Rapport n° 3 (2013-2014) de M. Jean GERMAIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 1er octobre 2013

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N° 3

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er octobre 2013 <

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi, présentée par Gérard Le Cam et plusieurs de ses collègues, tendant au traitement équilibré des territoires par une réforme de la dotation globale de fonctionnement ,

Par M. Jean GERMAIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

814 (2012-2013) et 4 (2013-2014)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES

Réunie le mardi 1 er octobre 2013 sous la présidence de Philippe Marini, président, la commission des finances du Sénat a procédé à l'examen du rapport de Jean Germain et établi le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 814 (2012-2013) tendant au traitement équilibré des territoires par une réforme de la dotation globale de fonctionnement .

La commission des finances a reconnu que certains territoires ruraux connaissaient une situation financière difficile.

Elle a cependant estimé que la solution avancée par la présente proposition de loi n'était pas satisfaisante, du fait d'un coût très important et de la difficulté à le financer. De plus, le choix de modifier uniquement la dotation de base empêche de prendre en considération d'autres éléments financiers importants et ne permet pas de tenir compte de la grande hétérogénéité du monde rural.

La commission des finances invite donc à poursuivre la réflexion lancée par le présent texte, en vue d'une réforme d'ensemble de la dotation globale de fonctionnement.

Aussi la commission des finances a-t-elle décidée de ne pas établir de texte et d'adopter, à ce stade, une motion tendant au renvoi en commission de la présente proposition de loi.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Certains territoires ruraux sont confrontés à des situations difficiles , du fait d'une population aux revenus peu élevés et du poids des charges « de ruralité » qui résultent notamment des coûts d'entretien de la voirie ou de l'importance que peuvent représenter pour une commune rurale les frais de fonctionnement d'une école.

Cette situation délicate conduit à s'interroger notamment sur le mode de calcul de la dotation globale de fonctionnement versée aux communes et en particulier sur celui de la dotation de base , au titre de laquelle les communes de plus de 200 000 habitants perçoivent un montant par habitant deux fois supérieur à celui des communes de moins de 500 habitants.

La présente proposition de loi de notre collègue Gérard Le Cam, cosignée par ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen (CRC), a pour objet d'aligner par le haut les montants de dotation de base par habitant de l'ensemble des communes de moins de 20 000 habitants. Cette mesure serait financée par une hausse de l'impôt sur les sociétés.

L'appréciation de la situation financière des communes rurales nécessite d' élargir la réflexion aux autres dotations dont elles bénéficient, sans perdre de vue que certaines d'entre elles présentent des taux d'effort fiscal plus bas que les communes plus peuplées et que les territoires urbains doivent supporter des « charges de centralité ».

Le choix d'agir sur la dotation de base ne permet pas de tenir compte de la grande hétérogénéité du monde rural . La solution à apporter aux difficultés de certains territoires ruraux doit s'inscrire dans une réforme d'ensemble de la dotation globale de fonctionnement. Il est donc nécessaire de poursuivre dans ce sens la réflexion initiée par le présent texte.

Par ailleurs, la réforme proposée représenterait un coût annuel de 889 millions d'euros , dont le financement devrait être compatible avec les objectifs en matière de prélèvements obligatoires, de dépense et de déficit publics, définis dans le cadre de notre trajectoire de redressement des comptes publics.

Aussi votre commission propose-t-elle de ne pas établir de texte et d'adopter, à ce stade, une motion tendant au renvoi en commission de la présente proposition de loi.

PREMIÈRE PARTIE : UNE PROPOSITION DE LOI QUI EXPRIME LES INQUIÉTUDES DU MONDE RURAL

I. DES TERRITOIRES RURAUX FACE À DE VRAIES DIFFICULTÉS

A. LA PAUPÉRISATION DE CERTAINS TERRITOIRES RURAUX

Le dynamisme démographique des territoires ruraux pourrait donner l'illusion d'un renouveau généralisé de la ruralité. En effet, selon le rapport de nos collègues Renée Nicoux et Gérard Bailly 1 ( * ) , depuis la fin des années 1970, le solde migratoire est devenu positif dans les « campagnes » et, depuis 2000, il en va de même du solde naturel (naissances moins décès).

Cependant, il faut distinguer plusieurs facettes à ce mouvement migratoire : comme l'ont montré Hervé Le Bras et Emmanuel Todd 2 ( * ) , on observe une arrivée de jeunes retraités dans certains territoires ruraux, (notamment dans le sud-ouest de la France), tandis que d'autres sont marqués par la venue de populations précaires, reléguées loin des agglomérations, notamment en raison de l'augmentation des loyers et des prix du foncier. Selon Laurent Davezies, pour les populations, « la mobilité résidentielle constitue une possibilité d'ajustement majeure. Or les facteurs d'immobilité liés aux statuts d'occupation du logement sont puissants. Dès lors, les territoires les plus dynamiques sont aussi les plus inaccessibles aux populations les plus fragiles » 3 ( * ) .

La sociologie du monde rural se transforme donc et selon le rapport d'information 4 ( * ) de nos collègues Raymond Vall et Laurence Rossignol, « les trois quarts des cadres résident dans les grands pôles urbains tandis qu'ils ne représentent que 6 % des actifs des communes isolées ».

Cette évolution sociologique a des conséquences sur les finances des communes rurales.

B. LE POIDS DES « CHARGES DE RURALITÉ »

Par ailleurs, les territoires ruraux font face à des charges spécifiques qui peuvent s'avérer très élevées, notamment au regard de leurs recettes.

Les dépenses de voirie peuvent être particulièrement importantes pour certaines communes, en raison du kilométrage de routes qu'elles ont à entretenir. Il faut ainsi souligner que les communes de moins de 2 000 habitants comptent à elles seules plus des deux tiers de la voirie communale.

De plus, les communes rurales participent, au même titre que les autres communes, à la mise en place de certaines politiques publiques, qui peuvent s'avérer particulièrement coûteuses.

Ainsi, si la réforme des rythmes scolaires a entraîné un coût supplémentaire pour toutes les communes - estimé entre 100 et 150 euros par élève par l'association des maires de France (AMF) - les charges pour les communes rurales s'avèrent particulièrement importantes au regard de leur budget. L'Association des maires ruraux de France (AMRF) a ainsi évalué, à partir d'une enquête auprès de ses adhérents, que la réforme se traduirait par une hausse de 18,8 % du budget consacré par les communes rurales à l'éducation . Or, avant la réforme des rythmes scolaires, les dépenses d'éducation des communes rurales représentaient déjà la moitié de leur budget de fonctionnement.

Certes, il faut rappeler que l'article 67 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République a prévu la création d'un « fonds d'amorçage », qui bénéficie en particulier aux communes éligibles à la fraction « cible » de la dotation de solidarité rurale. Cependant, cette aide est limitée aux deux premières années de mise en oeuvre de la réforme.

Par conséquent, les caractéristiques territoriales des communes rurales - importance de la voirie, faible densité - auxquelles s'ajoute, dans certains territoires, une relative paupérisation de la population, provoquent des coûts importants au regard de leurs recettes.

Il en résulte parfois un sentiment de relégation , partagé par les élus comme les citoyens. En effet, le maintien de la présence de l'État dans les zones rurales est aujourd'hui remis en cause , et avec lui l'égal accès des citoyens aux services publics. Alors que la réforme de la carte judiciaire a éloigné les lieux d'exercice de cette fonction régalienne de l'État des zones rurales, le développement des « déserts médicaux » est de plus en plus préoccupant, comme l'a montré notre collègue Hervé Maurey dans son rapport intitulé « Déserts médicaux : agir vraiment » 5 ( * ) .

II. UN MODE DE CALCUL DE LA DOTATION DE BASE DÉFAVORABLE AUX TERRITOIRES RURAUX

C'est dans ce contexte d'inquiétude des territoires ruraux qu'ont pu poindre des critiques du mode de calcul de la dotation de base.

A. LA DOTATION DE BASE : UNE DOTATION SIGNIFICATIVE QUI REPRÉSENTE PLUS DU QUART DE LA DGF DES COMMUNES

La dotation globale de fonctionnement (DGF) s'élève en 2013 à 41,5 milliards d'euros, répartis entre le bloc communal (23,8 milliards d'euros), les départements (12,3 milliards d'euros) et les régions (5,5 milliards d'euros). Cette dotation représente à elle seule près de 85 % de « l'enveloppe normée » et 57 % des concours de l'État hors fiscalité transférée.

La DGF des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) se compose d'une dotation forfaitaire (13,3 milliards d'euros), de la DGF des EPCI (dotation d'intercommunalité et dotation de compensation - 7,3 milliards d'euros) et des dotations de péréquation des communes (dotation de solidarité urbaine (DSU), dotation de solidarité rurale (DSR) et dotation nationale de péréquation (DNP) - 3,2 milliards d'euros).

La dotation forfaitaire des communes se divise elle-même entre :

- une dotation de base dont le montant est lié à la population de la commune (6,8 milliards d'euros) ;

- une dotation superficielle, dont le montant dépend de la superficie de la commune - 3,22 euros par hectare et 5,37 euros dans les zones de montagne (225 millions d'euros) ;

- une part « compensations » correspondant à l'ancienne compensation de la suppression de la « part salaires » de l'assiette de la taxe professionnelle ainsi qu'à la compensation des baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) supportées par certaines communes entre 1998 et 2001, et qui sont incluses depuis 2004 dans la dotation forfaitaire (1,5 milliard d'euros) ;

- un complément de garantie (4,8 milliards d'euros) ;

- une dotation en faveur des communes des parcs nationaux et des parcs naturels marins (3,5 milliards d'euros) ;

- une dotation forfaitaire des groupements touristiques (21 millions d'euros).

Au total, la dotation de base représente 28 % de la DGF des communes et 51 % de la dotation forfaitaire.

Imbrication des différentes composantes de la DGF

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

B. LA PONDÉRATION DE LA POPULATION DANS LE MODE DE CALCUL DE LA DOTATION DE BASE

Le mode de calcul de la dotation de base est défini à l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales (CGCT), qui précise que cette dotation est destinée à « tenir compte des charges liées à l'importance de la population » . Il prévoit que la dotation de base est égale, pour chaque commune, au produit de sa population par un montant compris entre 64,46 euros et 128,93 euros, « en fonction croissante de la population de la commune , dans des conditions définies par décret en Conseil d'État ».

L'article R. 2334-3 du même code précise ces modalités de calcul, en définissant un coefficient logarithmique dont la valeur varie en fonction de la population.

Formule de calcul du coefficient

Population

Coefficient

Inférieure ou égale à 500 habitants

1

Supérieure à 500 habitants et inférieure à 200 000 habitants

1 + 0,38431089 x log (population / 500)

Supérieure ou égale à 200 000 habitants

2

Source : commission des finances du Sénat

Ce coefficient est multiplié par le montant de 64,46291197 euros pour obtenir le montant de la dotation par habitant de la commune considérée.

Du fait de son caractère logarithmique, le coefficient varie plus que proportionnellement à la population : sa valeur croît d'abord très rapidement avec la population puis de moins en moins vite ( cf. graphique).

Variation du coefficient de pondération en fonction de la population

Source : commission des finances du Sénat

Le choix d'utiliser un coefficient logarithmique, plutôt que les groupes démographiques qui ont été utilisés entre 1985 et 1993, permet d'éviter les effets de seuil.

C. DES ÉCARTS IMPORTANTS DE DOTATION DE BASE PAR HABITANT

De l'application du coefficient logarithmique, il résulte des écarts de dotation par habitant, retracés dans le tableau ci-dessous, pour chaque strate considérée.

Montant des dotations par strate
(données 2013 pour les communes de métropole)

(en millions d'euros pour les montants ; en euros pour les montants par habitant)

Groupe démographique

Population DGF

Nombre de communes

Dotation de base

Montant moyen par habitant

0 à 499 habitants

4 566 291

18 845

294,4

64,46

500 à 999 habitants

5 271 259

7 433

360,7

68,43

1 000 à 1 999 habitants

6 759 854

4 845

511, 8

75,72

2 000 à 3 499 habitants

6 064 721

2 315

499,9

82,43

3 500 à 4 999 habitants

4 101 940

985

358,2

87,32

5 000 à 7 499 habitants

4 676 463

769

427,5

91,42

7 500 à 9 999 habitants

3 322 624

386

316,1

95,12

10 000 à 14 999 habitants

4 173 976

346

412,3

98,78

15 000 à 19 999 habitants

3 114 627

180

319,7

102,63

20 000 à 34 999 habitants

6 197 196

239

663,7

107,09

35 000 à 49 999 habitants

3 694 761

88

414,5

112,19

50 000 à 74 999 habitants

3 540 730

60

410,2

115,85

75 000 à 99 999 habitants

1 813 591

21

217,5

119,92

100 000 à 199 999 habitants

3 956 118

29

494,4

124,97

200 000 habitants et plus

6 091 499

11

785,4

128,93

Source : commission des finances du Sénat

Le tableau ci-dessus montre que l'écart de dotation par habitant diminue rapidement avec le nombre d'habitants , du fait du caractère logarithmique et non proportionnel du coefficient.

Ainsi, l'on passe, par rapport aux communes de plus de 200 000 habitants, d'un rapport 2 pour les communes de moins de 500 habitants à un rapport 1,4 pour les communes de 5 000 à 7 499 habitants et 1,2 pour les communes entre 20 000 et 34 999 habitants.

De même, si l'on s'intéresse à la répartition de la dotation de base par rapport à la population ( cf. tableau ci-contre), on observe que la moitié de la population habitant dans les communes les moins peuplées se partage 43 % de la dotation de base, quand l'autre moitié 6 ( * ) de la population, qui habite dans les plus grandes villes, en reçoit 57 %. Du fait du caractère logarithmique du coefficient, l'écart de dotation est certes significatif (30 % de plus environ), mais très inférieur à celui de 100 % que l'on pourrait attendre au vu de la définition des bornes du coefficient (1 à 2).

Répartition de la dotation de base en fonction de la population
(données 2013 pour les communes de métropole)

Groupe démographique

Population

Dotation de base

Cumulée

Cumulée inverse

Cumulée

Cumulée inverse

0 à 499 habitants

7 %

100 %

5 %

100 %

500 à 999 habitants

15 %

93 %

10 %

95 %

1 000 à 1 999 habitants

25 %

85 %

18 %

90 %

2 000 à 3 499 habitants

34 %

75 %

26 %

82 %

3 500 à 4 999 habitants

40 %

66 %

31 %

74 %

5 000 à 7 499 habitants

47 %

60 %

38 %

69 %

7 500 à 9 999 habitants

52 %

53 %

43 %

62 %

10 000 à 14 999 habitants

58 %

48 %

49 %

57 %

15 000 à 19 999 habitants

62 %

42 %

54 %

51 %

20 000 à 34 999 habitants

72 %

38 %

64 %

46 %

35 000 à 49 999 habitants

77 %

28 %

71 %

36 %

50 000 à 74 999 habitants

82 %

23 %

77 %

29 %

75 000 à 99 999 habitants

85 %

18 %

80 %

23 %

100 000 à 199 999 habitants

91 %

15 %

88 %

20 %

200 000 habitants et plus

100 %

9 %

100 %

12 %

Lecture : les 34 % de la population habitant dans les communes les moins peuplées bénéficient de 26 % de la dotation de base. Les 38 % de la population habitant dans les communes les plus peuplées bénéficient de 46 % de la dotation de base.

Source : commission des finances du Sénat

III. UNE PROPOSITION DE LOI VISANT À DIMINUER FORTEMENT LES ÉCARTS DE DOTATION DE BASE PAR HABITANT

A. LA VOLONTÉ DE RÉDUIRE LES ÉCARTS DE DOTATION DE BASE PAR HABITANT ENTRE COMMUNES (ARTICLE 1ER)

L'exposé des motifs de la proposition de loi de notre collègue Gérard Le Cam indique qu'elle « vise à atténuer très fortement les inégalités de traitement » entre collectivités, grâce à « la disparition progressive des écarts de dotation de base à raison de la population DGF des communes ».

Plus précisément, il est noté que l'indice « présente aujourd'hui un rapport de 1 à 2 selon que l'on soit en présence d'une commune rurale ou d'une de nos plus importantes métropoles ». Il est proposé que, en deux ans, le rapport soit « ramené à 1 pour 1,5 et en cinq ans à 1 pour 1,24 environ ». Ainsi, « l'ensemble des communes à dominante rurale disposerait de la même dotation de base et, en cinq ans, l'ensemble de nos communes rurales et de nos petites villes serait traité à égalité ».

L'article 1 er propose donc d'aligner à la hausse le montant de dotation de base par habitant, pour toutes les communes de moins de 20 000 habitants, sur celui actuellement perçu par les communes de 20 000 habitants. Cet alignement à la hausse serait progressif, étalé sur cinq ans , conformément au tableau ci-dessous.

Évolution proposée du montant de dotation de base par habitant

(en euros)

2013

2014

2015

2016

2017

2018

0 à 499 habitants

64,46

79,38

85,40

89,24

96,69

104,15

500 à 999 habitants

68,43

79,38

85,40

89,24

96,69

104,15

1 000 à 1 999 habitants

75,72

79,38

85,40

89,24

96,69

104,15

2 000 à 3 499 habitants

82,43

82,43

85,40

89,24

96,69

104,15

3 500 à 4 999 habitants

87,32

87,32

87,32

89,24

96,69

104,15

5 000 à 7 499 habitants

91,42

91,42

91,42

91,42

96,69

104,15

7 500 à 9 999 habitants

95,12

95,12

95,12

95,12

96,69

104,15

10 000 à 14 999 habitants

98,78

98,78

98,78

98,78

98,78

104,15

15 000 à 19 999 habitants

102,63

102,63

102,63

102,63

102,63

104,15

En grisé les strates faisant l'objet de l'alignement à la hausse du montant par habitant.

Source : commission des finances du Sénat

Il faut noter que l'article 1 er nécessiterait un ajustement technique, dans la mesure où il modifie l'article L. 2334-3 du CGCT, qui définit les bornes des différents groupes démographiques de communes, utilisés pour effectuer des comparaisons à l'intérieur d'une même strate. Ils sont par exemple utilisés pour comparer l'effort fiscal d'une commune par rapport aux autres de la même strate. Or le montant par habitant de la dotation de base est régi, comme on l'a vu, par l'article L. 2334-7, complété par l'article R. 2334-3. C'est donc cet article qu'il conviendrait de modifier.

B. UN COÛT IMPORTANT BÉNÉFICIANT ESSENTIELLEMENT AUX COMMUNES DE MOINS DE 3 500 HABITANTS

Le dispositif proposé par la présente proposition de loi signifierait une hausse importante de la dotation de base, pour un coût annuel estimé par votre rapporteur à 889 millions d'euros, ce qui équivaudrait à un doublement de la dotation de solidarité rurale (cf. infra ).

Il s'agit là du coût annuel total à partir de 2018. Dans la mesure où les auteurs prévoient un alignement progressif, le coût évoluerait selon le tableau ci-dessous.

Évolution du coût annuel de la réforme proposée

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

À compter de 2018

Métropole

150,5

268,5

363,3

592,8

879,2

Outre-mer

0,2

0,7

1,3

3,9

10,0

Total

150,8

269,2

364,6

596,7

889,3

Source : commission des finances du Sénat

À compter de 2018, l'accroissement de la dotation de base se répartirait dans les diverses strates, pour les communes de métropole, selon le tableau ci-dessous.

Répartition de l'augmentation proposée de la dotation de base selon les strates démographiques
(données 2013 pour les communes de métropole)

Groupe démographique

(en habitants)

Dotation de base

(en millions d'euros)

Montant par habitant

(en euros)

Effets de la proposition de loi

Dotation de base

(en millions d'euros)

Montant par habitant

(en euros)

Augmentation du montant par habitant

Augmentation du montant de la dotation

(en millions d'euros)

Augmentation moyenne par commune

(en euros)

0 à 499

294,4

64,46

475,6

104,15

+ 62 %

181,2

+ 9 617

500 à 999

360,7

68,43

549,0

104,15

+ 52 %

188,3

+ 25 330

1 000 à 1 999

511,8

75,72

704,1

104,15

+ 38 %

192,2

+ 39 673

2 000 à 3 499

499,9

82,43

631,7

104,15

+ 26 %

131,8

+ 56 916

3 500 à 4 999

358,2

87,32

427,2

104,15

+ 19 %

69,0

+ 70 084

5 000 à 7 499

427,5

91,42

487,1

104,15

+ 14 %

59,5

+ 77 438

7 500 à 9 999

316,1

95,12

346,1

104,15

+ 9 %

30,0

+ 77 738

10 000 à 14 999

412,3

98,78

434,7

104,15

+ 5 %

22,4

+ 64 749

15 000 à 19 999

319,7

102,63

324,4

104,15

+ 1 %

4,7

+ 26 307

Source : commission des finances du Sénat

On observe ainsi que la réforme bénéficierait essentiellement aux communes de moins de 3 500 habitants , qui percevraient près de 80 % de l'augmentation de la dotation. Les communes de moins de 2 000 habitants concentreraient à elles seules près des deux tiers du bénéfice.

En termes d'augmentation moyenne des ressources des communes, on observe en revanche un impact assez faible pour celles de moins de 500 habitants (plus 9 600 euros environ), mais fort pour les communes dont le nombre d'habitants est compris entre 3 500 et 10 000 habitants (supérieur à 70 000 euros par an).

C. UN FINANCEMENT INSATISFAISANT (ARTICLES 2 ET 3)

1. Relever le taux de l'impôt sur les sociétés : un financement proposé difficilement envisageable

L'article 2 de la présente proposition de loi vise à exclure du champ de « l'enveloppe normée » la hausse de la DGF résultant de la hausse de la dotation de base des communes dont le nombre d'habitants est inférieur à 20 000.

Il s'agit, selon l'intention des auteurs de la présente proposition de loi, de financer l'augmentation de la dotation de base en-dehors de la DGF et de « l'enveloppe normée », c'est-à-dire de ne pas appliquer les mécanismes de compensation « habituels ». L'objectif est donc d'éviter que les collectivités territoriales ne financent cette mesure .

Aussi, l'article 3 propose que cette dépense soit financée grâce à une augmentation de l'impôt sur les sociétés.

Cependant, cette proposition n'est pas cohérente avec le choix du Gouvernement de moderniser l'impôt sur les sociétés : selon le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, « la caractéristique de l'impôt sur les sociétés en France est d'avoir un taux élevé mais une assiette réduite. Une réflexion sera engagée pour que notre impôt sur les sociétés puisse, à rendement constant, avoir une assiette plus large, avec des taux qui devront être modulés. L'objectif est d'assurer une convergence européenne en matière d'impôt sur les sociétés ».

Par ailleurs, un financement par l'État ne paraît pas envisageable dans un contexte de réduction des dépenses publiques, et alors qu'il a été demandé aux collectivités de participer à cet effort.

2. Faire participer les collectivités elles-mêmes : un financement « traditionnel » peu opportun

Les règles applicables aux concours de l'État aux collectivités, dans le cadre de « l'enveloppe normée » et au sein même de la DGF, reposent sur divers mécanismes de compensation « automatiques » de la hausse de certaines dotations.

L'article L. 2334-7-1 du CGCT prévoit que toute hausse de la dotation de base est financée à due concurrence par les autres composantes de la dotation forfaitaire et ne peut donc pas conduire à une augmentation de cette dotation forfaitaire - ni, par conséquent, de la DGF.

En effet, « afin de financer l'accroissement de la dotation de base », le comité des finances locales fixe le montant des minorations appliquées au complément de garantie et à la compensation - l'ancienne composante « part salaires » (CPS) - des communes.

Aussi, les hausses de la dotation de base des communes - en raison de la croissance démographique - sont financées, chaque année, par les communes elles-mêmes.

En outre, afin de respecter la norme d'évolution appliquée aux concours financiers de l'État aux collectivités, la loi de finances fixe chaque année le périmètre des « variables d'ajustement » de « l'enveloppe normée ». Par conséquent, toute augmentation de la DGF est elle-même gagée afin de garantir le respect du montant maximal de « l'enveloppe normée » défini par la loi de programmation des finances publiques (LPFP).

Finalement, toute hausse de la dotation de base et toute hausse de la DGF sont aujourd'hui financées par les collectivités elles-mêmes, par le biais de mécanismes de compensation internes à la DGF ou dans le cadre de « l'enveloppe normée ».

Votre rapporteur considère qu'il est peu opportun d'envisager, à ce stade, un financement de la mesure proposée par les collectivités elles-mêmes.

En effet, l'ensemble des collectivités doit participer, en 2014, à l'effort de maîtrise des dépenses publiques, qui se traduit notamment par une réduction de 1,5 milliard d'euros des concours de l'État aux collectivités. Or, la répartition de cet effort a fait l'objet d'une concertation qui a abouti à un accord au sein du comité des finances locales, qui s'est concrétisé dans le « Pacte de confiance et de responsabilité » présenté par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault le 16 juillet 2013.

En outre, il conviendrait de préciser selon quelles modalités serait financée une telle mesure : un financement par le biais des mécanismes de compensation « habituels » pourrait avoir un effet massif pour certaines communes, pour lesquelles le complément de garantie peut représenter jusqu'à 70 % de la dotation forfaitaire.

DEUXIÈME PARTIE : UNE RÉFLEXION À POURSUIVRE DANS LE CADRE D'UNE RÉFORME GLOBALE DE LA DGF

I. L'APPRÉCIATION DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES TERRITOIRES RURAUX NE PEUT SE LIMITER À LA DOTATION DE BASE

A. DES DOTATIONS PRENANT EN COMPTE LES « CHARGES DE RURALITÉ »

Certains concours de l'État aux collectivités territoriales reconnaissent les spécificités des communes rurales : il s'agit notamment de la dotation de superficie et surtout de la dotation de solidarité rurale (DSR).

1. La montée en puissance de la DSR dont l'efficacité est néanmoins diluée
a) La prise en compte des charges spécifiques des communes rurales par la DSR

La dotation de solidarité rurale, régie par les articles L. 2334-20 à L. 2334-23 du CGCT, reconnaît les spécificités des dépenses des communes rurales et les difficultés financières auxquelles elles peuvent faire face.

La DSR a été créée par la loi n° 93-1436 du 31 décembre 1993 portant réforme de la dotation globale de fonctionnement et modifiant le code des communes et le code général des impôts. Son objectif, énoncé à l'article L. 2334-20 du même code, est de « tenir compte, d'une part, des charges qu'elles supportent pour contribuer au maintien de la vie sociale en milieu rural, d'autre part, de l'insuffisance de leurs ressources fiscales ».

Initialement composée de deux fractions - la fraction dite « bourg-centre » et la fraction « péréquation » - la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a créé une troisième part, dite « cible ».

Les trois fractions de la DSR (articles L. 2334-20 à L. 2334-23 du CGCT)

Aux termes de l'article L. 2334-20 du CGCT, « la dotation de solidarité rurale est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants et à certains chefs-lieux d'arrondissement de moins de 20 000 habitants » .

Les communes de moins de 10 000 habitants, chefs-lieux de canton ou regroupant au moins 15 % de la population du canton, peuvent bénéficier de la première fraction, dite « bourg-centre ».

Sont éligibles à la deuxième fraction - dite « péréquation » - les communes de moins de 10 000 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur au double du potentiel financier par habitant moyen de leur strate démographique.

La troisième fraction est destinée aux 10 000 premières communes de moins de 10 000 habitants classées en fonction d'un indice synthétique.

Or, les articles L. 2334-22 et L. 2334-22-1 du CGCT, qui régissent respectivement la fraction « péréquation » et la fraction « cible » de la DSR, prévoient que celles-ci sont réparties sur la base de critères de charges reconnues comme particulièrement importantes pour le monde rural :

- 30 % du montant à répartir prend en compte le potentiel financier et l'effort fiscal de la commune ;

- 30 % du montant est réparti proportionnellement à la longueur de la voirie classée dans le domaine public communal ;

- 30 % du montant est réparti en fonction du nombre d'enfants de 3 à 16 ans ;

- 10 % du montant est réparti en fonction du potentiel financier superficiaire.

Ainsi, en particulier, les dépenses scolaires et celles liées à l'entretien de la voirie communale sont bien prises en compte dans le cadre de la répartition de la DSR. La répartition, entre communes éligibles, de la fraction « péréquation » (représentant 53,4 % de la DSR) et de la fraction « cible » (soit 7,2 % de la DSR) repose donc sur des critères prenant d'ores et déjà en compte les charges spécifiques auxquelles doivent faire face les communes rurales.

Quant au critère reposant sur le potentiel financier et l'effort fiscal de la commune, il permet de prendre en compte les marges de manoeuvre fiscales et la richesse des communes et donc d'appréhender les différences de ressources entre communes rurales.

Il est donc bien tenu compte des spécificités des communes rurales, tant en matière de recettes que de dépenses.

b) La hausse de la DSR

En 2013, le montant de la DSR s'élève à 969,3 millions d'euros - dont 917,6 millions d'euros en métropole.

Depuis dix ans, le montant de la DSR a plus que doublé, renforçant ainsi la péréquation en faveur des communes rurales.

Il faut également souligner que, depuis 2007, la DSR a augmenté au même rythme que la DSU.

Évolution de la DSU et de la DSR

(en millions d'euros et évolution annuelle)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Variation 2004/2013

DSU

montant

635,0

759,6

879,6

999,6

1 093,7

1 163,7

1 234,0

1 310,7

1 370,7

1 490,7

855,7

évolution annuelle

-

19,6%

15,8%

13,6%

9,4%

6,4%

6,0%

6,2%

4,6%

8,8%

134,8%

DSR

montant

420,5

503

572

620

711,2

756,7

802,3

852,3

891,3

969,3

548,8

évolution annuelle

-

19,6%

13,7%

13,6%

9,4%

6,4%

6,0%

6,2%

4,6%

8,8%

130,5%

Source : commission des finances du Sénat

Ce renforcement de la péréquation, alors que la dotation de base est gelée depuis 2011, illustre le choix de porter une attention particulière aux territoires les plus vulnérables plutôt que d'agir uniformément sur l'ensemble des communes.

c) Le saupoudrage de la DSR nuit à son efficacité

Malgré la création, par la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, de la troisième fraction de la DSR, dite fraction « cible », la DSR voit son efficacité atténuée en raison de son saupoudrage.

Ainsi, près de 95 % des communes bénéficient de la DSR, pour un montant moyen de 26 000 euros par commune éligible ; la moitié des communes éligible à la DSR percevant une dotation de 9 600 euros ou moins.

Nombre et proportion de communes bénéficiant de la DSR

DSR

Fraction bourg-centre

Fraction péréquation

Fraction cible

Nombre de communes bénéficiaires

34 665

4 058

34 588

10 000

Pourcentage (par rapport au nombre de communes)

94,8%

11,1%

94,6%

27,4%

Pourcentage (par rapport au nombre de communes de moins de 10 000 habitants)

97,4%

11,4%

97,2%

28,1%

Source : commission des finances du Sénat

Aussi, seules les fractions « bourg-centre » et « cible » permettent de limiter le saupoudrage. Néanmoins, elles représentent moins de la moitié du montant de la DSR, la fraction « péréquation » représentant à elle seule près de 54 % du montant de la DSR - contre 38,68 % pour la fraction « bourg-centre » et 7,35 % pour la fraction « cible ».

En particulier, dès lors que le montant de la fraction « cible » est relativement limité (66,5 millions d'euros) et que 10 000 communes en bénéficient, le montant moyen perçu par les communes éligibles est faible (de l'ordre de 6 600 euros) et 50 % des communes éligibles perçoivent d'une fraction « cible » d'un montant inférieur à 4 060 euros. Le montant par habitant moyen perçu au titre de la DSR « cible » est de 6,80 euros.

C'est pourquoi, votre rapporteur considère que si la DSR prend effectivement en compte les spécificités des communes rurales, son fonctionnement actuel ne permet pas de répondre à l'ampleur des défis posés aux communes rurales en difficulté.

2. Au sein même de la dotation forfaitaire : la dotation de superficie

En plus de la DSR, les communes rurales bénéficient particulièrement de la dotation de superficie, qui fait partie de la dotation forfaitaire des communes (comme la dotation de base) et est calculée en fonction de la superficie de la commune.

L'article L. 2334-7 du CGCT prévoit, au sein de la dotation forfaitaire, « une dotation proportionnelle à la superficie, égale à 3,22 euros par hectare à compter de 2011 et à 5,37 euros par hectare dans les communes situées en zone de montagne ».

Le montant de cette dotation s'élève, en 2013, à 225 millions d'euros - contre 6,776 milliards d'euros pour la dotation de base.

Cette dotation ne prend pas directement en compte des dépenses spécifiques aux communes rurales, mais 80 % de son montant est réparti au profit des communes de moins de 3 500 habitants, et 99 % au profit des communes de moins de 20 000 habitants.

B. L'EXISTENCE DE CHARGES DE CENTRALITÉ

Les différences de dotation entre communes en fonction de leur population doivent également être appréciées au regard des différences de charges. Si cette volonté de prendre en considération les charges liées à la population - les « charges de centralité » - est ancienne, il est toujours aussi difficile de les évaluer.

1. La pondération de la population pour le calcul de la dotation de base : un choix ancien

Lors de la création, en 1985 7 ( * ) , de la dotation de base, qui se substituait à une dotation forfaitaire, un coefficient de pondération de la population était déjà prévu. C'est ainsi que l'article L. 234-2 du code des communes mettait en place un coefficient de pondération, variant de 1 pour les communes de moins de 500 habitants à 2,5 pour les communes de plus de 200 000 habitants, les communes étant réparties entre quinze groupes démographiques.

L'objectif poursuivi était alors que la mise en place d'une dotation par habitant ne pénalise pas excessivement les communes les plus peuplées. En effet, notre ancien collègue René Monory notait 8 ( * ) que, s'agissant de la dotation forfaitaire, « le rapport entre [les communes de moins de 500 habitants et celles de plus de 200 000 habitants], qui était, en 1979, de 3,4 s'est resserré, puisqu'il est, en 1984, de 2,9 ». Le choix d'un rapport de 2,5 allait donc dans le sens d'un resserrement des écarts , sans pour autant peser excessivement sur les communes plus peuplées.

Notre ancien collègue justifiait également ce traitement différencié en expliquant que « l'on ne peut ignorer la réalité du fait que les dépenses de fonctionnement croissent avec la taille de la commune ».

La réforme de la DGF de 1993 9 ( * ) a profondément revu l'architecture de la DGF des communes : le législateur a forfaitisé la majeure partie des anciennes composantes de la DGF (dotation de base, dotation de péréquation, dotation de compensation, dotation de garantie, concours particuliers aux communes touristiques et villes-centres) en les reconduisant au sein de la dotation forfaitaire, au niveau atteint en 1993.

Il s'agissait alors de stabiliser les dotations pour que l'augmentation de la DGF porte entièrement sur la nouvelle dotation d'aménagement, constituée de la dotation des groupements de communes, de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale. Ainsi, les écarts de dotation de base par habitant ont été en quelque sorte gelés à l'intérieur de la dotation forfaitaire .

Mais lorsque la réforme de la DGF de 2004 10 ( * ) a réintroduit une dotation de base - accompagnée d'une dotation superficielle, de la compensation de la « part salaires » et d'un mécanisme de garantie lié à la dotation forfaitaire perçue précédemment - un coefficient de pondération a à nouveau été prévu. L'écart a en revanche été resserré, passant de 2,5 à 2.

2. La difficile appréciation des « charges de centralité »

L'estimation des « charges de centralité » soulève de grandes difficultés. En effet, il ne suffit pas d'observer les niveaux des dépenses, qui peuvent être une conséquence des écarts de dotation et, surtout, résulter de choix politiques différents. Évaluer ces charges impose en fait de quantifier les disparités de situation entre collectivités, après avoir neutralisé les choix de gestion, c'est-à-dire les différences de services rendus.

C'est ainsi que le rapport précité de nos collègues Renée Nicoux et Gérard Bailly notait que « l'on peut déplorer une approche statistique [...] lacunaire et insusceptible d'étayer des préconisations précises ».

Le choix, en 2004, du rapport de l'écart de dotation avait fait l'objet de débats importants, le groupe de travail mis en place par le comité des finances locales (CFL) ayant préconisé un écart de 2,5, quand la formation plénière du CFL avait exprimé sa préférence pour un écart de 2 ou 2,25.

Ces préconisations s'appuyaient sur un indice de charges des communes en fonction de la population, résultant d'une étude économétrique .

Au-delà de cette étude, le choix de finalement retenir un facteur 2 s'expliquait par le fait que les dépenses de fonctionnement par habitant des communes variaient en fonction de leur strate démographique dans un rapport de 1 à 2.

Si votre rapporteur estime qu'il est difficile de se prononcer sur la pertinence, aujourd'hui, du rapport de 1 à 2 prévu par l'article L. 2334-7 du CGCT, il considère en revanche qu'il est toujours nécessaire de prendre en compte les charges de centralité.

C. UN EFFORT FISCAL MOINS ÉLEVÉ DANS LES COMMUNES RURALES

Votre rapporteur souhaite également que la réflexion sur les écarts de dotation de base entre communes rurales et urbaines prenne en compte les différences d'effort fiscal 11 ( * ) .

Effort fiscal moyen par strate démographique
(données 2013 pour la métropole)

Groupe démographique

Population DGF

Effort fiscal moyen
de la strate

0 à 499 habitants

4 566 291

0,985

500 à 999 habitants

5 271 259

1,009

1 000 à 1 999 habitants

6 759 854

1,038

2 000 à 3 499 habitants

6 064 721

1,072

3 500 à 4 999 habitants

4 101 940

1,102

5 000 à 7 499 habitants

4 676 463

1,127

7 500 à 9 999 habitants

3 322 624

1,164

10 000 à 14 999 habitants

4 173 976

1,201

15 000 à 19 999 habitants

3 114 627

1,183

20 000 à 34 999 habitants

6 197 196

1,191

35 000 à 49 999 habitants

3 694 761

1,227

50 000 à 74 999 habitants

3 540 730

1,177

75 000 à 99 999 habitants

1 813 591

1,055

100 000 à 199 999 habitants

3 956 118

1,320

200 000 habitants et plus

6 091 499

0,855

Source : commission des finances du Sénat

L'effort fiscal moyen est mesuré par rapport à la moyenne des taux constatés au niveau national, correspondant à un effort fiscal de 1.

On observe ainsi que les communes de moins de 500 habitants ont un effort fiscal inférieur à la moyenne nationale. On remarque également que l'effort fiscal croît progressivement avec la population, jusqu'aux communes de 50 000 habitants. Il est ensuite maximal pour les communes comprises entre 100 000 et 199 999 habitants. Il est en revanche inférieur à la moyenne nationale dans les communes de plus de 200 000 habitants.

II. L'HÉTÉORGÉNÉITÉ DU MONDE RURAL INVITE À S'INSCRIRE DANS LE CADRE D'UNE RÉFORME GLOBALE DE LA DGF

A. UNE HÉTÉROGÉNÉITÉ DES TERRITOIRES RURAUX QUI INTERROGE SUR L'OPPORTUNITÉ D'INTERVENIR SUR LA DOTATION DE BASE

Comme on l'a vu précédemment, « l'appellation » de territoire rural recouvre une grande diversité de situations, entre les communes touristiques, les communes situées à proximité de grands centres qui attirent des populations de cadres ou les communes les plus isolées. Votre rapporteur a souhaité illustrer cette diversité.

Revenu par habitant en fonction de la population de la commune
(communes de moins de 20 000 habitants)

Source : commission des finances du Sénat

Tout d'abord, votre rapporteur s'est intéressé aux écarts en termes de richesse des habitants, mesurée par le revenu par habitant. Le graphique ci-dessus illustre cette diversité du revenu moyen par habitant en fonction de la taille de la commune. On observe ainsi une dispersion importante, notamment dans les communes de moins de 1 000 habitants : la situation économique de la population de ces communes est donc très diverse.

D'autre part, votre rapporteur a examiné la question de la richesse des collectivités rurales, mesurée à travers le potentiel financier. Le graphique ci-dessous montre, pour les communes de moins de 2 000 habitants, d'une part, une corrélation logique entre potentiel financier et taille de la commune, et aussi, d'autre part, une grande dispersion de ces valeurs : pour une même taille, les ressources d'une commune peuvent varier fortement.

Dispersion des potentiels financiers des communes de moins de 2 000 habitants 12 ( * )

Source : commission des finances du Sénat

Votre rapporteur souhaite donc souligner qu'augmenter la dotation de base des communes rurales aurait un impact aussi bien sur des communes au potentiel financier élevé que sur des communes pauvres, sur des communes aux habitants aisés comme sur des communes paupérisées. En d'autres termes, un effort financier sur la dotation de base n'aurait pas un effet suffisamment ciblé sur les communes vraiment en difficulté .

Il estime donc que la réponse aux difficultés rencontrées par certains territoires ruraux ne passe pas par une augmentation de la dotation de base, mais par une action sur d'autres dispositifs, en prenant en compte les éléments évoqués dans le I. ci-dessus : existence de dotations spécifiques au secteur rural,  de charges de centralité et effort fiscal moins élevé dans le monde rural.

C'est ainsi qu'il considère que cette nécessaire réflexion sur les difficultés du monde rural doit s'inscrire dans le cadre plus global d'une réforme de la DGF.

B. LA NÉCESSAIRE INSCRIPTION D'UNE TELLE RÉFORME DANS UN CADRE PLUS LARGE

1. Des mécanismes insuffisants mais réels

Au sein de la DGF des communes, des dotations cherchent déjà à prendre en considération les difficultés que peuvent connaître les communes rurales. Il s'agit en particulier de la DSR mais aussi, certes dans une mesure moindre, de la dotation de superficie (cf. supra ).

Une réforme visant à mieux prendre en compte les spécificités des communes rurales devrait sans doute intégrer les dispositifs existants pour les renforcer ou les améliorer.

Par ailleurs, l'intercommunalité peut être un moyen de faire jouer la solidarité au sein d'un territoire, notamment grâce la dotation de solidarité communautaire (DSC), et d'apporter une réponse à la question des « charges de centralité » et « de ruralité ».

Aussi, une meilleure prise en compte des indéniables « charges de ruralité » auxquelles font face les communes rurales doit s'intégrer au sein d'une réflexion plus générale, qui inclue l'ensemble des mécanismes existants. La réforme de la seule dotation de base paraît insuffisante au regard de l'enjeu, d'autant qu'il pourrait en résulter des effets non souhaités si elle était financée à « moyens constants » par les collectivités territoriales elles-mêmes - voire par les seules communes - à commencer par une hausse du potentiel financier de ces communes, qui aurait des conséquences sur la péréquation.

2. Vers une réforme de la DGF ?

Aujourd'hui, en raison de l'accumulation historique des diverses dotations, dispositifs de garanties et de compensations qui forment la DGF, toute modification en son sein s'avère difficile en raison des effets parfois particulièrement importants qui en résultent.

Or, il paraît difficile, dans le cadre de la politique de maîtrise des dépenses publiques, de compenser à due concurrence de tels effets, autrement dit de « dédommager les perdants » grâce à des mécanismes de garantie nécessairement coûteux.

Pourtant - et la situation de certains territoires ruraux en est une illustration - la répartition de la DGF n'est pas satisfaisante. Mais une nouvelle modification du dispositif, « à la marge », pour répondre à une difficulté, certes avérée, de certains territoires, ne suffira sans doute pas à résoudre le problème général du financement des politiques locales.

C'est pourquoi, votre rapporteur se prononce en faveur d'une réflexion sur les modalités d'une possible réforme de la DGF. Le système actuel a atteint un tel degré de complexité et un tel enchevêtrement des dotations qu'il peut paraître aujourd'hui inéquitable, voire inefficace.

Une telle réforme de la DGF nécessiterait que soit menée, en amont, une réflexion sur les modalités de prise en compte des spécificités de chaque territoire.

Car la question posée aujourd'hui par les communes rurales est la suivante : comment créer un système juste, reposant sur des principes simples, garantissant une certaine égalité territoriale, alors que la situation de chaque collectivité est particulière ?

*

* *

La commission des finances a reconnu que certains territoires ruraux connaissaient une situation financière difficile.

Elle a cependant estimé que la solution avancée par la présente proposition de loi n'était pas satisfaisante, du fait d'un coût très important et de la difficulté à le financer. De plus, le choix de modifier uniquement la dotation de base empêche de prendre en considération d'autres éléments financiers importants et ne permet pas de tenir compte de la grande hétérogénéité du monde rural.

La commission des finances invite donc à poursuivre la réflexion lancée par le présent texte, en vue d'une réforme d'ensemble de la dotation globale de fonctionnement.

Aussi la commission des finances a-t-elle décidée de ne pas établir de texte et d'adopter, à ce stade, une motion tendant au renvoi en commission de la présente proposition de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 1 er octobre sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a examiné le rapport de M. Jean Germain, rapporteur, sur la proposition de loi n° 814 (2012-2013), de M. Gérard Le Cam et plusieurs de ses collègues, tendant au traitement équilibré des territoires par une réforme de la dotation globale de fonctionnement.

M. Philippe Marini, président . - Nous allons désormais entendre Jean Germain et examiner la proposition de loi du groupe communiste républicain et citoyen (CRC) qui traite de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

M. Jean Germain, rapporteur . - La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui a pour objet d'augmenter la dotation de base perçue par les communes rurales.

Certaines d'entre elles font face à des difficultés financières, qui résultent d'une part d'une paupérisation de leur population et, d'autre part, d'un poids parfois relativement important de ce que j'appellerais les « charges de ruralité ». Il s'agit notamment des coûts d'entretien de la voirie : je rappelle que les communes de moins de 2 000 habitants comptent à elles seules plus des deux tiers de la voirie communale. On peut également penser aux dépenses d'éducation, qui représentaient, avant l'entrée en vigueur de la réforme des rythmes scolaires, la moitié du budget de fonctionnement des communes rurales.

C'est dans ce contexte d'inquiétude des territoires ruraux qu'ont pu poindre des critiques du mode de calcul de la dotation de base.

La dotation de base est une composante de la dotation forfaitaire, au sein de la DGF des communes. C'est une dotation significative, puisque son montant total s'élève à 6,8 milliards d'euros en 2013 ; elle représente donc plus d'un quart de la DGF des communes.

Selon le code général des collectivités territoriales, la dotation de base est destinée à « tenir compte des charges liées à l'importance de la population ». Aussi, chaque commune bénéficie d'une dotation de base dont le montant par habitant est d'autant plus important que la commune est peuplée : les communes de moins de 500 habitants perçoivent 64 euros par habitant, tandis que les communes de plus de 200 000 habitants bénéficient du double, soit 128 euros par habitant.

Le montant par habitant exact dont bénéficie chaque commune est déterminé par un coefficient logarithmique, dont la valeur varie entre 1 et 2, en fonction de la population.

Le fait qu'il soit logarithmique permet au coefficient de croître d'abord très rapidement avec la population, puis de moins en moins vite.

Par conséquent, les écarts de dotation par habitant diminuent rapidement. Ainsi, l'écart entre une commune de 20 000 habitants et une commune de 200 000 habitants n'est pas de 2 mais de 1,2.

Si l'on raisonne en masses, on observe que la moitié de la population habitant dans les communes les moins peuplées se partage 43 % de la dotation de base.

La proposition de nos collègues du groupe CRC vise « à atténuer les inégalités de traitement » entre les collectivités, grâce à « la disparition progressive des écarts de dotation de base ».

L'article 1 er propose ainsi d'aligner à la hausse le montant de dotation de base par habitant pour toutes les communes de moins de 20 000 habitants sur celui actuellement perçu par les communes de 20 000 habitants. Cet alignement serait étalé sur cinq ans.

Par conséquent, entre 2013 et 2018, le montant minimum par habitant perçu par une commune de moins de 500 habitants passerait de 64 à 104 euros. Celui d'une commune de 10 000 habitants de 96 à 104 euros.

J'estime le coût de cette mesure à 150 millions d'euros la première année, avant une montée en charge progressive pour atteindre un coût annuel de 889 millions d'euros à partir de 2018. A titre de comparaison, cela équivaudrait à un doublement de la dotation de solidarité rurale (DSR).

Il faut souligner que la réforme bénéficierait essentiellement aux communes de moins de 3 500 habitants, qui percevraient près de 80 % de l'augmentation de la dotation.

Néanmoins, en termes d'augmentation moyenne par commune, l'impact serait assez faible pour les communes de moins de 500 habitants, avec une augmentation de l'ordre de 9 600 euros environ. Pour les communes dont le nombre d'habitants est compris entre 3 500 et 10 000, l'augmentation moyenne serait plus importante, de l'ordre de 70 000 euros.

Il est proposé, pour financer cette mesure, de relever le taux de l'impôt sur les sociétés ; les recettes ainsi procurées compenseraient à due concurrence la charge nouvelle ainsi créée. Il s'agit en quelque sorte « d'extraire » de la DGF et de l'enveloppe normée la hausse proposée de la dotation de base, afin d'éviter que les collectivités elles-mêmes ne la financent.

Or, le financement d'une telle mesure doit être compatible avec les objectifs en matière de prélèvements obligatoires, de dépense et de déficit publics, définis dans le cadre de notre trajectoire de redressement des comptes publics. Ainsi, en ce qui me concerne, je considère que le mode de financement proposé n'est pas envisageable.

D'autre part, un financement par l'État ne paraît pas envisageable dans un contexte de réduction des dépenses publiques, et alors qu'il a été demandé aux collectivités de participer à cet effort.

Enfin, la participation des collectivités elles-mêmes au financement de ce dispositif selon les modalités « traditionnelles » de compensation de la hausse des dotations de base paraît également inopportune. En effet, les collectivités doivent participer, en 2014, à un effort de maîtrise des dépenses publiques, qui se traduit notamment par une réduction de 1,5 milliard d'euros des concours de l'État aux collectivités. La répartition de cet effort a abouti à un accord au sein du comité des finances locales (CFL), concrétisé par le « Pacte de confiance et de responsabilité » présenté par le Premier ministre le 16 juillet 2013. Il serait inopportun de remettre en cause cet accord.

Outre l'épineuse question du financement, l'appréciation de la situation financière des communes rurales ne saurait se limiter à leur dotation de base.

En effet, la dotation de superficie et surtout la DSR prennent d'ores et déjà en compte certaines spécificités des communes rurales.

Ainsi, l'objectif de la DSR, énoncé par la loi, est de « tenir compte, d'une part, des charges qu'elles supportent pour contribuer au maintien de la vie sociale en milieu rural, d'autre part, de l'insuffisance de leurs ressources fiscales ». Les parts « péréquation » et « cible » de la DSR sont notamment réparties sur la base de critères de charges reconnues comme particulièrement importantes pour le monde rural : il s'agit de la longueur de voirie classée dans le domaine public communal et du nombre d'enfants âgés de 3 à 16 ans. Les autres critères utilisés pour répartir le montant de la DSR entre communes éligibles sont le potentiel financier et l'effort fiscal, ce qui permet de prendre également en compte les marges de manoeuvre fiscales et la richesse des communes.

Or, il faut noter que sur les dix dernières années, le montant de la DSR a plus que doublé puisqu'il a augmenté de plus de 130 %.

Malgré cette augmentation et la création de la fraction « cible » de la DSR, son efficacité est faible en raison de son saupoudrage. Ainsi, près de 95 % des communes bénéficient de la DSR, et 97 % des communes de moins de 10 000 habitants la perçoivent. La moitié des communes éligible à la DSR perçoivent une dotation de 9 600 euros ou moins.

En plus de la DSR, les communes rurales bénéficient de la dotation de superficie, dont le mode de calcul leur est favorable : celle-ci est égale à 3,22 euros par hectare et à 5,37 euros par hectare dans les communes situées en zone de montagne. D'un montant total de 225 millions d'euros, elle est répartie pour 99 % de son montant entre les communes de moins de 20 000 habitants.

La DSR et la dotation de superficie sont donc spécifiquement conçues pour tenir compte des particularités des communes rurales et leur sont favorables.

Par ailleurs, il faut reconnaître qu'il existe des charges liées à la population - les « charges de centralité ».

La prise en compte de ces charges est ancienne et dès la création, en 1985, d'une dotation calculée à partir du nombre d'habitants, un coefficient de pondération avait été mis en place.

Leur montant est en revanche difficile à évaluer. Le choix, en 2004, de retenir un écart de dotation de base par habitant compris entre 1 et 2 avait fait l'objet de débats importants au CFL. Il est difficile aujourd'hui de se prononcer sur la pertinence de ce rapport de 1 à 2 ; cependant, il me semble qu'il demeure indispensable de prendre en compte les charges de centralité.

Enfin, il faut reconnaître que l'effort fiscal des communes de moins de 500 habitants est inférieur à la moyenne nationale : celui-ci croît progressivement avec la population, jusqu'aux communes de 50 000 habitants, et il est maximal pour les communes dont le nombre d'habitants est compris entre 100 000 et 200 000. Il décroit ensuite dans les communes de plus de 200 000 habitants.

S'il convient de prendre en compte les spécificités du monde rural, il est également nécessaire de considérer son hétérogénéité.

En effet, « l'appellation » de territoire rural recouvre une grande diversité de situations, entre les communes touristiques, les communes situées à proximité de grands centres urbains ou encore les communes les plus isolées.

À ce titre, les communes les moins peuplées - et notamment celles de moins de 1 000 habitants - se caractérisent par une grande diversité en termes de revenu moyen par habitant. La situation économique de la population résidant dans ces petites communes est donc très variable.

En outre, s'agissant du potentiel financier, qui mesure la richesse de la collectivité elle-même, il apparaît que parmi les communes de moins de 2 000 habitants, le potentiel financier est lui aussi très variable.

Ainsi, augmenter la dotation de base aurait un impact aussi bien sur les communes « riches » que sur les communes « pauvres », aussi bien sur les communes dont les habitants connaissent une situation économique particulièrement précaire que sur celles dont la population est plus aisée.

Face à cette extrême diversité des situations des communes rurales, je pense que l'augmentation de la dotation de base n'est pas une réponse pertinente aux difficultés rencontrées par certaines d'entre elles. En d'autres termes, un effort financier sur la dotation de base n'aurait pas un effet suffisamment ciblé sur les communes vraiment en difficulté.

C'est pourquoi je considère que la réflexion sur les difficultés du monde rural doit s'inscrire dans le cadre plus global d'une réforme de la DGF. Je vous invite donc à poursuivre dans ce sens la réflexion lancée par le texte examiné aujourd'hui et d'adopter à ce stade une motion tendant au renvoi en commission de la proposition de loi.

Je rappelle par ailleurs que le Gouvernement a évoqué à plusieurs reprises l'ouverture d'un chantier sur la réforme de la DGF. La question de la dotation de base et des territoires ruraux sera l'une des questions à aborder. Nous aurons l'occasion d'interpeller en séance la ministre ou les ministres sur ce sujet.

M. François Marc, rapporteur général . - Je souhaite m'associer aux propos de Jean Germain et confirmer son analyse sur la situation vécue ici et là comme fortement inégalitaire. Il existe en effet une attente de la part des élus locaux qui souhaitent que l'on parvienne à plus d'égalité de traitement entre collectivités territoriales.

Lorsque j'ai été élu rapporteur général, j'ai indiqué qu'en matière de collectivités territoriales, il existait, selon moi, trois chantiers prioritaires qu'il était urgent de conduire ou de poursuivre. Tout d'abord, il me semblait nécessaire d'approfondir la péréquation horizontale et verticale. J'observe que, sur ce premier point, le Gouvernement respecte les engagements pris et poursuit l'effort en direction des territoires les plus modestes malgré les difficultés financières.

Le deuxième chantier concernait la révision des valeurs locatives. La commission des finances du Sénat a fortement insisté pour que le Gouvernement mette en oeuvre la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, qui va concerner 3,3 millions de locaux commerciaux et professionnels dès le 1 er janvier 2015 et qui est en cours de finalisation. En matière de locaux d'habitation, nous poursuivons le travail en collaboration avec Bercy et la direction générale des collectivités locales (DGCL). Ces efforts devraient se concrétiser d'ici la fin de l'année, par la définition des modalités concrètes et du calendrier de la réforme. La phase d'expérimentation et de mise au point définitive du processus nécessitera quatre années. J'insiste sur l'importance du travail de préparation et de simulation qui doit être réalisé au préalable pour de telles réformes.

Le troisième chantier, selon moi, est celui de la DGF. Je suis en accord avec l'idée d'une répartition de la DGF qui réponde mieux aux attentes, besoins et charges des collectivités. Mais je pense que deux années au moins sont nécessaires pour mener un travail de préparation et d'analyse satisfaisant, pour que le CFL soit saisi et que la concertation soit menée au sein des associations d'élus locaux. Ce n'est qu'à l'issue de ce travail que pourra être mise en oeuvre une nouvelle étape de « toilettage », voire de refondation de la DGF.

Nous avons suivi avec Jean Germain les travaux qui ont abouti à l'élaboration du « Pacte de confiance et de responsabilité ». Nous avons donc conscience de la situation complexe dans laquelle se trouvent les collectivités territoriales et en particulier des efforts financiers qui leur sont demandés suite à la diminution de leurs dotations de 1,5 milliard d'euros en 2014.

Pour toutes ces raisons, il me semble judicieux d'en rester à ce stade, pour l'instant, avant d'entamer une refondation de la DGF. Je soutiens par conséquent le rapporteur sur ce sujet.

Mme Marie-France Beaufils . - Notre proposition de loi vise à tenir compte des « petites » communes. Cette appellation est à privilégier par rapport à celle de communes « rurales ». Cette dernière n'est pas toujours la plus juste en raison de la diversité des situations qu'elle recouvre. Nous souhaitons qu'il soit possible de définir un « minimum à vivre » pour ces petites communes, qui leur permette de répondre aux obligations auxquelles elles doivent faire face. Ces obligations ont fortement évolué depuis la mise en place de la DGF. Les évolutions de la population, les conséquences de décisions nationales ont créé de nouvelles responsabilités pour ces collectivités. Il leur manque souvent les moyens financiers pour les assumer ainsi que l'accompagnement des services de l'État en matière d'équipement pour y répondre.

Ces petites communes sont également confrontées à l'ampleur de la voirie, à la difficulté de l'entretenir, avec aujourd'hui des matériels agricoles très différents de ceux qui existaient il y a dix ou quinze ans...

Nous aurions souhaité que notre proposition de loi soit discutée et amendée. Nous reconnaissons que notre texte n'est pas parfaitement au point, mais l'adoption d'une motion tendant au renvoi en commission ressemble à un « enterrement », à l'image d'expériences précédentes. Malgré l'existence de « niches » parlementaires, il est parfois difficile de créer le débat autour de sujets qui nous semblent importants.

À l'approche des élections municipales, beaucoup de maires de petites communes éprouvent des difficultés à s'entourer d'élus qui souhaitent certes s'investir, mais qui sont conscients de disposer de peu de moyens. Il faut souligner que ce sont ces élus de terrain qui permettent de maintenir la qualité du lien social.

J'ai entendu la remarque sur la DSR. En effet, elle n'est plus très efficace car son périmètre est trop large. Il y a du travail à faire en ce domaine. Nous comprenons que la question de la réforme de la DGF puisse éventuellement être abordée en deux temps. Cependant, la DGF des petites communes est véritablement un problème à prendre en considération. Or le choix du rapporteur, je le regrette, ne le permettra peut-être pas. Je suis favorable à ce que l'on poursuive la discussion.

M. Philippe Dallier . - En réalité, il existe deux sujets. D'une part, le texte propose de gager la hausse de la DGF par l'augmentation de l'impôt sur les sociétés (IS). Chacun doit avoir conscience que cela nuit à la compétitivité de notre pays.

D'autre part, il y a la question de la péréquation elle-même. Notre rapporteur a rappelé que le montant de la DSR a été doublé tout comme celui de la dotation de solidarité urbaine (DSU). La DSR présente les mêmes défauts que la DSU, dans la mesure où ses critères sont trop larges et que cela nuit à son efficacité. Il ne faut pas non plus oublier qu'il existe un autre mécanisme de péréquation : le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Ce dispositif n'a pas encore produit tous ses effets. Alors que son montant progresse d'année en année, la réflexion se poursuit sur les critères de sa répartition.

Plutôt que d'empiler les dispositifs de péréquation, je pense qu'il faut reprendre le travail à la base. Dans cette logique, il faudrait revoir la DGF de manière globale et dans un second temps seulement, imaginer de nouveaux mécanismes de péréquation. À envisager la hausse de la DGF pour les petites communes, nous allons au-devant de graves difficultés, en particulier dans le contexte économique actuel. Je suis par conséquent favorable à la motion présentée par le rapporteur.

M. Charles Guené . - Le problème soulevé par le groupe communiste républicain et citoyen est réel. Ainsi, les élus au CFL ont parfaitement conscience qu'une refondation du financement des collectivités territoriales sera nécessaire d'ici quelques années. Face aux besoins des communes urbaines qui exigent des moyens supplémentaires pour faire face aux charges de centralité, l'idée d'un « minimum vital » pour les petites communes me semble tout à fait intéressante dans la mesure où elle correspondrait à une sorte de SMIC pour celles-ci. Cependant, l'approche retenue dans ce texte ne tient pas compte des évolutions actuelles avec, d'une part, les dispositifs de péréquation mis en place aujourd'hui dont les effets ne sont que partiellement connus et, d'autre part, la territorialisation qui anime la fiscalité locale : aujourd'hui, on apprécie la richesse des communes à l'échelle d'un territoire, avec l'intercommunalité, il est absurde de raisonner au niveau des petites communes. En effet, les mécanismes de solidarité sont appliqués à l'échelle de territoires plus vastes.

Je pense qu'il faut du recul pour apprécier correctement ces différentes étapes de la fiscalité locale, notamment à la suite de la réforme de la taxe professionnelle, et ce d'autant plus que la crise actuelle a un impact important sur les finances locales. En ce qui me concerne, je souscris globalement à l'analyse du rapporteur. L'idée d'un renvoi en commission permettra de travailler sereinement sur ces sujets.

M. Joël Bourdin . - Je ne pense pas que ce soit la dotation de base qui pose problème pour les petites communes mais la dotation d'intercommunalité. L'intercommunalité se développe à l'image des communautés d'agglomérations, des « métropoles », etc. Dans l'enveloppe de répartition de la DGF, à l'inverse des dotations d'intercommunalité, on observe une diminution des dotations dévolues aux communes quelle que soit leur taille. C'est la raison pour laquelle on a inventé des systèmes d'abondements au niveau des petites communes. La DSR n'est plus dans le système créé à l'origine : on attribuait des dotations aux diverses communes, puis la dotation d'aménagement au sein de laquelle on soustrayait la dotation d'intercommunalité, et finalement il restait la DSR et la DSU. Lorsque l'on a constaté qu'il ne restait plus rien pour la DSR et la DSU, on a alors décidé de créer des dotations latérales supplémentaires. J'évoque cela pour montrer la nécessité d'une révision d'ensemble et non de la seule dotation de base au sein des communes.

En ce qui me concerne, il ne me semble pas non plus opportun de faire supporter la charge de l'augmentation de la dotation de base par l'IS. En faisant peser sur les entreprises une nouvelle charge, ce serait en réalité les épargnants qui seraient victimes du dispositif.

Je suis donc favorable à la proposition du rapporteur.

M. Aymeri de Montesquiou . - Tout d'abord, je souhaiterais souligner que la réforme de la taxe professionnelle a eu peu d'incidences sur les finances des petites communes rurales dont les ressources sont avant tout foncières. En second lieu, il me semble nécessaire d'adresser un message aux différents gouvernements en matière de normes. Ainsi, les dépenses en matière d'accessibilité exigées des communes sont beaucoup trop importantes. Enfin, les maires connaissent de plus en plus de difficultés à comprendre la fiscalité qui s'applique à leur commune. À force d'ajouter des oripeaux, on construit un épouvantail.

Même si je salue la proposition du groupe communiste, républicain et citoyen qui soulève le problème des ressources des petites communes rurales, je rejoins les conclusions du rapporteur et du rapporteur général. Il me semble indispensable de tout remettre à plat.

M. Vincent Delahaye . - Il est sage de suivre les conclusions du rapporteur. Marie-France Beaufils l'a dit, la proposition de loi que nous examinons est imparfaite. L'augmentation de la DGF des « petites » communes qui résulte de ce texte n'est pas anodine. Il existe aujourd'hui un processus de transfert de compétences qui n'est pas négligeable et une péréquation qui monte en puissance. Certes, les critères de la DSR et de la DSU sont perfectibles, car ces dotations bénéficient à trop de collectivités, mais je pense qu'il faut se donner du temps pour examiner les effets de la péréquation. Plutôt que d'augmenter le taux déjà élevé de l'IS, je préconise le renvoi en commission de cette proposition de loi.

M. Philippe Adnot . - Ce texte m'est sympathique. Je pense qu'il serait intéressant pour les collectivités et les citoyens que cette proposition de loi soit débattue. Il faudrait simplement supprimer l'article 3 qui gage le dispositif d'une hausse de la dotation de base des petites communes par une augmentation de l'IS.

En France, il a été décidé de mettre en oeuvre une intercommunalité « idéologique », en octroyant aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) des dotations de 2,5 milliards à 3 milliards d'euros, alors que l'intercommunalité devrait se financer toute seule, à travers les économies de fonctionnement qu'elle permet. Le texte que nous examinons est imparfait, mais nous pourrions l'améliorer pour mettre en oeuvre un système plus équilibré. Je suis donc très favorable à son examen.

M. Philippe Marini, président . - Je rappelle à nos collègues qu'en supprimant les recettes prévues dans ce texte mais en conservant les dépenses, nous nous exposerions à des conséquences fâcheuses...

M. Philippe Adnot . - Je pense que nous pourrions trouver des ressources du côté des intercommunalités.

M. François Patriat . - Je pense qu'il est nécessaire de revenir aux « fondamentaux ». Nous sommes en période de crise, chacun semble conscient des efforts à réaliser et favorable à un partage de ces efforts. Il ne me semble par conséquent pas très judicieux de demander à ce que les petites communes - qu'on affirme être moins bien traitées - échappent à cet effort. D'une part, parce que parmi ces petites communes, toutes ne sont pas à plaindre, je dispose d'exemples dans ma région... D'autre part, parce que le problème n'est pas de savoir si les petites communes sont pauvres - c'est une réalité incontestable pour certaines d'entre elles - mais de décider si l'on souhaite continuer de tolérer cette « exception française » qui consiste en l'existence de 36 000 communes avec chacune leur identité, leur souveraineté et leur féodalité. Le débat est beaucoup plus large que la seule augmentation de la DGF. Je voterai la motion de renvoi en commission.

M. Gérard Miquel . - Je suis très favorable à la proposition du rapporteur. On ne peut pas opposer une collectivité à une autre. Nous avons besoin de simplifier et de clarifier les dotations aux collectivités territoriales. Les intercommunalités ont été créées pour corriger certains déséquilibres entre communes « centre » et communes périphériques et pour assumer les dépenses de fonctionnement. Une remise à plat générale est aujourd'hui nécessaire. Je voterai pour la motion proposée par le rapporteur.

M. François Fortassin . - Je voudrais rappeler que certains économistes et démographes annonçaient il y a 30 ans la mort du monde rural. En réalité, les communes rurales ont prospéré, avec peut-être quelques difficultés, et rares sont les communes qui n'ont pas vu leur population augmenter. Elles ont également évolué : les communes rurales essentiellement agricoles ont vu la majorité de leur population avoir une activité à dominante non agricole, et c'est un élément que nous devons prendre en compte. Certes, en zone urbaine, il existe des besoins considérables liés à des problèmes de sécurité, etc. Mais en zone rurale, les communes ont des besoins croissants en matière d'équipement, ne serait-ce que parce que leur population a augmenté. Ces équipements sont en outre plus chers, car la superficie à couvrir rapportée aux nombre d'habitants est automatiquement plus importante... Si on ne veut pas que ces communes, qui ont, malgré tout, vécu avec des difficultés, périssent alors que leurs besoins sont plus importants que ceux qu'ils étaient il y a quelques années, il faut en tenir compte et c'est pour cela que moi aussi je défendrai le texte de monsieur le rapporteur.

M. Jean Germain, rapporteur . - Je n'ai pas senti de divergences majeures sur le choix que j'ai exprimé précédemment. C'est le rôle du Sénat et de la commission des finances d'examiner la question de la DGF et du monde rural. Ce monde est certainement exaspéré, mais il est divers et sa population s'urbanise. Il faut le prendre en compte. Les maires font face à de nouvelles interrogations : le financement de leur commune, la dotation de solidarité communautaire, les modalités de mise en place des plans locaux d'urbanisme (PLU) intercommunaux...

Peut-on accepter de financer la hausse de la DGF par une augmentation de l'IS ? La réponse est « non ». Il est préférable d'opter pour une réaffectation des ressources locales par la péréquation, comme l'a rappelé notamment Philippe Dallier.

Il faudra poursuivre ce débat ultérieurement dans le cadre plus général de la réforme de la DGF.

M. Philippe Marini, président . - Nous allons pouvoir passer au vote sur la motion tendant au renvoi en commission de la proposition de loi n° 814 (2012-2013), de Gérard Le Cam, tendant au traitement équilibré des territoires par une réforme de la dotation globale de fonctionnement.

La commission a voté la motion tendant au renvoi en commission de la proposition de loi tendant au traitement équilibré des territoires par une réforme de la dotation globale de fonctionnement.

En conséquence, elle n'a pas adopté de texte.

En application de l'article 42, alinéa premier, de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte initial de la proposition de loi.


* 1 Rapport d'information n° 271 (2012-2013) fait au nom de la Délégation sénatoriale à la prospective, « L'avenir des campagnes ».

* 2 Le Bras, H. et Todd, E., Le mystère français , Editions du Seuil et La République des Idées, mars 2013.

* 3 Davezies, L. La crise qui vient , Editions du Seuil et La République des Idées, octobre 2012.

* 4 Rapport d'information n° 257 (2012-2013) au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire sur les représentations et les transformations sociales des mondes ruraux et périurbains : actes du colloque du mercredi 19 décembre 2012.

* 5 Rapport d'information n° 335 (2012-2013) de Hervé Maurey, fait au nom de la commission du développement durable.

* 6 Respectivement 52 % et 48 %, arrondis à la moitié.

* 7 Loi n° 85-1268 du 29 novembre 1985 relative à la dotation globale de fonctionnement.

* 8 Rapport n° 1 (1985-1986) fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi relatif à la dotation globale de fonctionnement, par René Monory.

* 9 Loi n° 93-1436 du 31 décembre 1993 portant réforme de la dotation globale de fonctionnement et modifiant le code des communes et le code général des impôts.

* 10 Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 (article 47).

* 11 L'effort fiscal mesure le rapport entre le produit effectif des impôts sur les ménages perçu par une collectivité et le produit théorique qu'elle percevrait si elle appliquait les taux moyens nationaux.

* 12 Les valeurs les plus aberrantes ont été écartées.

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