CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES FEMMES CONTRE LES ATTEINTES À LEUR DIGNITÉ

Article 16 (art. 3-1, 20-5 et 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) - Modification des pouvoirs du Conseil supérieur de l'audiovisuel relatifs à l'image et la place des femmes dans les médias

La loi du 30 septembre 1986 définit le rôle et les missions du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Le Conseil a notamment pour mission de contribuer à la lutte contre les discriminations dans le domaine de la communication audiovisuelle et de veiller à ce que la programmation audiovisuelle reflète la diversité de la société française.

Le présent article a pour objet de renforcer les pouvoirs du Conseil supérieur de l'audiovisuel en ce sens, dans le domaine du respect des droits des femmes. Ce renforcement des missions du CSA a été approuvé par le Conseil lui-même, dans l'avis n° 2013-08 du 4 juin 2013 qu'il a rendu sur le projet de loi, après saisine du Gouvernement.

Les données statistiques fournies par l'étude d'impact soulignent la nécessité de renforcer les actions en faveur de la place des femmes dans les médias. Ainsi, les femmes ne sont représentées qu'à hauteur de 35 % dans les programmes télévisés, et seulement 13 % dans les programmes sportifs. Ce constat quantitatif est aggravé par l'insuffisance qualitative de cette représentation : si 35 % des personnages de fiction sont des personnages féminins, seuls 25 % des personnages centraux le sont.

Le rapport de Mme Brigitte Grésy rendu en 2008 sur l'image des femmes dans les médias (voir supra ) souligne que si la vigilance du CSA sur les atteintes à l'image est réelle, on parle cependant beaucoup moins d'égalité dans cette enceinte que de diversité 56 ( * ) .

La question de la prise en compte des violences faites aux femmes dans les médias avait déjà été traitée lors de l'examen de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes. Cette loi a introduit plusieurs dispositions contribuant au renforcement de la prévention des violences faites aux femmes et des violences commises au sein du couple, à la fois dans les missions du CSA et dans celles des chaînes publiques.

Les dispositions du présent article s'inscrivent dans le prolongement de cette démarche.

Le 1° de l'article 16 complète les attributions du Conseil supérieur de l'audiovisuel définies par l'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, en insérant un alinéa relatif à la place des femmes dans les médias. La nouvelle mission confiée à cette autorité consisterait à assurer le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle. Pour cela, il lui reviendrait de veiller à une juste représentation des femmes dans les programmes audiovisuels et à ce que l'image des femmes dans ces programmes contribue à la lutte contre les stéréotypes, les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes.

Le nouvel article 20-5 introduit par le 2° du présent article conduirait à créer une obligation, incombant aux chaînes nationales de télévision diffusées par voie hertzienne terrestre, de diffusion de programmes relatifs à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes. Les conditions d'application de cette disposition devraient être précisées par le CSA. C'est donc à cette autorité indépendante que reviendrait la charge d'établir les critères de ce qui constitue une image stéréotypée des femmes dans des programmes. Dans son avis du 4 juin 2013, le Conseil a indiqué la nécessité d'engager une concertation avec les éditeurs sur la mise en oeuvre de cette disposition et recommandé d'étendre cette obligation aux éditeurs radiophoniques, dans un souci d'égalité de traitement.

Enfin, le 3° de l'article 16 procède à une réécriture des missions de service public incombant aux sociétés de l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France et Arte France), pour introduire explicitement les droits des femmes aux côtés de la cohésion sociale, de la diversité culturelle et de la lutte contre les discriminations, dans la liste des matières devant faire l'objet d'actions menées par les chaînes de télévision et de radio publiques. La notion de « droits des femmes » est précisée par le texte, puisqu'elle inclut la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les préjugés sexistes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple.

Votre commission se félicite de la volonté affichée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel de se saisir des dispositions du projet de loi afin d'approfondir sa politique de lutte contre les stéréotypes et de juste représentation des femmes dans les programmes audiovisuels.

Votre commission a adopté l'article 16 sans modification .

Article 17 (art. 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique) - Extension du dispositif de signalement de contenus illicites sur Internet

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique a entendu, dans son article 6, fonder un droit de l'Internet spécifique caractérisé par l'autorégulation de celui-ci par les acteurs de ce secteur.

Si le législateur a explicitement refusé de soumettre les fournisseurs d'accès à Internet et les hébergeurs à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ou à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites, il a en revanche prévu qu'ils concourent à la lutte contre la diffusion de certains contenus particulièrement odieux (pédophilie, crimes négationnistes et appels à la haine raciale), constitutifs d'infractions prévues par la loi relative sur la liberté de la presse et le code pénal.

L'article 6 de cette loi précise ainsi que ces personnes, physiques ou morales, « doivent mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données. Elles ont également l'obligation, d'une part, d'informer promptement les autorités publiques compétentes de toutes activités illicites mentionnées à l'alinéa précédent qui leur seraient signalées et qu'exerceraient les destinataires de leurs services, et, d'autre part, de rendre publics les moyens qu'elles consacrent à la lutte contre ces activités illicites ».

Ce dispositif visait jusqu'à présent les contenus suivants :

- l'apologie de crimes, crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi (cinquième alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) ;

- provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (huitième alinéa de l'article 24 de la loi précitée) ;

- pédopornographie (articles 227-23 et 227-24 du code pénal).

Le présent article propose d'étendre ce mécanisme aux contenus qui provoqueraient à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap, ou à la discrimination d'une de ces mêmes personnes (neuvième alinéa de l'article 24 de la loi sur la liberté de la presse). Ces infractions du droit de la presse résultent d'un ajout de la loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

L'article 17 a donc un objet plus large que celui du projet de loi. En effet, l'extension du dispositif de signalement de contenus constitutifs d'infraction aux propos visés ci-dessus permettra certes de mieux préserver les droits des femmes, mais également de lutter contre l'homophobie sur Internet et contre les propos contraires à la dignité des personnes en situation de handicap.

L'exposé des motifs rappelle à ce titre que l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCTLTIC), service de la direction centrale de la police judiciaire du ministère de l'intérieur, gère directement une plateforme en ligne de signalement, dénommée « PHAROS ». En 2012, sur 12 000 signalements portés à sa connaissance, notamment par les fournisseurs d'accès et hébergeurs, seulement 1 329 ont été transmis à la police nationale et 3 970 confiés à Interpol pour enquête. Ces statistiques soulignent les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de ce type de dispositif en matière de tri des contenus portés à la connaissance des autorités compétentes.

Votre commission a adopté un amendement de Mme Tasca tendant à étendre l'obligation de mise en place du dispositif de signalement à la diffusion d'images enregistrées lors d'atteintes volontaires à l'intégrité de la personne (article 222-33-3 du code pénal).

Votre commission a adopté l'article 17 ainsi modifié .


* 56 Rapport sur l'image des femmes dans les médias du 25 septembre 2008 présenté par la commission de réflexion sur l'image des femmes dans les médias, p. 22.

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