EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES AU MARIAGE

Article 1er - (art. 143, 144, 162 à 164 et chapitre IV bis [nouveau] du code civil) - Ouverture du mariage et de l'adoption conjointe aux couples de personnes de même sexe et règles de conflit de lois

Cet article ouvre la possibilité aux personnes de même sexe de contracter mariage, ce que le code civil réservait jusque-là, explicitement, à deux personnes de sexe différent. Il ouvre par conséquent l'accès à l'adoption conjointe aux époux de même sexe.

Il fixe enfin les règles de conflit de lois applicables

1. L'ouverture du mariage aux personnes de même sexe

a) L'aboutissement d'un long processus entamé en 1999 avec le Pacs

En l'état actuel du droit, le titre V « Du mariage » du livre premier du code civil s'ouvre sur l' article 144 qui dispose que « l'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ». Conformément à l'esprit du code civil de 1804, il ressort de la rédaction de cet article que le caractère monogame du mariage et la différence de sexe des époux sont considérés comme des conditions allant de soi pour se marier.

Cet article, créé par une loi du 27 mars 1803, est resté inchangé pendant plus de deux siècles . La seule modification résulte de la loi du 4 avril 2006 28 ( * ) , qui a relevé l'âge légal de mariage des femmes de quinze ans à dix-huit ans révolus, s'alignant ainsi sur l'âge prévu pour les hommes, en application du principe d'égalité devant la loi.

Quelques tentatives de mariages de personnes de même sexe étaient demeurées infructueuses, comme le très médiatique mariage célébré par le député-maire de Bègles le 5 juin 2004, qui avait été annulé et avait donné lieu, à un arrêt du 13 mars 2007, dans lequel la Cour de cassation 29 ( * ) avait jugé « que, selon la loi française, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme ».

À la suite de cette affaire, le Conseil constitutionnel avait été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité. Dans une décision du 28 janvier 2011 30 ( * ) , il avait estimé que seul le législateur , en application de l'article 34 de la Constitution qui prévoit que la loi fixe les règles concernant « l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités », était compétent pour adopter des dispositions nouvelles sur la question du mariage des personnes de même sexe.

L'affirmation de la compétence exclusive du législateur découle également de l'article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en vigueur depuis 2009, qui prévoit expressément que « le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l'exercice. »

Dès lors, le 1° du I du présent article rétablit l' article 143 du code civil 31 ( * ) , en ces termes : « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe », consacrant ainsi, en tête du titre cinquième « Du mariage », une nouvelle conception de l'institution .

Le choix est fait de conserver la force symbolique qui s'attache au mariage, puisqu'il demeure abordé par ses conditions de formation, sans qu'il soit besoin de le définir, contrairement aux autres formes de conjugalité que sont le pacte civil de solidarité (Pacs) ou le concubinage 32 ( * ) .

La rédaction retenue pour l'article 143 inverse la logique passée du code civil, en introduisant une autorisation - le mariage « est contracté » -, là où le droit positif n'énumérait que des interdictions (articles 144, 146, 147, 148...). L'ouverture du mariage aux personnes de même sexe ne découle donc pas d'une interprétation a contrario d'une interdiction, mais bien d'une consécration positive.

Le présent texte s'inscrit dans le sens de l'histoire du mariage, vers la reconnaissance d'une égalité des droits conjugaux accordée à tous les couples, initiée par le législateur en 1999 avec l'adoption de la loi relative au pacte civil de solidarité 33 ( * ) . Cette loi a également introduit dans le code civil une reconnaissance explicite du concubinage 34 ( * ) qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel, alors même que, de jurisprudence constante de la Cour de cassation le réservait clairement aux couples constitués d'un homme et d'une femme 35 ( * ) .

Puis, progressivement, le régime du Pacs s'est rapproché de celui du mariage, jusqu'à sa refonte en profondeur, par la loi du 23 juin 2006 36 ( * ) .

Le pacte civil de solidarité en quelques grands traits

Le Pacs est un statut contractuel, créé par la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, ouvert aux couples homosexuels et hétérosexuels.

L'article 515-1 du code civil définit le pacte civil de solidarité comme « un contrat conclu pas deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ».

Il s'agit d'un contrat « spécifique » pour reprendre le terme employé par le Conseil constitutionnel 37 ( * ) puisqu'il n'est pas placé dans le code civil parmi les contrats, mais bien dans le livre I er du code civil consacré aux personnes.

De plus, si la conclusion d'un Pacs suppose que les conditions de formation classiques d'un contrat 38 ( * ) soient réunies, elle est également subordonnée à une obligation particulière d'enregistrement au greffe du tribunal d'instance, ce qui lui donne une certaine solennité, ainsi qu'à des conditions d'ordre moral et social inspirées du mariage (empêchements liés à la prohibition de l'inceste et de la bigamie 39 ( * ) ).

Le code civil prévoit également l'application aux Pacsés d'un quasi-régime primaire incluant des obligations minimales d'ordre personnel et pécuniaire dans les rapports mutuels des partenaires (vie commune et aide matérielle) 40 ( * ) .

En matière fiscale, certaines règles, initialement réservées aux époux, s'appliquent désormais aux partenaires. Par exemple, ils sont soumis à une imposition commune au titre de l'impôt sur le revenu 41 ( * ) .

Enfin, les partenaires pacsés bénéficient également de certains droits sociaux identiques à ceux des époux (aides personnalisées au logement, allocation de logement social). La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a étendu le bénéfice du congé de paternité accordé jusque là au conjoint de la mère de l'enfant, à la personne vivant maritalement avec elle ou ayant conclu un Pacs avec elle 42 ( * ) . Il a été transformé en congé de paternité et d'accueil de l'enfant, permettant ainsi aux couples homosexuels féminins au sein desquels l'une des deux partenaires a donné naissance à un enfant d'en bénéficier.

Cependant de nombreuses différences entre les deux régimes demeurent.

Les effets personnels du Pacs sont par exemple limités , puisque son enregistrement n'affecte pas le nom des partenaires ou leur nationalité .

En matière de filiation, ensuite, le Pacs ne produit aucun effet particulier sur la filiation des enfants nés d'un partenaire pacsé. Les personnes pacsées ne peuvent non plus adopter conjointement un enfant.

Quant à la protection des partenaires au contrat, le Pacs est loin d'apporter un niveau de protection équivalent à celui offert par le mariage , ce qu'a souligné Mme Annick Batteur, professeur à la faculté de droit de Caen, lors de son audition par votre rapporteur, concluant que le pacte civil n'a de « solidarité » que le nom.

Ainsi, en l'état actuel de la législation, le partenaire survivant ne peut prétendre à la réversion de la pension de retraite accordée au conjoint survivant dans le mariage.

De même, en matière patrimoniale, le partenaire survivant d'un Pacs ne bénéficie pas de dispositions aussi favorables que le conjoint survivant en droit des successions .

Enfin, si les partenaires et les époux sont tenus à des obligations personnelles assez voisines, ils n'encourent cependant pas les mêmes sanctions en cas de violation de l'une d'entre elles. Dans le mariage, l'époux victime peut demander le divorce pour faute, alors que la rupture du Pacs obéit à un formalisme très allégé puisque le contrat peut être rompu, par signification de l'un de partenaires à l'autre 43 ( * ) et n'emporte que peu d'effets protecteurs des partenaires, même si la loi de 2006 a, tant bien que mal, amélioré leur situation 44 ( * ) .

Or, comme l'ont exprimé les représentants du conseil supérieur du notariat, entendus par votre commission, « nos concitoyens, qui ne sont pas des juristes avertis, découvrent les effets de ces différentes formes de vie en couple en cas de catastrophe ».

Ce qui est vrai pour le Pacs l'est d'ailleurs également pour le concubinage, comme l'a relevé Maître Poivey-Leclercq, lors de son audition par votre commission : « J e vois dans ma clientèle, des concubins de vingt ans qui ne comprennent pas, au moment de la séparation, ce qui leur arrive : ils ne s'étaient pas avisés qu'ils n'avaient aucun droit » .

Votre rapporteur estime donc nécessaire d'aller au bout de la logique engagée en 1999 et d' ouvrir l'institution protectrice du mariage aux personnes de même sexe , permettant ainsi à tous les couples d'organiser leur vie commune selon le mode de conjugalité de leur choix, allant, par gradation du degré d'engagement et corrélativement de protection, du concubinage au mariage, en passant par le Pacs.

D'ailleurs, dans son principe même, l'idée d'un alignement des droits des couples homosexuels sur ceux reconnus aux couples hétérosexuels, en matière de conjugalité, est apparue relativement consensuelle chez l'ensemble des personnes entendues par votre commission.

Ainsi, le Défenseur des droits, M. Dominique Baudis, a salué les avancées apportées par le présent texte sur cette question, mettant fin à des discriminations dénoncées en son temps par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et l'égalité, puis par le Défenseur des droits lui ayant succédé.

Cependant, s'agissant de la forme choisie pour atteindre cette égalité des droits, votre commission n'a pas retenu la proposition parfois avancée de créer une sorte de mariage bis , un Pacs « amélioré » ou autre « union civile », réservée aux couples de personnes de même sexe .

Comme l'a relevé Maître Jacques Combret, membre du conseil supérieur du notariat par votre commission, créer une autre forme d'union à côté du mariage conduirait à une juxtaposition complexe de régimes qui nuirait à la lisibilité des différentes options offertes aux couples pour organiser leur vie commune.

En effet, dès lors qu'il n'est pas envisagé de faire disparaître le Pacs, dispositif très largement plébiscité par les couples de sexe différent qui représentent plus de 95 % des contrats conclus 45 ( * ) , quatre régimes différents seraient amenés à cohabiter : une union libre produisant néanmoins certains effets juridiques (le concubinage), le Pacs dans sa forme actuelle pour tous les couples, un Pacs « amélioré », sorte de mariage bis pour les couples de personnes de même sexe, et un mariage pour les couples de personnes de sexe différent. Un tel choix aurait abouti à maintenir un statut spécifique pour les couples de personnes de même sexe, allant à l'encontre de la volonté d'assurer l'égalité entre les couples qui anime le présent texte.

b) L'ouverture de l'institution du mariage aux personnes de même sexe dans toutes ses composantes

M. Nicolas Gougain, porte parole de l'inter-LGBT a salué en ces termes, lors de son audition publique par votre commission, le dépôt du projet de loi par le Gouvernement : « aujourd'hui, nous y sommes, la France marche vers l'égalité des droits ».

Cette exigence d'égalité des droits a imprégné tous les débats qui se sont tenus lors des auditions organisées par votre commission, certains l'invoquant pour s'opposer au texte, d'autres pour le soutenir.

À cet égard, votre rapporteur tient à rappeler qu' « égalité » ne veut pas dire « identité ». Les homosexuels revendiquent un droit à la différence et le droit à ne pas faire l'objet de discriminations en raison de leur orientation sexuelle.

Le présent texte entend donc assurer une égalité de traitement à tous les couples, qu'ils soient de même sexe ou de sexe différent, en leur offrant le bénéfice d'une institution qui produit des droits et des devoirs entre époux, mais également des effets à l'égard de la société.


Des conditions de formation du mariage identiques pour tous les couples

La garde des sceaux a rappelé lors de son audition par votre commission, que l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe se faisait à droit constant, « c'est-à-dire dans les mêmes conditions de consentement et d'âge, et avec les mêmes prohibition ».

L'âge légal minimum pour contracter mariage reste fixé par l'article 144 du code civil à dix-huit ans révolus , sauf dispense accordée par le procureur de la République pour des motifs graves (article 145). Jusqu'à la loi du 4 avril 2006 46 ( * ) , il était fixé à quinze ans révolus pour les femmes.

Cependant, par coordination avec l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe, prévue au nouvel article 143 du code civil, le 2° de l'article 1 er du présent texte modifie l'article 144, pour substituer à la formulation actuelle : « l'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus », une rédaction non sexuée : « le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus ».

La condition liée au consentement des époux , prévue à l'article 146 du code civil, ne nécessite pas d'intervention du législateur, car elle est déjà formulée en termes neutres : « il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a pas de consentement ».

Il en est de même de la règle fixant l' empêchement à mariage pour cause de bigamie , l'article 147 du code prévoyant simplement qu'« on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier ».

En revanche, le texte ajuste certaines dispositions relatives aux empêchements à mariage liés à la parenté ou l'alliance pour étendre l'interdiction de l'inceste aux couples de personnes de même sexe.

Concernant les parents en ligne directe 47 ( * ) , l'article 161 du code civil reste inchangé. « Le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés 48 ( * ) dans la même ligne » : un père ne pourra épouser son fils ; un grand-père, son petit-fils ; une belle-mère, sa belle-fille.

L'article 164 prévoit cependant que le Président de la République peut, « pour des causes graves », lever la prohibition à mariage « entre alliés en ligne directe, lorsque la personne qui a créé l'alliance est décédée ». Cette disposition n'est pas non plus modifiée par le projet de loi.

En ligne collatérale 49 ( * ) , des ajustements sont apportés. L'article 162 dans sa rédaction en vigueur prévoit que « le mariage est prohibé entre le frère et la soeur », c'est à dire au deuxième degré . Le 3° du I de l'article 1 er étend, par coordination, cette interdiction aux mariages « entre frères et entre soeurs ».

L'article 163 est, quant à lui, réécrit par le 4° de l'article 1 er , pour prévoir que l'interdiction de mariage s'applique non seulement entre « l'oncle et la nièce, la tante et le neveu » ( au troisième degré ), mais aussi entre l'oncle et le neveu, ainsi qu'entre la tante et la nièce.

L'article 164 prévoit, comme pour les alliés, que le Président de la République peut lever cette interdiction pour causes graves. Le 5° du I de l'article 1 er du présent texte modifie cet article du code civil, par coordination avec la modification de l'article 163, pour permettre au Président de la République de lever également l'interdiction à mariage entre l'oncle et le neveu, ainsi qu'entre la tante et la nièce.


Des formalités relatives à la célébration du mariage inchangées

Le code civil prévoit, aux articles 63 à 73, un certains nombre de formalités préalables à la célébration du mariage . Elles ont une double finalité.

En premier lieu, la publication des bans, par voie d'affichage par l'officier d'état civil à la porte de la mairie pendant dix jours a pour objectif de permettre à ceux qui connaissent des empêchements de faire opposition . Le mariage ne peut être célébré avant expiration de ce délai.

En second lieu, elles permettent à l'officier d'état civil de vérifier que les futurs époux remplissent les conditions de fond requises pour se marier. À cet effet, ils doivent lui fournir un certain nombre de documents (copie de l'acte de naissance, justificatif d'identité...), et se soumettre à une audition au cours de laquelle l'officier vérifie la réalité du consentement.

Quant aux formalités relatives à la célébration du mariage elles-mêmes, elles sont prévues aux articles 74 et 75 du code civil (titre II « Des actes de l'état civil ») et aux articles 165 à 171 (titre V « Du mariage »).

L'article 74 du code civil prévoit le mariage est célébré dans la commune où l'un des deux époux a son domicile 50 ( * ) ou sa résidence 51 ( * ) établie par un mois au moins d'habitation continue.

Cependant, le nouvel article 1 er bis B, introduit en séance à l'Assemblée nationale, ouvre la possibilité aux futurs époux de demander à célébrer leur mariage dans la commune du domicile ou de la résidence de l'un de leurs parents ( cf. infra ).

En application de l'article 75, le jour désigné par les parties , l'officier d'état civil, lors d'une célébration publique à la mairie , en présence d'au moins deux témoins , ou de quatre au plus, fait lecture aux futurs époux des textes suivants :

- l'article 212 : « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance . » ;

- l'article 213 : « les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l'éducation des enfants et préparent leur avenir. » ;

- le premier alinéa de l'article 214 : « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. » ;

- le premier alinéa de l'article 215 : « les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie. » ;

- l'article 220 relatif à la solidarité entre époux des dettes contractée pour l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants ;

- l'article 371-1 relatif à l'exercice de l'autorité parentale.

L'officier d'état civil reçoit ensuite de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles veulent se prendre pour époux . Il prononce alors, au nom de la loi, qu'elles sont unies par le mariage, et il en dresse l'acte.


Le bénéfice de tous les effets du mariage pendant sa durée

Sur le plan personnel , le mariage produit des effets importants qui bénéficieront désormais à tous les couples mariés.

Chaque époux, tout en conservant son propre nom, qui lui est indéfectiblement attaché acquiert, par le mariage, le droit d'user du nom de son conjoint .

Le mariage peut également avoir une incidence sur la nationalité de l'un des époux. En effet, si l'article 21-1 du code civil dispose que « le mariage n'exerce de plein droit aucun effet sur la nationalité », l'article 21-2 prévoit que le conjoint étranger ou apatride d'un français, peut acquérir la nationalité française par déclaration après un délai de quatre ans à compter du mariage, à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint demandeur justifie d'une connaissance suffisante de la langue française.

Même s'il ne devient pas français, l'époux étranger pourra se voir délivrer, de plein droit, une carte de séjour, sauf dans certains cas particuliers, car le droit au regroupement familial est reconnu au titre du droit fondamental de mener une vie familiale normale.

Parallèlement, l'article 23-5 prévoit qu'un Français qui épouse un étranger peut répudier sa nationalité française à condition qu'il ait acquis la nationalité étrangère de son conjoint et que la résidence habituelle du ménage ait été fixée à l'étranger.

Sur le plan administratif , les époux constituent désormais un foyer. À ce titre, ils bénéficient de certains dispositifs fiscaux (comme la déclaration commune d'impôts sur le revenu) et sociaux (le versement d'une pension de réversion au conjoint survivant en cas de décès de l'un des époux).

Enfin, les liens créés par le mariage sont à l'origine de droits et de devoirs réciproques entre époux. Ce sont les droits et devoirs que l'officier d'état civil a lu aux futurs époux au moment de la célébration du mariage.

La loi en énumère cinq : le respect, la fidélité, le secours (matériel) et l'assistance (morale) à l'article 212, et la communauté de vie à l'article 215 auxquels s'ajoute la sauvegarde des intérêts familiaux, c'est à dire la codirection de la famille (article 213) et ses conséquences en cas de manquement (articles 220-1 à 220-3).

De ces droits et devoirs découlent un certain nombre de conséquences patrimoniales pour les époux :

- l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants (article 203) ;

- le devoir de secours (article 212) et la contribution aux charges du mariage (article 214) 52 ( * ) .

- la solidarité pour les dettes ménagères (article 220) 53 ( * ) .

Au-delà du statut matrimonial de base, applicable à tous les ménages, les rapports pécuniaires des époux sont réglés par le régime matrimonial qu'ils ont choisi par contrat de mariage : communauté universelle, séparation de biens, communauté réduite aux acquêts.

À défaut de choix, le régime de droit commun applicable aux époux sera le régime de la communauté réduite aux acquêts.

Enfin, les articles 204 et suivants prévoient une obligation alimentaire réciproque entre ascendants et descendants dans le besoin, voire entre beaux-parents et gendres ou belles-filles. Les représentants du conseil supérieur du notariat ont d'ailleurs signalé à votre commission, lors de leur audition, que, compte-tenu du contexte économique actuel, les demandes d'aliments de la part des enfants vis-à-vis de leurs ascendants étaient de plus en plus fréquentes.


Effets protecteurs lors de la dissolution du lien conjugal

En premier lieu, la dissolution des liens du mariage peut résulter d'un divorce .

Contrairement au Pacs, qui peut être dissout à l'initiative d'un seul des deux partenaires par simple signification à l'autre partenaire, les liens du mariage ne peuvent être rompus que par l'intervention du juge.

Pour les couples de personnes de même sexe, comme pour les couples de personnes de sexe différent, le divorce pourra être prononcé, sur le fondement de l'article 229 du code civil, dans quatre cas : consentement mutuel, acceptation du principe de la rupture du mariage, altération définitive du lien conjugal ou faute.

Le divorce produira les mêmes effets pour tous les couples. Ils se traduisent d'abord par la disparition du mariage et de ses conséquences.

Cependant, certains effets du mariage peuvent perdurer .

Le logement des époux, par exemple, est soumis à un régime particulier 54 ( * ) .

De plus, si l'article 270 du code civil dispose expressément que « le divorce met fin au devoir de secours entre époux », le juge peut prévoir le versement d' une prestation compensatoire par l'un des époux à l'autre, destinée à atténuer autant que possible les disparités que la fin du mariage créé dans les conditions de vie respective des époux. « Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge ».

À côté de la prestation compensatoire, à certaines conditions, l'article 266 prévoit que « des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux, en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage ». Cela peut couvrir par exemple, la perte des avantages liés à la vie conjugale, pour la part non couverte par la prestation compensatoire ou, sur le plan moral, du désarroi lié à la solitude.

Quant aux enfants , il reviendra au juge de se prononcer sur l'exercice de l'autorité parentale : la protection apportée par le mariage aux époux, est une protection assurée aux enfants .

En second lieu, la dissolution des liens du mariage peut résulter du décès de l'un des époux .

Les couples de personne de même sexe bénéficieraient désormais de la protection accordée au conjoint survivant 55 ( * ) .

La situation du conjoint survivant

Elle s'est nettement améliorée avec la loi du 3 décembre 2001 56 ( * ) , une loi « équilibrée, à l'efficacité reconnue » pour reprendre les termes du rapport d'information de MM. Dominique de Legge et Jacques Mézard, fait au nom de la commission des lois en 2011 57 ( * ) .

Elle a modifié les articles 756 à 767 du code civil, qui s'appliquent en l'absence de testatment :

- en présence d'enfants qui sont tous communs aux époux, le conjoint survivant peut choisir entre l'usufruit de toute la succession ou le quart de la pleine propriété ;

- en présence d'enfants dont certains ne sont pas communs, il recueille le quart de la pleine propriété de la succession ;

- en présence des deux parents du défunt, il recueille la moitié de la succession ;

- en présence d'un seul des parents du défunt il recueille les trois-quarts de la succession ;

- dans les autres cas, il hérite de la totalité.

La situation du conjoint survivant reste néanmoins fragile, car il n'est pas héritier réservataire si le défunt laisse des descendants (il en était de même en présence d'ascendants jusqu'à la réforme du 23 juin 2006 58 ( * ) ). Le défunt peut, dans ce cas, avoir pris des dispositions contraires dans son testament et l'avoir déshérité ou avoir vidé sa succession par des donations.

Enfin, le droit fiscal est favorable aux personnes mariées. Ils bénéficient du même tarif progressif pour les transmissions que celui appliqué aux enfants.

Un sort particulier est fait au logement des époux, permettant au conjoint survivant d'y demeurer la première année après le décès de son époux, que le logement soit la propriété des époux ou qu'il soit assuré par un bail 59 ( * ) . Au-delà de cette période, le conjoint survivant reçoit un droit d'habitation et d'usage du logement et de son mobilier jusqu'à son propre décès lorsque le logement était la propriété du couple 60 ( * ) et se voit transférer le droit au bail, lorsque le couple était locataire 61 ( * ) .

Enfin, en application de l'article 767 du code civil, le conjoint survivant dans le besoin dispose d'une créance alimentaire contre la succession du conjoint décédé, si cette succession ne lui revient pas et, en vertu de l'article 206, d'un droit alimentaire contre ses anciens beaux-parents lorsque des enfants sont issus du mariage.

2. L'accès des couples de même sexe à la filiation adoptive conjointe

Si, en matière patrimoniale et extrapatrimoniale le bénéfice de l'ensemble des droits et obligations inhérents au mariage est ouvert aux couples de même sexe par le seul accès au mariage, en matière de filiation, ce bénéfice est circonscrit à la seule filiation adoptive conjointe, à l'exclusion des autres modes d'établissement de la filiation maternelle ou paternelle.


Seulement l'adoption conjointe...

Le code civil consacre en effet deux titres du livre premier à la filiation. Le titre VII, intitulé « De la filiation » et le titre VIII, intitulé « De la filiation adoptive ».

Or, si le second ne mentionne que les époux, les conjoints ou les adoptants, sans référence à leur sexe 62 ( * ) , ce qui rend ses dispositions applicables aux conjoints homosexuels, le premier vise particulièrement les père ou mère, fermant, de ce fait, l'établissement conjoint de la filiation à des personnes de même sexe.

L'article 310-1 du code civil précise en effet que « la filiation est légalement établie, [...], par l'effet de la loi, par la reconnaissance volontaire ou par la possession d'état constatée par un acte de notoriété ».

Le premier mode d'établissement de la filiation, par l'effet de la loi, correspond d'une part à la règle de l'article 311-25 selon laquelle la filiation maternelle s'établit par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance et d'autre part à la présomption de paternité de l'article 312 du même code, selon laquelle l'enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari.

L'article 320 du même code disposant que, « tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait », deux personnes de même sexe ne pourraient demander à bénéficier cumulativement de l'une de ces deux règles, qui distribuent la filiation selon le sexe de l'auteur.

La reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance constitue le second mode d'établissement de la filiation légale.

Or, pour la même raison que précédemment, la filiation d'un enfant ne peut être établie sur ce fondement, à l'égard de deux personnes de même sexe, car il y aurait contradiction au sens de l'article 320 du code civil : la première reconnaissance effectué par un homme ou une femme interdit à toute personne du même sexe d'en effectuer une à son tour. La seule voie ouverte reste alors celle d'une contestation de la première reconnaissance en justice.

Le dernier mode d'établissement de la filiation est la possession d'état, judiciairement constatée, qui se fonde sur une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir (art. 311-1 du code civil) : l'usage d'un nom en commun, le fait d'être traité par ses prétendus parents comme leur enfant et de les traiter tels, et le fait d'avoir cette situation aux yeux de la société ou de la famille.

La possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque (art. 311-2 du même code). Or, la filiation non-adoptive ne pouvant être établie pour deux personnes de même sexe, l'apparence ne peut jouer en leur faveur, ni la possession publique et non équivoque de cet état être constatée par le juge.

Votre rapporteur souligne, à cet égard, que la reconnaissance, demain, de doubles filiations maternelles ou paternelles, établies en vertu d'une adoption, n'autorisera pas plus à recourir à la possession d'état pour faire reconnaître la filiation d'un enfant vis-à-vis d'un second parent de même sexe que le premier. En effet, l'article 311-2 du code civil impose que la filiation apparente soit établie à l'égard de ceux dont on dit l'enfant « issu », ce qui correspond à une filiation biologique et non à une filiation adoptive.

Enfin, votre rapporteur rappelle que l'assistance médicale à la procréation 63 ( * ) , qui ne constitue pas un mode d'établissement de la filiation, demeure exclue du champ d'application de la présente loi. En effet, l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, qui n'est pas modifié par le présent projet de loi, la réserve aux couples - mariés ou non - qui présentent une infertilité dont le caractère pathologique est médicalement constaté, ce qui exclut les couples de personnes de même sexe.


...Toute l'adoption conjointe

L'article 343 du code civil ouvre aux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans et âgés l'un et l'autre de plus de vingt-huit ans, l'adoption plénière et l'adoption simple 64 ( * ) .

Le bénéfice de cette disposition repose exclusivement sur le lien matrimonial, sans référence au sexe des époux.

En autorisant le mariage des couples de personnes de même sexe, le présent article les place donc sur le même pied que les époux de sexe différent, puisqu'ils pourront :

- adopter conjointement, en la forme simple ou plénière, un enfant ;

- adopter, pour l'un des deux, en la forme simple ou plénière, l'enfant de l'autre conjoint. Il s'agit alors d'une adoption intrafamiliale.

Les régimes juridiques de l'adoption plénière et de l'adoption simple


L'adoption plénière

Son objet est de conférer à l'enfant adopté une filiation avec l'adoptant, qui se substitue totalement à sa filiation d'origine : il cesse d'appartenir à sa famille par le sang et acquiert, dans la famille de l'adoptant, les mêmes droits et obligations qu'un enfant dont la filiation a été légalement établie 65 ( * ) . Les père et mère de l'enfant doivent consentir à l'adoption 66 ( * ) .

Elle procède ainsi d'une assimilation complète avec une filiation par le sang : l'acte de naissance d'origine de l'enfant est annulé, le jugement d'adoption est retranscrit sur les registres d'état civil du lieu de naissance de l'intéressé, et cette retranscription ne doit contenir aucune indication relative à sa filiation réelle 67 ( * ) . L'adopté prend le nom de l'adoptant 68 ( * ) .

L'adoption de l'enfant du conjoint laisse toutefois subsister sa filiation d'origine à l'égard de ce conjoint et de sa famille 69 ( * ) .

L'adoption plénière n'a pas d'effet rétroactif et elle est irrévocable 70 ( * ) .


L'adoption simple

Elle se distingue de la précédente par des effets moins absolus sur la filiation d'origine de l'adopté, puisqu'elle se limite à créer un nouveau lien de filiation entre l'intéressé et sa famille d'adoption, sans rompre celui qui l'unit à sa famille d'origine. Comme l'adoption plénière, elle suppose le consentement des parents à l'égard desquels sa filiation est déjà établie.

Ce faisant, l'enfant adopté conserve, dans sa famille par le sang, l'intégralité de ses droits, notamment héréditaires 71 ( * ) , et acquiert les mêmes dans sa famille d'adoption. Le nom de l'adoptant est adjoint à celui de l'adopté, et s'y substitue, par décision du tribunal, à la demande de l'adoptant 72 ( * ) .

En revanche, l'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits de l'autorité parentale, sauf en cas d'adoption simple de l'enfant du conjoint. Les deux époux possèdent alors en commun cette autorité, l'exercice en étant toutefois conservé par le parent d'origine, à moins d'une déclaration conjointe d'exercice en commun de cette autorité 73 ( * ) .

L'adoption simple est révocable pour motif grave, sous certaines conditions 74 ( * ) .

La possibilité d'adoption par une personne seule 75 ( * ) qui elle aussi est indifférente au sexe et à l'orientation sexuelle de l'intéressé 76 ( * ) , demeure inchangée, sauf sur un point.

En effet, lorsque l'adoptant, bien que souhaitant adopter seul, est marié et non séparé de corps, il doit recueillir le consentement de son conjoint. Cette condition, qui ne concernait jusqu'à présent, par définition, que les époux de sexe différents, s'appliquerait demain aussi aux époux de même sexe.

Votre rapporteur souligne l'avancée qu'autorise, en matière d'adoption, le présent article : pour la première fois au sein des couples de même sexe, la filiation d'un enfant pourra être établie à l'égard des deux parents qui s'occupent effectivement de lui et l'éduquent. Sera ainsi assurée à l'enfant, aux parents et à toutes ces familles, la protection supérieure que seule garantit la filiation dans notre droit .

Cette protection se concrétise dans l'assimilation complète, à l'article 358 du code civil, entre les enfants adoptés plénièrement et ceux dont la filiation a été établie par déclaration, reconnaissance ou possession d'état : elle assure une parfaite égalité entre les uns et les autres.

Toutefois, votre rapporteur note aussi que l'avancée réalisée jouera essentiellement en faveur des familles homoparentales au sein desquelles l'enfant a sa filiation déjà établie à l'égard d'un des deux membres du couple . Le mécanisme sollicité sera alors celui de l'adoption simple ou plénière de l'enfant du conjoint.

En effet, comme l'ont rappelé lors de leur audition, tant les représentants des associations compétentes en matière d'adoption, que ceux de l'agence française de l'adoption et de la fédération française des organismes autorisés pour l'adoption, fort peu de pays étrangers acceptent de confier des enfants, pour adoption, à des couples homosexuels 77 ( * ) . Aucune adoption internationale par un couple de personnes de même sexe n'a ainsi eu lieu en Belgique depuis l'ouverture de ce droit, il y a six ans.

Or, celle-ci représente en France près des deux tiers des adoptions : en 2011, l'adoption internationale a concerné 1995 enfants, et l'adoption nationale 800.

En outre, le nombre de couples candidats à l'adoption est près de neuf fois supérieur à celui des enfants susceptibles d'être adoptés chaque année (27 000 candidats à l'adoption en 2011) : on ne peut exclure, comme l'a relevé le docteur Pierre Levy-Soussan au cours de son audition, et bien que toute discrimination exclusivement fondée sur l'orientation sexuelle des candidats à l'adoption soit illégale , que ce déséquilibre joue en défaveur des couples homosexuels.


Un accès à l'adoption conjointe conforme aux exigences de la convention européenne des droits de l'homme

Votre rapporteur souligne qu'en refusant de dissocier l'accès au mariage de celui à l'adoption conjointe, le Gouvernement s'est non seulement conformé au droit en vigueur, qui lie les deux sans référence aucune au sexe des adoptants, mais il a garanti, par anticipation, la conformité du texte de loi à la convention européenne des droits de l'homme .

En effet, la Cour européenne des droits de l'homme a récemment étendu sa jurisprudence relative à la discrimination en raison de l'orientation sexuelle, en matière d'accès à une vie famille normale.

Dans sa décision en date du 15 mars 2012, Gas et Dubois contre France 78 ( * ) , la Cour avait conclu à l'absence de différence de traitement fondée sur l'orientation sexuelle entre les couples hétérosexuels non mariés et les couples homosexuels, au motif qu'en droit français l'interdiction de l'adoption conjointe frappe les premiers, comme les seconds, sans distinction.

Sans remettre en cause cette première jurisprudence, qui valide implicitement le choix de réserver aux couples mariés l'adoption conjointe et qu'elle a au contraire confirmée à l'unanimité, la Cour de Strasbourg s'est prononcée, le 19 février 2013 79 ( * ) , sur la discrimination établie entre les couples hétérosexuels et homosexuels placés dans la même situation conjugale, pour l'accès à l'adoption.

Elle a jugé que le droit autrichien, qui réservait aux seuls couples hétérosexuel l'adoption conjointe, indépendamment du fait qu'ils soient mariés ou non, opérait une différence de traitement contraire aux articles 8 et 14 de la convention européenne des droits de l'homme, car fondé sur l'orientation sexuelle des intéressés.

S'il est donc possible de limiter l'adoption conjointe aux seuls époux, il serait contraire au droit conventionnel européen de refuser à des époux homosexuels le bénéfice d'une adoption conjointe dont profitent les époux hétérosexuels .

3. Les règles de conflit de lois applicables au mariage de personnes de même sexe

Les règles de conflit de lois ont vocation à déterminer la règle de droit applicable en présence d'un élément d'extranéité, c'est-à-dire lorsque le mariage est célébré sur un territoire étranger ou lorsque le mariage concerne un étranger.

Le II du présent article insère dans le code civil un chapitre IV bis « Des règles de conflit de lois », composé de deux articles.

a) La possibilité d'écarter la loi personnelle d'un ressortissant étranger lorsqu'elle interdit le mariage de personnes de même sexe

Le droit positif prévoit que les conditions de fond du mariage (l'âge légal, le consentement, les empêchements...) sont régies par la loi personnelle de chacun des époux. Cette règle est fixée, pour les Français, à l'article 3 du code civil qui dispose que : « les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger ».

De jurisprudence constante, lorsque le mariage est contracté entre un Français et le ressortissant d'un État étranger, le juge apprécie que les conditions essentielles à la validité du mariage sont remplies, distributivement, selon la loi personnelle de chacun des époux.

Or, le maintien de cette règle aurait pour conséquence de rendre impossible :

- la célébration du mariage de couples d'étrangers résidant en France, lorsque leur loi personnelle l'interdit ;

- la célébration du mariage de couples constitués d'un Français et d'un étranger, lorsque sa loi personnelle ne l'y autorise pas.

Par exemple, un maire ne pourrait marier un Français et un Allemand résidant ensemble en France depuis de longues années, car la loi allemande n'autorise pas le mariage de personnes de même sexe.

Le nouvel article 202-1 du code civil rappelle dans, son premier alinéa, le principe général applicable, à savoir que : « les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle ».

Par exception, afin de permettre l'application des nouvelles règles aux couples de personnes de même sexe dont l'une au moins n'a pas la nationalité française , le deuxième alinéa du nouvel article 202-1, dans la rédaction initiale du projet de loi, prévoyait que « la loi personnelle d'un époux est écartée, sous réserve des engagements internationaux de la France, en tant qu'elle fait obstacle au mariage de deux personnes de même sexe, lorsque la loi de l'État sur le territoire duquel est célébré le mariage le permet » .

La commission des lois de l'Assemblée nationale a réécrit cette disposition dérogatoire à l'application de la loi personnelle des époux, en s'inspirant de la règle prévue par le droit belge.

Au lieu de prévoir, comme c'était le cas dans le texte initial, que la loi personnelle est écartée au profit de la loi de l'État de célébration du mariage, la nouvelle règle issue des travaux de l'Assemblée nationale, davantage conforme aux règles du droit international privé, prévoit que le mariage peut être célébré dès lors que, pour au moins l'un des époux, soit sa loi personnelle, soit la loi de l'État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet .

Elle a également supprimé la référence à la réserve diplomatique que contenait le deuxième alinéa de l'article 202-1, estimant qu'elle était inutile. Le mariage ne pourra être célébré si une convention internationale s'y oppose, conformément à l'article 55 de la constitution, qui fait prévaloir les engagements internationaux de la France sur la loi nationale.

L'étude d'impact annexée au présent texte présente une liste de conventions bilatérales liant la France et soumettant expressément les conditions de fond du mariage à la loi nationale (conventions avec la Pologne, le Maroc, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Serbie, la Slovénie et le Vietnam), ainsi que les conventions rattachant le statut personnel à la loi nationale (conventions avec Madagascar, le Cambodge, le Laos, la Tunisie et l'Algérie).

Dès lors, si la loi nationale du Maroc ou du Vietnam, par exemple, n'autorise pas le mariage des personnes de même sexe, les ressortissants de ces États ne pourront pas se marier en France, y compris avec un Français.

Votre rapporteur approuve pleinement la nécessité de prévoir cette règle de conflit de lois , sans laquelle le présent texte ne serait pas applicable aux Français qui choisissent d'épouser un étranger dont la loi personnelle n'autorise pas une telle union.

Des observations ont néanmoins été formulées à l'encontre de ce dispositif, lors des auditions organisées par votre rapporteur, par M. Hugues Fulchiron, professeur de droit à l'université Lyon 3 et par les représentants du conseil supérieur du notariat, concernant le choix des notions de « domicile » ou de « résidence ».

En effet, généralement, en droit international privé les termes utilisés sont ceux de « résidence habituelle », qui permet de qualifier un lien étroit et stable avec l'État concerné. Ces termes sont d'ailleurs mentionnés à plusieurs reprises dans le code civil, par exemple aux articles 21-7 et suivants relatifs aux règles d'octroi de la nationalité française ou 311-15 relatif à la possession d'état en matière de filiation.

C'est d'ailleurs cette notion qui est utilisée dans la règle belge, dont est pourtant inspiré le nouvel article 202-1, pour justifier l'éviction d'une loi personnelle qui prohibe le mariage de personnes de même sexe.

Ces observations ne paraissent toutefois pas dirimantes, car les notions de « domicile » 80 ( * ) ou « résidence » 81 ( * ) sont justement celles utilisées par le droit commun français du mariage. L'article 74 du code civil 82 ( * ) prévoit que la célébration du mariage a lieu, au choix des époux, dans la commune où l'un des époux, ou l'un de leurs parents, a son domicile ou sa résidence établie par un mois au moins d'occupation à la date de la publication des bans.

Dès lors, comme c'est déjà le cas pour les couples hétérosexuels, deux étrangers homosexuels qui ont une résidence secondaire en France pourront s'y marier, si cette résidence est établie dans les conditions prévues à l'article 74.

Votre rapporteur estime que la crainte d'un « tourisme nuptial » est quelque peu infondée. En effet, si les mariages ainsi célébrés sont valables en France et dans les pays ayant adopté la même politique législative, ils n'auront pas d'effets dans les pays prohibant le mariage de personnes de même sexe, à commencer par l'État d'origine des ressortissants étrangers dont la loi personnelle a été écartée pour permettre la célébration du mariage.

b) La validité du mariage subordonnée au respect de la loi de l'État de célébration du mariage

En droit positif, l'article 171-1 du code civil dispose que la loi applicable pour apprécier la validité des conditions de forme du mariage (publications, formalités préalables, autorité compétente pour célébrer le mariage...), est celle du lieu de célébration du mariage. Cet article ne concerne que le cas des mariages de Français à l'étranger.

Le projet de loi introduit dans le code civil un nouvel article 202-2, qui n'a pas été modifié par l'Assemblée nationale. Celui-ci a vocation à s'appliquer aux mariages célébrés en France lorsqu'un étranger au moins est concerné.

S'inspirant de l'article 171-1, il prévoit que « le mariage est valablement célébré s'il l'a été conformément aux formalités prévues par la loi de l'État sur le territoire duquel la célébration a eu lieu. »

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a adopté l'article 1 er sans modification .

Article 1er bis A (art. 34-1 [nouveau] du code civil) - Contrôle et surveillance par le ministère public de l'établissement des actes d'état civil

Cet article, introduit en séance publique à l'Assemblée nationale par un amendement de M. Alain Tourret et plusieurs de ses collègues, insère dans le code civil un article 34-1, qui consacre expressément un pouvoir de contrôle et de surveillance du procureur de la République sur les officiers de l'état civil dans l'exercice de leurs fonctions.

Le maire, en tant qu'officier de l'état civil, a la charge des actes de l'état civil.

Cependant, dans la mesure où ces actes relève du service public de la justice et sont faits au nom de l'État, le pouvoir décisionnel appartient au procureur de la République 83 ( * ) .

Le code civil prévoit donc, déjà, un certain nombre de cas dans lesquels le ministère public est appelé à intervenir.

En application de dispositions spécifiques, le procureur de la République peut intervenir de son propre chef, puisqu'il exerce son autorité , au nom de l'État, sur les officiers de l'état civil .

Il vérifie par exemple les registres d'état civil lors de leur dépôt au greffe du tribunal de grande instance (article 53). Il peut donner des instructions à l'officier de l'état civil aux fins de rectification d'erreur matérielle (article 99 du code civil), ou de faire procéder à la publicité de décisions modifiant l'état civil 84 ( * ) .

Concernant plus spécifiquement le mariage, le procureur peut dispenser les époux, pour motifs graves, de publication des bans (article 169). Il peut également former opposition pour les cas où il pourrait demander la nullité du mariage (article 175-1).

Dans la mesure où les matières dans lesquelles les officiers de l'état civil interviennent sont de plus en plus techniques, le code civil prévoit qu'ils peuvent interroger les parquets au quotidien.

En application des articles 171-4 et 175-2, l'officier d'état civil peut saisir le procureur lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé est susceptible d'être annulé pour défaut de consentement (en cas de suspicion de mariages blancs ou de mariages arrangés par exemple). Ainsi informé, le procureur de la République peut décider d'engager l'action du ministère public s'il l'estime justifiée.

Toutefois, aucune règle générale de compétence des procureurs de la République n'existe au niveau législatif ou réglementaire. Seul le paragraphe n° 16 de l'instruction générale relative à l'état civil (IGREC) prévoit une telle disposition 85 ( * ) .

Le nouvel article 34-1, inséré dans le code civil par l'article 1 er bis A, consacre donc opportunément cette compétence générale de surveillance et de contrôle des actes de l'état civil par le procureur de la République. Il veillera ainsi à ce que la loi soit appliquée partout sur le territoire de la même manière.

Votre commission a adopté l'article 1 er bis A sans modification .

Article 1er bis B (art. 74 et 165 du code civil) - Assouplissement des règles relatives à la détermination de la mairie compétente pour célébrer un mariage

Cet article prévoit la possibilité pour un couple de choisir la commune où ses parents ont leur domicile ou leur résidence pour se marier .

L'article 74 du code civil, dans sa rédaction actuelle, issue d'une loi du 21 juin 1907, limite le choix du lieu de célébration d'un mariage à la commune de résidence ou de domicile de l'un des deux époux.

Tirant les conséquences du fait que de nombreux futurs époux souhaitent célébrer, pour des raisons sentimentales et pratiques, leur union dans la commune où résident leurs parents, M. Jacques Pélissard, député, président de l'association des maires de France (AMF) a déposé, avec plusieurs de ses collègues, un amendement en ce sens, examiné en séance à l'Assemblée nationale.

Cet amendement était très largement inspiré de celui déposé en 2011 au Sénat par M. Michel Mercier, alors garde des sceaux, au cours de l'examen du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles. Après avoir été adoptée conforme par les deux chambres, cette disposition avait été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 décembre 2011 86 ( * ) , au motif qu'il s'agissait d'un cavalier législatif.

Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Erwann Binet, de même que la garde des sceaux, Mme Christiane Taubira ont estimé que dans la rédaction proposée, cet amendement comportait une incertitude quant à la personne autorisée à demander que le mariage soit célébré dans la commune de résidence ou de domicile des parents des futurs époux.

Ils craignaient qu'une telle disposition permette aux maires qui le souhaiteraient de se libérer de leur obligation de marier les époux résidant dans leur commune en les renvoyant au maire de la commune de résidence ou de domicile de leurs parents.

Pour écarter cette difficulté d'interprétation, le rapporteur de la commission des lois a déposé un sous-amendement, précisant que la demande de mariage dans la commune de résidence ou de domicile des parents devait émaner, exclusivement, de l'un des futurs époux.

L'amendement, ainsi sous-amendé, a été adopté à l'unanimité des suffrages exprimés.

Lors de son audition par votre commission des lois, M. Jacques Pélissard, en sa qualité de président de l'Association des maires de France a souhaité que le Sénat conserve cet article.

Votre rapporteur est tout à fait favorable à cette disposition , qui confère aux futurs époux une plus grande liberté de choix du lieu de célébration de leur union, répondant ainsi à une réelle demande.

En outre, la concentration urbaine des lieux d'activités conduit à réduire peu à peu les mairies de célébration de mariage, de sorte que certaines petites communes, qui auraient pu accueillir des unions et ainsi bénéficier de certaines retombées touristiques et économiques, se voient progressivement privées de celles-ci.

Par ailleurs, dans les faits, comme cela l'a été rappelé lors des débats à l'Assemblée nationale, il arrive souvent que les maires acceptent de marier les époux chez leurs parents en indiquant qu'il s'agit d'une adresse de résidence.

En tout état de cause, l'article 166 du code civil prévoit que la publication des bans est faite à la mairie du lieu du mariage et à celle du lieu où chacun des futurs époux a son domicile ou, à défaut, sa résidence. Ainsi, toute personne qui y a intérêt peut être informée de la célébration.

Votre rapporteur estime donc que l'adoption de cet article garantit une plus grande égalité de traitement entre les couples, en ne laissant plus à la libre appréciation des maires l'opportunité d'appliquer souplement ou non la règle posée par l'article 74 du code civil.

Cependant, la rédaction proposée pour l'article 74 du code civil demeure quelque peu imprécise , puisqu'elle pourrait laisser entendre que ce ne sont pas les époux, mais les parents des époux, qui peuvent demander à ce que l'union soit célébrée dans leur commune de résidence.

C'est pourquoi, votre rapporteur a déposé un amendement de clarification rédactionnelle, adopté par votre commission.

Cet amendement modifie également, par coordination, l'article 165 du chapitre II du code civil : « Des formalités relatives à la célébration du mariage », tirant les conséquences de cet assouplissement des règles de choix du lieu de célébration du mariage.

Votre commission a adopté l'article 1 er bis B ainsi modifié .

Article 1er bis CA (nouveau) (art. 75 du code civil) - Suppression de la lecture de l'article 220 du code civil relatif à la solidarité des dettes entre époux lors de la célébration du mariage

Cet article supprime de la liste des articles du code civil dont l'officier d'état civil doit donner lecture lors de la célébration du mariage, l'article 220 relatif à la solidarité des époux concernant les dettes contractées pour l'entretien du ménage. Cette liste est prévue au premier alinéa de l'article 75 du code civil 87 ( * ) .

Cette disposition avait été introduite en séance publique au Sénat, dans la proposition de loi relative à la simplification du fonctionnement des collectivités territoriales 88 ( * ) . Or, elle a été supprimée en séance à l'Assemblée nationale, par un amendement du Gouvernement, ayant reçu un avis défavorable de la commission, au motif que « les modifications à apporter au code civil [avaient] vocation à emprunter un vecteur plus adapté » qu'une loi qui concerne le code général des collectivités territoriales.

L'obligation pour les officier d'état civil de donner lecture de l'article 220 est récente. Elle est issue de la loi du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation 89 ( * ) .

Or, les maires ont été de plus en plus nombreux à considérer que la lecture de cet article était longue, fastidieuse et peu adaptée à la cérémonie du mariage.

Dès 2011, la question de sa suppression a été posée par notre collègue Patrice Gélard, qui a déposé, avec plusieurs de ces collègues, une proposition de loi 90 ( * ) en ce sens.

Votre rapporteur estime que le présent texte est le vecteur adapté pour procéder à la suppression de la lecture de cet article lors des cérémonies matrimoniales. Il a donc déposé un amendement tendant à insérer un article additionnel ayant cet objet.

Cet amendement apporte également des modifications tendant à clarifier la rédaction du premier alinéa de l'article 75.

Votre commission a adopté l'article additionnel 1 er bis CA ainsi rédigé .

Article 1er bis C (art. 165 du code civil) - Caractère républicain de la célébration du mariage

Cet article, issu d'un amendement de M. Alain Tourret et plusieurs de ses collègues, adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, introduit à l'article 165 du code civil, l'affirmation du caractère républicain du mariage prononcé par l'officier de l'état civil, alors que dans sa rédaction actuelle, il ne prévoit que son caractère public.

Votre rapporteur s'interroge sur la portée normative de la consécration du caractère républicain de la célébration, le mariage civil revêtant déjà les caractères d'un rite républicain, bien distinct du rite religieux.

En effet, depuis le Révolution française, le mariage est une institution laïque. Il est célébré dans la « maison commune », portes ouvertes, par l'officier d'état civil ceint de l'écharpe tricolore, sous l'oeil vigilant de Marianne, symbole de la République et de la laïcité, et du Président de la République. À la fin de la cérémonie, les époux sont mariés « au nom de la loi ».

À cet égard, les services de la Chancellerie ont fait savoir à votre rapporteur, qu'ils n'avaient pas été alertés de situations où le caractère républicain de la célébration du mariage aurait été mis en cause.

Cependant, dans la mesure où une telle mention permet de distinguer encore davantage le mariage civil et républicain, qui est le seul à produire en France des effets juridiques, du mariage religieux, et puisque le caractère républicain du mariage n'est pas consacré explicitement dans le code civil, votre rapporteur approuve l'esprit de cet article, bien que cette disposition à caractère symbolique ait été introduite à l'article 165, au sein d'un chapitre consacré aux formalités relatives à la célébration du mariage.

Enfin, comme l'a souligné la garde des sceaux, lors des débats en séance publique à l'Assemblée nationale, cet article ajoute une certaine solennité républicaine à la célébration, « non pas vis-à-vis des maires, mais vis-à-vis des couples » 91 ( * ) .

Dès lors, votre rapporteur a invité votre commission à maintenir cette disposition.

Votre commission a adopté l'article 1 er bis C sans modification .

Article 1er bis D (art. 167 du code civil) - Célébration impossible du mariage à l'étranger des Français établis hors de France

Cet article vise à permettre aux couples de personnes de même sexe, dont l'une au moins est française, résidant dans des pays où leur union est interdite et où les autorités diplomatiques et consulaires ne peuvent la célébrer, de se marier sur le territoire français.

Les règles de célébration des mariages de Français établis hors de France

Lorsque le mariage est célébré à l'étranger, l'article 171-1 du code civil distingue deux hypothèses. Mais dans ces deux cas, le ou les Français concernés sont tenus de respecter les conditions de fond prévues au chapitre I er « Des qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage. » du titre V « Du mariage » du livre premier du code civil.

Le mariage contracté en pays étranger entre français, ou entre un français et un étranger, est valable s'il a été célébré dans les formes usitées dans le pays de célébration.

Le mariage entre Français ou entre un Français et un étranger peut également être célébré par les autorités diplomatiques et consulaires françaises, conformément aux lois françaises. Toutefois, s'agissant du mariage entre un Français et un étranger, ces autorités ne peuvent procéder à la célébration que dans les pays désignés par décret 92 ( * ) .

Le mariage serait alors célébré par l'officier d'état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l'un des époux ou de l'un de ses parents ou de ses grands-parents, ou, à défaut, de la commune de leur choix.

Introduite à l'initiative de Mme Corinne Narassiguin et certains de ses collègues en séance publique à l'Assemblée nationale 93 ( * ) , cette disposition avait été sous-amendée par Mme Claudine Schmid, pour en élargir le champ.

Elle a été adoptée après avoir reçu un avis favorable de la commission des lois de l'Assemblée nationale et du Gouvernement.

Le dispositif ainsi créé s'inspire partiellement de l'article L. 12 du code électoral, qui fixe les conditions d'inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France 94 ( * ) .

Votre rapporteur approuve pleinement l'esprit de cette disposition, qui permet à tous les Français de se marier, y compris lorsqu'ils sont établis dans un pays étranger qui n'admet pas l'union des personnes de même sexe. Il regrette cependant la complexité de la rédaction retenue.

Si le rattachement des Français établis hors de France à la commune avec laquelle ils présentent un lien, même ténu, se justifie pleinement s'agissant de l'inscription sur les listes électorales, puisqu'il est question d'élections locales notamment 95 ( * ) , la logique n'est pas la même en matière matrimoniale.

De plus, cet article ne devrait concerner qu'un nombre limité d'unions. En effet, en 2010, les unions homosexuelles ne représentaient que 9 143 PACS, soit 2 % du total des unions 96 ( * ) . A fortiori , les unions de personnes de même sexe, dont l'une au moins est française, établies hors de France, seront encore moindre. Il n'y aurait donc pas réellement de risque pour une petite commune touristique d'être submergée par des demandes de célébration de mariage, si le choix était plus largement ouvert aux époux.

Dès lors, pour alléger cet article, votre rapporteur propose d'apporter quelques améliorations rédactionnelles et de supprimer la référence à la commune de résidence des grands-parents.

Prioritairement, les futurs époux demanderont à être mariés dans la commune de naissance ou de dernière résidence de l'un d'eux ou de l'un de leurs parents. Le parallélisme avec les dispositions prévues aux articles 74 et 165 du code civil, modifiés par le présent texte, est ainsi respecté.

À défaut, si le lien avec les communes citées ne peut être établi, ils pourront se marier dans la commune de leur choix, qui pourra être celle de résidence de leurs grands-parents si telle est leur volonté.

Une intervention du pouvoir réglementaire sera également nécessaire pour fixer les modalités de mise en oeuvre d'un tel dispositif. En effet, avant de pouvoir se marier dans la commune de leur choix, les époux auront à apporter la preuve que la célébration n'est pas possible dans la commune de naissance ou de dernière résidence de l'un d'eux ou de l'un de leurs parents.

Enfin, votre rapporteur s'est également interrogé sur le choix de l'introduction d'une telle règle au sein du chapitre II « Des formalités relatives à la célébration du mariage », alors même qu'il existe un chapitre II bis consacré au mariage des Français à l'étranger.

Dès lors que ce nouvel article vise justement à prévoir une exception aux règles applicables en matière de célébration de mariages de Français, en raison de l'impossibilité de les célébrer à l'étranger, il devrait plus opportunément être placé à la fin du chapitre II bis .

Tel est le sens de l' amendement déposé par votre rapporteur et adopté par votre commission.

Votre commission a adopté l'article 1 er bis D ainsi modifié .


* 28 Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

* 29 Cour de cassation. 1 ère chambre civile, 13 mars 2007.

* 30 Décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011.

* 31 Les articles 133 à 143, relatifs à la déclaration d'absence, avaient été abrogés par la loi n° 77-1447 du 28 décembre 1977 portant réforme du titre IV du livre I er du code civil : Des absents.

* 32 L'article 515-1 du code civil, issu de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 définit le pacte civil de solidarité comme « un contrat conclu pas deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ». L'article 515-8, introduit dans le code par la même loi dispose que « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple. »

* 33 Loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité.

* 34 L'article 515-8 du code civil, introduit dans le texte à l'initiative du Sénat, dispose que « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple. »

* 35 Cf. Cour de cassation, chambre sociale, 11 juillet 1989 et Cour de cassation, 3 e chambre civile, 17 décembre 1997, n° 95-20.779 : la cour d'appel a  « retenu à bon droit, que le concubinage ne pouvait résulter que d'une relation stable et continue ayant l'apparence du mariage, donc entre un homme et une femme ».

* 36 Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

* 37 Décision n° 99-419 DC du 09 novembre 1999 « loi relative au pacte civil de solidarité ».

* 38 Ces conditions sont : le consentement et la capacité des partenaires, l'objet du contrat (l'organisation de la vie commune selon l'article 515-1) et la cause.

* 39 Cf . article 515-2 du code civil.

* 40 L'article 515-4 prévoit que « Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'engagent à une vie commune, ainsi qu'à une aide matérielle et une assistance réciproques. Si les partenaires n'en disposent autrement, l'aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives .

Les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante. »

* 41 Initialement, la loi du 15 novembre 1999 prévoyait le bénéfice de cette disposition à compter de l'imposition des revenus de l'année du troisième anniversaire de l'enregistrement du pacte. Cette condition a été supprimée par la loi de finances pour 2005

* 42 Article 94 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

* 43 L'article 515-7 du code civil dispose que le Pacs prend fin de plein droit au décès de l'un des deux membres du couple, en cas de mariage de l'un d'eux avec un tiers ou de mariage célébré entre les deux partenaires, par leur volonté commune ou par la volonté de l'un d'eux.

* 44 Par exemple, lors de la rupture, le partenaire bénéficie d'une protection de son logement qui s'approche de celle d'un époux. En revanche, paradoxalement, pendant la durée du Pacs, il n'existe aucune protection du partenaire qui ne dispose pas de titre sur le logement. De sorte que le locataire exclusif peut librement mettre fin au bail sans l'accord de l'autre, ou décider de disposer seul du logement dont il est propriétaire.

* 45 Selon les chiffres de l'Insee, en 2010, 205 558 Pacs ont été conclus dont 9 143 par des couples de personnes de même sexe.

* 46 Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

* 47 Lien de parenté entre personnes qui descendent les unes des autres.

* 48 Cet empêchement d'alliance existe également pour le Pacs, mais il n'est pas prévu pour le concubinage.

* 49 Lien de parenté entre personnes qui descendent d'un auteur commun.

* 50 Le domicile est le lieu où la personne a son principal établissement.

* 51 La résidence est le lieu où demeure une personne d'une façon assez stable et habituelle.

* 52 Ces deux textes concernent l'assistance matérielle que se doivent mutuellement les époux pour assurer leur vie quotidienne. Elle dépasse une simple obligation alimentaire et n'est pas subordonnée à un état de besoin du conjoint. Il s'agit de toutes les dépenses du train de vie, y compris celles d'agrément (vacances, dépenses relatives à l'installation familiale...).

* 53 Chaque époux est tenu sur l'ensemble de ses biens et revenus de la dette contractée par l'un d'eux au moins. Elle concerne toutes les dépenses contractées pour l'entretien du ménage et l'éducation des enfants (loyers, aliments, chauffage, soins médicaux...).

* 54 Lors de la dissolution du mariage. Si les époux étaient locataires, l'article 1751 prévoit que le bail est « réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux ». Dès lors, au moment du divorce, le juge peut l'attribuer à l'un des époux « en considération des intérêts sociaux et familiaux en cause ».

Dans le cas où le logement appartenait aux deux époux, il doit alors être vendu de l'accord des deux époux ou alors attribué par le juge à l'un d'eux dans le cadre des opérations de partage des intérêts en cause.

Si le logement appartient en propre à l'un des époux, il en reste propriétaire après le divorce, mais peut être contraint par le juge à le louer à son ancien conjoint, contre paiement d'un loyer dont il fixe le montant (article 285-1).

* 55 L'article 732 du code civil dispose qu'« est conjoint successible, le conjoint survivant non divorcé ».

* 56 Loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral.

* 57 Rapport d'information fait au nom de la commission des lois, par le groupe de travail, constitué par MM. Dominique de Legge et Jacques Mézard, sur le bilan d'application de la loi du 3 décembre 2001 sur les droits du conjoint survivant (n°476, 2010-2011).

* 58 Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

* 59 Cf . article 763 du code civil.

* 60 Cf . article 764.

* 61 Cf . article 175l.

* 62 Les mentions spécifiques aux père et mère dans le titre dédié à la filiation adoptive concernent les parents biologiques de l'enfant qui sera adopté.

* 63 À laquelle est consacrée la section III du chapitre I er du titre VII du livre premier du code civil.

* 64 Par renvoi de l'article 361 du code civil.

* 65 Art. 356 et 358 du code civil.

* 66 Art. 348 du code civil.

* 67 Art. 354 du même code.

* 68 Art. 357 du même code.

* 69 Art. 356 du même code.

* 70 Art. 355 et 359 du même code.

* 71 Art. 364 du même code.

* 72 Art. 363 du même code.

* 73 Art. 365 du même code.

* 74 Art. 370 du même code.

* 75 Art. 343-1 du même code.

* 76 La Cour européenne des droits de l'homme a en effet jugé qu'un refus d'agrément opposé à un célibataire, fondé sur ce motif, serait discriminatoire (CEDH, 22 janvier 2008, req. 43546/02).

* 77 M. Arnaud Del Moral, chef du service international, chargé de la stratégie et des procédures d'adoption de l'agence française de l'adoption a ainsi rappelé, lors de son audition, le 20 février dernier que « la France n'est pas le premier pays à ouvrir l'adoption aux couples homosexuels : dix-sept pays l'acceptent déjà. Ce sont les États les plus avancés économiquement, ceux où l'on propose peu d'enfants à l'adoption. Quatre pays pourraient cependant être ciblés : les États-Unis, où plusieurs États se sont dotés d'une législation favorable, le Brésil pour deux États, l'Afrique du Sud, où la loi est nationale, et, éventuellement, l'État de Mexico, au Mexique. Cela dit, on y préfèrera une adoption par des nationaux. Aucune adoption internationale par un couple homosexuel n'a eu lieu en Belgique depuis que ce pays s'est ouvert à l'adoption homoparentale en 2006 ».

* 78 CEDH, Gas et Dubois contre France, 15 mars 2012, req. 25951/07.

* 79 CEDH, X et autres c. Autriche , 19 février 2013, req. n° 19010/07.

* 80 Le domicile est le lieu où la personne a son principal établissement.

* 81 La résidence est le lieu où demeure une personne d'une façon assez stable et habituelle.

* 82 Dans sa rédaction proposée par le présent texte. Cf. infra : article 1 er bis B.

* 83 Dans un arrêt du 6 février 2007, la première chambre civile de la Cour de cassation a clairement posé le principe de la responsabilité de l'État et non de la commune s'agissant du dysfonctionnement du service de l'état civil.

* 84 Par exemple, le procureur de la République fait des réquisitions aux fins de transcription du jugement d'adoption plénière (article 354), ou d'adoption simple (article 362) sur les registres de l'état civil.

* 85 Le paragraphe 16 de l'IGREC dispose que « le procureur de la République constitue l'autorité supérieure en matière d'état civil.

« L'officier de l'état civil exerce donc ses fonctions sous le contrôle et la surveillance du parquet territorialement compétent qui peut lui donner des instructions. »

* 86 Décision du Conseil constitutionnel n° 2011-641 DC du 8 décembre 2011.

* 87 Lecture est donnée des articles 212, 213 (alinéas 1 er et 2), 214 (alinéa 1 er ), 215 (alinéa 1 er ), 220 et 371-1.

* 88 Proposition de loi n°° 779 (2010-2011) de M. Éric Doligé, de simplification des normes applicables aux collectivités locales.

* 89 Loi n° 2010-737 du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation.

* 90 Proposition de loi n° 81 (2011-2012) visant à modifier l'obligation de lecture des articles 220 et 371-1 du code civil lors des cérémonies de mariage.

* 91 Cf. compte rendu intégral de la deuxième séance du samedi 2 février 2013.

* 92 Le décret du 26 octobre 1939, modifié par le décret du 15 décembre 1958 leur permet de célébrer un mariage entre un français et un étranger en « Afghanistan, Arabie saoudienne, Chine, Égypte, Irak, Iran, Japon, Maroc (zone de Tanger), Oman (Mascate), Thaïlande, Yémen, Cambodge, Laos ». Cependant, la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires prévoit, dans son article 5 f, que les fonctions consulaires consistent à agir en qualité d'officier de l'état civil « pour autant que les lois et règlements de l'État de résidence ne s'y opposent pas ». Ainsi, certains États disposent d'une réglementation qui s'oppose expressément à toute célébration de mariage par les autorités consulaires étrangères. Il en est notamment ainsi de la Suisse, du Royaume-Uni, de l'Irlande, des États-Unis.

* 93 L'amendement initial prévoyait que le mariage était célébré dans la commune de la dernière résidence de l'un des époux, ou, à défaut, dans la commune de leur choix.

* 94 L'article L. 12 du code électoral autorise les Français établis hors de France peuvent demander leur inscription sur la liste électorale leur commune de naissance, la commune de leur dernier domicile ou résidence, de la commune de naissance de l'un des ascendants,...

* 95 En effet, l'article L. 12 du code électoral concerne les élections des députés, des conseillers généraux et des conseillers municipaux.

* 96 Chiffres de l'Insee.

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