F. LA TRANSFORMATION DU CONSEIL SUPÉRIEUR EN ASSEMBLÉE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER EN 2004

Avant la transformation du CSFE en Assemblée des Français de l'étranger (AFE), l'article 77 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a instauré dans la loi du 7 juin 1982 un droit à la formation « dans les domaines de la compétence du conseil » pour les membres du CSFE, celui-ci devant délibérant annuellement sur le sujet, s'inspirant de dispositions introduites pour les assemblées locales.

La réforme de 2004 est d'abord l'aboutissement d'une réflexion interne du CSFE sur sa légitimité et sa représentativité, dans un contexte de déclin de la participation électorale, engagée dès 2000 par la mise en place d'une commission temporaire chargée de la réforme, présidée par notre regretté collègue Guy Penne et dont le rapporteur était notre collègue Robert del Picchia. Les travaux de cette commission ont abouti à des propositions consensuelles approuvées par le CSFE en 2003, certaines d'ordre législatif et d'autres de nature réglementaire.

Un décret n° 2003-794 du 25 août 2003 a modifié certaines dispositions relatives à l'organisation et au fonctionnement du CSFE, traduisant plusieurs de ces propositions. D'une part, il a prévu que les seuls membres élus élisaient en leur sein, au scrutin proportionnel, trois vice-présidents, chargés d'exercer collégialement, « par délégation du ministre des affaires étrangères, et dans la limite de celle-ci, les attributions du président du conseil ». D'autre part, il a créé au sein des commissions, en complément des fonctions de président et de rapporteur instituées par le décret du 14 mai 1991, les fonctions de vice-président, au nombre de deux, et de secrétaire. Enfin, il a constitué le bureau selon une composition inspirée de la conférence des présidents d'une assemblée parlementaire, avec le collège des vice-présidents, les présidents, vice-présidents, secrétaires et rapporteurs des commissions permanentes, ainsi que les présidents de groupe.

Émanant de deux propositions de loi identiques de notre collègue Robert del Picchia et de notre ancienne collègue Monique Cerisier-ben Guiga, la loi n° 2004-805 du 9 août 2004, rapportée par notre collègue Christian Cointat, a traduit les propositions relevant du domaine législatif approuvées par le CSFE. Elle a d'abord changé la dénomination du CSFE en Assemblée des Français de l'étranger (AFE). Elle a également réorganisé la composition de cette instance, en portant le nombre de membres élus de 150 à 155 et le nombre de circonscriptions de 48 à 52, en prévoyant expressément que les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont membres de droit 33 ( * ) et en réduisant à douze le nombre de personnalités qualifiées nommées par le ministre. Concernant ces membres nommés, la loi du 9 août 2004 leur a attribué une voix exclusivement consultative et a posé une condition de nomination selon laquelle il ne devait pas remplir les conditions de résidence requises pour être élu au CSFE, de façon à éviter un contournement du suffrage.

La loi du 9 août 2004 a également inscrit dans la loi l'obligation de dépôt d'une déclaration de candidature pour les candidats à l'AFE, jusque-là de niveau réglementaire, avec la mise en place d'une procédure de contrôle de recevabilité, et a précisé que les opérations électorales étaient organisées par les ambassades et postes consulaires.

Par la suite, la loi n° 2005-822 du 20 juillet 2005 a simplifié l'établissement des listes électorales pour l'élection de l'AFE, puisqu'elle a renvoyé aux listes électorales consulaires établies pour l'élection du Président de la République 34 ( * ) , mettant fin au système des listes électorales spéciales prévues jusqu'alors la loi du 7 juin 1982. La loi du 20 juillet 2005 a également aménagé la règle interdisant la propagande électorale à l'étranger, avec la mise à disposition d'emplacements pour l'affichage des candidats dans les ambassades, postes consulaires et autres locaux servant de bureau de vote.

A la suite de l'adoption de ces différentes lois, un long décret n° 2005-1614 du 22 décembre 2005 a remanié le décret du 6 avril 1984. Sous réserve du remplacement de la fonction de rapporteur par celle de rapporteur général au sein des commissions permanentes, le décret a confirmé la réorganisation du bureau opérée par le décret du 25 août 2003. Il a également confirmé la réunion au moins annuelle de l'AFE, prévue par le décret du 14 mai 1991, sous forme de sessions convoquées par le ministre, tout en précisant que, lors de chaque session, le bureau, les commissions permanentes et temporaires et les groupes de travail se réunissent de plein droit. Il a enfin précisé que le collège des vice-présidents devait être consulté et pouvait faire des propositions sur les dates et l'organisation des sessions de l'AFE.

Le décret du 22 décembre 2005 a également tiré les conséquences des dispositions législatives nouvelles relatives à l'utilisation des listes électorales consulaires pour l'élection à l'AFE et à la déclaration de candidature. Il a également précisé la composition et le fonctionnement des bureaux de vote, présidés par les ambassadeurs ou chefs de poste consulaire, ainsi que le déroulement des opérations électorales, tant à l'urne dans les bureaux de vote que par correspondance.

Par la suite, un dernier décret n° 2009-47 du 13 janvier 2009 est venu préciser dans le décret du 6 avril 1984 certains aspects du fonctionnement de l'AFE, ainsi que son mode d'élection. Il a en particulier prévu que le président de l'AFE, c'est-à-dire le ministre des affaires étrangères, était membre du bureau de l'AFE, outre les vice-présidents et représentants des commissions et des groupes, changeant quelque peu de ce fait la nature de cet organe. Il a précisé que le règlement de l'AFE n'était plus proposé par son bureau, mais par sa commission compétente et que les commissions temporaires au sein de l'AFE pouvaient être créées à l'initiative du ministre mais aussi à la demande de l'assemblée. En outre, l'AFE doit désormais être réunie par le ministre au moins deux fois par an au lieu d'une seule fois. Pour permettre la participation effective des membres élus de l'AFE aux organismes consulaires de leur circonscription, le décret a prévu que ces organismes ne devaient pas se réunir simultanément au sein d'une même circonscription.

Par ailleurs, le décret du 13 janvier 2009 a également modifié certaines dispositions électorales. Il a avancé les délais de certaines opérations préparatoires au scrutin (convocation des électeurs, déclarations de candidature, remise des circulaires des candidats), tout en précisant utilement que « toute information utile à l'électeur pour voter lors du scrutin peut lui être adressée par voie postale ou courrier électronique » par l'administration. Il a également précisé que les bureaux de vote pouvaient être ouverts dans des locaux autres que les ambassades et postes consulaires.

Le décret du 13 janvier 2009 a également simplifié les modalités du vote par correspondance. En effet, jusque là, il était prévu que votaient par correspondance les électeurs qui résident dans des « pays où il ne leur est pas possible de se rendre au bureau de vote » et, dans les autres pays, les électeurs qui en avertissent préalablement et par écrit l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire, au plus tard le dernier jour ouvrable de décembre, ce qui supposait à la fois une démarche de l'électeur très précoce et un suivi individuel par l'administration. En cas de circonstances imprévues, l'électeur pouvait également retirer à l'ambassade ou au poste consulaire, jusqu'au deuxième jour avant le scrutin, le matériel de vote par correspondance, ce qui pouvait dans certains cas s'apparenter en pratique à un vote anticipé. Le décret a prévu que désormais chaque électeur recevait, en même temps que les circulaires des candidats et les bulletins de vote, le matériel de vote par correspondance. Le pli contenant l'enveloppe de vote doit parvenir à l'ambassade ou au poste consulaire au plus tard le deuxième jour précédant le scrutin et non la veille, permettant ainsi la tenue d'un registre des électeurs ayant voté par correspondance, facilitant les opérations électorales le jour du scrutin.

Les dispositions relatives au vote par correspondance, qui n'est sans doute pas satisfaisant dans son principe au regard des règles normales de vote, sont à comprendre dans un contexte récurrent de très faible participation à l'élection des membres du CSFE puis de l'AFE, de l'ordre de 20 % en moyenne, de sorte que toute modification du mode de scrutin doit aussi prendre en compte l'exigence de limiter l'abstention et d'améliorer la participation. Cette participation électorale est d'autant plus faible que seule la moitié des Français résidant à l'étranger serait immatriculée.

Enfin, après l'instauration par l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 de députés élus par les Français établis hors de France, en application de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, deux textes ont modifié en 2011 les textes relatifs à la représentation des Français établis hors de France.

D'une part, la loi n° 2011-411 du 14 avril 2011 ratifiant l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France a tiré les conséquences, dans l'ordonnance du 4 février 1959 et dans la loi du 7 juin 1982, de la création des députés élus par les Français établis hors de France, en les intégrant dans le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France et dans la composition de l'AFE en qualité de membre de droit.

D'autre part, la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, dans son article 174, a prévu que les membres élus de l'AFE et les sénateurs représentant les Français établis hors de France pouvaient prendre communication des listes électorales consulaires. Elle a également supprimé le principe d'interdiction de la propagande électorale à l'étranger pour les élections à l'AFE, dans le souci de pouvoir améliorer la participation électorale.

L'AFE est également représentée au sein de diverses autres instances. Ainsi, elle élit trois administrateurs de la Caisse des Français de l'étranger(CFE) en son sein et quinze administrateurs représentant les assurés. Elle est également représentée au sein du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), de la Commission nationale des bourses, de la Commission permanente pour l'emploi et la formation professionnelle des Français de l'étranger, du Conseil national de l'aide juridique, du Conseil départemental de l'accès aux droits de Paris, du Conseil pour la protection sociale des Français de l'étranger et du Conseil d'orientation stratégique relatif à l'action extérieure de l'État. En outre, les vice-présidents de l'AFE sont membres de droit de l'Association nationale des écoles françaises à l'étranger.

Ainsi, au regard de l'évolution de la représentation des Français établis hors de France depuis 1948, tant par le CSFE puis l'AFE que par le Sénat, le présent projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France apparaît comme le prolongement et l'aboutissement de ce processus de démocratisation progressive de la représentation des Français de l'étranger, par l'accession à une véritable représentation politique, exclusivement élue, dotée d'un niveau local et d'un niveau central.


* 33 Ils ne participent pas à l'élection des sénateurs.

* 34 Listes électorales instituées par la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République.

Page mise à jour le

Partager cette page