EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

Article 1er - Ratification d'ordonnances relatives à l'outre-mer

L'article 1er ratifie huit ordonnances, trois d'entre elles ayant été adoptées sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution tandis que les autres ont été édictées dans le cadre d'une habilitation de l'article 38 de la Constitution.

La procédure prévue par l'article 74-1 de la Constitution permet ainsi d'étendre dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, sous réserve d'adaptations, des dispositions applicables en métropole. À la différence de la procédure de l'article 38 de la Constitution, l'habilitation du Gouvernement est permanente, sous réserve que la loi ne l'exclut pas expressément, et ne requiert par une habilitation législative ponctuelle. En revanche, la ratification doit intervenir dans le délai de 18 mois sous peine de caducité, le dépôt du projet de loi de ratification ne suffisant pas à assurer la validité de l'ordonnance édictée.


• Les ordonnances adoptées au titre de l'article 74-1 de la Constitution

Sont ainsi prises sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution trois ordonnances. La ratification de ces ordonnances qui étendent bien des règles dans les collectivités d'outre-mer au sens de l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie intervient, pour l'instant, dans le délai de 18 mois à compter de leur publication.

La première ordonnance n° 2012-1222 du 2 novembre 2012 étend et adapte à la Nouvelle Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna, les dispositions relatives à la protection juridique des majeurs. En ce sens, elle modifie le code civil pour en adapter les formulations à celles applicables localement pour désigner les établissements sociaux ou médico-sociaux, et faire référence aux règles locales, lorsque le droit applicable diffère du droit métropolitain - par exemple pour le code de procédure civile en Nouvelle Calédonie ou en Polynésie française - (articles 1 er à 4) et supprimer toute référence au mandat de protection future en Polynésie française (article 2) ;

Elle modifie ensuite le code de l'action sociale et des familles, pour adapter l'organisation administrative des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (articles 5 à 7) et impose aux personnes morales précédemment habilitées à ce titre à se conformer aux nouvelles règles en vigueur.

La seconde ordonnance est celle n° 2013-421 du 23 mai 2013 qui a pour objet de rendre applicable en Polynésie française un mécanisme d'inscription des débiteurs surendettés au fichier national des incidents de remboursement, équivalent à celui prévu, en métropole, pour les commissions départementales de surendettement des particuliers à l'article L. 333-4 du code de la consommation.

Toutefois, ce dispositif, conçu comme décalque du précédent, fait référence à une « commission de surendettement des particuliers instituée par la Polynésie française », alors que, contrairement à ce qui est prévu pour la Nouvelle Calédonie (articles L. 334-4 du même code) ou Wallis et Futuna (articles L. 334-8), aucune disposition légale n'impose ni n'encadre la création d'une telle commission, ceci relevant de la compétence de la Polynésie française.

Enfin, la troisième correspond à l' ordonnance n° 2013-516 du 20 juin 2013 qui procède à certaines coordinations requises pour garantir l'application, dans le dernier état du droit en vigueur, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna :

- de la réforme de la publicité foncière (ordonnance n° 2010-638 du 10 juin 2010 portant suppression du régime des conservateurs des hypothèques), qui a conduit à la suppression des conservateurs des hypothèques (articles 1, 2, 3 et 12) ;

- des règles du code civil applicables à la vente d'immeuble à construire ou au débordement des arbres et arbrisseaux sur les fonds mitoyens (articles 1) et de celles de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (article 10) ;

- des règles applicables, en matière d'accident de la circulation, s'agissant du recours du tiers payeur contre l'auteur du dommage ou son assureur (articles 5 à 9) ;

- du dispositif des sociétés de participations financières de professions libérales (articles 11).

Votre rapporteure relève que les ordonnances n° 2012-1222 et n° 2013-516 en ce qu'elles modifient des règles de droit civil en Nouvelle-Calédonie conduisent à s'interroger sur la compétence du Parlement pour procéder à leur ratification. En effet, en application de la loi du pays n° 2012-2 du 20 janvier 2012 et à la suite de l'arrêté n° 20413-1631/GNC du 29 juin 2013 pris par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie constatant l'actualisation du droit civil effectuée par l'État en Nouvelle-Calédonie, le droit civil a été transféré à la Nouvelle-Calédonie le 1 er juillet 2013 conformément à l'article 21 de la loi organique. Aussi pourrait-on s'interroger si le transfert de compétence ne fait pas obstacle à la ratification par le Parlement de cette ordonnance dans les matières qui lui échappent désormais. Cette observation est d'autant plus vraie que la ratification peut s'accompagner de modifications du contenu de l'ordonnance par le législateur. Au-delà de son aspect théorique, ce questionnement est crucial dans la mesure, où les ordonnances concernées ont été adoptées sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution qui fait de la ratification une condition de validité de l'acte. Au terme de sa réflexion, votre commission a estimé que l'article 74-1 de la Constitution, qui prévoit une procédure de délégation qui doit connaître son terme par la ratification, permettait de considérer que par dérogation à l'article 77 qui fonde le transfert de compétences à la Nouvelle-Calédonie, l'État retenait partiellement sa compétence sur le seul point de la ratification tant qu'il n'y avait pas procéder. Aussi, soit le Parlement ne ratifiait pas cette ordonnance, conduisant ainsi à sa caducité, soit il y procédait permettant ainsi à la procédure prévue à l'article 74-1 de la Constitution d'aller à son terme sans porter préjudice aux prérogatives constitutionnelles du Parlement.


• Les ordonnances adoptées au titre de l'article 38 de la Constitution

Parallèlement, il est proposé la ratification de cinq ordonnances qui ont été adoptées par le Gouvernement en application de l'article 38 de la Constitution.

Tout d'abord, l' ordonnance n° 2011-866 du 22 juillet 2011 , prise sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 94 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP), a été édicté dans les derniers jours du délai de 12 mois accordé au Gouvernement. Le Gouvernement était ainsi autorisé à adapter aux départements d'outre-mer, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy les dispositions des articles 85 à 88 de cette loi (schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine, conditions de la première vente des produits de la pêche maritime débarqués en France par des navires français, autorisations des activités de pêche maritime, organisation professionnelle de la pêche maritime et des élevages marins). A la suite de son adoption, un projet de loi de ratification a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

Outre des modifications dans la structure du code rural et de la pêche maritime ou des adaptations rédactionnelles liées aux spécificités institutionnelles de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, l'ordonnance adapte les missions, la composition des comités régionaux situés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion ainsi que les autorisations de pêche qu'ils peuvent délivrer sous le contrôle de l'autorité administrative et la règlementation de la pêche maritime (article 2). En outre, il est accordé au président du conseil régional ou au président du conseil général à Mayotte le pouvoir d'exercer dans ces départements la compétence normalement attribuée au préfet en matière d'élaboration du schéma régional de développement de l'aquaculture. Un délai d'un an est fixé à compter de la publication de l'ordonnance pour permettre aux collectivités ultramarines concernées (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon) d'établir les schémas régionaux de développement de l'aquaculture martine.

À la suite du rapport de juin 2012 de notre collègue Serge Larcher sur la proposition de résolution visant à obtenir la prise en compte par l'Union européenne des réalités de la pêche des régions ultrapériphériques françaises, votre rapporteure souligne l'adaptation opportune des dispositions de droit commun qui motive sa ratification.

Ensuite, deux ordonnances ont été adoptées dans le cadre de l'habilitation conférée au Gouvernement par l'article 15 de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 dans le délai de 18 mois qui lui était accordé : l'ordonnance n° 2012-1397 du 13 décembre 2012 et l'ordonnance n° 2012-1398 du même jour déterminent les nouvelles règles financières et comptables les conditions de transfert des personnels, des biens et des finances. Ces ordonnances sont le prolongement de la réforme en Guyane et Martinique pour la mise en place de la collectivité unique à la suite des résultats positifs aux consultations locales du 24 janvier 2010.

Lors de l'examen de la loi du 27 juillet 2011, notre collègue Christina Cointat, alors rapporteur du projet de loi, relevait la nécessité d'élaborer un plan comptable spécifique à cette collectivité unique, les règles différant entre un département et une région. Il en serait de même pour la gestion du personnel (comités techniques paritaires, régime indemnitaire...). Notre collègue Christian Cointat soulignait « la grande inquiétude des personnels sur leur avenir, dans l'attente de la collectivité unique, tant en Guyane qu'en Martinique », appelant à une concertation sur ce sujet. Le Gouvernement a déposé, dans le délai requis, le 13 février 2013 un projet de loi de ratification des deux ordonnances. Votre rapporteure relève que le Gouvernement a souhaité le déposer devant l'Assemblée nationale, ce qui peut paraître étonnant au regard du droit de priorité que l'article 39 de la Constitution confère au sénat pour examiner les projets de loi en matière d'organisation des collectivités territoriales, ceux portant ratification d'ordonnances ne pouvant a priori être exclus de cette catégorie de projets de loi.

Il n'existe pas d'obstacles à la ratification de ces deux ordonnances qui sont un préalable nécessaire et attendu à l'instauration de la collectivité unique en Guyane et en Martinique.

En outre, l' ordonnance n° 2013-80 du 25 janvier 2013 a été prise en application de l'article 15 la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 qui prévoit le rapprochement des règles législatives applicables à Mayotte de celles applicables en métropole ou dans les collectivités territoriales relevant de l'article 73 de la Constitution pour les allocations de logement sociales et familiales et leur financement.

Le régime juridique de l'allocation de logement familiale (ALF) à Mayotte est aligné sur celui applicable dans les départements d'outre-mer sous réserve d'adaptations en matière de barème de calcul de l'allocation, de conditions de décence et de peuplement du logement ainsi que de pièces justificatives à fournir pour bénéficier de l'allocation (article 1 er ). De surcroît, l'allocation de logement sociale (ALS) est créée à Mayotte avec un alignement sur celui de l'ALF, sauf en ce qui concerne la procédure de récupération des prestations indûment versées, calquée sur celle applicable à Mayotte pour les prestations familiales.

Des décrets et arrêtés spécifiques sont prévus pour revaloriser les montants des deux prestations dans la perspective d'un rattrapage progressif des départements d'outre-mer.

Enfin, l' ordonnance n° 2013-81 du 25 janvier 2013 , adoptée par habilitation de l'article 15 de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 dans le délai de 18 mois accordé au Gouvernement, confère la qualité d'agents permanents de droit public aux agents non titulaires de l'État et des circonscriptions territoriales, nommés par l'État dans un emploi permanent, exerçant leurs fonctions sur le territoire des îles Wallis et Futuna (article 1 er ). Elle les soumet aux chapitres II et IV de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui forme le titre Ier du statut général de la fonction publique (article 2) ; les adaptations rendues nécessaires par les spécificités du territoire de même que les conditions générales de recrutement, d'emploi, de rémunération et de cessation d'activité de ces agents sont renvoyées au pouvoir règlementaire (article 3).

Article 2 (nouveau) (art. 8-3 [nouveau] de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Règles financières et comptables des établissements publics d'enseignement du second degré de la Nouvelle-Calédonie

Introduit par votre commission à l'initiative de sa rapporteure, l'article 2 introduit des dispositions spécifiques aux sociétés publiques locales (SPL) en Nouvelle-Calédonie.

Le présent article reprend ainsi partiellement des dispositions figurant initialement au sein de l'article 13 du projet de loi organique et que votre commission, suivant sa rapporteure, a supprimé en jugeant qu'elle relevait plutôt de la loi ordinaire.

Cette disposition précise donc que les SPL sont des sociétés anonymes mais que le nombre minimal de ses actionnaires est fixé à deux et non sept comme pour les sociétés anonymes de droit commun 16 ( * ) . Pour déterminer les règles de fonctionnement et d'organisation, le présent article renvoie également à l'article 8-1 de la loi du 19 mars 1999 qui assure d'ores et déjà les adaptations nécessaires en Nouvelle-Calédonie de la législation de droit commun pour les sociétés d'économie mixte.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi rédigé .

Article 3 (nouveau) (art. L. 381-1 [nouveau] du code des communes de la Nouvelle-Calédonie) - Participation des communes de la Nouvelle-Calédonie et de leurs groupements à des sociétés publiques locales

Introduit par votre commission à l'initiative de notre collègue Daniel Raoul, l'article 3 permet aux communes et à leurs groupements de participer à des sociétés publiques locales (SPL) dans les conditions fixées pour la Nouvelle-Calédonie et les provinces comme le prévoit l'article 13 du projet de loi organique que votre commission a approuvé.

Il est apparu logique à votre commission d'ouvrir cette faculté aux communes calédoniennes comme à leurs homologues métropolitaines, ce qui lui est apparu d'autant plus cohérent dès lors que la Nouvelle-Calédonie et les provinces pouvaient créer et participer à des SPL.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé .

Article 4 (nouveau) (art. 8-1 [nouveau] de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Correction d'une erreur de référence

Introduit par votre commission à l'initiative du Gouvernement, l'article 4 substitue, à l'article 8-1 de la loi n° 99-210 relatif au régime juridique des sociétés d'économie mixte, la référence à l'article L. 1525-5 du code général des collectivités territoriales celle de l'article 8-2 de la même loi.

En effet, l'ordonnance n° 2009-538 du 14 mai 2009 qui aurait dû insérer deux nouveaux articles spécifiques à la Nouvelle-Calédonie au sein du code général des collectivités territoriales qui ont été, après l'avis du Conseil d'État, introduit au sein de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 sous la forme des articles 8-1 et 8-2. Il convient donc de supprimer la référence à l'article L. 1525-5 du code général des collectivités territoriales qui n'a finalement jamais été créé pour la remplacer par celle à l'article 8-2 de loi du 19 mars 1999.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi rédigé .

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Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.


* 16 Article L. 225-1 du code de commerce

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