b) Un principe dévoyé dans la pratique

Dans la pratique, il apparaît que l'exception est devenue la règle : dans la très grande majorité des cas, en effet, les parents continuent de percevoir l'intégralité des allocations familiales , alors même que l'un (ou plusieurs) de leurs enfants est confié à l'ASE.

Ce constat, qui émane principalement des départements, a été confirmé par les représentants des juges des enfants auditionnés par votre rapporteur.

Il n'existe toutefois pas de statistiques nationales permettant de chiffrer précisément ce phénomène, ce que votre rapporteur regrette vivement .

Selon les informations qu'elle a recueillies auprès de la profession, il semble que le principe du versement à l'ASE ne soit effectif que dans certaines situations ne représentant qu'une minorité de cas :

- lorsque les faits à l'origine du placement sont graves (maltraitance par exemple) : dans un tel cas, en effet, rien ne peut justifier le maintien des allocations à la famille ;

- lorsque le dialogue avec la famille est impossible : si les parents ne sont pas prêts à coopérer, le juge peut décider, dans un premier temps, de leur suspendre le versement des allocations familiales, quitte à revoir sa décision, dans un deuxième temps, en cas d'évolution favorable de leur attitude ;

- lorsque le placement à l'ASE s'inscrit dans la durée (placement supérieur à deux ans) : dans les cas de placement long, les chances de retour au foyer sont très faibles, il n'y a donc pas lieu de maintenir le versement des allocations aux parents ;

- enfin, lorsque le juge ne statue pas sur le versement des allocations familiales : dans ce dernier cas, elles reviennent de droit au service de l'ASE, qui doit alors se manifester auprès de la caisse d'allocations familiales (Caf) pour en être bénéficiaire, ce qu'il ne fait apparemment pas toujours.

c) La diversité des pratiques des juges des enfants

Comme tout magistrat du siège, le juge des enfants voit son indépendance garantie par l'article 64 de la Constitution. Les pratiques professionnelles , dans le respect des dispositions législatives et réglementaires applicables, peuvent varier . Les départements sont donc confrontés à une pluralité de « donneurs d'ordre » qui n'ont pas tous les mêmes habitudes ni les mêmes exigences.

La difficulté est d'autant plus grande que les juges des enfants connaissent un taux de rotation élevé (un juge des enfants reste en moyenne trois ans dans son poste et près d'un sur deux a moins de deux années d'ancienneté dans la fonction) et que leur répartition territoriale ne recouvre pas le découpage départemental. Certains tribunaux pour enfants sont compétents pour plusieurs départements alors que certains départements comptent plusieurs tribunaux pour enfants.

De surcroît, même au sein d'une juridiction unique , les juges des enfants peuvent avoir des pratiques différentes et ne pas se coordonner.

Certes, il existe au niveau de la cour d'appel, un conseiller délégué à la protection de l'enfance, mais celui-ci a principalement une fonction juridictionnelle ; son rôle de coordination à l'égard des juges des enfants n'est pas identifié de façon nette.

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