Rapport n° 594 (2012-2013) de Mme Anne EMERY-DUMAS , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 22 mai 2013

Disponible au format PDF (338 Koctets)

Tableau comparatif au format PDF (25 Koctets)


N° 594

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 mai 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, portant déblocage exceptionnel de la participation et de l' intéressement ,

Par Mme Anne EMERY-DUMAS,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

909 , 984 et T.A. 133

Sénat :

559 et 595 (2012-2013)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi, adoptée le 13 mai dernier par l'Assemblée nationale, vise à autoriser nos concitoyens à débloquer de manière anticipée les droits et les sommes dont ils ont bénéficié au titre de la participation et de l'intéressement.

Ce texte, déposé par Bruno Le Roux, Christian Eckert, Catherine Lemorton et les membres du groupe socialiste de l'Assemblée nationale concrétise d'abord l'engagement pris par le Président de la République de soutenir sans tarder le pouvoir d'achat des Français au moment où le pays traverse l'une des plus graves crises économiques de son histoire.

Il complète par ailleurs la stratégie de croissance du Gouvernement en proposant une mesure ambitieuse susceptible d'influencer positivement une consommation des ménages qui n'a cessé de fléchir au cours des trois dernières années.

Il constitue enfin l'occasion d'aborder le thème de l'épargne salariale dont les modalités devront être profondément repensées, en collaboration avec les partenaires sociaux, au cours des mois à venir.

En dépit de l'importance que revêt l'adoption rapide de cette mesure, la commission des affaires sociales, après en avoir débattu, n'a pas adopté la présente proposition de loi.

I. PARTICIPATION ET INTERESSEMENT : DEUX DISPOSITIFS COLLECTIFS BÉNÉFICIANT D'UN RÉGIME FISCAL ET SOCIAL INCITATIF

La participation et l'intéressement sont les deux dispositifs permettant aux salariés français d'être associés collectivement aux résultats de leur entreprise.

Mis en place à partir de la fin des années 50, ils traduisent la volonté, exprimée par le général de Gaulle à l'occasion de son discours de Strasbourg du 7 avril 1947, d'associer de manière « digne et féconde [...] ceux qui mettraient en commun, à l'intérieur d'une même entreprise, soit leur travail, soit leur technique, soit leurs biens, et qui devraient s'en partager, à visage découvert et en honnêtes actionnaires, les bénéfices et les risques » .

Si ces deux dispositifs se caractérisent par des régimes juridiques distincts, ils ont en commun de bénéficier d'un régime social et fiscal incitatif tant pour l'employeur que, sous certaines conditions, pour le salarié.

A. DES RÉGIMES JURIDIQUES CONVERGENTS

Historiquement distincts, les régimes juridiques applicables à la participation et à l'intéressement, désormais définis au troisième Livre de la troisième partie du Code du travail, tendent aujourd'hui à converger.

1. La participation : un régime obligatoire

Le dispositif de participation a été établi par l'ordonnance n° 67-693 du 17 août 1967 relative à la participation des salariés aux fruits de l'expansion des entreprises. Ce texte fondateur reconnaissait aux « travailleurs un droit nouveau fondé sur une obligation nouvelle à laquelle sont soumises les entreprises, quelles que soient leur nature et la forme qu'elles revêtent, dès lors qu'elles occupent plus de 100 salariés ».

Les règles relatives à la participation, fréquemment modifiées depuis cette date 1 ( * ) , s'inspirent encore des trois principes cardinaux établis par l'ordonnance de 1967 : intéresser directement les travailleurs au développement des entreprises, ouvrir un large champ de négociation entre le salarié et l'employeur et permettre un développement de l'épargne et des investissements des entreprises.

a) Intéresser directement les salariés au développement de leur entreprise

Créée postérieurement au système d'intéressement mis en place en 1959, la participation aux résultats de l'entreprise se caractérise d'abord par son caractère obligatoire .

Cette obligation légale ne concerne pas toutes les entreprises. Elle s'applique seulement à celles employant un nombre minimum de salariés - passé de 100 à 50 à l'occasion de l'examen de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990.

En 2010, le pourcentage d'entreprises d'au moins 50 salariés signataires d'un accord de participation s'échelonnait entre 55 % pour les entreprises employant entre 50 et 100 salariés et 82 % pour les unités de 1 000 salariés et plus 2 ( * ) .

PROPORTION DES ENTREPRISES D'AU MOINS 50 SALARIÉS SIGNATAIRES D'UN ACCORD DE PARTICIPATION EN 2010 (EN %)

Source : Dares / Enquête annuelle Acemo-Pipa

Cette obligation ne concerne pas non plus les entreprises à forme mutualiste et celles qui, en raison de leur nature ou de leur forme juridique, ne réalisent aucun bénéfice passible de l'impôt sur le revenu ou sur les sociétés. Ceci exclut notamment du champ d'application de la loi les entreprises publiques et sociétés nationales, à l'exception de celles énumérées par le décret n° 87-948 du 26 novembre 1987 modifié.

La participation aux résultats de l'entreprise se caractérise ensuite par son côté aléatoire . Le versement d'une prime de participation aux salariés est en effet tributaire de l'existence d'un bénéfice de l'entreprise après impôts et rémunération des capitaux propres.

C'est à partir de ce résultat net que sera calculé le montant de la réserve spéciale de participation répartie entre les salariés conformément à la formule légale mentionnée dans l'encadré ci-dessous.

Modalités de calcul de la réserve spéciale de participation

a) L'article L. 3324-1 du code du travail définit la formule de calcul de la réserve de participation. Celle-ci est habituellement résumée par l'équation suivante :

R = ½ (B - 5 % C) (S / VA)

dans laquelle :

- R correspond à la réserve de participation ;

- B correspond au bénéfice de l'exercice après déduction de l'impôt ;

- C correspond aux capitaux propres de l'entreprise ;

- S correspond aux salaires versés dans l'entreprise ;

- VA correspond à la valeur ajoutée dégagée par l'entreprise.

b) Le schéma ci-dessous résume quant à lui les différentes étapes permettant de définir l'existence et le niveau de la participation attribuée aux salariés d'une entreprise :

Source : Les Cahiers LAMY du CE / n° 105

Le montant de cette « participation aux fruits de l'expansion de l'entreprise » correspond in fine, pour chaque salarié, à une quote-part de la moitié du bénéfice fiscal après impôts et rémunération des capitaux propres, au prorata du poids des salaires dans la valeur ajoutée de l'entreprise.

Compte tenu des contraintes précédemment exposées, toutes les entreprises signataires d'un accord de participation n'ont pas distribué de primes en 2010.

Le pourcentage d'entreprises d'au moins 50 salariés ayant effectivement distribué une telle prime de participation à leurs salariés s'échelonne ainsi entre 36 % pour les entreprises employant entre 50 et 100 salariés et 60 % pour les unités de 1 000 salariés et plus.

PROPORTION DES ENTREPRISES D'AU MOINS 50 SALARIÉS
AYANT DISTRIBUÉ UNE PRIME DE PARTICIPATION EN 2010 (EN %)

Source : Dares / Enquête annuelle Acemo-Pipa

b) Ouvrir un large champ de négociation entre les salariés et l'employeur

Conformément à l'intention du législateur de 1967, la définition du régime de participation continue de « laisser un large champ à la négociation entre employeurs et salariés, pour tenir compte de la situation propre aux diverses entreprises et des préférences de ceux qui y travaillent ».

D'une part, le champ de la négociation peut porter sur le principe même de la mise en place d'un régime de participation au sein de l'entreprise . Tel est le cas pour les entreprises de moins de 50 salariés qui, sur la base du volontariat, peuvent négocier un accord de participation selon les modalités fixées à l'article L. 3322-6 du code du travail.

En cas d'échec des négociations initiées par l'employeur, le régime pourra cependant être arrêté unilatéralement par celui-ci après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.

Selon les chiffres publiés par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) rattachée au ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, 5,6 % des entreprises employant entre 10 et 49 salariés étaient dotés d'un tel accord en 2010, pourcentage en forte progression au cours des cinq dernières années.

PROPORTION DES ENTREPRISES DE MOINS 50 SALARIÉS
SIGNATAIRES D'UN ACCORD DE PARTICIPATION (EN %)

Source : Dares / Enquête annuelle Acemo-Pipa

D'autre part, le champ de la négociation concerne les modalités de mise en oeuvre de la participation au sein de l'entreprise , que cette mise en oeuvre soit obligatoire ou volontaire. L'article L. 3322-2 du code du travail précise en effet que les éléments essentiels du dispositif de participation tels que sa base, ses modalités de calcul, d'affectation et de gestion doivent être déterminés par accord entre employeur et salariés.

Modalités de conclusion d'un accord de participation

Aux termes de l'article L. 3322-6 du code du travail, la conclusion d'un accord de participation doit se faire selon l'une des quatre modalités suivantes :

- par convention ou accord collectif de travail ;

- par accord entre l'employeur et les représentants d'organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ;

- par accord conclu au sein du comité d'entreprise ;

- à la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d'un projet de contrat proposé par l'employeur.

Dans ce dernier cas, s'il existe dans l'entreprise une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ou un comité d'entreprise, la ratification est demandée conjointement par l'employeur et une ou plusieurs de ces organisations ou ce comité.

S'agissant des modalités de calcul de la participation, l'accord négocié par les partenaires sociaux permet de déroger à certaines règles établies par le code du travail.

Il peut ainsi substituer à la formule légale de calcul de la réserve spéciale de participation prévue à l'article L. 3324-1 du code du travail une formule dérogatoire assise sur d'autres indicateurs financiers 3 ( * ) , à condition que cette dernière offre aux salariés des avantages au moins équivalents. Dans les faits, cette possibilité reste peu utilisée.

L'accord peut également prévoir des modalités de répartition de la réserve spéciale de participation entre les salariés de l'entreprise différentes de celle fixée par l'article L. 3324-5 du code précité. Dans ce cas, la répartition peut être établie proportionnellement au salaire perçu, mais également :

- par répartition uniforme entre chaque salarié ;

- proportionnellement à la durée de présence dans l'entreprise ;

- ou en combinant les 3 critères énumérés ci-dessus.

Concernant les modalités d'affectation des sommes constituant la réserve de participation, l'adoption de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié a réduit le champ de la négociation.

Jusqu'à l'adoption de ce texte, l'article L. 442-5 du code du travail prévoyait en effet la possibilité d'affecter les sommes issues de la participation à des opérations aussi variées que l'acquisition d'actions de l'entreprise, l'acquisition de titres émis par les sociétés d'investissement à capital variable (SICAV) ou de parts de fonds communs de placement d'entreprise (FCPE), l'acquisition d'actions émises par une société créée par les salariés pour racheter leur entreprise, l'alimentation de dispositifs d'épargne salariale ou l'abondement d'un compte courant bloqué dans l'entreprise.

L'article L. 3323-2 du même code réserve désormais l'affectation des sommes issues de la réserve spéciale de participation à :

- des comptes ouverts au nom des bénéficiaires en application d'un plan d'épargne d'entreprise (PEE), d'un plan d'épargne interentreprises (PEI) ou d'un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) ;

- à un compte courant bloqué que l'entreprise doit consacrer à des investissements.

Cette dernière possibilité est toutefois encadrée. Afin de diminuer le risque encouru par les salariés en cas de défaillance de leur employeur, l'article L. 3323-3 du code du travail précise que l'accord de participation ne peut prévoir l'affectation de l'intégralité des sommes constituant la réserve spéciale de participation à un compte courant bloqué.

À défaut d'accord de participation dans les entreprises employant au moins 50 salariés , un régime dit d'autorité prévu par l'article L. 3323-5 du code du travail doit être mis en place par l'entreprise. Les salariés se voient alors reconnaître un droit de créance sur celle-ci égal au montant de la réserve spéciale de participation, obtenu selon la formule de droit commun.

c) Permettre un développement de l'épargne et des investissements des entreprises

L'ordonnance de 1967 envisageait le développement de la participation des salariés comme un moyen de favoriser « la formation d'une épargne nouvelle et d'accroître les capacités d'investissement des entreprises ».

Pour atteindre ces objectifs, le texte s'appuyait sur deux principes :

- l'indisponibilité , pendant cinq ans, des droits constitués au profit du salarié au titre de la participation, indisponibilité portée à huit ans en cas d'absence d'accord de participation dans le délai d'un an à compter de la naissance des droits des salariés ;

- l'affectation de ces droits à des titres ou des produits financiers destinés à contribuer au financement et au développement de l'économie nationale .

Si ces deux principes restent d'actualité, les textes successifs en ont considérablement amoindri la portée.

Ceci est particulièrement vrai pour le principe d'indisponibilité des droits dont le caractère contraignant n'est plus qu'une option pour le salarié concerné par une prime de participation. En effet, depuis l'adoption de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail, celui-ci peut demander, dans les quinze jours à compter de la date à laquelle il a été informé du montant qui lui est attribué, un versement immédiat de la prime versée au titre de la participation.

En 2010, 31 % des sommes versées par les entreprises françaises de plus de 10 salariés au titre de la participation ont ainsi été versées directement aux salariés à la demande de ceux-ci, chiffre en progression de 5 points par rapport à 2009, date de mise en place de nouveau mécanisme de répartition.

Cette exception s'ajoute à celles définies à l'article R. 3324-22 du code du travail énumérant les situations ou les projets du salarié lui permettant de liquider ou transférer exceptionnellement ses droits avant l'expiration du délai de cinq ans. Il s'agit pour mémoire :

- du mariage de l'intéressé ou de la conclusion d'un pacte civil de solidarité ;

- de la naissance ou de l'arrivée au foyer d'un enfant en vue de son adoption dès lors que le foyer compte déjà au moins deux enfants à sa charge ;

- du divorce, de la séparation ou de la dissolution d'un pacte civil de solidarité lorsqu'ils sont assortis d'un jugement prévoyant la résidence habituelle unique ou partagée d'au moins un enfant au domicile de l'intéressé ;

- de l'invalidité du salarié, de ses enfants, de son conjoint ou de la personne qui lui est liée par un pacte civil de solidarité (...) ;

- du décès du salarié, de son conjoint ou de la personne liée au bénéficiaire par un pacte civil de solidarité ;

- de la cessation du contrat de travail ;

- de l'affectation des sommes épargnées à la création ou reprise, par le salarié, ses enfants, son conjoint ou la personne liée au bénéficiaire par un pacte civil de solidarité, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole (...) ;

- de l'affectation des sommes épargnées à l'acquisition ou agrandissement de la résidence principale (...) ;

- de la situation de surendettement du salarié (...), sur demande adressée à l'organisme gestionnaire des fonds ou à l'employeur, soit par le président de la commission de surendettement des particuliers, soit par le juge lorsque le déblocage des droits paraît nécessaire à l'apurement du passif de l'intéressé ».

La levée anticipée de l'indisponibilité demandée par l'intéressée à l'occasion de la réalisation de l'une des conditions énumérées précédemment doit alors intervenir sous forme d'un versement unique portant sur tout ou partie des droits susceptibles d'être débloqués.

2. L'intéressement : un dispositif facultatif aux conditions de mise en oeuvre proches de celles applicables à la participation

Instauré par l'ordonnance n° 59-126 du 7 janvier 1959, l'intéressement est historiquement le premier dispositif mis en place pour favoriser l'association des travailleurs aux résultats de l'entreprise. Moins contraignant que la participation, ses modalités de mises en oeuvre en sont proches.

a) Un dispositif facultatif...

Défini aux articles L. 3311-1 et suivants du code du travail, le régime de l'intéressement se distingue sur certains points de celui de la participation décrit ci-dessus.

Contrairement à la participation, l'intéressement est d'abord facultatif pour l'ensemble des entreprises 4 ( * ) , et pas seulement pour celles employant moins de 50 salariées.

Les chiffres publiés par la Dares permettent à cet égard de constater que le nombre d'entreprises concernées par un accord d'intéressement en 2010 est globalement moins élevé que celles signataires d'un accord de participation, à l'exception notable des entreprises employant moins de 50 salariés.

INTÉRESSEMENT ET PARTICIPATION DANS LES ENTREPRISES FRANÇAISES EN 2010 (EN %)

Source : Dares / Enquête annuelle Acemo-Pipa

À la différence de la participation, l'intéressement accordé aux salariés ne dépend pas d'une formule de calcul reposant sur le bénéfice de l'entreprise. L'intéressement peut en effet être déterminé sur la base de critères ou de ratios liés aux résultats (bénéfice, résultat d'exploitation, comptable ou fiscal, valeur ajoutée ...) ou aux performances (productivité, atteinte d'objectifs sécurité, qualité, service aux clients, rebus, stocks, etc.) de l'entreprise.

Enfin, si la participation est depuis son origine un instrument visant à promouvoir une épargne de longue durée, objectif écorné par la réforme introduite par la loi du 3 décembre 2008, l'intéressement reste essentiellement un salaire différé pour le salarié. La prime d'intéressement lui est directement versée à la date fixée par l'accord sauf s'il décide volontairement d'affecter à un PEE, un PEI ou un PERCO tout ou partie des sommes en question.

En 2010, seulement 30 % des fonds versés au titre de l'intéressement ont ainsi été placés sur un plan d'épargne salariale.

b) ... aux conditions de mise en oeuvre proches de celles applicables à la participation

En dépit de ses caractéristiques propres, l'intéressement se caractérise par des conditions de mises en oeuvre proches de celles applicables à la participation.

Comme la participation, l'intéressement est un régime collectif mis en place dans l'entreprise par voie d'accord valable pour trois ans selon des modalités identiques à celles prévues à l'article L. 3322-6 du code du travail, à savoir :

- par convention ou accord collectif de travail ;

- par accord entre l'employeur et les représentants d'organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ;

- par accord conclu au sein du comité d'entreprise ;

- à la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d'un projet de contrat proposé par l'employeur.

L'intéressement doit, comme la participation, avoir un caractère aléatoire . La formule de calcul utilisée doit par conséquent prendre en compte un aléa économique, ce qui prohibe toute forme d'intéressement minimum ou forfaitaire.

L'intéressement peut enfin être réparti entre les salariés de l'entreprise selon des modalités identiques à celles définies pour la participation. L'article L. 3314-5 précise ainsi que la prime d'intéressement peut être établie :

- proportionnellement au salaire perçu ;

- par répartition uniforme entre chaque salarié ;

- proportionnellement aux temps de présence dans l'entreprise ;

- ou en combinant les trois critères énumérés ci-dessus.

B. DES RÉGIMES SOCIAUX ET FISCAUX INCITATIFS

Au-delà d'un régime juridique distinct dont les modalités de mises en oeuvre tendent à se rapprocher, les dispositifs de participation et d'intéressement en vigueur se caractérisent par l'octroi d'avantages sociaux et fiscaux conséquents aux employeurs qui y recourent et aux salariés qui en bénéficient.

1. Un régime avantageux pour les entreprises

Les entreprises jouissent ainsi d'un régime social et fiscal particulièrement avantageux défini par les articles L. 3325-1 et L. 3315-1 du code du travail, aux termes desquels les sommes versées au titre de la participation et de l'intéressement sont :

- déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu exigible au titre de l'exercice au cours duquel elles sont réparties entre les salariés ;

- exonérées de charges sociales patronales ;

- exonérées de taxes sur les salaires.

Ces sommes sont néanmoins soumises au forfait social dont le taux est passé à 20 % depuis le 1 er aout 2012.

Le caractère incitatif du dispositif fiscal applicable aux entreprises en matière d' intéressement a par ailleurs été accentué par la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail. Les entreprises qui concluent un accord d'intéressement entre le 4 décembre 2008 et le 31 décembre 2014 peuvent ainsi bénéficier d'un crédit d'impôt 5 ( * ) au titre des exercices réalisés à compter de cette date et aux entreprises de moins de 250 salariés qui concluent ou renouvellent un accord d'intéressement à compter de cette même date.

Ce crédit d'impôt est égal à 30 % du montant des primes versées au titre de la première année ou de la différence entre le montant des primes versées au titre de l'exercice et le montant moyen des primes dues au titre de l'accord précédent.

2. Un régime favorable aux salariés

Les salariés bénéficient quant à eux d'une exonération de cotisations sociales sur la part salariale et d'une exonération d'impôt sur le revenu si les sommes sont bloquées dans les conditions définies par le code du travail.

Cette exonération d'impôt sur le revenu ne s'applique que si les sommes issues de la participation - et leurs éventuels revenus - sont effectivement affectées à un plan d'épargne salariale (PEE, PEI ou PERCO) ou à un compte que l'entreprise doit consacrer à des investissements.

Elle n'est par ailleurs applicable que pour la partie des primes d' intéressement utilisée par leur bénéficiaire pour abonder un plan d'épargne salariale (PEE, PEI ou PERCO) dans la limite d'un plafond égal à la moitié du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 18 516 € en 2013.

Lorsqu'elles sont perçues immédiatement par le salarié, les sommes versées au titre de de la participation et de l'intéressement sont en revanche soumises à l'impôt sur le revenu, sauf dans les cas de déblocage anticipé prévu par la loi.

L'ensemble des sommes sont soumises à la CSG et à la CRDS 6 ( * ) dès leur répartition individuelle dans le cadre de la participation et au moment de leur attribution dans le cadre de l'intéressement.

II. DÉBLOQUER L'ÉPARGNE SALARIALE POUR SOUTENIR LA CONSOMMATION DES MÉNAGES

1. Une consommation atone

Le dispositif proposé par la présente proposition de loi constitue en premier lieu une réponse immédiate aux vives préoccupations exprimées par nos concitoyens concernant l'évolution de leur pouvoir d'achat.

Il devrait ainsi contribuer à rétablir la confiance dans notre pays en apaisant les inquiétudes des Français mises en évidence par les résultats des enquêtes d'opinion publiées récemment tant par l'institut national de la statistique et des études économiques (Insee) que par l'association 60 millions de consommateurs.

Le tableau ci-dessous, tiré de la dernière enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages réalisée par l'Insee, met en évidence l'opinion particulièrement pessimiste des Français concernant les perspectives d'évolution de leur situation financière personnelle et celles de l'évolution du niveau de vie dans le pays.

OPINION DES MÉNAGES

Moyenne 7 ( * )

Janvier

Février

Mars

Avril

Indicateur synthétique 8 ( * )

100

85

86

84

84

Perspectives d'évolution de la situation financière personnelle

- 4

- 24

- 23

- 24

- 25

Opportunité de faire des achats importants

- 14

- 30

- 31

- 30

- 29

Perspectives d'évolution du niveau de vie en France

- 23

- 56

- 55

- 61

- 62

Source : Enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages - avril 2013

L'enquête publiée ce mois-ci par 60 millions de consommateurs, dont sont extraites les données présentée ci-après, place la question du pouvoir d'achat au centre des préoccupations de nos concitoyens.

POUVOIR D'ACHAT - SONDAGE

Diriez-vous qu'au cours des 12 derniers mois, votre pouvoir d'achat ...

est resté stable ou a augmenté

21,8 %

a baissé

78,8 %

Pensez-vous qu'au cours des 12 derniers mois, votre pouvoir d'achat ...

va rester stable ou augmenter

22,8 %

va baisser

77,2 %

Source : 60 millions de consommateurs - mai 2013

Le dispositif envisagé par la proposition de loi vise aussi et surtout à soutenir dans les plus brefs délais un pouvoir d'achat et des dépenses de consommation des ménages dont le niveau n'a cessé de diminuer au cours des trois dernières années.

Le tableau ci-dessous permet en effet de constater que l'ensemble des indicateurs relatifs aux pouvoir d'achat et aux dépenses de consommation des ménages se sont considérablement dégradés entre 2010 et 2012.

2010

2011

2012

Pouvoir d'achat des ménages

+ 0,9 %

+ 0,7 %

- 0,9 %

Pouvoir d'achat individuel

+ 0,3 %

0

- 1,5 %

Consommation des ménages

+ 1,4 %

+ 0, 5 %

- 0,4 %

Source : Insee / Comptes nationaux, base 2005

Sur une longue période, l'Insee constate qu'en 2012 :

- les dépenses de consommation des ménages ont diminué pour la seconde fois depuis l'après-guerre ;

- le pouvoir d'achat individuel a connu sa plus forte baisse depuis 1984.

Cette situation exceptionnelle appelle l'adoption d'une mesure d'urgence permettant, si ce n'est d'améliorer ces chiffres, d'en prévenir au moins la dégradation.

2. Une mesure de déblocage d'une portée sans précédent

Bien qu'une telle mesure ait déjà été mise en oeuvre à de nombreuses reprises pour soutenir la consommation, le déblocage exceptionnel envisagé par la proposition de loi paraît suffisamment ambitieux pour répondre efficacement à l'urgence de la situation.

Il concerne par conséquent potentiellement un nombre de salariés élevé et des sommes financières suffisantes pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés.

a) Une mesure ambitieuse

Au cours des vingt dernières années, pas moins de six mesures de déblocage exceptionnel contenues dans 5 lois différentes ont été prises par les gouvernements successifs pour soutenir la consommation des ménages. Toutefois, aucun des dispositifs proposés en 1994, 1996, 2004, 2005 et 2008 ne s'est avéré aussi ambitieux que le régime de déblocage prévu par la présente proposition de loi.

D'une part, la mesure présentée concerne la participation et l'intéressement quand les propositions précédentes ne concernaient généralement que le premier régime. Ce périmètre étendu à l'avantage de faire bénéficier du déblocage non seulement les salariés des entreprises importantes pour lesquelles la participation constitue une obligation, mais aussi les employés des PME et de certaines TPE concernés par un accord d'intéressement.

1994

1996

2004

2005

2008

Champ
de la mesure

Participation

Participation

Participation

et Intéressement

Participation

Participation

D'autre part, la mesure proposée porte sur l'ensemble des droits et des sommes bloqués au titre de la participation et de l'intéressement quel que soit leur année de versement et l'exercice au titre duquel ils ont été attribuées. Les sommes déblocables ne sont pas limitées à celles attribuées au cours des deux années ou de l'année précédentes comme ce fut le cas par le passé.

1994

1996

2004

2005

2008

Droits concernés

Droits
au titre de la réserve spéciale de participation des exercices ouverts en 1989 et 1990

Droits
au titre de la réserve spéciale de participation des exercices ouverts en 1991 et 1992

Droits affectés avant le 16 juillet 2004 au titre de la participation

et

sommes versées au titre de l'intéressement entre le 16 juin 2004 et le 31 décembre 2004

Droits versés en 2005 au titre de la participation

Droits affectés avant le 31 décembre 2007 au titre de la participation

Enfin, le déblocage n'est conditionné par aucune dépense préétablie et bénéficie d'un plafond suffisamment élevé (20 000 euros) pour permettre petits et gros achats. Pour mémoire, ce plafond était fixé à 10 000 euros en 2004 et 2005.

b) Un nombre substantiel de salariés concernés

Compte tenu de ses caractéristiques, la mesure de déblocage proposée concerne potentiellement un nombre substantiel de nos concitoyens.

Selon les chiffres de la DARES, près de 45 % des salariés du secteur marchand non agricoles sont couverts par un accord de participation en 2010 tandis que plus de 37 % le sont par un accord d'intéressement.

Au total, sur les 15,3 millions de salariés du secteur non marchand, pas moins de 8,8 millions seraient concernés par un accord de participation, ou d'intéressement.

Le tableau ci-dessous rappelle les principales données enregistrées par la Dares en 2010 pour les seules entreprises de plus de 10 salariés.

PARTICIPATION ET INTÉRESSEMENT DANS LES ENTREPRISES DE PLUS DE 10 SALARIÉS

Participation

Nombre de bénéficiaires (en milliers)

4 939

Montant moyen de la participation (en euros)

1 494

Intéressement

Nombre de bénéficiaires (en milliers)

4 646

Montant moyen de l'intéressement (en euros)

1 546

Ces chiffres ne reflètent sans doute pas les différences de situation liées à la taille de l'entreprise ou au secteur d'activité des salariés concernés. Mais ils permettent toutefois de mettre en lumière la portée de la mesure proposée.

c) Des sommes en jeux considérables

Compte tenu du niveau d'encours de l'épargne salariale - près de 90 milliards d'euros en juin 2012 selon l'Association française de la gestion financière - la mesure de déblocage proposée par la présente proposition de loi pourrait conduire à injecter dans l'économie nationale un montant substantiel de liquidités au cours des six prochains mois.

Source : Association française de la gestion financière

Il convient néanmoins de rester prudent sur le sujet : le caractère hétérogène des mesures de déblocage précédemment adoptées et leurs effets aléatoires sur l'encours d'épargne salariale limitent la fiabilité d'éventuelles prévisions.

L'adoption de l'article 5 de la loi 9 août 2004, aurait ainsi entrainé le déblocage de près de 8 milliards d'euros , soit plus de 14 % de l'encours total de l'épargne salariale, entre juin et décembre 2004, selon les chiffres rapportés par notre collègue Philippe Marini 9 ( * ) . Ce chiffre est d'autant plus intéressant que ce dispositif concernait simultanément la participation et l'intéressement.

En revanche, selon un sondage effectué par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) aux mois de mai et juin 2008 cité par notre collègue Isabelle Debré 10 ( * ) , le déblocage lié à l'adoption de l'article 5 de la loi du 8 février 2008 n'aurait concerné que 3,9 milliards d'euros. Notre collègue soulignait à ce sujet que « ce chiffre (est) inférieur à ce qui avait été anticipé (10 à 12 milliards), probablement en raison de la mauvaise conjoncture boursière qui a dû dissuader nombre de salariés de liquider leur épargne ».

Par ailleurs, aucune donnée fiable ne permet aujourd'hui de mesurer précisément l'effet respectif de ces deux mesures sur la consommation des ménages.

3. Un dispositif encadré

Ambitieux dans son champ d'application, le dispositif proposé reste toutefois fermement encadré. Si le texte initial posait trois gardes fous permettant d'assurer que ce déblocage exceptionnel de l'épargne salariale ne déséquilibre ni le financement des entreprises ni l'épargne longue destinée au financement des retraites, l'Assemblée nationale a parachevé le dispositif en « fléchant » les sommes débloqués vers la consommation.

a) Un déblocage conditionné par la signature d'un accord collectif

Le premier garde-fou proposé par le texte vise à éviter de déstabiliser les fonds propres des entreprises et leurs investissements en encadrant le déblocage des sommes :

- affectées à l'acquisition de titres de l'entreprise ou d'une entreprise qui lui est liée dans le cadre de la mise en place d'une participation ou d'un intéressement au sein d'un groupe d'entreprise ;

- affectées à l'acquisition de parts de FCPE d'actionnariat salarié d'une part, ou d'actions de société d'investissement à capital variable d'actionnariat salarié (SICAVAS) d'autre part ;

- placées dans un fonds que l'entreprise consacre à des investissements.

L'accord collectif pourra, dans ce cas, limiter le versement ou la délivrance de certaines catégories de droits aux salariés à une partie seulement des avoirs en cause.

b) L'exclusion des sommes affectées aux PERCO

La deuxième limite posée par la proposition de loi tend à préserver l'épargne retraite en excluant du dispositif les sommes de la participation ou de l'intéressement versées dans un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO).

Un tel choix est d'autant plus judicieux que, selon l'Association française de la gestion financière, près de la moitié des sommes affectées aux PERCO (48 % plus précisément) proviendraient de la participation et de l'intéressement.

ORIGINE DES SOMMES AFFECTÉES AUX PERCO AU 30 / 01 / 2012

Origine des sommes

(%)

Abondement de l'entreprise

37 %

Participation

28 %

Intéressement

20 %

Versements volontaires des salariés

15 %

Une telle exclusion permet ainsi de « sanctuariser » l'encours d'un outil de préparation à la retraite très apprécié des entreprises et de leurs salariés, dont le nombre de bénéficiaires a augmenté de 35 % entre juin 2011 et juin 2012 en dépit d'une conjoncture difficile.

c) L'exclusion des sommes investies dans des « fonds solidaires »

Le dernier garde-fou prévu par le texte initial de la proposition de loi vise à protéger le financement des entreprises développant des activités à forte utilité sociale ou environnementale en excluant du régime de déblocage les sommes placées dans des « fonds solidaires ».

Il convient de rappeler que l'intérêt pour ces fonds, investis à hauteur de 5 à 10 % dans des organismes contribuant à créer des emplois pour des chômeurs de longue durée, à construire des logements pour les plus pauvres, à favoriser des activités respectueuses de l'environnement ou des projets de solidarité internationale 11 ( * ) , a connu une spectaculaire progression depuis l'adoption de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008.

En obligeant les entreprises proposant un plan d'épargne d'entreprises (PEE) à offrir aux salariés un fonds solidaire 12 ( * ) parmi les supports de placement proposés, ce texte a entrainé une multiplication par quatre d'un encours qui représente aujourd'hui plus de 2,6 milliards d'euros.

d) Le « fléchage » des sommes débloquées vers la consommation de biens et de services

Les précautions prévues par le texte initial ont été considérablement renforcées par nos collègues députés à l'occasion de l'examen de la proposition de loi par l'Assemblée nationale.

À l'initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Richard Ferrand, l'Assemblée a en effet décidé de conditionner expressément le déblocage des sommes issues de la participation et de l'intéressement à l'achat d'un ou plusieurs biens ou à la fourniture d'une ou plusieurs prestations de services.

Ce dispositif novateur devrait dissuader les salariés de redéposer les sommes débloquées sur d'autres supports d'épargne. Selon l'INSEE, 70 % des sommes débloquées en 2004 auraient ainsi été immédiatement transférées vers des supports plus liquides ou plus rémunérateurs, réduisant drastiquement l'effet de la mesure sur le niveau de consommation des ménages.

Afin de garantir l'effectivité de ce dispositif, l'Assemblée a par ailleurs définit une procédure de contrôle allégée imposant au salarié de tenir à la disposition de l'administration les pièces justificatives attestant de l'usage des sommes débloquées.

À la fois simple et dissuasif, ce mécanisme devrait garantir l'efficacité de la mesure.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Objet : Cet article précise les modalités de mise en oeuvre du déblocage exceptionnel des sommes attribuées aux salariés au titre de la participation et de l'intéressement

I - Le dispositif proposé

a) Le principe du déblocage

L'article 1 er de la proposition de loi pose le principe du déblocage anticipé des droits attribués aux salariés au titre de la participation ainsi que des sommes perçues au titre de l'intéressement placés sur un compte d'épargne salariale ou sur un compte bloqué.

D'une part, il précise que les droits attribués au titre de la participation sont négociables ou exigibles avant l'expiration des délais de blocage fixés par le code du travail à savoir :

- cinq ans si l'entreprise a conclu un accord de participation ;

- huit ans si l'entreprise employant habituellement plus de 50 salariés n'a pas conclu d'accord de participation et se voit appliquer le régime d'autorité prévu à l'article L. 3323-5 du code du travail.

D'autre part, il indique que les sommes perçues au titre de l'intéressement sont négociables ou exigibles avant l'expiration du délai minimum de cinq ans prévu à l'article L. 3332-25 du même code.

b) Les sommes concernées par le dispositif de déblocage

L'article 1 er définit ensuite les sommes attribuées au titre de la participation et de l'intéressement entrant dans le champ du dispositif de déblocage exceptionnel.

S'agissant de la participation , le champ du déblocage concerne les sommes issues de la réserve spéciale ou du supplément de réserve spéciale 13 ( * ) affectées :

- à des comptes ouverts au nom des intéressés en application d'un plan d'épargne entreprise (PEE) ou d'un plan d'épargne interentreprises (PEI) ;

- à un compte courant bloqué que l'entreprise consacre à des investissements ;

- à un compte courant bloqué issu du régime d'autorité.

S'agissant de l'intéressement , le déblocage ne concerne que les sommes affectées à un plan d'épargne entreprise.

Le texte ne fait aucune distinction fondée sur l'origine des sommes versées au titre de la participation et de l'intéressement. L'abondement réalisé par l'entreprise, accessoire au versement du salarié, se voit appliquer le même régime que les droits et les sommes affectées en application des articles L. 3323-2 et L. 3315-2 du code du travail.

L'article précise également que les sommes concernées sont celles affectées avant le 1 er janvier 2013. Contrairement aux mesures comparables adoptées par le passé, le déblocage proposé concerne par conséquent l'ensemble des sommes issues de la participation et de l'intéressement quel que soit leur année de versement et l'exercice au titre duquel elles sont été attribuées.

c) Les sommes exclues du champ du dispositif

Le présent article détermine ensuite les sommes attribuées au titre de la participation et de l'intéressement exclues du dispositif de déblocage exceptionnel proposé par la proposition de loi.

Il s'agit d'une part des sommes affectées à des fonds solidaires dont 5 à 10 des investissements sont consacrés au financement d'entreprises solidaires agréées par l'autorité administrative.

Aux termes de l'article L. 3332-17-1, ces entreprises sont définies comme celles dont les titres de capital, lorsqu'ils existent, ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé et qui :

- emploient des salariés dans le cadre de contrats aidés ou en situation d'insertion professionnelle ;

- ou remplissent certaines règles en matière de rémunération de leurs dirigeants et salariés lorsqu'elles sont constituées sous forme d'associations, de coopératives, de mutuelles, d'institutions de prévoyance ou de sociétés dont les dirigeants sont élus par les salariés, les adhérents ou les sociétaires.

Il s'agit d'autre part des sommes perçues au titre de la participation et de l'intéressement affectées à un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO).

d) Les procédures de déblocage

L'article 1 er du texte de la proposition de loi distingue cependant des procédures de déblocage différentes en fonction de l'affectation des sommes issues de la participation et de l'intéressement.

La première procédure envisagée par le texte - que l'on qualifiera de droit commun - prévoit un déblocage sur simple demande du salarié . Cette procédure est réservée aux sommes investies sur des supports dont l'évolution n'est pas susceptible de fragiliser les fonds propres des entreprises.

Elle concerne essentiellement :

- les sommes investies dans des fonds commun de placement (FCPE) dits « diversifiés » qui respectent le principe de répartition des risques et dont le tiers des ressources peut être investi en titres de l'entreprise ;

- les sommes versées à des comptes courant en l'absence d'accord de participation dans le cadre du régime d'autorité défini à l'article L. 3323-5 du code du travail.

Cette procédure peut également concerner, à titre marginal, des sommes investies en société d'investissement à capital variable (SICAV) ou en actions gérées directement par le salarié.

La seconde procédure - que l'on qualifiera de dérogatoire - subordonne quant à elle le déblocage des sommes issues de la participation et de l'intéressement à la conclusion d'un accord collectif . Il s'agit par ce biais d'éviter de déstabiliser les fonds propres de l'entreprise ou les investissements qu'elle réalise en encadrant le déblocage des sommes :

- affectées à l'acquisition de titres de l'entreprise ou d'une entreprise qui lui est liée dans le cadre de la mise en place d'une participation ou d'un intéressement au sein d'un groupe d'entreprise ;

- affectées à l'acquisition de parts de FCPE d'actionnariat salarié d'une part, ou d'actions de société d'investissement à capital variable d'actionnariat salarié (SICAVAS) 14 ( * ) d'autre part ;

- placées dans un fonds que l'entreprise consacre à des investissements.

e) Les modalités de déblocage

L'article définit par ailleurs les modalités concrètes du déblocage des sommes issues de la participation et de l'intéressement. Ces modalités correspondent à chacune des procédures évoquées ci-dessus.

En principe, le salarié est libre de décider du déblocage de tout ou partie des titres, parts, actions ou sommes inscrites à son nom. Il doit simplement le faire en une seule fois, dans la limite de 20 000 euros nets de prélèvements sociaux.

Le salarié perd en revanche cette liberté lorsque ce déblocage nécessite un accord collectif préalable. Si les sommes ou droits issus de la participation ou de l'intéressement ont été affectés à l'acquisition de titres de l'entreprise, de parts de FCPE d'actionnariat salarié, d'actions de SICAVAS ou placés dans un fonds que l'entreprise consacre à des investissements, l'accord peut en effet limiter le versement ou la délivrance de certaines catégories de droits à une partie seulement des avoirs en cause afin de ne pas fragiliser les fonds propres et les investissements de l'entreprise.

f) Le régime fiscal applicable aux droits et sommes débloqués dans le cadre de la mesure

Le IV du présent article maintient, pour le salarié et pour l'ensemble des sommes débloquées dans le cadre du dispositif proposé, le régime fiscal et social incitatif normalement applicable à l'issue de la période de blocage 15 ( * ) .

Il s'agit plus précisément :

- de l'exonération de cotisation sociale, CSG et CRDS exceptées, prévue par le second alinéa de l'article L. 3325-1 pour la participation et par l'article L. 3312-4 pour l'intéressement ;

- de l'exonération d'impôt sur le revenu prévue par l'article L. 3325-2 pour la participation et L. 3315-2 pour l'intéressement.

g) Les délais applicables à la mesure

Le présent article fixe deux délais visant à encadrer la mesure de déblocage.

Le II précise, d'une part, que le salarié devra faire sa demande de déblocage dans un délai de six mois à compter de la date de la promulgation de la loi.

Le VI indique, d'autre part, que l'employeur sera tenu d'informer ses salariés des droits dérogatoires aux droits de l'épargne salariale créés par le dispositif proposé dans les deux mois à compter de la promulgation du texte.

h) Les obligations déclaratives

A toutes fins utiles, le VII du texte contraint l'employeur ou l'organisme gestionnaire de déclarer à l'administration fiscale le montant des sommes débloquées dans le cadre de cette mesure exceptionnelle.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté trois modifications majeures au texte de la proposition de loi.

a) Le fléchage des sommes débloquées vers l'achat de biens et services

Sur proposition de M. Richard Ferrand, rapporteur de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a complété le dispositif de la proposition de loi afin de diriger les sommes débloquées vers des dépenses de consommation et d'éviter leur éventuel transfert vers d'autres formes d'épargne.

Pour ce faire, l'Assemblée nationale a expressément conditionné le déblocage des droits au titre de la participation et des sommes attribuées au titre de l'intéressement à l'achat d'un ou plusieurs biens ou à la fourniture d'une ou plusieurs prestations de services.

Afin de rendre cette condition effective, elle a prévu une procédure de contrôle allégée imposant au salarié de tenir à la disposition de l'administration les pièces justificatives attestant de l'usage des sommes débloquées.

b) Les modalités de déblocage des sommes attribuées au titre de l'intéressement placées sur un plan d'épargne d'entreprise mis en place à l'initiative de l'employeur

Sur proposition du rapporteur de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a également adopté un amendement visant à clarifier les conditions de déblocage des sommes attribuées au titre de l'intéressement placées sur un plan d'épargne d'entreprise mis en place à l'initiative de l'employeur.

Au terme de cet amendement, le déblocage des titres, parts ou actions concernés pourra être réalisé dans les mêmes formes que la mise en place du plan d'épargne salariale, à savoir à l'initiative de l'employeur.

c) La définition d'une période fixe pour le déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement

À l'initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a par ailleurs souhaité préciser la période pendant laquelle les salariés pourront demander le déblocage de leur participation et de leur intéressement.

Au délai de six mois courant à compter de la date de promulgation de la loi, le texte adopté par l'Assemblée nationale substitue une période allant du 1 er juillet au 31 décembre 2013.

III - La position de la commission

Votre rapporteure estime qu'en concrétisant l'engagement pris par le Président de la République le 28 avril dernier et en complétant la stratégie de croissance mise en oeuvre par le gouvernement au cours des douze derniers mois, la mesure de déblocage exceptionnel proposée par le texte devrait contribuer à améliorer sensiblement le pouvoir d'achat des Français et à soutenir efficacement la consommation des ménages.

En outre, en adoptant un dispositif de « fléchage » des sommes débloquées par les salariés vers l'achat de biens et de services, l'Assemblée nationale a réussi à accroître l'efficacité de la mesure sans en dénaturer ni le principe ni les modalités de mise en oeuvre.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 1er bis (nouveau)

Objet : Cet article prévoit la remise d'un rapport au Parlement dressant le bilan de la présente mesure de déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement

I - Le dispositif proposé

Sur proposition du député Arnaud Richard, l'Assemblée nationale a inséré dans le texte de la proposition de loi un nouvel article prévoyant, dans le délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport esquissant le bilan de la mesure de déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement.

II - La position de la commission

Selon votre rapporteure, l'adoption de cet article par l'Assemblée nationale devrait permettre à la représentation nationale de disposer de données fiables concernant les effets constatés du déblocage exceptionnel proposé.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 2

Objet : Cet article visait à gager le dispositif proposé par la proposition de loi par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Le dispositif de la proposition de loi revient à anticiper la mise en oeuvre de l'exonération d'impôt sur le revenu dont aurait bénéficié le salarié au terme de la période de blocage des sommes constituant son épargne salariale.

Pour se conformer aux dispositions de l'article 40 de la Constitution, l'article 2 de la proposition de loi prévoyait donc de compenser les conséquences financières de ce dispositif pour l'État, au titre de la perte de recettes anticipée, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé cet article afin de lever le gage portant sur le dispositif proposé par la proposition de loi.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

_______

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède à l'examen du rapport de Mme Anne Emery-Dumas sur la proposition de loi n° 559 (2012-2013) portant déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement.

EXAMEN DU RAPPORT

Mme Anne Emery-Dumas , rapporteure - Le texte que nous examinons aujourd'hui, déposé à l'Assemblée nationale le 9 avril dernier par Bruno Le Roux, Christian Eckert, Catherine Lemorton et les membres du groupe socialiste, tend à autoriser le déblocage exceptionnel de l'intéressement et de la participation.

Concrétisant l'engagement pris par le Président de la République le 28 avril dernier et complétant la stratégie de croissance du Gouvernement, il entend améliorer dans les meilleurs délais le pouvoir d'achat des Français et soutenir la consommation des ménages au moment où le pays traverse l'une des plus graves crises économiques de son histoire.

Cette crise se mesure bien entendu à l'aune des statistiques économiques. Il y a quelques jours à peine, l'institut national de la statistique et des études (Insee) soulignait que les dépenses de consommation des ménages avaient diminué en 2012 pour la seconde fois depuis l'après-guerre et que le pouvoir d'achat individuel des Français avait connu sa plus forte baisse depuis 1984.

Mais cette crise se mesure aussi et surtout aux difficultés financières que connaissent nos concitoyens et au désarroi que chacun d'entre nous, en tant qu'élu local, peut percevoir chez ses administrés.

A elle seule, la mesure de déblocage que je vais vous présenter ne permettra ni de faire décoller la consommation ni de rétablir la confiance. Mais elle constituera, pour ceux qui en bénéficieront, une mesure bienvenue au moment où les réformes structurelles menées par le Gouvernement au cours des douze derniers mois commencent à peine à produire leurs effets.

Le recours au déblocage anticipé de l'épargne salariale pour soutenir la consommation des ménages ne constitue pas une idée neuve : depuis 1994, pas moins de quatre déblocages exceptionnels ont été autorisés par la loi.

Le principe de ces mesures est simple : il s'agit de permettre aux salariés d'accéder à leurs primes de participation ou d'intéressement avant le terme du blocage fixé par la loi - en général cinq ans mais parfois huit ans - en bénéficiant néanmoins des exonérations d'impôt et de cotisations sociales qui leur sont associées.

Le dispositif proposé par le texte est toutefois plus ambitieux et mieux encadré que les dispositifs adoptés précédemment.

D'une part, il couvre les sommes issues de la participation et de l'intéressement quand les mesures précédentes ne concernaient que le premier régime. Seront ainsi concernées non seulement les entreprises de plus de cinquante salariés, pour lesquelles la participation constitue une obligation, mais aussi les PME et certaines TPE qui recourent plus facilement aux accords d'intéressement.

D'autre part, la mesure permet aux salariés de débloquer l'ensemble des sommes qui lui ont été attribuées au titre de la participation et de l'intéressement, quels que soient leur année de versement et l'exercice au titre duquel elles ont été attribuées. Les sommes déblocables ne sont pas limitées à celles attribuées au cours des deux années précédentes comme ce fut le cas en 1994 et 1995.

Elle autorise enfin le bénéficiaire à débloquer jusqu'à 20 000 euros, soit le double du plafond autorisé en 2004 ou en 2008 permettant ainsi de procéder à l'achat d'un véhicule ou à la réalisation de travaux conséquent dans sa résidence.

Au total et compte tenu de ses caractéristiques, le déblocage proposé concerne potentiellement plus de 4 millions de nos concitoyens et près de 90 milliards d'encours.

Si cette mesure est ambitieuse, elle reste néanmoins fermement encadrée afin de limiter les effets pervers qui pourraient lui être associés.

Afin de préserver l'épargne longue qui permet de compléter la pension de retraite de salariés souvent modestes, le dispositif exclut d'abord les sommes issues de la participation et de l'intéressement investies dans les plans d'épargne pour la retraite collectifs (Perco).

Le texte exclut ensuite du régime de déblocage les sommes placées dans des fonds solidaires. Les 2,6 milliards d'encours consacrés au financement des entreprises sociales et solidaires sont en effet indispensables à la pérennité de ces structures.

Le dernier garde-fou présent dans le texte initial concerne les conditions de déblocage des sommes affectées à l'actionnariat salarié. Si le déblocage des sommes investies sur des fonds monétaires ou diversifiés peut se faire, sans formalité préalable, sur simple demande du salarié, le déblocage des droits affectés à l'acquisition de titres de l'entreprise ou à l'acquisition de parts du fonds commun de placement d'entreprise (FCPE) d'actionnariat salarié est quant à lui conditionné à la signature d'un accord collectif afin de prendre toutes les précautions nécessaires pour ne pas fragiliser inutilement les fonds propres des entreprises concernées.

Ces précautions ont été considérablement renforcées par nos collègues députés à l'occasion de l'examen de la proposition de loi par l'Assemblée nationale.

A l'initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales, Richard Ferrand, l'Assemblée a en effet complété le dispositif initial en « fléchant » les sommes débloquées par les salariés vers l'achat de biens et de services.

Ce faisant, le texte de la proposition de loi vise à éviter que les sommes débloquées ne soient immédiatement redirigées vers des supports d'épargne alternatifs tels que les livrets défiscalisés dont les plafonds ont récemment été augmentés. Pour mémoire, l'Insee a estimé que 70 % des sommes liées à la participation ou à l'intéressement débloquées en 2004 ont été replacées sur des supports d'épargne plus liquides ou plus rémunérateurs.

Afin de limiter cet effet d'aubaine et, mécaniquement, de concentrer l'impact du dispositif sur la consommation des ménages, l'Assemblée a prévu une procédure de contrôle allégée imposant au salarié bénéficiaire de la mesure de tenir à la disposition de l'administration les pièces justificatives attestant de l'usage des sommes débloquées.

Ce mécanisme me paraît judicieux : il évite de décourager les salariés désireux de bénéficier du déblocage par un formalisme excessif tout en étant suffisamment conditionnel pour décourager les abus.

Nos collègues députés ont par ailleurs apporté d'autres modifications au texte dont la portée me semble plus limitée. Ils ont ainsi précisé les conditions de déblocage des sommes attribuées au titre de l'intéressement placées sur un plan d'épargne entreprise (PEE) mis en place à l'initiative de l'employeur, défini une période allant du 1 er juillet au 31 décembre pour le déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement et prévu le dépôt, par le Gouvernement, d'un rapport réalisant le bilan de la mesure dans le délai d'un an après son adoption.

Cette dernière mesure nous permettra sans doute, et pour la première fois depuis vingt ans, de disposer dans les mois qui viennent de données fiables sur l'effet d'un tel déblocage.

En guise de conclusion, je souhaiterais indiquer que ce déblocage exceptionnel est une mesure circonstancielle qui appelle des réformes plus profondes de notre système d'épargne salariale.

A cet égard, Benoit Hamon, ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, a annoncé à l'occasion du débat sur le texte à l'Assemblée nationale l'installation prochaine du Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat des salariés (Copiesas) institué par la loi du 3 décembre 2008.

Resté depuis sa création au stade de l'intention, ce conseil sera chargé de faire des propositions sur une réforme globale de l'épargne salariale. Ces réformes concerneront sans doute la simplification des dispositifs d'épargne salariale, l'élargissement du nombre de leurs bénéficiaires et la mobilisation des fonds qu'ils contiennent en faveur de l'investissement productif.

Dans l'attente de ces nouvelles échéances et compte tenu des préoccupations immédiates de nos concitoyens en matière de pouvoir d'achat, je vous propose d'approuver cette proposition de loi dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.

M. Dominique Watrin - Cette proposition de loi s'inscrit dans un contexte économique et social que personne n'ignore : la France est entrée en récession et le pouvoir d'achat de nos concitoyens accuse une baisse de 0,4 % en 2012.

Dans ce contexte, on peut s'interroger sur le choix d'une mesure de déblocage dont l'effet « à un coup » devrait rapidement se dissiper et dont l'efficacité peut être discutée. Pour mémoire, 70 % des sommes débloquées en 2004 ont été immédiatement réépargnées sans profiter à la consommation.

En inscrivant à l'ordre du jour une mesure visant à relancer la demande dans notre pays, le Gouvernement semble toutefois se rallier aux positions défendues par le groupe communiste républicain et citoyen en matière économique. Nous nous abstiendrons par conséquent sur ce texte en souhaitant que le Gouvernement oeuvre dans le sens d'une véritable relance salariale et rompe avec les politiques récessives menées jusqu'ici.

Mme Colette Giudicelli - Je me demande si le « fléchage » adopté par l'Assemblée nationale n'est pas trop restrictif. En ouvrant le dispositif aux salariés désireux de payer leurs dettes avec les sommes débloquées, peut-être permettrions nous à ceux-ci d'accéder aux logements sociaux.

Mme Catherine Procaccia - Dans la mesure où la participation et l'intéressement que j'ai pu accumuler en dix ans de carrière en entreprise se sont élevées à huit mille cinq cent euros, je trouve le plafond de 20 000 euros fixé par le texte assez élevé. Je souhaiterais donc connaître le pourcentage de salariés susceptibles d'atteindre ce seuil.

Je souhaiterais par ailleurs connaître les raisons justifiant le traitement particulier réservé aux entreprises du secteur social et solidaire par le biais de l'exclusion des fonds solidaires du champ de la mesure de déblocage.

Je suis enfin dubitative sur l'efficacité du mécanisme de contrôle introduit par l'Assemblée nationale.

Mme Chantal Jouanno - Mon groupe ne s'étant pas encore positionné sur cette proposition de loi, je m'exprime ici à titre personnel. Je voterai contre ce texte car je considère qu'une énième relance par la consommation n'aboutirait qu'à dégrader notre balance commerciale. Il me semble par ailleurs que cette mesure, en autorisant le déblocage anticipé d'une épargne de long terme souvent investie en actions, pourrait dangereusement fragiliser les fonds propres des entreprises.

Mme Isabelle Debré - Ma position constante sur le sujet me conduit à m'opposer fermement à l'adoption de cette mesure. Je crois d'ailleurs qu'une grande partie du groupe partage ma position.

Ma première remarque concerne la situation du Copiesas. Si je reconnais volontiers que la majorité précédente aurait dû se préoccuper de sa mise en place, je rappellerais cependant que le Gouvernement aura mis près d'un an avant de se saisir du dossier. Il aurait par ailleurs été préférable de mettre en place ce Conseil avant de proposer un déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement.

Ma deuxième remarque concerne la nature des sommes concernées par le déblocage. Je regrette en effet que le texte de la proposition de loi n'exclue pas du champ de la mesure les sommes affectées dans des fonds investis en actions, dont le déblocage risque de déstabiliser les fonds propres des entreprises.

Je proposerai enfin des amendements tendant à définir des modalités de contrôle bien plus réalistes et efficaces que celles introduites par nos collègues de l'Assemblée nationale. Le sort réservé à ces amendements nous conduira peut être à revoir notre vote en séance.

M. René-Paul Savary - Cette mesure s'apparente à du « détournement d'intention de fonds ». Elle va d'abord permettre aux salariés sachant gérer leur budget de profiter d'un effet d'aubaine en replaçant les sommes débloquées sur d'autres supports d'épargne. Elle va également accentuer les difficultés de nos concitoyens les plus dépensiers en leur assurant un afflux de liquidités qu'ils vont s'empresser d'utiliser pour l'acquisition de biens sans rapport avec leurs besoins. Cette mesure d'affichage n'est donc pas à la hauteur de la situation que connaît notre pays.

M. Jean-Noël Cardoux - Je dois avouer que la cohérence de l'action du Gouvernement m'échappe totalement.

D'une part, le « tripatouillage » de la participation, dont la fiscalité a été fortement augmentée à l'occasion du dernier PLFSS par le biais du relèvement du forfait social de 8 % à 20 %, dénature l'esprit d'origine de cet outil conçu par le général de Gaulle comme une voie médiane entre le capitalisme « sauvage » et l'appropriation des moyens de production par la collectivité.

D'autre part, je trouve paradoxal qu'un Gouvernement qui passe son temps à détricoter les mesures positives mises en place par le précédent Président de la République - heures supplémentaires, TVA anti délocalisation... - soutienne l'adoption d'une mesure qui, sous la précédente législature, a fait la preuve de son inefficacité.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe - Compte tenu des sommes en jeu et du nombre de salariés potentiellement concernés, une étude d'impact a-t-elle été réalisée sur ce texte ?

D'autre part, ne faudrait-il pas limiter l'utilisation des sommes débloquées à des dépenses d'investissement dans le bâtiment ou les travaux publics afin d'éviter l'achat des biens d'équipement importés de Chine ou ailleurs. Il y a là une réflexion à mener pour limiter les effets pervers de la mesure.

Mme Anne Emery-Dumas , rapporteure - L'article R. 3324-22 du code du travail autorise déjà les salariés surendettés à débloquer de manière anticipée les droits constitués au titre de la participation.

Le plafond fixé par la proposition de loi vise à permettre aux salariés de réaliser des achats importants. Dans la mesure où le dispositif permet de débloquer l'ensemble des sommes attribuées au titre de la participation et de l'intéressement, quels que soient leur année de versement et l'exercice au titre duquel elles ont été attribuées, certains salariés devraient pouvoir débloquer les 20 000 euros fixés par le texte.

Les fonds solidaires ont été écartés du dispositif afin de ne pas déstabiliser les fonds propres des entreprises évoluant dans le champ social et solidaire. Le déblocage des sommes affectées à l'acquisition de titres de l'entreprise ou à l'acquisition de parts de FCPE d'actionnariat salarié est quant à lui conditionné à la signature d'un accord collectif.

Je rappelle que le Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat des salariés a été créé en décembre 2008. Un certain nombre de ministres auraient donc pu le mettre en place depuis cette date.

Le ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation s'est quant à lui engagé à mettre en place ce Copiesas et à s'inspirer des conclusions de ses travaux dans le cadre d'un projet de loi sur l'épargne salariale.

L'exclusion des fonds investis en actions de la mesure de déblocage réduirait considérablement l'efficacité de la mesure. C'est pour cette raison qu'une telle exclusion n'a pas été retenue dans le texte de la proposition de loi.

Le dispositif de contrôle de l'utilisation des sommes débloquées prévu par le texte me paraît équilibré : sans être une usine à gaz, il devrait dissuader les salariés de débloquer des sommes pour les redéposer sur d'autres supports d'épargne.

S'agissant d'une proposition de loi, nous ne disposons pas d'une étude d'impact préalable. Le texte charge néanmoins le Gouvernement de réaliser un bilan de la mesure un an après son adoption.

En guise de conclusion, je m'étonne qu'un dispositif paraissant aussi mal adapté, aussi inutile, aussi dangereux pour les entreprises aux yeux de certains de nos collègues ait été utilisé si souvent par les gouvernements qu'ils soutenaient, sans les garde-fous prévus par le texte.

Mme Isabelle Debré - Je rappelle que les mesures de déblocage précédemment adoptées ne concernaient ni un plafond aussi élevé ni le dispositif d'intéressement. Par ailleurs, compte tenu des modalités de contrôle envisagées, les sommes débloquées pourront facilement se reporter vers de nouvelles formes d'épargne.

Dans la mesure où le Président de la République s'est prononcé en faveur d'une remise à plat du système participation, pourquoi prendre cette mesure de déblocage dans la précipitation sans attendre la mise en place du Copiesas ?

Mme Anne Emery-Dumas , rapporteure - La mesure concerne effectivement la participation et l'intéressement, ce qui était d'ailleurs déjà le cas en 2004. Ce choix est d'autant plus judicieux qu'il permet d'élargir le champ des salariés concernés par le dispositif.

Quant à la remise à plat du système de participation annoncé par le Président de la République, il a effectivement été confirmé par M. Benoit Hamon, ministre de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Annie David , présidente - Il n'y a pas d'amendement. Je vais donc mettre aux voix les articles 1 er et 1 er bis et l'ensemble de la proposition de loi.

Les articles 1 er et 1 er bis et la proposition de loi ne sont pas adoptés.

Mme Annie David , présidente - Compte-tenu de ce vote négatif, la discussion en séance publique portera sur le texte transmis par l'Assemblée nationale.

ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

_______

Association française de la gestion financière (AFG)


M. Paul-Henri de La Porte du Theil , président


Mme Laure Delahousse , directrice des gestions d'actifs


M. Jean-Marc Fournié , responsable épargne entreprise

ANNEXE 2 - PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES DISPOSITIFS DE DÉBLOCAGE EXCEPTIONNELS ADOPTÉS ENTRE 1994 ET 2008

Participation

Intéressement

Disposition législative

Modalités de déblocage

Droits concernés

Régime fiscal des sommes débloquées applicable au salarié

Modalités de déblocage

Droits concernés

Régime fiscal des sommes débloquées applicable au salarié

Délais de déblocage

Plafond

(net de prélèvements sociaux)

Art. 31 de la loi n° 94-640 du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise et circulaire du 14 septembre 1994

Présentation à l'organisme de gestion ou à l'employeur des justificatifs correspondant :

1° à l'acquisition d'une voiture particulière ;

2° à la réalisation de travaux immobiliers d'un montant au moins égal à 20 000 F

Ensemble des droits constitués par les salariés au titre de la participation

Pas d'exonération d'IR

-

-

-

Dépenses effectuées entre le 15 février et le 31 décembre 1994

Les droits sont liquidés pour un montant au plus égal à la dépense effective

Art. 32 de la loi n° 94-640 du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise et circulaire du 14 septembre 1994

Accord prévoyant le caractère négociable ou exigible de tout ou partie des droits

Droits constitués au profit de chaque salarié au titre de la réserve de participation des exercices ouverts en 1989 et 1990

Exonération d'IR

-

-

-

Aucun

Aucun

Art. 22 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier

Accord prévoyant le caractère négociable ou exigible de tout ou partie des droits

Droits constitués au profit de chaque salarié au titre de la réserve de participation des exercices ouverts en 1991 et 1992

Exonération d'IR

Entre le 1 er janvier 1996 et le 30 septembre 1996

Aucun

Art. 5 de la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement

Accord prévoyant le caractère négociable ou exigible des droits

ou

Décision du chef d'entreprise pour les PEE établis unilatéralement par l'employeur

ou

Demande du bénéficiaire à défaut d'accord ou de décision intervenus avant le 30 septembre 2004 pour les actions ou les parts d'OPCVM

Droits constitués par les salariés avant le 16 juillet 2004 au titre de la réserve de participation

Exonération d'IR

Versement direct

ou

Accord pour les sommes affectée à un compte que l'entreprise consacre à des investissements

Sommes versées au salarié au titre de l'intéressement entre le 16 juin 2004 et le 31 décembre 2004

Exonération d'IR

Avant le 31 décembre 2005

10 000 €

ou

Plafonds inférieurs à 10 000 € fixés par accord

Art. 39 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005
pour la confiance
et la modernisation de l'économie

Demande du bénéficiaire

ou

Accord pour la part des sommes versées excédant la répartition calculée dans les conditions de droit commun sauf décision de l'employeur de permettre le déblocage de l'intégralité des sommes

ou

Accord lorsque l'accord de participation prévoit l'attribution d'actions de l'entreprise ou l'affectation des sommes à un fonds consacré à des investissements ou à des parts d'OPCVM

Sommes attribuées aux salariés en 2005 au titre de la participation à l'exclusion de ceux affectés à un PERCO

Pas d'exonération d'IR

-

-

-

Article 5 de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 pour le pouvoir d'achat

Demande du bénéficiaire

ou

Accord négocié pour la part des sommes versées excédant la répartition calculée dans les conditions de droit commun sauf décision de l'employeur de permettre le déblocage de l'intégralité des sommes

ou

Accord négocié lorsque l'accord de participation prévoit l'attribution d'actions de l'entreprise ou l'affectation des sommes à un fonds consacré à des investissements ou à des parts d'OPCVM

Droits affectés avant le 31 décembre 2007 au titre de la participation à l'exclusion de ceux affectés à un PERCO

Exonération d'IR

-

-

-

Demande présentée avant le 30 juin 2008

10 000 €


* 1 En particulier par le chapitre II de l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 prise en application de l'article 3 de la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986, les articles 5 à 7 de la loi n° 90-1002 du 7 novembre 1990 tendant à favoriser l'intéressement des salariés à l'entreprise et par les articles 16 à 19 de la loi n° 94-640 du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise, loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail.

* 2 Les entreprises de plus de 50 salariés n'ayant pas conclu d'accord se voient appliquer le régime dit d'autorité défini à l'article L. 3323-5 du code du travail.

* 3 Dans les faits, cette possibilité reste peu utilisée.

* 4 Les entreprises de plus de 10 salariés doivent toutefois satisfaire aux obligations incombant à l'employeur en matière de représentation du personnel. Si l'entreprise ne respecte pas ses obligations en matière de représentation du personnel, les sommes versées au titre de l'accord ne peuvent être considérées comme de l'intéressement et ne bénéficient en conséquence d'aucune exonération.

* 5 Le crédit d'impôt est réservé, depuis le 1 er janvier 2011, aux entreprises de moins de 50 salariés.

* 6 Seules les sommes versées avant le 1 er janvier 2012 au titre de la participation et de l'intéressement bénéficient de l'abattement d'assiette de CGS/CRDS au titre des frais professionnels, au taux de 3 %.

* 7 Moyenne de janvier 1987 à décembre 2012.

* 8 Cet indicateur est normalisé de manière à avoir une moyenne de 100 et un écart-type de 10 sur la période d'estimation (1987-2012).

* 9 Rapport n° 438, tome I (2004-2005) de M. Philippe Marini au nom de la commission des finances sur le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.

* 10 Rapport n° 43 de Mme Isabelle Debré au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi en faveur des revenus du travail.

* 11 Les principaux bénéficiaires de l'épargne dégagée par ces fonds sont des organismes tels qu'Habitat et Humanisme (logement très social), Adie (microcrédit) ou France active (insertion par l'emploi).

* 12 Jusqu'à l'adoption de la loi du 4 aout 2008, seul le plan d'épargne retraite collectif (PERCO) devait proposer un fonds solidaire.

* 13 Ce supplément peut être décidé par le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise dans les conditions fixées à l'article L. 3324-9.

* 14 A ce jour, une seule SICAVAS a été agréée par l'AMF. Il s'agit de la SICAV à Conseil d'Administration Eiffage 2000.

* 15 En dehors des circonstances exceptionnelles énumérées à l'article R. 3324-22.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page