SECTION 2 - Obligations de déclaration

Article 3 - Déclarations de situation patrimoniale et déclarations d'intérêts des membres du Gouvernement

L'article 3 du projet de loi définit les nouvelles obligations déclaratives qui s'imposent aux membres du Gouvernement, réformant ainsi les obligations actuelles, à l'instar de l'article 1 er du projet de loi organique pour ce qui concerne les parlementaires. Les dispositions proposées sont très semblables à celles que le projet de loi organique propose pour les députés et les sénateurs.

En l'état du droit, en application de l'article 1 er de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, les membres du Gouvernement sont tenus d'adresser une déclaration de situation patrimoniale, établie dans les mêmes conditions que pour les parlementaires, à la Commission pour la transparence financière de la vie politique dans les deux mois suivant leur nomination ainsi que dans les deux mois suivant la fin de leurs fonctions. Bien que l'article 4 de cette même loi dispose que le fait de publier tout ou partie des déclarations de situation patrimoniale soit puni d'un an de prison et 45 000 euros d'amende 45 ( * ) , le Gouvernement a décidé, dans le contexte politique et médiatique que l'on sait, de rendre publiques le 15 avril 2013 les déclarations des ministres 46 ( * ) .

En outre, depuis mai 2012, en application des dispositions édictées par le Premier ministre, mises en oeuvre sous la responsabilité du secrétariat général du Gouvernement, les membres du Gouvernement sont désormais tenus d'établir une déclaration d'intérêts, qui est rendue publique 47 ( * ) . Cette obligation trouve sa place dans le renforcement de la déontologie gouvernementale, décidé par le Président de la République et mis en oeuvre par le Premier ministre, qui trouve également sa traduction dans la signature d'une charte de déontologie par chaque membre du Gouvernement lors de son entrée en fonctions. Dans son avis sur les crédits du programme « Coordination du travail gouvernemental » pour le projet de loi de finances pour 2013, notre collègue Alain Anziani a décrit les dispositions mises en place en mai 2012 au titre de la déontologie gouvernementale 48 ( * ) .

Le projet de loi prévoit que les membres du Gouvernement adressent au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans les deux mois suivant leur nomination, une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts ainsi que, dans les deux mois suivant la fin de leurs fonctions, une nouvelle déclaration de situation patrimoniale 49 ( * ) , récapitulant en outre les revenus perçus et présentant les événements majeurs ayant affecté le patrimoine et les intérêts détenus. Toute modification substantielle du patrimoine ou des intérêts détenus devrait également faire l'objet d'une déclaration. De plus, l'Assemblée nationale a prévu une nouvelle déclaration d'intérêts en cas de modification des attributions d'un membre de Gouvernement, considérant que des intérêts nouveaux seraient susceptibles d'être déclarés en pareille hypothèse. Outre à la Haute Autorité, la déclaration d'intérêts devrait aussi être transmise au Premier ministre.

Adoptant quatre amendements sur proposition de son rapporteur, votre commission a procédé dans les dispositions relatives aux obligations déclaratives des membres du Gouvernement à des coordinations avec les modifications qu'elle a apportées aux dispositions relatives aux obligations des parlementaires, afin d'aligner les premières sur les secondes (dernières déclarations de revenus jointes aux déclarations de situation patrimoniale, contenu des déclarations, ajustement du mécanisme de dispense de déclaration de fin de fonctions...).

A la différence de ce qu'a prévu le projet de loi organique pour les parlementaires, le projet de loi prévoit que les ministres devraient également attester sur l'honneur de l'exhaustivité, de l'exactitude et de la sincérité de leurs déclarations. Votre rapporteur s'est interrogé sur la pertinence de cette obligation spécifique, alors que les déclarations des parlementaires doivent être certifiées sur l'honneur, comme c'est le cas actuellement pour les ministres. Cette obligation ferait en outre l'objet d'une infraction pénale spécifique d'attestation mensongère, prévue par le I de l'article 18 du projet de loi, distincte de celle, déjà connue, de déclaration mensongère ou délibérément incomplète. Selon les informations communiquées à votre rapporteur par le Gouvernement, ces dispositions seraient justifiées par l'intention d'instituer une sorte de « délit de parjure » propre aux ministres, délit qui n'existe pas en droit français. Or, cette infraction pose une difficulté au regard des principes constitutionnels en matière pénale, tels qu'ils ont été régulièrement rappelés par le Conseil constitutionnel. En effet, l'infraction d'attestation mensongère, punie de cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende, s'ajoute à celle de déclaration mensongère, punie de trois ans de prison et 45 000 euros d'amende. Or, en cas de déclaration mensongère, l'attestation serait, elle aussi, mensongère de sorte que les deux infractions seraient nécessairement liées.

L'infraction d'attestation mensongère serait ainsi automatiquement constituée en cas de déclaration mensongère. Un même fait serait punissable deux fois selon des quantum d'ailleurs différents. Ce dispositif ne semble pas s'accorder avec le principe de proportionnalité des peines, fondé sur l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789. Ainsi, dans la très récente décision n° 2013-328 QPC du 28 juin 2013, le Conseil constitutionnel a censuré le cumul de dispositions desquelles il résultait que des faits qualifiés de façon identique par la loi faisaient encourir à leur auteur des peines différentes, considérant que « la loi pénale ne saurait, pour une même infraction, instituer des peines de nature différente, sauf à ce que cette différence soit justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi ». En outre, de jurisprudence constante, le Conseil considère les peines qui présentent un caractère automatique contraires au principe d'individualisation des peines, par exemple dans ses décisions n° 2007-554 DC du 9 août 2007 ou n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010.

Ces dispositions poseraient en outre une difficulté au regard du principe d'égalité devant la loi pénale, car les ministres n'encourraient pas les mêmes peines que les autres responsables publics coupables de déclarations mensongères les ministres, sans que l'on puisse considérer qu'ils sont dans une situation objectivement différente au regard de l'objectif recherché, qui consiste à contrôler la situation patrimoniale et les intérêts détenus.

Aussi, sur proposition de son rapporteur, votre commission a-t-elle adopté un amendement supprimant la formalité d'attestation sur l'honneur spécifique aux membres du Gouvernement, étant entendu qu'elle a aussi adopté, à l'article 18 du présent projet de loi, un amendement supprimant l'infraction d'attestation sur l'honneur mensongère.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 - Contrôle et publication des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d'intérêts des membres du Gouvernement

L'article 4 du projet de loi organise la publication, par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d'intérêts des membres du Gouvernement, sous réserve de certaines informations nominatives qui demeurent confidentielles, comme pour les parlementaires. Comme pour les parlementaires également, les déclarations de situation patrimoniale font l'objet, avant leur publication, d'une vérification contradictoire par la Haute Autorité avec l'assistance de l'administration fiscale. L'Assemblée nationale a également souhaité que les électeurs puissent adresser des observations à la Haute Autorité sur les déclarations publiées.

Votre commission a adopté six amendements sur la proposition de son rapporteur, en vue d'opérer des coordinations avec les modifications qu'elle a effectuées dans les dispositions relatives aux parlementaires, dans le projet de loi organique. Elle a également adopté un amendement destiné à supprimer une disposition sans rapport avec l'article 4 du présent projet de loi, concernant le caractère non communicable des documents élaborés ou détenus par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 - Assistance de l'administration fiscale à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

L'article 5 du projet de loi précise les prérogatives dont dispose la Haute Autorité en matière d'assistance de l'administration fiscale, afin de vérifier les déclarations de situation patrimoniale des membres du Gouvernement. Elles sont identiques à celles prévues par le projet de loi organique pour les parlementaires (communication des déclarations de revenus, recours au droit de communication de l'administration fiscale, levée du secret fiscal à l'égard des membres de la Haute Autorité...).

En conséquence, votre commission a adopté un amendement proposé par son rapporteur et destiné à réaliser des coordinations avec les modifications apportées aux dispositions concernant les parlementaires.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

Article 6 - Contrôle de la variation de la situation patrimoniale des membres du Gouvernement par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

L'article 6 du projet de loi dispose, comme pour les parlementaires, que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique apprécie la variation de la situation patrimoniale des membres du Gouvernement. Lorsqu'elle constate, après examen contradictoire, une évolution pour laquelle elle ne dispose pas d'explications suffisantes, la Haute Autorité saisit le parquet. En outre, elle établit un rapport spécial publié au Journal officiel. Ce rapport spécial n'est pas prévu pour les parlementaires.

Tout en conservant le mécanisme du rapport spécial, votre commission a adopté deux amendements présentés par son rapporteur en vue de coordonner la rédaction du présent article avec les modifications opérées dans les dispositions similaires du projet de loi organique, concernant les parlementaires. En outre, par ces amendements, votre commission a précisé que la Haute Autorité contrôlait, et pas seulement appréciait, l'évolution du patrimoine et qu'elle devait également informer le Premier ministre en cas d'établissement d'un rapport spécial, dès lors qu'un membre du Gouvernement est concerné.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 7 - Conditions de gestion des instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et par les membres des autorités administratives indépendantes à caractère économique

L'article 7 du projet de loi dispose que les instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement sont gérés dans des conditions excluant tout droit de regard de leur part, pendant toute la durée des fonctions. Il s'agit d'éviter que les ministres puissent être en mesure de prendre des décisions susceptibles d'avoir un impact positif sur la valeur de leur patrimoine financier.

Une telle obligation figure déjà parmi les obligations déontologiques des membres du Gouvernement édictées en 2012 par le Premier ministre et contrôlées par le secrétariat général du Gouvernement. Cette obligation figurait aussi dans une circulaire du Premier ministre du 18 mai 2007 relative au respect des règles de transparence 50 ( * ) . Elle acquiert dorénavant force législative.

En outre, cette obligation est étendue aux présidents et aux membres des autorités administratives et publiques indépendantes intervenant dans le domaine économique, de façon à éviter tout conflit d'intérêts dans la prise des décisions de ces autorités qui pourraient avoir des conséquence sur le cours ou la valeur des instruments financiers détenus. Votre rapporteur estime que cette disposition est bienvenue, permettant de mieux garantir l'indépendance du processus décisionnel de l'Autorité des marchés financiers, de l'Autorité de la concurrence ou encore de la Commission de régulation de l'énergie, entre autres autorités concernées.

Un décret en Conseil d'Etat devrait permettre de préciser les modalités de cette gestion particulière, les instruments financiers concernés ainsi que la liste des autorités administratives et publiques indépendantes concernées.

Votre commission a adopté l'article 7 sans modification .

Article 8 - Vérification de la situation fiscale des membres du Gouvernement

L'article 8 du projet de loi prévoit que, à partir de sa nomination, chaque membre du Gouvernement fait d'office l'objet d'une procédure de vérification de sa situation fiscale personnelle, afin de s'assurer de la régularité de sa situation fiscale au titre de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur la fortune. Destinée à renforcer l'exemplarité des ministres, cette procédure est placée sous le contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Traditionnellement, les membres du Gouvernement sont déjà soumis à une telle procédure lors de leur entrée en fonctions. Là encore, il s'agit de donner force législative à un usage déjà couramment suivi.

Cette procédure est conduite dans les conditions fixées par le titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, qui précise les modalités de contrôle de la situation fiscale par l'administration. Elle consiste ainsi notamment en un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (article L. 12), qui permet de contrôler « la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal », et un examen des comptabilités, pour les personnes soumises à des obligations comptables.

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement de nature rédactionnelle.

Un décret en Conseil d'Etat devrait permettre de préciser les modalités selon lesquelles cette procédure de vérification est accomplie et les conditions dans lesquelles le contrôle de la Haute Autorité est assuré sur cette procédure.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

Article 9 - Pouvoir d'injonction de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en cas de conflit d'intérêts d'un membre du Gouvernement

L'article 9 du projet de loi attribue un pouvoir d'injonction à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique afin de faire cesser les situations de conflit d'intérêts qu'elle peut constater. Ce pouvoir d'injonction n'existe qu'à l'encontre des membres du Gouvernement.

Ainsi, si la Haute Autorité constate qu'un membre du Gouvernement se trouve en situation de conflit d'intérêts, au vu de sa déclaration d'intérêts mais aussi de toute information à sa disposition, par exemple des observations qu'un électeur pourrait lui avoir transmis, elle doit lui enjoindre - car il ne s'agit pas d'une simple faculté lui laissant l'opportunité d'apprécier la situation au regard de l'intensité ou de la connaissance du conflit d'intérêts ou encore de son impact potentiel sur les décisions prises - de faire cesser cette situation. La généralité de cette disposition rend difficile d'en apprécier les conséquences. Toutefois, votre rapporteur s'interroge sur l'hypothèse, par exemple, d'un ministre chargé des finances, et donc à ce titre responsable de la réglementation bancaire, dont le conjoint serait nommé à la tête d'un établissement bancaire : il s'agirait sûrement d'un conflit d'intérêts, mais comment conviendrait-il de le faire cesser ? Faut-il envisager la démission du ministre ? D'un point de vue constitutionnel, peut-on envisager une injonction de démission ? Plus modestement, faudrait-il envisager une obligation de déport ? Votre commission a pourtant supprimé, à l'article 1 er, une telle obligation de déport pour les membres du Gouvernement, en raison des doutes constitutionnels sérieux qu'elle suscite.

Une fois que l'injonction de faire cesser la situation de conflit d'intérêts a été adressée, le membre du Gouvernement dispose d'un mois pour faire valoir ses observations, à la suite de quoi la Haute Autorité peut décider de rendre publique son injonction, sans autre conséquence pour le ministre concerné. Si la publication de l'injonction peut certes constituer une sanction morale lorsqu'elle n'est pas suivie d'effet, force est de reconnaître qu'il n'existe pas de véritable sanction, mais il est vrai qu'un conflit d'intérêts ne constitue pas une infraction.

En outre, en application du IV de l'article 10 du présent projet de loi, la Haute Autorité peut également user de ce pouvoir d'injonction de faire cesser une situation de conflit d'intérêts à l'encontre des autres responsables publics soumis à l'obligation d'établir des déclarations de situation patrimoniale et d'intérêts, à l'exception des seuls parlementaires, qui relèvent de la loi organique et de la compétence des bureaux des assemblées et, in fine , du Conseil constitutionnel. Des raisonnements analogues à celui tenu sur les membres du Gouvernement peuvent être étendus aux élus locaux, désignés par le suffrage universel et à qui la Haute Autorité pourrait adresser des injonctions difficiles à concevoir.

Ainsi, ce mécanisme d'injonction mérite une analyse plus approfondie, que votre rapporteur n'a pu à ce stade mener à son terme. Sans préjudice d'une telle analyse, sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement de nature rédactionnelle.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi modifié .

Article 10 - Périmètre des autres responsables publics soumis à l'obligation d'établir une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts

L'article 10 du projet de loi précise la liste des responsables publics, autres que les parlementaires et les membres du Gouvernement, qui sont soumis à l'obligation d'adresser à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts, reprenant ainsi l'article 2 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. La liste figurant dans la loi du 11 mars 1988 est reprise et complétée.

En l'état du droit, sont soumis à l'obligation de déclarer leur situation patrimoniale, dans les deux mois de leur entrée en fonctions puis au moment de la fin des fonctions :

- les représentants français au Parlement européen ;

- les responsables d'exécutifs locaux ou d'assemblées délibérantes locales de métropole et d'outre-mer, incluant les maires et présidents de groupements de communes à fiscalité propre au-delà du seuil de 30 000 habitants ;

- les élus locaux titulaires d'une délégation de signature 51 ( * ) , incluant les adjoints au maire des communes au-delà du seuil de 100 000 habitants ;

- les présidents et directeurs généraux des entreprises publiques ;

- les présidents et directeurs généraux des offices publics de l'habitat de plus de 2 000 logements ;

- les présidents et directeurs généraux de certaines sociétés d'économie mixte dont le chiffre d'affaires annuel dépasse 750 000 euros.

A cette liste de responsables publics, qui seraient dorénavant soumis à l'obligation de déclarer également leurs intérêts, ainsi que, pour les élus, toute modification substantielle de leur situation, le projet de loi propose d'ajouter, avec des obligations identiques à celles des élus :

- les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du Président de la République ;

- les membres des autorités administratives et publiques indépendantes ;

- les titulaires des emplois ou fonctions à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres.

Outre qu'elle a complété cette liste par les collaborateurs des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, l'Assemblée nationale a souhaité élargir le périmètre des maires et des présidents de groupements de communes concernés, en abaissant le seuil de 30 000 à 20 000 habitants, tout en l'assortissant d'un critère difficile à apprécier de 5 millions d'euros de recettes ordinaires au dernier compte administratif. Basé sur une information comptable a posteriori , ce critère rendrait incertaine l'application de l'obligation en cas de franchissement du seuil. En outre, la notion de recettes ordinaires n'est pas utilisée par la nomenclature comptable M 14 applicable aux communes et à leurs groupements. Dans ces conditions, en adoptant un amendement à l'initiative de son rapporteur, votre commission a préféré s'en tenir au droit actuel, qui n'était pas modifié par le projet de loi initial, et ne pas assujettir les maires et présidents de groupements à de nouvelles obligations, alors qu'ils ne sont pas concernés aujourd'hui.

Ces responsables publics seraient concernés par le pouvoir d'injonction de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en cas de déclaration manquante ou incomplète (IV de l'article 3 du projet de loi), ses prérogatives en matière fiscale avec l'assistance de l'administration fiscale (article 5), sa mission de contrôle de l'évolution du patrimoine (article 6), ainsi que son pouvoir d'injonction destiné à faire cesser une situation de conflit d'intérêts 52 ( * ) (article 9).

Par ailleurs, sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté trois amendements à caractère rédactionnel ou de coordination.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

Article 11 - Publicité des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d'intérêts des autres responsables publics

L'article 11 du projet de loi détermine les modalités de publicité des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d'intérêts établies par les divers responsables publics énumérés à l'article 10 du présent projet de loi.

D'une part, il dispose que toutes les déclarations d'intérêts sont publiées par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, sous les mêmes restrictions que celles prévues pour la publication des déclarations d'intérêts des ministres et des parlementaires (suppression des noms des tiers...).

D'autre part, dans la rédaction initiale du projet de loi, il prévoyait aussi la publication des déclarations de situation patrimoniale des seuls élus responsables d'exécutifs locaux, dans les mêmes conditions que pour les parlementaires et les membres du Gouvernement. Aussi l'Assemblée nationale a-t-elle modifié ces dispositions, sur le modèle de ce qu'elle a fait pour les déclarations de situation patrimoniale des parlementaires, en prévoyant uniquement la mise à disposition de ces déclarations dans la préfecture du département d'élection de ces élus, assortie d'une sanction pénale en cas de publication ou de divulgation.

Par coordination avec sa position sur les modalités de consultation des déclarations de situation patrimoniale des parlementaires, votre commission a adopté deux amendements à l'initiative de son rapporteur visant à supprimer le délit de publication ou divulgation ainsi qu'à instaurer un délit de publication ou diffusion d'informations mensongères ou délibérément inexactes relatives au contenu de ces déclarations.

Par ailleurs, à l'initiative de notre collègue Hélène Lipietz, votre commission a adopté un amendement étendant la faculté de consultation en préfecture aux déclarations de situation patrimoniale établies par les représentants français au Parlement européen. Votre rapporteur considère qu'il conviendra de préciser la préfecture concernée par cette mise à disposition, dans la mesure où chaque circonscription d'élection de ces représentants englobe plusieurs régions, sauf en Ile-de-France, et en tout cas un nombre important de départements.

Votre commission a également adopté un amendement rédactionnel et de coordination, présenté par son rapporteur, ainsi qu'un amendement présenté par notre collègue Nathalie Goulet, prévoyant que les conditions dans lesquelles les électeurs peuvent adresser à la Haute Autorité des observations concernant les déclarations publiées ou consultées, comme ce qui est prévu pour les membres du Gouvernement et les parlementaires, devaient être fixées par décret.

Votre commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .

Article 11 bis A (art. L.52-8-1 [nouveau] du code électoral) - Interdiction de l'utilisation des dotations versées aux membres du Parlement pour l'exercice de leur mandat à des fins électorales

Introduit en séance publique à l'Assemblée nationale par l'adoption d'un amendement de son rapporteur, l'article 11 bis A pose, au sein d'un nouvel article L. 52-8-1 du code électoral, une interdiction d'usage de ressources liées à l'exercice du mandat parlementaire pour le financement des campagnes électorales.

Il rend explicite une interdiction fondée sur l'article L. 52-8 du code électoral et qui a conduit le Conseil constitutionnel, saisi comme juge de l'élection d'un député 53 ( * ) , à rappeler que les fonds provenant de « l'indemnité représentative de frais de mandat » ne peuvent servir à financer une campagne électorale dès lorsqu'elle est destinée à couvrir des dépenses liées à l'exercice du mandat de député.

Souscrivant à cette précision, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur conduisant à créer, par cohérence, un article L. 52-8-1 du code électoral plutôt qu'un article L. 52-10-1 du même code comme l'avait envisagé l'Assemblée nationale et à modifier la rédaction retenue. En effet, l'article ne visait que les indemnités versées « à titre d'allocation spéciale des frais par les assemblées à leurs membres », reprenant la formule de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale. Dans cette logique et pour couvrir l'ensemble des moyens à la disposition des membres du Parlement pour exercer leur mandat qui peuvent éventuellement varier d'une assemblée à l'autre compte-tenu de l'autonomie de gestion des assemblées parlementaires, une définition négative a été privilégiée. Ainsi ne pourraient être utilisées comme une ressource de la campagne électorale « les indemnités et les avantages en nature mis à disposition de leurs membres par les assemblées parlementaires pour couvrir les dépenses liées à l'exercice de leur mandat » en excluant explicitement l'indemnité de parlementaire et de l'indemnité de fonction, mentionnées aux article 1 er et 2 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement, qui constitue la rémunération du parlementaire.

Votre commission a adopté l'article 11 bis A ainsi modifié .

Article 11 bis (art. 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence de la vie politique) - Modalités de répartition du financement public des partis politiques

Introduit par un amendement de M. François de Rugy adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale, l'article 11 bis encadre les conditions d'affiliation d'un membre du Parlement à un parti ou groupement politique pour le calcul de l'aide publique versée aux formations politiques.

En effet, l'article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique prévoit deux fractions au sein de l'aide publique aux partis politiques.

Le bénéfice de la première fraction de est subordonné au fait, lors du dernier renouvellement de l'Assemblée nationale :

- soit d'avoir présenté des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions ;

- soit d'avoir présenté des candidats uniquement dans un ou plusieurs départements d'outre-mer, ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou dans les îles Wallis et Futuna, chacun des candidats présentés ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés.

L'attribution de la seconde fraction est réservée aux partis pouvant bénéficier de la première fraction, proportionnellement au nombre de membres du Parlement qui ont déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre de l'année précédente, y être inscrits ou s'y rattacher.

Comme le relevait M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, « ce dispositif a fait l'objet d'utilisations plus ou moins opportunes, confinant parfois au détournement de procédure » ou, pour reprendre la formule utilisée par M. Alain Vidalies, ministre délégué aux relations avec le Parlement, lors de son audition devant votre commission, des pratiques d'optimisation du financement des partis politiques.

La pratique, rappelée par le rapporteur de l'Assemblée nationale, est simple et, pour l'instant, légale puisque « la législation actuelle permet à des partis politiques de passer des accords pour « capter » une part du financement public » . Pour ce faire, un parti qui ne peut pas prétendre grâce à ses seuls parlementaires à la seconde fraction incite lesdits parlementaires à se rattacher à un parti politique en outre-mer - où il est plus aisé de percevoir la première fraction - qui perçoit ainsi la seconde fraction. En échange, il reverse une partie de la somme ainsi collectée au premier parti.

Aussi, afin de revenir sur ce dévoiement des règles de financement public, le rattachement d'un membre du Parlement élu dans une circonscription en métropole ou à l'étranger ne sera plus possible auprès d'un parti ayant présenté des candidats uniquement dans des circonscriptions ultra-marines. Cette disposition qui ne remet pas en cause les conditions d'exercice du mandat parlementaire, y compris les prérogatives qu'il peut tenir de la Constitution, ne porte pas en lui-même une atteinte à la Constitution dans la mesure où la différence de situation se justifie pleinement en raison de la différence objective qui existe d'ores et déjà entre les partis politiques présentant des candidats dans les circonscriptions législatives en métropole ou à l'étranger et ceux les présentant dans les circonscriptions ultra-marines où le régime est plus favorable. Dans ce cas, il suffit ainsi d'avoir présenté au moins un seul candidat.

Sous réserve de l'adoption d'un amendement rédactionnel de son rapporteur, votre commission a conservé ce dispositif.

En outre, le rattachement annuellement décidé par chaque membre du Parlement pour calculer la part de la seconde fraction serait publié au Journal officiel, ce qui consacre, comme le relevait le rapporteur de l'Assemblée nationale, une pratique instaurée en novembre 2012, à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Votre commission a adopté l'article 11 bis ainsi modifié .

Article 11 ter (art. 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence de la vie politique) - Encadrement des dons et cotisations des personnes physiques aux partis ou groupements politiques

Introduit à la suite de l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale de trois amendements de M. François de Rugy, l'article 11 ter fixe des mesures au sein de l'article L. 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 encadrant les dons des personnes physiques envers les partis ou groupements politiques.

Ainsi, il est prévu que le plafond annuel de 7 500 euros, actuellement prévu par l'article 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, pour les dons des personnes physiques 54 ( * ) ne s'applique non plus par parti politique mais par donateur. Actuellement, le calcul par parti politique permet en effet à une même personne de donner pour une même année à plusieurs partis politique, ce qui a pu être dénoncé par la commission de contrôle des comptes de campagne et des financement politiques comme une incitation à multiplier les micro-partis dans une seule fin de collecte des financements privés et ce, d'autant plus, que ces dons donnent droit à un avantage fiscal.

En outre, l'assiette prise en compte pour le calcul du plafond de 7500 euros est élargie en intégrant les dons et les cotisations acquittées par les adhérents afin d'éviter, comme le souligne le rapporteur de l'Assemblée nationale, de « possibles contournements du plafonnement des dons, qui consisteraient à fixer des montants de cotisation très élevée pour, de fait, dépasser le seuil de 7 500 euros ». La commission des lois a introduit une exception à cette intégration des cotisations au sein du plafonnement en excluant les cotisations des élus locaux et nationaux. Au stade de la commission des lois, l'Assemblée nationale avait limité le montant de cotisations versées pour ces élus à hauteur de 25 % du montant des indemnités perçues au titre de leur mandat, précision qu'elle a supprimée en séance publique en adoptant un amendement de M. Roger-Gérad Schwartzenberg.

Dans son principe, cette exception paraît justifiée dans la mesure où le lien entre les élus et un parti politique paraît évident, les partis politiques « concourent à l'expression du suffrage » selon l'article 4 de la Constitution. Une participation plus importante de leur part au financement d'un parti politique est donc justifiée.

Enfin, une nouvelle obligation est imposée aux associations de financement et aux mandataires financiers qui forment les structures financières des partis politiques puisqu'ils devraient communiquer chaque année à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques la liste des personnes ayant consenti des dons d'un montant minimal de 3000 euros, ce seuil étant cohérent au regard de celui fixé par l'article L. 11-4 de la loi du 11 mars 1988 pour imposer que les reçus délivrés pour les dons mentionnent la dénomination du parti ou groupement bénéficiaire du don.

Même si ces dispositions ne présentent pas un lien direct avec le texte en discussion, elles relèvent du même esprit. C'est pourquoi votre commission, sous réserve de l'adoption d'un amendement rédactionnel de son rapporteur, les a maintenues.

Votre commission a adopté l'article 11 ter ainsi modifié .

Article 11 quater (nouveau) (art. 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence de la vie politique) - Encadrement des dons et cotisations des personnes physiques aux partis ou groupements politiques

Introduit par votre commission qui a adopté trois amendements de notre collègue Gaëtan Gorce, cet article rassemble des dispositions facilitant le contrôle exercé par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

En premier lieu, il est prévu que les partis politiques, bénéficiant d'un financement public, établissent pour le transfert financier une convention annexée aux comptes déposés annuellement auprès de la CNCCFP. En effet, les bénéficiaires d'un tel versement ne sont pas soumis aux mêmes obligations de contrôle que les partis politiques. L'obligation d'établir une convention, si elle n'a nullement pour objet d'empêcher ce versement, assure sa transparence et son suivi.

En second lieu, un complément à l'article L.11-7 de la loi n°88-227 du 11 mars 1988 permet de lever une difficulté issue de la jurisprudence du Conseil d'Etat qui permet à un parti dont les comptes n'ont pu être validés de continuer à faire bénéficier ses donateurs d'un avantage fiscal alors que il ne bénéficierait plus du droit à recevoir une aide publique directe. Seraient ainsi concernés les partis politiques qui n'auraient pas déposé leurs comptes, qui auraient déposé des comptes non certifiés, ou qui auraient fait l'objet d'un refus de certification par les commissaires aux comptes.

Enfin, afin de rencorder ses prérogatives, la CNCCFP pourrait demander communication de toutes les pièces comptables ou justificatifs nécessaires au bon accomplissement de sa mission de contrôle, ce qui permettrait à la CNCCFP d'aller au-delà du simple contrôle formel auquel elle se borne actuellement. La CNCCFP ne peut ainsi accéder aux comptes des partis politiques qui ont été certifiés par des commissaires aux comptes comme aux pièces justificatives qui les accompagnent et se trouve ainsi dans l'impossibilité de substituer son appréciation à celle des commissaires aux comptes. Cette situation la conduit à ne pouvoir sanctionner certaines irrégularités (dépassement des plafonds fixés aux dons individuels, versement d'une aide par une personne morale non soumise à la loi sur les partis, etc.) dès lors que celles-ci ont été jugées conformes à la loi par les commissaires aux comptes. Cette situation est d'autant plus dommageable que la Commission, de par son rôle de contrôle sur les mandataires et celui de dépositaire unique de l'ensemble des comptes des formations politiques, dispose de fait sur une part importante des recettes des partis d'une capacité de contrôle que n'ont pas matériellement les commissaires aux comptes.

Votre commission a adopté l'article 11 quater ainsi rédigé .


* 45 Application des peines prévues à l'article 226-1 du code pénal. L'article 4 ajoute que, dans le cas où le président de la Commission a connaissance de tels faits, il est tenu d'en aviser sans délai le procureur de la République.

* 46 Ces déclarations sont consultables à l'adresse suivante :

http://www.declarations-patrimoine.gouvernement.fr/

* 47 Ces déclarations ne sont pas consultables à une adresse unique. La déclaration du Premier ministre est consultable à l'adresse suivante :

http://www.gouvernement.fr/premier-ministre/declaration-d-interets

* 48 Cet avis n° 154 (2012-2013) est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/a12-154-5/a12-154-58.html#toc58

Ces obligations déontologiques regroupent et étendent les règles déjà fixées par de nombreuses circulaires du Premier ministre de 2007, 2010 et 2011.

* 49 En cas d'établissement d'une déclaration de situation patrimoniale depuis moins de six mois, les membres du Gouvernement seraient dispensés d'établir une nouvelle déclaration, comme les parlementaires.

* 50 Cette circulaire est consultable à l'adresse suivante :

http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2009/05/cir_26333.pdf

* 51 Les délégations de signature doivent être actuellement notifiées au président de la Commission pour la transparence financière de la vie politique.

* 52 A l'exclusion des représentants français au Parlement européen.

* 53 CC, 1 er mars 2013, n° 2013-4795 AN

* 54 Les dons des personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, aux partis politiques sont interdits sous toute leurs formes.

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