L'UTILISATION DES PROTÉINES ANIMALES TRANSFORMÉES DANS L'ALIMENTATION DES POISSONS D'ÉLEVAGE

L'INTERDICTION D'UTILISATION DES FARINES ANIMALES

VERS L'INTERDICTION

Les farines animales sont un sous-produit de l'activité d'abattage, d'équarrissage et/ou de préparation liée à la transformation des carcasses et restes d'animaux destinés à la consommation humaine. Leur chauffage, dans certaines conditions physiques, génère de l'eau, des graisses et une matière pulvérulente, riches en matières protéiques, appelée « farines ». L'expression de « farines animales », hélas popularisée par la crise de la vache folle des années 1986 à 2000, est récente. L'ancienne réglementation européenne de 1990 4 ( * ) portait sur les « déchets animaux » et permettait leur utilisation extrêmement large puisque « tout déchet d'origine animale, indépendamment de sa provenance, peut entrer dans la composition de matières premières pour aliments pour animaux ».

La « crise de la vache folle » a, bien entendu, bouleversé cette situation. Cette crise recouvre l'apparition, dans les troupeaux de bovidés, d'une forme d'encéphalopathie spongiforme transmissible (EST) - l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), dite « maladie de la vache folle », une maladie mortelle transmise par un agent d'un genre nouveau, le prion, caractérisée par une dégénérescence des tissus cérébraux. Cette maladie qui a d'abord touché les bovins (110 000 animaux diagnostiqués en Europe), a rapidement franchi la barrière d'espèce pour finalement contaminer l'homme sous l'appellation de « maladie de Creutzfeldt-Jakob » (plus de 200 cas identifiés).

La maladie, transformée en zoonose, prend alors une tout autre dimension, imposant une lutte totale. Cette lutte a pris plusieurs formes : les restrictions aux échanges d'animaux, l'élimination totale des troupeaux dans lesquels un cas a été détecté, le dépistage systématique chez les bovins, les restrictions à l'alimentation humaine, et enfin, les restrictions, puis l'interdiction, de l'utilisation des farines animales dans l'alimentation animale.

En effet, dès 1987, l'utilisation de farines carnées dans l'alimentation des bovins est suspectée comme étant à l'origine de la maladie. Cette utilisation est alors très large puisque les farines peuvent être issues de tous types de déchets d'animaux - carcasses d'animaux sains, mais aussi d'animaux malades ou morts - et peuvent servir à l'alimentation d'un très grand nombre d'animaux d'élevage, y compris les ruminants herbivores. Ce qui est alors appelé le « recyclage des protéines » n'est pas autre chose qu'un « cannibalisme » appliqué aux vaches herbivores ! L'affaire prend vite la tournure d'un scandale politique.

L'interdiction de l'utilisation des farines ne sera pourtant décidée que de façon très progressive, avec la succession de deux phases bien distinctives. Une première étape, qui va de 1987 à 1994, où l'interdiction appliquée à l'alimentation des seuls bovins et/ou ruminants s'impose d'évidence. Une deuxième étape, de 1996 à 2000, où l'interdiction s'applique à l'ensemble de l'alimentation des animaux d'élevage. Cette décision clôt la « deuxième crise de la vache folle » et s'explique cette fois davantage par le souci de restaurer la confiance du consommateur. D'abord française, elle est ensuite reprise dans l'Union européenne. On observera que la France a toujours été pionnière dans ce domaine en adoptant des mesures plus tôt et même plus rigoureuses que les règles européennes. Les relations entre la France et la Commission ont même été souvent tendues, comme l'établit la commission d'enquête du Sénat en 2001. 5 ( * )

Les différentes étapes de l'interdiction de l'utilisation de farines carnées dans l'alimentation animale sont présentées ci-après.

Juillet 1988

Royaume-Uni : interdiction de l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des ruminants (les exportations restent autorisées...).

Juillet 1990

France : interdiction de l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des bovins

27 janvier 1994

UE : Interdiction de l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des ruminants

1996

La France demande des restrictions sur l'utilisation des farines animales dans l'élevage

Juillet 1996

L'UE (comité vétérinaire) rejette la proposition française

La France interdit l'utilisation de certains produits d'abattoirs - les matières à risque spécifiées MRS - pour fabriquer les farines

7 novembre 2000

France : le président de la République demande l'interdiction sans retard des farines animales

14 novembre 2000

France : le Gouvernement suspend l'utilisation de farines de viande et d'os dans l'alimentation des porcs, volailles, poissons ainsi que des animaux domestiques

22 mai 2001

UE : Règlement n° 999/2001 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l'éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles

ÉTAT DE LA RÉGLEMENTATION

Le cadre juridique d'utilisation des farines animales repose sur deux types de dispositions.

Il y a, d'une part, un règlement de 2002 modifié en 2009 sur la production des farines et leurs utilisations possibles. Le règlement n° 1069/2009 6 ( * ) du 21 octobre 2009 établit une classification entre sous-produits animaux (cadavres et parties d'animaux non destinés à la consommation humaine) avec les matières dites de catégorie 1, qui recouvre les animaux malades et les sous-produits d'animaux à risques, potentiellement porteurs de maladie, les matières de catégorie 3, qui recouvre les sous-produits de l'abattage d'animaux sains non destinés à la consommation pour des raisons commerciales (abats, cous, pattes,...), ainsi que les sous-produits non consommables (plumes, carcasses, cornes, sabots...). Les matières de catégorie 2 sont celles qui sont non classées dans les deux précédentes.

Les matières de catégorie 3 peuvent être utilisées pour la production de protéines, qu'il s'agisse de protéines animales transformées - PAT - ou d'autres matières premières susceptibles - ou non - d'être utilisées pour l'alimentation animale (protéines hydrolysées, gélatines, dérivés de cartilages, sang....). Le règlement définit les modes de transformation, d'entreposage, d'importation... Le règlement définit également quelques cas d'interdiction, notamment « l'alimentation d'une espèce à l'aide de PAT issues de cadavres et de parties de cadavres d'animaux de la même espèce ».

En France, ces sous-produits représentent trois millions de tonnes par an, dont deux millions sont de catégorie 3. Après traitement des sous-produits, les PAT finales représentent 700 000 tonnes

Il y a, d'autre part, un règlement de 2001 fixant les précautions sanitaires pour l'éradication des EST et la santé humaine 7 ( * ) . Ce règlement porte explicitement sur l'utilisation des farines animales, en fixant des restrictions d'emploi de certains sous-produits - protéines et graisses animales - pour l'alimentation des animaux d'élevage. L'article 7 § 1 du règlement dispose que l'utilisation des protéines animales dans l'alimentation des ruminants est interdite. L'annexe IV étend cette interdiction aux non ruminants, à quelques exceptions.

La France maintient quelques dispositions plus strictes, en particulier sur l'utilisation des graisses animales (arrêté du 18 juillet 2006). Les principales règles d'usage se présentent comme suit :

Utilisation des protéines animales dans l'alimentation
des animaux d'élevage (sélection)
(règlement 999/2001 du 22 mai 2001)

Ruminants

Non ruminants

Poissons

Farines de viande et d'os, de sang de ruminants

Non

Non

Non

Farine de viande et d'os des non ruminants

Non

Non

Non

Farines de sang de non ruminants

Non

Non

Oui

Farines de plumeS

Non

Non

Non

Farines de poissons

Non
(sauf veaux non sevrés)

Oui

Oui

Sang de ruminants

Non

Non

Non

Sang de non ruminants

Non

Oui

Oui


* 4 Directive 90/425/CEE du Conseil du 26 juin 1990

* 5 Commission d'enquête sur les conditions d'utilisation des farines animales. Rapport de MM. Gérard Dériot, président, et Jean Bizet, rapporteur. Sénat, n° 321 (2000-2001)

* 6 Règlement (CE) n° 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et abrogeant le règlement (CE) n° 1774/2002 (règlement relatif aux sous-produits animaux)

* 7 Règlement (CE) n° 999/2001 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l'éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles (JO L 147 du 31.5.2001)

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