B. LE DISPOSITIF RÉPRESSIF

Le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l'intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu'ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie en vue de commettre l'un quelconque des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la survenance éventuelle d'un tel acte est considéré comme un acte de terrorisme (art. L 421-2-2 du code pénal). Le financement du terrorisme est puni de dix ans d'emprisonnement et de 225 000 euros d'amende.

Les infractions dites « terroristes », dont le financement du terrorisme, obéissent à un régime procédural particulier concernant les points suivants :

- la garde à vue : au-delà des règles communes qui continuent de s'appliquer, le délai de garde à vue en matière terroriste peut être porté à 96 heures (4 jours), voire exceptionnellement 144 heures (6 jours) (art 706-88 et 706-88-1 code de procédure pénale).

- les techniques spéciales d'enquêtes : comme en matière de criminalité organisée, il est possible de recourir aux techniques spéciales d'enquêtes (infiltration, saisies et perquisitions en dehors des heures légales, écoutes téléphoniques dès l'enquête, sonorisation et fixation d'images de tout lieu ou véhicule public ou privé et captation des données informatiques - art 706-80 et suivants. du CPP).

- la prescription allongée : en matière de terrorisme, l'action publique des crimes se prescrit par 30 ans et l'action publique des délits se prescrit par 20 ans (706-25-1 CPP).

Par ailleurs, les infractions terroristes relèvent d'une compétence judiciaire spécifique avec une centralisation des poursuites (compétence concurrente entre les juridictions locales et le tribunal de grande instance de Paris (706-17 et 706-22-1 CPP) et jugement des crimes terroristes par une cour d'assises spécialement composée de magistrats professionnels (sise à Paris) (706-25 CPP).

C. LES MOYENS MIS EN oeUVRE ET LES RÉSULTATS OBTENUS

Selon les indications fournies à votre rapporteur, il ne serait pas possible de quantifier le nombre de personnes impliquées dans le dispositif préventif de lutte contre le financement du terrorisme, qu'il s'agisse des professionnels assujettis ou des membres des administrations concernées (Ministère des Finances, Autorité de contrôle prudentiel, TRACFIN, ...).

Du point de vue judiciaire, la section anti-terroriste du parquet de Paris (service à compétence nationale) compte actuellement sept magistrats du parquet, auxquels s'ajoutent cinq fonctionnaires de greffe.

Par ailleurs, huit magistrats instructeurs spécialisés ont été nommés, assistés de leur greffier. Un juge d'application des peines est également spécialisé.

Depuis 2005, le résultat de la lutte contre le blanchiment, mesuré à l'aune du nombre de condamnations définitives, s'établit de la façon suivante :

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Blanchiment simple

110

98

142

134

104

136

165

Blanchiment aggravé

38

37

51

67

52

46

76

Blanchiment douanier

9

25

11

24

21

21

20

Total

156

160

204

225

177

203

261

Financement du terrorisme

4

2

9

24

5

6

Votre rapporteur n'a pas pu obtenir de données concernant le nombre de « produits » saisis et le nombre de personnes interpellées, ces données n'étant pas disponibles.

S'agissant de la géographie des trafics visés par la convention de 1990, compte tenu du caractère très large du champ couvert par la Convention 1 ( * ) , aucune cartographie des infractions sous-jacentes n'est disponible faute de données suffisantes.

Il peut toutefois être observé :

- s'agissant du financement du terrorisme, que l'ensemble du territoire national est concerné ;

- s'agissant du blanchiment, la répartition des signalements TRACFIN adressés aux parquets fait apparaître que deux cours d'appel en sont principalement destinataires : Paris (204 en 2011 dont 117 pour le seul tribunal de grande instance de Paris) et Aix-en-Provence (54 en 2011) dont dépend la juridiction de Marseille. Les données pour 2012 ne sont pas encore disponibles mais cette tendance est constatée depuis plusieurs années.

II. LA GENÈSE DE L'ACCORD

Dix ans après l'entrée en vigueur de la convention de 1990, la nécessité s'est fait sentir d'actualiser dans un texte le rôle et le fonctionnement des cellules de renseignement financier dans le domaine spécifique de la lutte contre le terrorisme afin de tirer profit de l'expérience acquise, mais aussi de prendre en compte les modifications de l'environnement normatif.

C'est la raison pour laquelle, la convention de 2005 fait référence dans son préambule à la convention des Nations Unies pour la répression du financement du terrorisme signée le 9 décembre 1999 qui traite notamment des mesures d'inopposabilité du secret bancaire et encadre l'entraide judiciaire et l'extradition. Elle reprend, en outre, neuf recommandations spéciales du Groupe d'Action Financière (GAFI) adoptées fin 2001 et en 2004 sur le financement du terrorisme avec notamment, la déclaration des transactions financières suspectes pouvant être liées au terrorisme et la coopération internationale, au sens large, incluant aussi bien l'entraide judiciaire que l'échange de renseignements et l'assistance dans le cadre de procédures pénales, civiles ou administratives. Ainsi, elle traite de façon approfondie, du volet préventif du financement du terrorisme en intégrant tout à la fois des mesures pour dépister, rechercher, identifier, geler, saisir et confisquer les biens d'origine licite ou illicite utilisés ou destinés à être utilisés de quelque façon que ce soit, en tout ou en partie, pour le financement du terrorisme, mais également les produits de cette infraction, et de la coopération à ces fins, de la manière la plus large possible qu'elle soit judiciaire ou administrative.

La convention se réfère également à la résolution 1373 pour la prévention et la répression du financement des actes terroristes adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 28 septembre 2001 pour ce qui concerne, notamment, l'interdiction du financement du terrorisme et le gel des avoirs.

La convention tient compte également des nouvelles techniques d'investigation qui ont pu être adoptées dans d'autres enceintes internationales, telles que celles prévues dans le cadre du Protocole de l'Union européenne du 16 octobre 2001 à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale.

Elle répond au constat que la rapidité de l'accès aux renseignements financiers ou aux renseignements relatifs aux actifs détenus par les organisations criminelles, y compris les groupes terroristes, est essentielle au succès des mesures préventives et répressives et, en dernière analyse, vise à déstabiliser les activités de ces organisations. Elle prévoit, en outre, un mécanisme destiné à garantir une application correcte de ses dispositions par les Parties.

III. LE TEXTE SOUMIS À VOTRE EXAMEN

La ratification de la convention s'inscrit pleinement dans le processus logique d'intégration de ce texte dans le corpus juridique national, suite à la signature du texte par la France, le 23 mars 2011.

A. LES SPÉCIFICITÉS DE LA CONVENTION

Cinq sujets méritent de retenir votre attention.

1. En matière de déclaration de soupçons des avocats et avoués

L'article 13 de la convention étend l'obligation de déclaration de soupçons aux avocats et aux avoués et prévoit que les professionnels assujettis à cette obligation ne peuvent divulguer, en particulier à leur client, le fait qu'ils ont procédé à une déclaration de soupçons.

On remarquera que notre droit national est déjà conforme à la convention depuis la transposition de la directive européenne 2005/60/CE du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, et notamment son article 28, par l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 qui a créé un article L 561-19 au code monétaire et financier interdisant, entres autres professions, aux avocats et aux avoués de porter à la connaissance de la personne concernée ou d'un tiers autre qu'une autorité de contrôle ou un ordre professionnel l'existence et le contenu de la déclaration de soupçon.

2. En matière de traitement et de protection des données à caractère personnel et des autres informations fournies par les Parties

La convention a pour objectif de faciliter les échanges entre les Etats en matière d'entraide internationale aux fins d'investigation dans le cadre d'une enquête pénale et de coopération entre les cellules de renseignement financier.

L'entraide aux fins d'investigation portant sur les demandes d'informations sur les comptes bancaires, les opérations bancaires et leurs suivis, se fait selon les modalités d'exécution conformes au droit de la partie requise et en vertu de celui-ci.

La coopération entre les cellules de renseignement financier se fait, quant à elle, soit sur le fondement de cette convention soit en se rapportant à des protocoles d'accord existants ou futurs compatibles avec cette convention dans le respect de certaines mesures la divulgation d'informations ne doit pas entraver une enquête judiciaire en cours, ne doit pas entraîner des effets clairement disproportionnés au regard des intérêts légitimes de la personne concernée ou de la Partie requise et s'oblige à respecter les principes fondamentaux du droit national de la Partie requise (article 46 § 6).

Le dispositif que la France applique d'ores et déjà permettra de répondre aux objectifs de la convention, dans le respect des droits fondamentaux.

Le traitement automatisé et la protection des données à caractère personnel et des autres informations fournies par les Parties est également assuré conformément à un corpus de lois nationales et en particulier l'article 68 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 dite « Informatique et Libertés » et l'article L 235-1 du code de la sécurité intérieure.

3. En matière de suspension ou de report d'une transaction en cours

S'agissant de la coopération internationale entre les cellules de renseignement financiers pour le report des transactions suspectes, la convention prévoit que chaque partie adopte les mesures législatives ou autres qui se révèlent nécessaires pour permettre à la cellule de renseignement financier (CRF) d'initier en urgence à la demande d'une CRF étrangère une mesure de suspension ou de report de la conclusion d'une transaction en cours.

Le code monétaire et financier prévoit, dans son article L 561-25, que la CRF française TRACIN peut s'opposer à l'exécution d'une opération ayant fait l'objet d'une déclaration de soupçon mais n'envisage pas l'exercice en urgence du droit d'opposition à la demande d'une CRF étrangère.

La ratification de la présente convention impliquera donc une modification de notre droit afin d'y intégrer cette possibilité pour TRACFIN.

4. En matière de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués

Dans notre droit national, la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 a confié à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (ou AGRASC), la saisie et la confiscation des produits liés aux infractions. Placée sous la double tutelle du ministère de la Justice et des Libertés et du ministère du Budget, l'Agence a un rôle d'aide, de conseil et d'orientation aux magistrats en matière de saisies et de confiscations. Elle assure également la gestion et l'aliénation des biens saisis tout en veillant au respect des droits des propriétaires et des créanciers. Elle peut agir en exécution de toute demande de coopération émanant d'une autorité étrangère.

Cette même loi de 2010 intègre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de confiscation ce qui facilite, au sein de l'Union européenne, la reconnaissance et la mise à exécution des décisions de confiscation. L'AGRASC a ainsi été désignée par la France, le 25 février 2011, en qualité de bureau de recouvrement des avoirs au sens où l'entend le Conseil de l'Union européenne.

L'AGRASC sera destinataire des demandes des autorités étrangères en application de la Convention de 2005, et chargée de les exécuter dans le respect du droit national.

5. En matière de formes des demandes et langues

La convention prévoit que les demandes en matière de coopération internationale doivent être faites par écrit. Il s'agit d'un principe également consacré par l'article 4 § 9 du deuxième protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale en date du 8 novembre 2001, ratifié par la France le 6 février 2012.

La France assortira la ratification de la Convention d'une déclaration selon laquelle :

« Conformément à l'article 35, paragraphe 3 de la Convention, la France déclare qu'elle acceptera les demandes d'entraide judiciaire ou toute autre communication en vertu de la présente Convention faites par tout moyen permettant d'en obtenir une trace écrite dans des conditions lui permettant d'en vérifier l'authenticité. »

B. ETAT DES SIGNATURES ET RATIFICATIONS

A ce jour, trente-trois Etats membres du Conseil de l'Europe, sur l'ensemble des quarante-sept Etats parties et une organisation ont signé la convention. Vingt-deux Etats l'ont ratifiée. L'Union européenne a signé la convention le 2 avril 2009, mais ne l'a pas ratifiée.

La France est le dernier des trente-trois Etats à avoir signé la convention, le 23 mars 2011.


* 1 La Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme du 8 novembre 1990 s'applique à toute infraction pénale à la suite de laquelle des produits sont générés et susceptibles d'être blanchis (article premier)

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