III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION POUR LA NOUVELLE LECTURE

Les dispositions relatives à l'organisation des juridictions et à l'instauration d'un procureur de la République financier, d'une part, et à la faculté reconnue aux associations de lutte contre la corruption de se constituer partie civile, d'autre part, avaient été supprimées par le Sénat en première lecture contre l'avis de votre commission des lois. Cette dernière se félicite donc que l'Assemblée nationale les ait rétablies en nouvelle lecture - sous réserve des dispositions introduites à l'article 15 par un amendement de votre rapporteur et relatives à la résolution des conflits de compétence qui pourraient s'élever entre le procureur de la République financier et d'autres procureurs de la République, que les députés n'ont pas reprises. Votre commission les a donc rétablies en adoptant un amendement de votre rapporteur.

En revanche, votre commission des lois a souhaité réaffirmer sa position sur un certain nombre de points qui lui paraissent importants.

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a de nouveau supprimé l'article 2 bis , relatif à la caractérisation du délit de blanchiment. Sans doute la disposition interprétative adoptée en nouvelle lecture par les députés constitue-t-elle une amélioration par rapport au texte proposé en première lecture par l'Assemblée nationale pour cet article.

Néanmoins, votre commission estime que, même ainsi rédigé, cet article 2 bis continue à soulever des interrogations, notamment en ce qu'il dissocie fortement les éléments constitutifs du délit de blanchiment du crime ou du délit sous-jacent. Procédant toujours à un renversement - certes encadré - de la charge de la preuve, cette disposition ne paraît, en outre, pas justifiée par une jurisprudence excessivement restrictive des juridictions pénales.

En tout état de cause, les conditions de poursuite et de sanction du délit de blanchiment devraient faire l'objet d'un examen global et cohérent - ce que le Parlement sera amené à faire dans le cadre de la transposition de la « quatrième directive blanchiment », actuellement en cours d'élaboration.

À l'article 3 ter , votre commission a par ailleurs rétabli l'obligation pour le Gouvernement de rendre compte à la représentation nationale des signalements effectués par les agents de l'administration fiscale auprès du procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale . Cette demande, introduite par le Sénat, a été supprimée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture sur proposition de Mme Sandrine Mazetier, qui a fait valoir que « se pose la question du contrôle hiérarchique qui pourrait être exercé sur les personnes à l'origine d'un tel signalement : le recensement dans un rapport risque d'accroître ce contrôle et de réduire le nombre de signalements, à l'opposé de l'objectif visé ».

Votre commission ne saurait souscrire à ces arguments, observant, d'une part, que la question des modalités de signalement font l'objet d'une abondante jurisprudence, et, d'autre part, que les signalements effectués sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale constituent une obligation - et non une faculté - pour tout agent public qui ne saurait, dès lors, faire l'objet d'une quelconque pression ni même sanction de la part de son administration pour avoir porté à la connaissance du procureur de la République des faits constitutifs d'un crime ou d'un délit dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

S'agissant de l'étendue de la protection offerte aux « lanceurs d'alerte » ( article 9 septies ), votre commission est également revenue à la position qu'elle avait soutenue en première lecture.

Il lui paraît en effet que seule l'autorité judiciaire , informée le cas échéant par la police ou la gendarmerie, par une autre administration sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale ou par une plainte ou un signalement de toute personne intéressée, a compétence pour rechercher, poursuivre et sanctionner les manquements à la loi pénale. Étendre la protection des « lanceurs d'alerte » aux signalements effectués auprès de personnes privées serait peut-être excessif, le seul recours à la « bonne foi » du lanceur d'alerte n'étant sans doute pas suffisant pour s'assurer, en toutes hypothèses, de l'équilibre du dispositif instauré.

Au demeurant, votre commission observe que le dispositif de protection des « lanceurs d'alerte » en matière de conflit d'intérêts retenu par le Parlement dans le cadre du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique, actuellement soumis à l'examen du Conseil constitutionnel, énumère de façon restrictive les personnes auxquelles le signalement peut être effectué.

Aussi, sur proposition de son rapporteur, a-t-elle précisé de nouveau qu'en matière de crimes et délits, cette protection ne vaudrait que lorsque le signalement est effectué auprès des autorités judiciaires ou administratives .

Sur les preuves illicites ( articles 10 et 10 ter ), votre commission a, de nouveau, rétabli le texte initial du projet de loi, prévoyant que seules les preuves transmises à l'administration fiscale ou aux douanes par l'autorité judiciaire ou par des autorités d'autres pays pouvaient légitimement être utilisées à l'appui d'une procédure de redressement ou d'une perquisition.

Enfin, votre commission a de nouveau supprimé l'article 11 sexies qui tend à faire passer de trois à six ans le délai de prescription du délit de fraude fiscale, confirmant également sur ce point sa position de première lecture.

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Votre commission a adopté le projet de loi ordinaire ainsi modifié et le projet de loi organique sans modification.

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