ORGANISATIONS REPRÉSENTATIVES DES EMPLOYEURS

Puis la commission procède à une seconde table ronde sur le projet de loi n° 494 (2012-2013) relatif à la sécurisation de l'emploi, réunissant MM. Jean-Pierre Crouzet, président et Pierre Burban, secrétaire général de l'Union professionnelle artisanale (UPA) ; Mme Geneviève Roy, vice-présidente chargée des affaires sociales et M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) ; MM. Jean-François Pilliard, président de la commission protection sociale, Antoine Foucher, directeur des relations sociales, Guillaume Ressot, directeur des affaires publiques, du Mouvement des entreprises de France (Medef).

Mme Annie David , présidente. - Nous poursuivons nos auditions en recevant les représentants des organisations patronales signataires de l'accord national interprofessionnel (Ani) du 11 janvier 2013, que je remercie d'avoir répondu à notre invitation.

M. Jean-Pierre Crouzet, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA). - Cet accord, signé de manière responsable, modifie des habitudes et ouvre d'importantes évolutions. Les entreprises que je représente s'inquiètent de sa transcription dans la loi. Le temps partiel, par exemple, y est défini sur la base d'un plancher de 24 heures. Le fait est que beaucoup d'entreprises artisanales ou de l'alimentaire fonctionnent même sur des périodes plus courtes, d'où l'importance des dérogations prévues, notamment par accord de branche, pour tenir compte des besoins de chaque profession. Le recours au temps partiel ne résulte pas d'abus, il tient à la spécificité de certaines activités et répond au souhait de certains salariés, par exemple pour des raisons familiales.

Nous sommes très attachés à cette dérogation ainsi qu'aux CDD de remplacement en cas de maladie, d'accident ou de maternité, qu'il ne faut pas pénaliser, ainsi qu'au CDD saisonnier.

Nous tenons à l'article premier, instituant un droit collectif à la complémentaire santé qui a fait ses preuves dans certaines branches. Les entreprises de petite taille n'ont pas le même pouvoir de négociation avec des compagnies d'assurance que les grands groupes ; c'est donc la bonne manière de procéder. Cela sécurisera tous les salariés et, grâce à la portabilité, et à la mutualisation, favorisera la prévention.

Nous sommes enfin très favorables à une réduction des délais de prescription. Il est très compliqué, avec le délai de garantie de passif sur cinq ans, de transmettre une entreprise lorsqu'une instance prud'homale a été engagée. Au total, cet accord nous convient, pour autant que les dérogations qu'il prévoit soient bien transcrites dans la loi.

M. Jean-François Pilliard, président de la commission protection sociale du Medef. - L'accord intervient alors que notre pays traverse des difficultés d'une ampleur sans précédent depuis la guerre. Les marges des entreprises sont au plus bas, ramenées au niveau qui était le leur voilà vingt-cinq ans ; le volume de l'activité ne cesse de décroître, les chefs d'entreprise, comme les salariés, manquent de la plus élémentaire visibilité. Il nous faut trouver ensemble des réponses appropriées à la question de l'emploi et du chômage.

Cet accord donne de la légitimité aux relations sociales. Les partenaires sociaux qui se sont engagés ont pris de gros risques vis-à-vis de leurs adhérents. Nous avons eu à vaincre des réticences, voire de l'hostilité de leur part et n'avons pu les surmonter qu'en trouvant un point d'équilibre.

Plutôt que de m'interroger sur le caractère historique de cet accord, je préfère me poser la question de son efficacité. Le fait est qu'il introduit pour la première fois un élément de compromis, de nature à surmonter des antagonismes, voire des dogmes parfois très éloignés de ce que doit être un vrai dialogue social. Toutefois, l'accord n'aura d'efficacité sur l'emploi que si la loi le retranscrit fidèlement.

En premier lieu, il offre des opportunités de prévention. Je pense, par exemple, aux accords de sauvegarde de l'emploi ou à la simplification du chômage partiel. En Allemagne, ces deux dispositifs, largement employés, ont fait substantiellement reculer le chômage, quand nous sommes jusqu'à présent réduits à des méthodes sans effet, voire dangereuses. A moyen terme, une vraie réforme structurelle rendra confiance aux chefs d'entreprise et les encouragera à recourir davantage au CDI. C'est un progrès pour l'ensemble des parties ; le salarié, qui souffre des difficultés d'accès à l'emploi ; le chef d'entreprise, qui pourra compter sur une main-d'oeuvre plus stable, mieux formée, plus investie ; l'économie, enfin, parce que lorsque la précarité et le chômage reculent, la confiance revient, et avec elle la consommation et la croissance.

En second lieu, cet accord favorise la pédagogie sur l'économie. Avec la base de données partagée, il crée les conditions d'un dialogue social équilibré et de qualité. Les salariés, enfin, en retireront le bénéfice de la complémentaire santé et de la formation professionnelle.

Au total, c'est un accord ambitieux, équilibré, dans lequel l'ensemble des parties prenantes, organisations syndicales, organisations patronales et collectivité nationale, devraient trouver des points de convergence ; voilà un accord au service de l'emploi.

Nous serons attentifs, en cette phase de transposition, à la façon dont sera mise en place la complémentaire santé. Notre position est claire : il est légitime que les chefs d'entreprise gardent un pouvoir d'appréciation, comme il l'est que les branches puissent faire des recommandations sur les organismes susceptibles de porter ce dispositif.

Notre autre préoccupation a trait à la mobilité, interne et externe, et aux accords de maintien de l'emploi. Il serait paradoxal qu'un dispositif fait pour préserver l'emploi soit parasité par des dispositions qui nous ramèneraient aux plans sociaux d'entreprise et aux processus de reclassement existants.

Nous serons attentifs, enfin, à la représentation du personnel au sein du conseil d'administration. Les signataires ont trouvé un point d'équilibre, auquel il serait raisonnable de se tenir. Ma longue expérience dans l'entreprise m'a convaincu que la meilleure façon de valoriser le rôle des représentants des salariés est de leur reconnaître les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres administrateurs.

Mme Geneviève Roy, vice-présidente chargée des affaires sociales de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). - Notre idée, en engageant la négociation, était de trouver un compromis pour améliorer les parcours professionnels des salariés et donner à l'entreprise une boîte à outils pour mieux s'adapter à la conjoncture économique.

La première partie de l'accord crée logiquement de nouveaux droits pour les salariés. En matière de complémentaire santé, la CGPME a toujours milité pour la clause de recommandation assortie d'un libre choix de l'entreprise, la mutualisation garantissant l'obligation de résultat de l'employeur envers ses salariés.

Le compte personnel de formation procède du même esprit. Le droit individuel à formation (Dif) en a été la première pierre. C'est là aussi un droit universel pour tous les actifs, qui y auront accès quel que soit leur statut, qu'ils soient dans l'emploi ou au chômage.

Sur les droits rechargeables à l'assurance chômage, nous n'avons pas de position ferme. Nous avons simplement indiqué que l'on ignorait les effets comportementaux qu'ils pourraient susciter. Cela étant, si l'on maîtrise le déficit de l'Unédic, nous sommes prêts à y regarder de près. La portabilité de la couverture santé et prévoyance, enfin, est bien faite pour sécuriser les parcours. Passer de neuf à douze mois représente une charge pour l'entreprise, mais c'est le moyen de sauvegarder les droits du salarié, même en cas de licenciement.

La deuxième partie de l'accord vise à renforcer le dialogue social. Concernant les accords de maintien de l'emploi, le niveau interprofessionnel fixe un cadre, tout en renvoyant aux accords d'entreprise, qui devront être majoritaires. C'est à ce niveau seul que peuvent se faire les choix. Qui plus est, le dispositif est encadré, avec la clause de retour à meilleure fortune.

Nous aurions souhaité que les accords de maintien de l'emploi soient également offensifs, et pas seulement défensifs. Mais c'est en trouvant un point d'équilibre que nous sommes parvenus à un accord majoritaire, grâce auquel l'entreprise s'adaptera à une chute d'activité. L'accord, efficace dans les temps difficiles, le sera aussi en période de reprise, quand les chefs d'entreprise seront en capacité d'utiliser tous ses outils. Ils pourront ainsi s'adapter à leur tissu économique.

Ce n'est pas la victoire d'un camp sur l'autre, mais bien l'intérêt général qui prévaut. Nous souhaitons que la loi reste au plus près de cet accord, sans ajouter d'obligations, ni d'un côté ni de l'autre. Le temps partiel, de ce point de vue, pose problème. Nous avions traité différemment les contrats signés avant l'accord - la note de bas de page de l'article 11 est très claire à cet égard. Or, le projet de loi établit une période transitoire courant jusqu'au 1 er janvier 2016, ce qui laisse penser aux salariés à temps partiel en poste qu'ils pourront demander des contrats supérieurs à 24 heures à partir de cette date. C'est un non-sens économique : l'activité de certains secteurs, comme les services à la personne, étant concentrée sur certaines heures, on ne saurait imaginer des contrats de cette durée. Nous vous demandons de revenir à l'accord sur ce point, étant entendu que nous sommes conscients qu'il faut être attentifs à l'organisation du travail. Dès lors que le contrat porte sur une durée n'excédant pas 24 heures, les horaires doivent être concentrés sur une partie de la journée, et le service suffisamment régulier pour que le salarié puisse trouver un autre emploi. C'est cela qui a du sens. Prévoir uniformément des contrats supérieurs à 24 heures, en revanche, détruira de l'emploi.

Sur la mobilité interne, comme sur les accords de maintien de l'emploi, nous espérons que l'on en restera au texte de l'accord, de même que sur les délais de prescriptions. Pourquoi cinq ans quand, en matière civile, elle est de trois ans ? Les procédures prud'homales, trop lourdes, constituent un frein à l'embauche. Tout cela fait partie de l'équilibre de l'accord. Nous souhaitons, d'une manière générale, que la loi y soit fidèle.

M. Claude Jeannerot , rapporteur . - Pour le président Pilliard, ce projet est efficace sur le plan de l'emploi, qui est le seul qui compte. Pourtant, ses détracteurs prétendent que l'Ani n'est ni efficace ni conforme à la feuille de route fixée par le Gouvernement. L'accord de maintien de l'emploi, qui constitue son socle, ne serait qu'un leurre car à défaut de licenciement, rien n'interdit de procéder à des ruptures conventionnelles. Ils disent aussi que les mesures relatives aux CDD courts sont symboliques et que les exonérations concernant les jeunes de moins de 26 ans tendent à faire du CDI l'exception. Enfin, il n'y aurait rien de neuf avec la possibilité pour les plans de sauvegarde de l'emploi de prendre la forme d'un accord collectif ou d'une décision unilatérale de l'employeur.

Vous demandez, me semble-t-il, l'abandon de la clause de désignation de l'article 1 er , qui n'était pas dans l'accord. Le Gouvernement n'a toutefois fait que reprendre une disposition déjà applicable aux accords de branche en l'assortissant d'une garantie supplémentaire : l'organisation d'appels d'offres transparents pour la consultation des prestataires.

M. Jean-Pierre Crouzet . - Tout en admettant qu'elle puisse ne pas convenir à d'autres, l'UPA est attachée à la clause de désignation, qui prévoit le choix du prestataire par la branche professionnelle. C'est important pour les 1,2 million d'entreprises que nous représentons : comment assurer autrement la portabilité ? Les responsables des branches négocieront en toute transparence sur l'organisme retenu. Les institutions de prévoyance, les assureurs privés et les mutuelles représentent aujourd'hui chacun un tiers du marché de la complémentaire-santé, ce qui témoigne d'une certaine ouverture. Les salariés et les entreprises doivent bénéficier de conditions favorables. La mutualisation est indispensable pour baisser les coûts et développer la prévention, comme c'est le cas dans la boulangerie, où les cotisations n'ont pas bougé depuis 2007 alors que quatorze avenants successifs ont amélioré des prestations.

M. Jean-François Pilliard. - Avec un chômage structurel autour de 7 %, la politique de l'emploi en France ne se caractérise pas par un succès considérable. Au moment de l'embauche, le recours au CDD est très fréquent, malgré les inconvénients que cela emporte pour l'employé, l'employeur et la collectivité. Enfin, l'inadéquation entre l'offre et la demande est considérable. Dans la métallurgie, qui représente quasiment la moitié de l'industrie française, 80 000 postes restent non pourvus, par manque de qualification.

Comment améliorer la situation ? L'accord propose aux entreprises qui rencontrent des difficultés conjoncturelles une autre solution que de se séparer d'une partie de leurs effectifs. Le chef d'entreprise s'engage à maintenir l'emploi en contrepartie d'une action sur deux leviers : l'organisation du travail, notamment les horaires, et la gestion de la masse salariale, qui ne se limite pas au salaire de base.

Les détracteurs de l'accord disent que tout cela existe déjà. Oui, mais cela ne marche pas parce que les accords de sauvegarde de l'emploi souffrent d'une grande insécurité juridique. Si un ou plusieurs salariés refusent les termes d'un accord majoritaire, cela entraînera un licenciement pour motif économique qui, s'il est collectif, entraînera une procédure longue et coûteuse. L'accord vise précisément à mettre fin à cette incertitude. De par les fonctions que j'ai exercées en entreprise et dans l'organisme gestionnaire du régime d'indemnisation du chômage, j'ai constaté que, dans les pays nordiques ou en Allemagne, ce type de dispositif a des effets positifs sur l'emploi. Le chômage partiel y est même conditionné à la signature préalable d'un accord de sauvegarde de l'emploi. Si la loi revenait sur les garanties juridiques auxquelles nous sommes parvenus, il y aurait retour au statu quo et les chefs d'entreprises seraient malheureusement conduits à se séparer des salariés...

Le deuxième levier concerne le chômage partiel. La France est l'un des pays européens qui y a le moins recours. Cela s'explique par le grand nombre de dispositifs existants, la complexité des procédures, leur longueur, et les aléas qui les entourent. L'accord propose un système de chômage partiel unique, et simplifié.

Pourquoi les entreprises ont-elles majoritairement recours aux CDD ? Parce que l'embauche d'un salarié est une lourde responsabilité : en cas de difficultés liées aux charges, à l'évolution technologique ou à celle de l'organisation de l'entreprise, se séparer d'un salarié est une procédure longue, coûteuse et aléatoire. L'accord apporte une réponse sur chacun de ces points ; il facilite le dialogue social et, en donnant aux représentants du personnel les moyens de mieux comprendre la stratégie de l'entreprise, il fait d'eux une force de proposition. C'est un accord pour l'emploi.

En qualité de président de l'Unédic, je ne suis pas certain que la taxation des contrats courts apporte quoi que ce soit dans la mesure où ils sont déjà soumis au paiement de la prime de précarité. Ce qui fera changer le recours aux CDD, c'est bien le climat de confiance créé par l'accord. Cependant, la situation de l'emploi ne saurait changer notablement sans un retour de la croissance.

La liberté d'entreprise inclut le choix, pour l'entrepreneur, du prestataire d'assurance complémentaire santé. Néanmoins, si la branche fait bien son travail et propose à ses adhérents un choix fondé sur une grille d'évaluation transparente et compatible avec les règles de la concurrence, en pratique, les entreprises suivront sa recommandation. Un compromis est aisé entre l'esprit de libre entreprise et les recommandations par la branche.

Mme Geneviève Roy. - Nous étions nous aussi favorables à la liberté de choix de l'entreprise. En effet, si la branche fait correctement son travail, les prestataires recommandés ont toutes les chances d'être choisis. Rien ne dit que les assureurs privés ne proposeront pas les mêmes conditions tarifaires que les institutions de prévoyance. Entre 80 et 85 % de nos concitoyens étant assurés à titre personnel, nous allons assister à un transfert de marché. Dans le cadre des accords existants, la plupart des branches ont signé avec des institutions de prévoyance. Comme un monopole n'est pas bon, la clause de recommandation est la voie de la sagesse ; elle concilie les intérêts de tous et crée une saine concurrence.

Je partage les propos de Jean-François Pilliard sur l'unification des systèmes de chômage partiel. Nous avons beaucoup milité en ce sens, car les PME y ont elles aussi recours. Sur le terrain, nous leur rappelons déjà que tout doit être mis en oeuvre pour ne pas se séparer des salariés, détenteurs de leur savoir-faire.

La CGPME était farouchement opposée à la taxation de contrats courts, qui est un véritable non-sens. Le CDD est déjà extrêmement encadré, la prime de précarité en renchérit le coût et, hors des cas de recours prévus par les textes, les abus sont sanctionnés. Il se justifie par la nécessité de remplacer des salariés utilisant leurs droits à la formation ou à un congé, par exemple en cas de maladie. A un taux faible sur une assiette large, nous avons préféré un prélèvement plus fort dans un nombre de cas restreint. Au demeurant, la majorité des contrats de travail en cours sont des CDI.

M. Dominique Watrin . - Au final, cet accord prévoit peu de droits nouveaux, sinon virtuels, décalés dans le temps ou pas du tout financés. L'accord facilite la flexibilité du travail et les licenciements au nom de l'efficacité revendiquée par les chefs d'entreprise. Les droits rechargeables à l'assurance chômage, figurant parmi ce peu de droits nouveaux du texte, seront-ils financés par les entreprises ? Si elles ne mettent pas la main à la poche, la charge reposera-t-elle sur les salariés et sur les chômeurs ? C'est une question que le législateur est fondé à poser avant de valider cette partie de l'accord.

Mme Catherine Procaccia . - Le Gouvernement entendrait remettre à plat la fiscalité des contrats complémentaires santé. Cela pourrait-il entraver les objectifs de l'accord en renchérissant le coût ?

Mme Catherine Génisson . - Vous avez remis en cause l'acquis social très important que représente, par les salariés à temps partiel, le plancher des 24 heures de travail hebdomadaire. Il conditionne pourtant l'ouverture des droits sociaux. Ne pensez-vous pas que l'annualisation du temps de travail, figurant parmi les dérogations énumérées à l'article 8 du projet de loi, suffit à lever toutes les inquiétudes à cet égard ? Pour les services d'aide à la personne, la réponse ne consiste-t-elle pas dans la polyactivité de ces salariés, souvent des femmes ? Enfin, comment concevez-vous les compléments d'heures pour lequel huit avenants par an sont possibles sans que la durée de chacun d'entre eux, ni le nombre d'heures qu'ils ajoutent soient précisés ? Comment ce dispositif s'articule-t-il avec le recours aux heures complémentaires et avec l'obligation de les intégrer dans le contrat de travail dans certaines conditions ?

Mme Laurence Cohen . - En quoi cet accord contribue-t-il à maintenir l'emploi ? Evitera-t-il les plans de licenciement déguisés sous couvert de plans de départ volontaire comme chez Sanofi ?

Comme l'a dit Catherine Génisson, nous connaissons les effets du temps partiel qui concerne à 82 % les femmes, soit 3 millions de salariées. Il implique beaucoup de précarité, de flexibilité, des salaires partiels et au final, des retraites partielles. Or, l'accord l'institutionnalise.

Le recours aux complémentaires santé, d'ailleurs accompagné d'exonérations, n'aboutira-t-il pas à réduire la couverture de base par la sécurité sociale ?

Mme Annie David , présidente . - Indépendamment du texte en cours de discussion, que recouvre exactement le compte personnel de formation prévu par l'accord ?

Il est vrai que le dialogue social est plus avancé en Allemagne qu'en France. Je vous rappelle cependant qu'un plan de sauvegarde de l'emploi pourra être mis en oeuvre par accord ou par décision unilatérale de l'employeur alors qu'en Allemagne, sans accord, rien ne se passe. Sans doute faut-il renforcer le dialogue social en France, mais vous ne pouvez pas ne prendre que ce qui vous intéresse dans les autre pays.

Je veux bien que les systèmes de chômage partiel soient devenus trop complexes ; ils ont toutefois été adoptés par le législateur à votre demande. Comment être sûr que le nouveau dispositif va répondre aux besoins des salariés et des entreprises et n'apparaîtra pas demain lui aussi trop complexe ?

La hiérarchie des normes a été inversée, puisque des accords d'entreprise peuvent prévoir des droits inférieurs à ceux prévus par la loi et le code du travail. Qu'est-ce qui nous dit que cette possibilité ne sera pas utilisée pour revenir, dans les entreprises, sur les dispositions de l'accord que l'on nous propose de transposer ?

M. Jean-François Pilliard . - Non seulement l'accord reprend la totalité des points de la feuille de route gouvernementale, mais il va plus loin sur un grand nombre de sujets : la complémentaire santé, la portabilité de la complémentaire santé pour les chômeurs ainsi qu'en matière de prévoyance, les droits rechargeables à l'assurance chômage, le compte personnel de formation, les conditions d'accès des jeunes en CDD au congé individuel de formation (Cif), la prime facilitant l'accès au contrat de sécurisation professionnelle, la consultation des instances représentatives du personnel sur les orientations stratégiques de l'entreprise, la participation des salariés au conseil d'administration ou de surveillance de l'entreprise, le plancher de 24 heures pour le temps partiel et, enfin, la rémunération des heures complémentaires dès la première heure. Trouvez-moi une telle diversité d'avancées pour les salariés depuis quinze ans !

On entend souvent dire qu'en donnant plus de flexibilité, on ne travaille que pour le chef d'entreprise et contre l'intérêt des salariés. Notre pays n'a cessé d'augmenter le volume du code du travail, et cela ne nous a pas réussi. Au contraire, introduire davantage de flexibilité et de sécurité, c'est oeuvrer en faveur du premier des droits des salariés, le droit à l'emploi. Voilà pourquoi cet accord est prometteur.

Le financement des droits rechargeables sera débattu d'ici la fin de l'année, lors de la négociation sur la prochaine convention d'assurance chômage. Fin 2013, le déficit cumulé de l'Unédic, que je préside, atteindra 18,6 milliards d'euros et son taux d'endettement approchera les 60 %. Malgré la garantie de l'Etat, il faudra bien un jour la rembourser. Notre système d'assurance chômage a été fondé sur une croissance qui fait défaut depuis 2008. Face à cette situation, il appartiendra aux partenaires sociaux de prendre leurs responsabilités.

En matière de fiscalité des complémentaires santé comme ailleurs, augmenter les coûts pour les entreprises nuit à la compétitivité et à l'emploi. Une remise en cause sans contrepartie des exonérations serait peu respectueuse des partenaires sociaux, qui se sont déterminés en fonction de la fiscalité existante. Le désengagement éventuel de l'Etat de l'assurance maladie nous préoccupe : la question de la répartition des rôles respectifs de la collectivité et les entreprises reste posée. Des travaux sont menés au Haut conseil du financement de la protection sociale ; espérons que des solutions équilibrées et raisonnables seront trouvées.

En quoi l'accord peut-il inverser la tendance en matière d'emploi ? Lorsque, comme nos industries manufacturières, vous avez une marge de 25 % et peu de visibilité sur le carnet de commande, vos opportunités d'investissement, y compris en terme d'emplois, sont très limitées. Nous avons pris nos responsabilités en signant un accord qui profitera autant aux salariés qu'aux chefs d'entreprise en créant les conditions d'une plus grande compétitivité grâce à un meilleur équilibre entre flexibilité et sécurité.

Madame la Présidente, je vous rejoins sur le fait que notre dialogue social pourrait être amélioré, notamment quand on le compare à l'Allemagne, notre principal partenaire commercial. Toutefois, il faut au moins être deux pour dialoguer. Parmi les avancées de l'accord en matière de dialogue social, je citerai la représentation du personnel dans les conseils d'administration et la mise en place de la base de données partagée avec les représentants du personnel qui, au-delà des informations et des consultations existantes, complètement déconnectées de la réalité de l'environnement des affaires, donneront une vision beaucoup plus stratégique de la vie de l'entreprise.

Mme Geneviève Roy . - L'Ani indique clairement que la durée minimale d'activité est fixée, hors cas particuliers, à 24 heures par semaine Celle-ci a été instaurée pour organiser le temps de travail ; quand vous faites les marchés, vous travaillez cinq heures trois jours par semaine et vous pouvez donc déroger à la règle des 24 heures.

Les compléments d'heures nécessiteront des accords de branche ; il reviendra aux partenaires sociaux d'en discuter. Il était pour nous important de bien distinguer le flux à venir du stock des contrats existants, d'où la note de bas de page relative aux contrats de travail antérieurs, et notre souhait que la période transitoire prévue par le projet de loi soit supprimée.

S'agissant du compte personnel de formation, j'estime que si avec le Dif, nous avons posé la première brique, la deuxième sera la fusion du Cif et du Dif. C'est bien le processus qu'il nous faut enclencher, vers un droit attaché à la personne, universel et transférable.

M. Jean-Pierre Crouzet . - Je partage les propos de Jean-François Pilliard sur les droits nouveaux contenus dans l'accord et de Geneviève Roy sur le temps partiel et la formation. Sachant combien l'animation économique des terroirs repose en partie sur les week-ends, vous comprendrez la nécessité du temps partiel. Le texte qui vous est soumis et les dérogations prévues répondent à ces situations.

Pas plus que la retraite complémentaire, la complémentaire santé n'est un bien de consommation - je vous renvoie au droit communautaire et à la jurisprudence. Cette garantie apportée à nos salariés ne doit pas être fiscalisée.

M. Jean-François Pilliard . - A la différence des dispositifs actuels, le compte personnel de formation sera intégralement transférable, alors que le Dif non utilisé chez le nouvel employeur est perdu au bout de deux ans. Là où le Dif actuel est monétisable à 9,15 euros l'heure, le compte personnel sera pris en compte quel que soit le coût de la formation et ne sera pas utilisable sans l'accord du salarié. Opposable en cas de formation prioritaire, il donne également une opportunité de meilleur fléchage vers l'emploi et les besoins de compétence en entreprise.

Mme Annie David , présidente . - Je veux bien croire que dans les branches les accords sur le temps partiel seront négociés au mieux. Mais ne faudrait-il pas abroger les dispositions qui autorisent des accords d'entreprise moins bons que les accords de branche ?

Mme Geneviève Roy . - Les accords d'entreprise ne peuvent déroger aux accords de branche que si ces derniers le prévoient, et la première chose que demandent les partenaires sociaux est que ce ne soit pas le cas. Quant aux compléments d'heures instaurés par l'Ani, les accords de branche ne peuvent qu'en préciser les modalités d'application.

Mme Catherine Génisson . - Un accord d'entreprise ne peut-il pas déroger aux règles prévues en matière de compléments d'heures ?

Mme Geneviève Roy. - Dans ce cas précis, l'accord d'entreprise ne peut pas déroger à l'accord de branche. L'accord d'entreprise ne peut pas créer de compléments d'heures.

M. Dominique Watrin . - Lorsque vous indiquez que les représentants des salariés siégeant dans les conseils d'administration ou de surveillance auront les mêmes droits et les mêmes devoirs que leurs autres membres, cela signifie-t-il qu'ils devront respecter le secret et la confidentialité ? Il serait délicat que des représentants des salariés ne puissent leur rendre compte.

M. Jean-François Pilliard . - Cela n'est pas écrit dans le texte. Je ne fais qu'exprimer une opinion personnelle. Il me semble que la meilleure façon de légitimer la présence des représentants de salariés est qu'ils aient les mêmes droits et devoirs que les autres administrateurs ; en faire une catégorie à part les marginaliserait. Nous le savons bien, lorsque l'on est membre d'une instance ou d'un conseil, on peut disposer d'informations exigeant une certaine confidentialité. Etre représentant de quelqu'un ne signifie pas que l'on puisse diffuser sans restriction tout ce qu'on l'on sait.

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