se fait dans les grandes métropoles étrangères, à Londres et à Tokyo en particulier).

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, la mise en place du système complet demanderait cinq ans et le calendrier prévisionnel serait confirmé après une phase d'étude de 18 mois, incluse dans les cinq années et qui commence avec l'adoption du dossier d'orientation : la décision interviendrait donc à l'été 2014, pour une mise en place au début 2018 au plus tôt.

Le coût d'un Pass Navigo unique au tarif des zones 1-2 est évalué par le Stif à environ 500 millions d'euros . Ce chiffrage est sujet à caution, dès lors qu'il faut tenir compte d'inconnues, comme les ventes supplémentaires de Pass, mais aussi le basculement vers cette formule d'abonnement de la part d'usagers qui utilisent aujourd'hui des tickets.

Cependant, ce chiffrage a été établi en considérant les données disponibles de 2009, où l'on voit l'importance des Pass de Paris et de petite couronne sur l'ensemble des recettes (les Pass 1-2 et 1-3 représentent ensemble la moitié des recettes).

RÉPARTITION DES UTILISATEURS ET DES RECETTES D'ABONNEMENTS

Source : Stif


* 16 Navigo annuel, mois et semaine, forfait solidarité transport mois et semaine, ImagineR Scolaire et Etudiant, Améthyste, forfait gratuité transport.

* 17 Les forfaits tous publics Navigo sont plus particulièrement vendus aux employés, cadres intermédiaires et supérieurs. Ils sont remboursés à 50 % par les employeurs. Les billets au voyage sont surtout vendus aux retraités et inactifs, à des cadres supérieurs et à des non franciliens.

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