B. LES DOUTES SUR L'AMPLEUR ET LA RÉPARTITION DES GAINS AU CAS OÙ LA FRANCE UTILISERAIT LES PAT

1. La répartition des éventuels gains entre les maillons des filières

Le Centre d'Étude et de Recherche sur l'Économie et l'Organisation des Productions Animales (CEREOPA) a réalisé des simulations pour tenter d'évaluer l'impact économique d'une éventuelle utilisation des PAT en France, avec toutes les réserves d'usage liées à ce type d'exercice 8 ( * ) .

Par exemple, dans la filière volaille, en supposant la baisse des coûts de l'alimentation animale intégralement répercutée au niveau des éleveurs, la marge brute de ces derniers pourrait augmenter de près de 25 %, ce qui pourrait permettre, dans un contexte mondial de plus en plus concurrentiel, de rester compétitif et d'éviter la délocalisation des productions.

Si, à l'inverse, la baisse du coût de production était intégralement répercutée aux consommateurs, le prix moyen de vente des poulets entiers ne baisserait que de quelques centimes, avec une diminution de moins de 1% du prix de vente du poulet standard entier.

Cet exemple montre que le « rejet sociétal » des PAT correspond également à ce que la théorie économique qualifie d' « attitude rationnelle du consommateur » : refuser l'utilisation des PAT et le risque associé - même minime - si aucune baisse des prix n'en résulte.

Dans la pratique, le gain résultant de l'utilisation des PAT risque de faire l'objet de conflits de répartition entre l'ensemble des maillons de la filière alimentaire et les éleveurs craignent que cette plus-value ne soit capturée par les industriels ou la grande distribution.

Les fabricants d'alimentation animale ont également indiqué à votre rapporteur qu'il convenait de retenir les leçon de l'application, par la France, de l'autorisation intervenue en 2006 de réintroduire les produits dérivés du sang et des protéines hydrolysées de plumes dans l'alimentation animale. Plusieurs années après la décision européenne, ces matières premières sont très peu utilisées (15% seulement des formules d'aliments produits en France en contiennent) du fait des restrictions imposées par les cahiers des charges des enseignes de la grande distribution, ce qui démontre les réticences bien réelles qui existent sur ce sujet, en dépit des garanties totales qui ont été apportées préalablement à la réintroduction de ces matières premières dans la règlementation.

Jusqu'à l'été 2006, le seul débouché des graisses animales multi espèces (c'est-à-dire contenant du ruminant) de catégorie 3 était l'oléo-chimie. Ces graisses peuvent maintenant être utilisées en pet food , mais également pour la fabrication de biocarburants. Les graisses de bovins prélevées avant la fente de la carcasse peuvent être valorisées en alimentation humaine et animale . Les graisses d'après fente de bovins de plus de 24 mois ne peuvent être valorisées en alimentation humaine ou animale en France alors qu'elles le sont dans tous les autres États du monde, y compris de l'Union européenne. En absence de débouché, les entreprises de transformation peuvent être amenées à utiliser ces graisses multi espèces comme combustible dans leurs propres chaudières.

Aujourd'hui, bien que toutes les graisses de porcs et de volailles, qu'elles soient de fonte ou de cuisson, soient autorisées dans l'alimentation de toutes les espèces animales, sans contrainte réglementaire de purification, l'immense majorité des cahiers des charges continue d'exclure ou de restreindre fortement les graisses animales.

2. La tendance française supposée à « laver plus blanc que blanc » : les risques de surenchère normative et de surcoût dans l'application du droit européen

Les simulations disponibles (réalisées « toutes choses égales par ailleurs autres que les prix des PAT ») ne prennent pas en compte les éventuels surcoûts liés au fait que cette utilisation nécessiterait une segmentation accrue des circuits de production, pour des raisons sanitaires mais aussi, pour certains marchés confessionnels. Dans l'hypothèse d'une autorisation des PAT pour les porcs et les volailles, les professionnels devront, en effet, mettre en place des procédures garantissant l'étanchéité des filières depuis le stade de la production des aliments jusqu'à celui des élevages.

Les pouvoirs publics devront de leur côté diligenter des contrôles pour s'assurer que la séparation entre PAT de diverses origines est effective. Ici encore, la tendance française à « laver plus blanc que blanc » évoquée de façon récurrente et générale par une grande majorité des acteurs des filières alimentaires, risque, selon ces derniers, de se traduire par des exigences disproportionnées susceptibles d'annuler en grande partie le bénéfice potentiellement apporté par l'utilisation des PAT.


* 8 Comme le fait observer le CNA, une grande prudence s'impose dans l'utilisation de ces simulations en raison de la volatilité récurrente du prix des matières premières, toujours à même d'inverser les tendances escomptées.

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