II. LA RÉFORME DE LA PAC PROPOSÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE : LE CHANGEMENT DANS LA CONTINUITÉ.

A. UNE RÉFORME PRUDENTE.

1. UN CADRE INSTITUTIONNEL NOUVEAU.
a) La commission à l'initiative de la réforme dès 2010.

Il est frappant d'observer le rythme effréné des réformes de la PAC, le bilan de santé de la PAC en 2008 ayant été bien davantage qu'une révision technique à mi-parcours . Moins de deux ans après cette importante étape, la Commission européenne s'est attelée à la préparation de la réforme de la PAC pour l'après 2013.

Cette préparation a pris la forme d'une consultation des parties prenantes et des experts mais aussi et surtout des citoyens, à la mi-2010, qui a montré l'attachement des européens à leur agriculture et à la politique agricole européenne. Cette consultation a montré aussi une diversité des attentes de la société vis-à-vis de l'agriculture .

La Commission a très rapidement, dès la fin 2010, publié une communication assez brève sur la PAC à l'horizon 2020, pour rappeler les objectifs et les enjeux de la réforme et proposer des orientations. Les échanges de vues sur la réforme avec les États membres le Parlement européen, et les professionnels se sont alors intensifiés.

Enfin le dernier étage de la fusée a été constitué par la publication par la Commission européenne le 12 octobre 2011 des quatre textes législatifs européens devant réglementer la PAC pour 2014-2020 :

- La proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune (COM 2011 625) ;

- La proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (COM 2011 627 final) ;

- La proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil portant organisation commune des marchés des produits agricoles (règlement « OCM unique ») (COM 2011 626 final) ;

- La proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune dit « règlement horizontal » (COM 2011 628 final).

Accompagnés d'une longue étude d'impact, ils s'inscrivent dans la droite ligne de la communication de la fin 2010.

b) L'intervention du Parlement européen dans le cadre de la codécision.

Pour la première fois, le Parlement européen est appelé, en application du traité de Lisbonne, à intervenir sur la PAC dans le cadre de la codécision, échappant ainsi à la stricte logique intergouvernementale de négociation qui avait prévalu jusqu'à présent, qui avait fait de la Commission et du Conseil les seuls acteurs de premier plan en la matière.

Ce nouveau cadre procédural n'est pas totalement neutre : avec un rôle accru pour le Parlement européen, on pouvait attendre une PAC moins technocratique, plus centrée sur les préoccupations des citoyens européens et, en particulier, sur les questions environnementales.

Le Parlement européen a travaillé rapidement. Les rapporteurs de la Commission Agriculture et développement durable, le portugais Luis-Manuel Capoulas Santos, rapporteur sur le règlement sur les aides directes et le règlement sur le développement durable et le français Michel Dantin, rapporteur sur le règlement OCM, ont bouclé leurs travaux dès la mi-2012.

Parallèlement, les discussions au Conseil entre les 27 sur le contenu de la PAC se sont poursuivies, sous présidence danoise, chypriote, puis irlandaise depuis le 1 er janvier 2013.

c) Une incertitude longuement entretenue par l'absence d'accord sur le futur cadre financier de la PAC.

Aucun accord politique ne pouvait cependant aboutir tant que l'on restait dans le flou sur les moyens de la PAC pour la période 2014-2020.

Cette situation explique ainsi que le Parlement européen n'ait pas voté rapidement les propositions de règlement, bien qu'il y était techniquement prêt dès la mi-2012.

Certaines questions comme le rythme de convergence des niveaux d'aide ou encore les facultés de transferts de crédits entre premier et deuxième piliers dépendaient en effet fortement de l'enveloppe globale mise à disposition du FEAGA et du FEADER.

2. UN CONTEXTE AGRICOLE DÉGRADÉ, PEU PRIS EN COMPTE.
a) Après la crise de 2008, la donne a changé pour l'agriculture.

La fin de la décennie 2000 est marquée par le retour au premier plan de la question agricole et alimentaire. Les émeutes de la faim lors de la crise alimentaire mondiale de 2007-2008 provoquée par la brusque montée des prix de toutes les matières premières agricoles ont remis au premier plan l'enjeu de la souveraineté alimentaire. À plus long terme, l'enjeu sera de nourrir 9 milliards d'êtres humains à l'horizon 2050.

En sens inverse, avec la crise financière et le ralentissement de la croissance mondiale, la conjoncture s'est retournée à partir de la mi-2008 et la plupart des secteurs, les grandes cultures, le lait, la viande, ont connu des années 2009 et 2010 très difficiles. Tout aussi brutalement, les prix des céréales se sont redressés, amplifiés par des phénomènes spéculatifs.

La prise de conscience des effets délétères sur l'agriculture de ces phénomènes de volatilité a amené les membres du G20 à renforcer leur coopération . Les conclusions du G20 agricole de Cannes en juin 2011 prévoient la mise en place d'un système d'information pour mieux connaître l'état des marchés et des stocks, mais aussi la création d'un forum de réaction rapide pour faire face de manière plus collective aux crises et les prévenir ou du moins, en limiter l'ampleur.

b) Une réforme qui ne remet pas en cause l'orientation libérale de la politique agricole.

Pour autant, l'architecture de la réforme proposée par la Commission européenne ne fait pas la part belle à davantage de régulation des marchés agricoles. Elle confirme au contraire le démantèlement des instruments de régulation quantitative de la production comme les quotas laitiers , déjà programmé par le bilan de santé de 2008.

La Commission ne propose pas non plus de revoir l'architecture technique de la PAC en choisissant de ne pas remettre en cause la structure en deux piliers de la PAC. Elle conserve une politique reposant sur des interventions minimales sur les marchés agricoles , sur une distribution d'aides directes au revenu , et sur le soutien, cofinancé par les États membres à une multitude d'initiatives en monde rural , dans le cadre d'une programmation pluriannuelle du deuxième pilier.

Au final, c'est une réforme prudente qui repose sur une idée centrale : renforcer la légitimité des aides versées aux agriculteurs, à travers deux grands leviers : une plus grande équité dans leur distribution et un renforcement de la prise en compte des exigences environnementales au sein du premier pilier.

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