Rapport n° 126 (2013-2014) de M. Jean-Pierre GODEFROY , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 6 novembre 2013

Disponible au format PDF (421 Koctets)


N° 126

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 novembre 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, de financement de la sécurité sociale pour 2014 ,

Par M. Jean-Pierre GODEFROY

Sénateur,

Rapporteur.

Tome VI :

Accidents du travail et maladies professionnelles

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, MM. Marc Laménie, Jean-Noël Cardoux, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1412 , 1462 , 1470 et T.A. 224

Sénat :

117 et 127 (2013-2014)


Les observations du rapporteur
pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles

Par la voix de son rapporteur, Jean-Pierre Godefroy, la commission se réjouit de ce que la branche renoue avec des excédents qui, s'ils demeurent fragiles et pour le moment modestes, permettent d'espérer un remboursement à terme des déficits. Elle rappelle que parallèlement la branche doit pouvoir développer ses actions et souhaite l'élaboration d'une stratégie pluriannuelle de remboursement permettant d'affecter une partie des excédents à leur financement.

La commission insiste sur la volonté commune des partenaires sociaux gestionnaires de la branche de s'engager pour la prévention et regrette que les réductions de postes envisagées dans les caisses et les organismes financés par la sécurité sociale risquent de briser cette dynamique partagée. Elle incite le Gouvernement à la plus grande vigilance sur ce point avant l'adoption de la prochaine convention d'objectifs et de gestion.

La commission s'inquiète du financement du Fiva et souhaite que l'Etat assume les responsabilités qui lui incombent. Elle s'inquiète d'une sous-estimation possible des dépenses envisagées pour 2014 qui placerait le fonds dans une situation financière intenable. Elle considère que, face à cette situation, l'absence d'une participation au moins symbolique de l'Etat sera difficilement justifiable devant le conseil d'administration du fonds.

Elle souhaite que l'action de la branche AT-MP soit pleinement associée aux mesures de prévention de la pénibilité et souligne que les actions de la branche doivent permettre de protéger les travailleurs et de limiter les expositions.

Elle rappelle son attachement à l' ouverture d'une nouvelle voie d'accès individuelle au Fcaata .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Conformément à sa vocation assurantielle, la branche AT-MP devrait à partir de 2013 renouer avec les excédents. Ce retour est cependant modeste et demeure fragile car il est difficile pour les partenaires sociaux de s'adapter à l'évolution des politiques publiques. Celle-ci se traduit par une participation financière accrue de la branche, parfois pour compenser le désengagement financier de l'Etat mais également par la mise en place de dispositifs nouveaux qui, bien que légitimes, doivent être mis en cohérence avec les objectifs et les instruments de la branche. Ainsi, si votre rapporteur estime nécessaire la prise en compte de la pénibilité pour la retraite, celle-ci ne doit pas aboutir à remettre en cause l'objectif premier de la prévention qui est la disparition des facteurs de risque.

Un exemple est celui du risque cancérogène, mutagène et reprotoxique (CMR).

Depuis l'instauration du plan national d'actions coordonnées (Pnac) mis en oeuvre pour la première fois en 2009 par la branche et qui s'est achevé en 2012, l'objectif de la branche est la « mise en oeuvre de solutions visant à supprimer ou substituer le risque lorsque cela est techniquement réalisable. A défaut, des actions de maîtrise des expositions aux substances et procédés cancérogènes au plus bas niveau techniquement possible sont menées ». Les agents des services de prévention des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) sont intervenus sur la durée du plan dans plus de 6 500 entreprises, identifiant 100 000 salariés exposés et soustrayant plus de 46 500 d'entre eux à au moins un produit cancérogène. Or, les CMR, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, sont visés explicitement comme catégorie d'agent chimique dangereux à l'article D. 4121-5 du même code en tant que facteurs de risque constituant, au sens de l'article L. 4121-3-1 un environnement physique agressif « susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles » sur la santé du travailleur, et constituant de ce fait une condition de pénibilité. Le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, actuellement en cours de discussion par le Parlement, associe à l'exposition à la pénibilité un système de points pouvant « être mobilisés par le titulaire pour participer au financement d'une action de formation professionnelle permettant une reconversion, pour assurer un complément de rémunération lors d'un passage à temps partiel en fin de carrière ou encore pour financer l'acquisition de trimestres supplémentaires majorant la durée d'assurance vieillesse . »

Ce compte de prévention de la pénibilité repose sur l'idée de soustraire le travailleur aux facteurs de risque par la reconversion, la réduction partielle du temps de travail ou la cessation d'activité. Sauf à porter atteinte à la vocation de la branche AT-MP, cette logique doit être complémentaire et subsidiaire par rapport à celle de la prévention collective des sinistres professionnels par la suppression des risques ou l'adoption de procédures de prévention. La priorité de notre système assurantiel de prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles n'est pas la compensation du sinistre subi, mais le maintien de la santé des travailleurs. Dans la mesure où cette prévention n'est pas partout ni systématiquement mise en oeuvre de manière à faire disparaître le risque, il est indispensable qu'une compensation soit mise en oeuvre ; mais il convient de s'assurer que la compensation ne rende pas le risque acceptable voire attractif : cela reviendrait à placer un prix sur la santé des travailleurs.

Une première mesure tendant à assurer la primauté de la disparition du risque a été présentée à votre commission des affaires sociales par le directeur des risques professionnels de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). Les entreprises où des comptes de prévention de la pénibilité seront créés devront, de manière systématique et obligatoire, faire l'objet d'action de préventions organisée par la branche AT-MP afin de faire disparaître les facteurs de risque constituant les conditions de pénibilité.

Ces considérations incitent à une vigilance particulière sur les moyens alloués à la branche AT-MP et sur son fonctionnement. Le volontarisme des partenaires sociaux, tel qu'il se traduit par la convention d'objectifs et de gestion 2014-2017 en cours de finalisation, risque de se trouver limité par la faiblesse durable des marges de manoeuvre financière dont dispose la branche, plombée par une dette de 2 milliards d'euros qui n'a cessé de croître jusqu'à présent.

*

L'année 2012, qui ne devait être que marginalement déficitaire, s'est en effet révélée être l'une des plus critiques en terme d'accumulation de la dette. En effet, le solde pour l'année 2012 est dégradé de près de 600 millions d'euros supplémentaires par rapport au tableau d'équilibre figurant dans le projet de loi initial de financement de la sécurité sociale pour 2013. Les dépenses réalisées, bien qu'augmentées en cours de discussion au-delà des objectifs initiaux, ont été supérieures encore de plus de 400 millions d'euros. Ce déficit est pour l'essentiel imputable au Fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (Fatiacl) qui connaît un déficit de 374 millions d'euros.

Il est à noter qu'en 2013 l'objectif d'excédent de 400 millions ne reste inchangé par rapport aux prévisions de la loi de financement adoptée en 2012 que du fait des arrondis de présentation. Il ne pourra se maintenir proche du montant initialement prévu que si la baisse des dépenses est bien proportionnelle à celle des recettes. Celles-ci doivent baisser de 500 millions d'euros en raison de la faible croissance de la main d'oeuvre qui devrait être inférieure d'un point à celle figurant dans les hypothèses du Gouvernement. Cette faible croissance de la main d'oeuvre devrait avoir mécaniquement un effet sur le montant des dépenses, le nombre de salariés susceptible de subir un dommage du fait du travail se trouvant réduit. L'objectif de recettes figurant dans le PLFSS pour 2014 au titre de l'année 2013 est donc réduit de 13,3 milliards à 12,9 milliards. L'objectif de dépenses pour 2014 est, lui, fixé au niveau initialement prévu pour 2013.

La dette cumulée de la branche figure toujours dans les comptes de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), sans qu'une stratégie de remboursement ait été définie, ce qui implique une gestion au fil de l'eau peu satisfaisante car reposant sur l'hypothèse d'excédents dont on ne peut que constater la fragilité.

Tableau n° 1 : Objectif de dépenses et dépenses réalisées depuis 2007

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013 (p)

2014 (p)

Objectif de dépenses

11,4

11,8

13,0

12,9

13,0

13,3

13,3

13,3

Dépenses réalisées

12,0

12,1

12,5

12,6

13,0

13,7

12,9

Ecart

0,6

0,3

-0,5

-0,3

0,0

0,4

0,4

(p) : prévision

Source : PLFSS pour 2014

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UNE PRÉVENTION ENCORE INSUFFISANTE

Les dépenses et les recettes de la branche AT-MP varient en fonction du nombre de sinistres recensés et de leur gravité, l'objectif premier étant bien sûr de réduire la fréquence et la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles.

En 2012, 1,138 million de sinistres ont été reconnus pour le seul régime général, en nette régression par rapport à 2011 (1,215 million) qui marquait un décrochage heureusement ponctuel par rapport à une tendance longue de réduction du nombre de sinistres. Les données de 2012 sont de ce point de vue plutôt à comparer à celles de 2010 (1,204 million). Un peu plus de 69 % de ces sinistres ont donné lieu à un arrêt de travail, soit 1 point de plus qu'en 2011 et 2 points de plus qu'en 2010. La fréquence des accidents connaît une baisse significative, passant de 36,2 à 35 accidents déclarés de 2011 à 2012 pour 1 000 salariés. Le nombre de maladies professionnelles décroît par rapport à 2011 mais reste, faiblement, supérieur au niveau de 2010. Sur les cinq dernières années, le taux de maladies professionnelles croît de 5 % par an en moyenne : cela correspond à une croissance réelle, même une fois prise en compte l'amélioration du taux de reconnaissance des maladies professionnelles.

A. UN TAUX DE FRÉQUENCE HISTORIQUEMENT BAS DES ACCIDENTS DU TRAVAIL

Les accidents du travail représentent la très grande majorité des sinistres observés en matière professionnelle (82,4 % du total). Le solde se partage entre les accidents de trajet (11 %) et les maladies professionnelles (6,6 %).

1. Des tendances contradictoires

Le nombre d'accidents du travail a nettement régressé au cours des sept dernières années, baissant en moyenne de 3,3 % par an. Le nombre des accidents varie autour de cette tendance, augmentant en 2006-2007, baissant à partir de 2008 malgré une nouvelle augmentation en 2011. Le niveau atteint en 2012 apparaît comme historiquement bas. Il marque en effet une baisse de 6 % par rapport à 2011 mais aussi de 5,4 % par rapport à 2010.

Tableau n° 2 : Nombre d'accidents du travail déclarés

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012*

1 155 300

1 165 000

1 132 400

1 021 400

996 900

1 001 500

943 000

* données estimées

Source : Cnam

2. Une analyse nécessairement multifactorielle
a) Par degré de gravité

Pour ce qui concerne le régime général, l'année 2012 renoue avec l'orientation à la baisse connue en 2008 et 2009, après deux années de hausse.

L' indice de fréquence (IF) atteint ainsi un niveau historiquement bas , inférieur à celui de 2009 et 2010, soit trente-six accidents pour 1 000 salariés : il s'établit à trente-cinq .

Les accidents ayant entraîné un arrêt de travail, dont le nombre avait nettement baissé en 2009 avant de remonter, ont atteint en 2012 leur niveau le plus bas, avec 640 900 cas ; le taux de fréquence des accidents de travail ayant entraîné une incapacité permanente baisse pour sa part de manière régulière sur la longue période.

Tableau n° 3 : Evolution du nombre des accidents de travail avec arrêt pour les années 2007 à 2012

(en italique, taux d'évolution annuelle)

2007

2008

2009

2010

2011

2012(e)

Nombre d'accidents avec arrêt

720 150

703 976

651 453

658 847

669 914

640 900

2,8 %

-2,2 %

- 7,5 %

1,1 %

1,1 %

-4,3%

Source : Cnam, direction des risques professionnels - Statistiques technologiques

b) Par secteurs d'activité

Le nombre et la gravité des accidents varient selon les activités professionnelles.

Les secteurs d'activité qui regroupent le plus grand nombre d'accidents du travail avec arrêt sont, de manière stable : les activités de services et le travail intérimaire (22 %), le BTP (17 %), les services, commerces et industries de l'alimentation (17 %) et les transports, eau, gaz et électricité, livre et communication (14 %).

L'analyse de la fréquence des accidents du travail par secteur d'activité permet de préciser les données qui découlent des chiffres bruts. Le secteur avec le plus haut indice de fréquence (soixante-huit accidents avec arrêt pour 1 000 employés) reste celui du BTP, même si l'indice connaît une légère baisse en comparaison avec 2011. Viennent ensuite l'industrie de l'alimentation et les services, commerces, les secteurs des industries du bois, ameublement, papier carton.

Le fait que le secteur du BTP apparaisse systématiquement comme le plus « accidentogène » montre l'ampleur du travail de prévention à fournir pour ses entreprises. Il convient néanmoins de souligner que le taux de fréquence des accidents de travail avec arrêt a diminué de manière sensible sur les douze dernières années (- 34 %).

3. La nécessité d'une vision globale

Si la Cnam fournit 82,2 % du total des prestations légales versées par les régimes de base au titre de l'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles, l'analyse de la sinistralité des seuls salariés affiliés à ce régime ne peut donner qu'une vision imparfaite de la situation des AT-MP. La situation des agriculteurs salariés ou exploitants (7,4 % des prestations servies) et celle des fonctionnaires des différentes fonctions publiques (3,7 % des prestations) demandent une analyse régulière et approfondie en raison des risques importants qui pèsent sur les professions concernées. Une nouvelle étude épidémiologique de l'Institut de veille sanitaire (InVS) pointe ainsi la surmortalité par suicide des agriculteurs exploitants de 22 % à 29 % par rapport à la population générale 1 ( * ) . Or les données statistiques globales demeurent quasiment inexistantes. Les derniers résultats disponibles sur le nombre d'accidents du travail avec arrêt dans la fonction publique d'Etat et dans la fonction publique hospitalière ont cinq ans. Depuis la synthèse sur la période 2000-2010 effectuée par l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail en 2012, aucune nouvelle analyse n'a été faite de l'évolution de la situation pour les salariés du secteur public. Par ailleurs la mise en commun des données disponibles dans trois des principaux régimes de sécurité sociale : régime général, MSA et CNRACL, afin de construire un certain nombre d'indicateurs de surveillance des risques professionnels, telle qu'elle a été étudiée par l'InVS, reste lettre morte.

Le projet semble toujours achopper sur la question du financement. Ceci est d'autant plus regrettable que, comme l'a indiqué l'année dernière votre rapporteur, la France doit répondre aux exigences du règlement n° 349-2011 de la Commission européenne relative à la transmission des statistiques sur les accidents du travail qui prendra effet pour la France en 2016 (pour l'année de référence 2014) et que la mise en place du dispositif doit, selon l'étude de faisabilité, prendre dix-huit mois.

Votre commission regrette cette situation et appelle à nouveau le ministre du travail et les caisses de sécurité sociale à trouver rapidement une solution.

B. LA PERSISTANCE D'UN TAUX ÉLEVÉ D'ACCIDENTS DE TRAJET

Le nombre d'accidents de trajet, c'est-à-dire ceux survenus sur le trajet séparant la résidence habituelle du salarié et son lieu de travail ou le lieu de travail et celui où le salarié prend habituellement ses repas, baisse en 2012 (7,8 %) pour s'établir à un niveau inférieur à celui de 2008. De manière plus significative, le nombre d'accidents de trajet avec arrêt baisse pour la première fois depuis 2006 (avec une baisse de près de 10 % par rapport à 2011) et s'établit pour 2012 à 4,8 %o. Néanmoins, sur la période 2006-2012, les accidents de trajet avec arrêt connaissent une augmentation de plus de 8,5 %. L'indice des accidents ayant entraîné une incapacité permanente baisse pour sa part faiblement. Il atteint 0,4 %o salariés, mais reste globalement stable en moyenne depuis 2004.

Les secteurs d'activité dans lesquels les accidents de trajet sont les plus nombreux en valeur absolue sont également ceux où l'indice de fréquence est le plus élevé. Il s'agit, cette année encore, des activités de services regroupées dans trois catégories :

- travail temporaire, action sociale, santé, nettoyage ;

- banques, assurances, administrations ;

- commerces, industries de l'alimentation.

Comme les années précédentes, votre commission souhaite que les causes des accidents de trajet puissent être approfondies. Il importe donc d'analyser les circonstances de ces accidents ainsi que les liens qu'ils sont susceptibles d'entretenir avec le travail.

Tableau n° 4 : Evolution du nombre et de la gravité des accidents de trajet
pour les années 2007 à 2012

(en italique, taux d'évolution annuelle)

2007

2008

2009

2010

2011

2012 (e)

Nombre d'accidents avec arrêt

85 442

87 855

93 840

98 429

100 018

90 100

2,9 %

2,8 %

6,8 %

4,9 %

1,6 %

- 10 %

Source : Cnam, direction des risques professionnels - statistiques technologiques

C. UNE SOUS-DÉCLARATION STRUCTURELLE DES MALADIES PROFESSIONNELLES

Le nombre de maladies professionnelles baisse en 2012 pour rejoindre le niveau de 2009 mais reste au-dessus du niveau de 2010. L'année 2011 avait marqué un accroissement particulièrement important avec une progression de 12,8 % (soit dix points de plus qu'entre 2009 et 2010). La baisse enregistrée en 2012 peut donc s'apparenter à un retour vers la tendance de moyen terme plus qu'à l'amorce d'une baisse durable d'autant que le nombre de maladies avec arrêt, s'il baisse effectivement par rapport à 2011 (2 %), est nettement supérieur à tous ceux connus depuis 2006. Sur la période 2006-2012, le nombre de maladies professionnelles a augmenté de 31 %, soit 4,6 % en moyenne annuelle.

Si l'on prend en compte non pas le nombre d'affections (ou syndromes) reconnus, comme le font les statistiques depuis 2007, mais le nombre de personnes atteintes par une maladie professionnelle, l'augmentation sur la période s'établit à 22 %, soit 5 % d'augmentation en moyenne annuelle.

Ainsi le nombre de malades du travail augmente et un nombre croissant d'entre eux souffre de polypathologies.

1. Des maladies professionnelles plus nombreuses et plus graves

L'indice de fréquence des incapacités permanentes liées aux maladies professionnelles augmente (0,1 point), ce qui montre une aggravation des pathologies subies, dans un contexte de réduction du nombre de personnes concernées (9 %). Le nombre de décès baisse pour sa part de manière sensible et s'établit à un niveau inférieur à 2009, année de rupture car le nombre de décès avait augmenté de près d'un tiers par rapport à 2008 pour s'établir à un nouveau plateau. Le nombre de décès constatés en 2012 reste cependant supérieur de près de 100 à celui enregistré en 2008, ce qui interdit d'espérer à ce stade l'amorce d'une nouvelle tendance à la baisse.

Même si l'évolution en pourcentage des statistiques portant sur des nombres heureusement réduits ne doit pas être sur-interprétée, il est difficile de séparer l'augmentation du nombre de décès et les effets des pathologies liées à l'amiante : celle-ci est en effet responsable de 90 % des cancers professionnels.

Tableau n° 5 : Evolution de la gravité de maladies professionnelles pour les années 2007 à 2012

(en italique, taux d'évolution annuelle)

2007

2008

2009

2010

2011

2012 (e)

Nombre de MP avec arrêt

43 832

45 411

49 341

50 688

55 057

54 000

3,6 %

3,6 %

8,7 %

2,7 %

8,6 %

- 2 %

Nombre de MP
avec incapacité permanente

22 625

23 134

24 734

24 961

27 132

29 267

- 0,6 %

2,2 %

6,9 %

0,9 %

8,7 %

7,8 %

Nombre de décès

420

425

564

533

570

523

- 10,1 %

1,2 %

32,7 %

- 5,5 %

6,9 %

-8,2 %

Source : Cnam, direction des risques professionnels - Statistiques technologiques

Les secteurs d'activité les plus pathogènes restent ceux des industries du bois, ameublement, papier-carton (6,6 maladies professionnelles ayant entraîné un arrêt pour 1 000 employés). Ils précèdent les industries de la chimie et le secteur des services, commerce, industries de l'alimentation qui connaissent tous deux un taux de fréquence d'environ 4,5 %o. Malgré de légères baisses à court terme, les indices de fréquence de ces secteurs sont en augmentation depuis 2000.

Sur la période les secteurs où l'évolution est la plus forte sont le commerce non alimentaire (pour lequel le taux de maladies professionnelles a quasiment triplé) et les activités de services et travail intérimaire (+ 272 %).

2. Les principales pathologies d'origine professionnelle

Trois grands types d'affections concentrent l'essentiel des cas de maladies professionnelles reconnues :


• les affections périarticulaires : causées par certains gestes ou postures de travail, elles représentent 78 % des maladies professionnelles entraînant un arrêt de travail reconnues en 2012, première année qui voit leur part décroître mais ce de manière très faible (un point) ;


• les affections dues à l'inhalation de poussières d'amiante constituent 8 % des maladies professionnelles avec arrêt reconnues en 2012 ;


• les affections chroniques du rachis lombaire, enfin, occupent toujours une part importante, et pour la première fois depuis 2006 croissante en 2012, des maladies professionnelles (7 % en 2012 soit un point de plus qu'en 2011).

Les autres pathologies les plus fréquentes sont les surdités, les allergies, les affections respiratoires, ces dernières faisant d'ailleurs sans doute l'objet d'une sous-estimation selon les résultats des études pilotes menées par l'InVS 2 ( * ) .

La répartition est un peu différente si l'on considère les maladies professionnelles qui occasionnent une incapacité permanente. En effet certaines pathologies, en raison de leur gravité, s'accompagnent plus fréquemment que d'autres d'une incapacité permanente. C'est notamment le cas des maladies de l'amiante : l'an passé, 90 % des maladies de l'amiante ayant donné lieu à un arrêt de travail se sont accompagnées de la reconnaissance d'une incapacité permanente, contre 50 % en moyenne pour l'ensemble des maladies professionnelles, de sorte que les seules maladies dues à l'amiante représentent 14 % des maladies avec incapacité permanente. A contrario , les maladies périarticulaires, généralement moins graves, représentent 69 % du total des maladies professionnelles avec incapacité permanente.

3. Une imputation toujours aussi difficile des pathologies du travail

Certains accidents et maladies professionnelles ne sont pas comptabilisés dans les statistiques de la Cnam parce qu'ils n'ont pas été déclarés ou reconnus comme tels. Les dépenses qu'ils occasionnent sont alors prises en charge par la branche maladie. Depuis 1997, la branche AT-MP effectue chaque année un reversement à la branche maladie pour compenser ces sommes indûment mises à sa charge. Une commission, présidée actuellement par Noël Diricq, conseiller maître à la Cour des comptes, se réunit régulièrement pour évaluer les montants financiers en jeu. Elle a remis son dernier rapport en juin 2011.

a) Le phénomène de sous-déclaration

Plusieurs facteurs concourent à une sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Les accidents du travail doivent être déclarés par l'employeur à la caisse de sécurité sociale compétente tandis que les maladies professionnelles doivent être déclarées par la victime.

La réticence de certains employeurs à déclarer les accidents du travail peut s'expliquer par leur souci d'éviter une hausse de leurs cotisations AT-MP. Le taux de cotisations est en effet plus élevé lorsque le nombre de sinistres constatés dans l'entreprise s'accroît. Plus généralement, la volonté de certaines entreprises d'apparaître exemplaires aux yeux de leurs salariés ou de leurs clients pourrait conduire à la dissimulation d'accidents mineurs.

Le rapport Diricq note des comportements de dissimulation qui s'expliquent par la réticence à afficher des taux de sinistralité élevés ou en hausse :

- non-déclaration d'accidents ;

- pressions sur les salariés ;

- accompagnement du salarié chez le médecin par une personne de l'entreprise et prise en charge des soins par cette dernière ;

- pressions sur les médecins de ville pour qu'ils n'accordent pas d'arrêt de travail au motif que le salarié va se voir proposer un poste aménagé.

Quant à la sous-déclaration des maladies professionnelles, elle résulte pour une large part du manque d'information des victimes, qui ne connaissent pas toujours la nocivité des produits qu'elles manipulent ni leurs droits au regard de la sécurité sociale. Un salarié peut également s'abstenir de déclarer une maladie professionnelle par crainte de perdre son emploi. La complexité des démarches de reconnaissance et le caractère forfaitaire de la réparation offerte par la branche AT-MP peuvent conduire certaines victimes à estimer qu'il est préférable, sur le plan financier, d'emprunter une autre voie d'indemnisation.

Par ailleurs, les médecins de ville comme les praticiens hospitaliers ont rarement le réflexe de s'interroger sur l'éventuelle origine professionnelle d'une pathologie, surtout si celle-ci est multifactorielle, c'est-à-dire susceptible de résulter à la fois de facteurs professionnels et personnels. Ce rapport insiste sur l'insuffisance de la formation et de l'information des médecins, le manque d'effectifs des médecins du travail. Il souligne également, comme la Cour des comptes, les difficultés liées à l'enregistrement des soins et prestations en AT-MP par les professionnels de santé et la non-imputation des dépenses AT-MP par les établissements de santé. Il convient par ailleurs de souligner que certaines entreprises, tout en déclarant ces accidents de travail et en reconnaissant les maladies professionnelles, font pression sur les salariés afin qu'ils anticipent leur retour au travail. Le nombre d'indemnités journalières se trouve donc réduit. Cette attitude qui s'exerce au détriment des droits des salariés et de leur santé conduit de plus en plus souvent à un retour sur un poste mal adapté à la situation physique de la victime.

b) La sous-reconnaissance des maladies professionnelles

Une maladie est reconnue d'origine professionnelle :

- si elle figure dans un des tableaux, fixés par décret en Conseil d'Etat, qui recensent les maladies présumées être d'origine professionnelle (63 703 maladies reconnues en 2012) ;

- ou si le salarié est reconnu atteint d'une maladie professionnelle par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), dont l'avis s'impose à la caisse de sécurité sociale en application de l'alinéa 3 ou de l'alinéa 4 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.

Tableau n° 6 : Nombre de maladies professionnelles reconnues par dérogation aux critères des tableaux (alinéa 3) et en dehors des tableaux (alinéa 4)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Affections rhumatologiques

3 150

3 634

4 429

4 926

5 527

6501

Affections amiante

524

458

462

466

510

515

Surdité

245

272

248

233

230

249

Affections respiratoires

84

166

113

146

158

176

Affections de la peau

16

26

79

29

37

38

Autres pathologies

162

119

132

113

102

122

Nombre de pathologies reconnues au titre de l'alinéa 3

4 181

4 675

5 463

5 913

6 564

7 598

Nombre de pathologies reconnues au titre de l'alinéa 4

176

186

227

235

258

299

Source : Cnam

Cette procédure peut ne pas être exempte de défaillances. Des pathologies émergentes ou mal connues peuvent ne pas figurer sur les tableaux de maladies professionnelles.

Un autre problème, de nature scientifique cette fois, tient à la difficulté à déterminer la cause exacte d'une affection. La ligne de partage entre les maladies professionnelles et les autres peut être délicate à tracer, ce qui explique que les taux de reconnaissance puissent différer de façon significative d'une CPAM à une autre.

Le nombre de maladies reconnues par dérogation aux critères des tableaux ou en dehors de ceux-ci a quasiment doublé depuis 2005. Ce résultat est ambigu car, s'il établit d'une part la nécessité du système complémentaire de reconnaissance prévu aux alinéas 3 et 4 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, la part croissante de pathologies reconnues par ce moyen tend à indiquer une inadaptation grandissante des tableaux de pathologies prévues. Même si votre rapporteur connaît la grande difficulté à mener à bien l'actualisation de ces tableaux, ceci ne doit pas aboutir à les priver progressivement de toute utilité.

c) Evaluation du phénomène et de ses conséquences

Si la sous-déclaration des accidents du travail a été jugée relativement faible, la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles seraient de plus grande ampleur. Il convient cependant d'être prudent en la matière, puisqu'elles sont appréciées à l'aide d'études épidémiologiques relatives au nombre de sinistres d'origine professionnelle, qui portent uniquement sur certaines pathologies et reposent sur des méthodologies et des hypothèses complexes.

Pour évaluer le coût de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance, la commission Diricq a d'abord estimé le nombre de sinistres non pris en compte dans les statistiques de la Cnam et l'a rapporté au coût moyen attaché à ces accidents et maladies. Compte tenu des incertitudes qui viennent d'être indiquées, elle a abouti à une fourchette assez large, comprise entre 587 millions et 1,1 milliard d'euros.

Le précédent exercice d'évaluation, réalisé en 2008, avait conclu à une fourchette comprise entre 564 millions et 1,01 milliard. L'estimation a crû à chaque rapport de la commission et s'établit en 2011 à 230 millions d'euros de plus qu'en 2005. Ainsi, même si l'essentiel des préconisations de la commission réunie en 2008 a connu des mesures d'application, l'ampleur du phénomène de sous-déclaration paraît s'être accentuée.

L'approfondissement des travaux de la commission Diricq s'est trouvé limité par le faible nombre d'études épidémiologiques nouvelles susceptibles de permettre l'évaluation de la sous-déclaration de pathologies non incluses précédemment ou de préciser les estimations sur des pathologies déjà étudiées. Le dynamisme de l'épidémiologie française est essentiel pour la prise de décision en matière de santé publique et pour clarifier l'imputabilité des pathologies. Il doit donc être soutenu par le Gouvernement.

A la suite du rapport de la commission Diricq, le Gouvernement a décidé de porter le montant du versement à la Cnam à 790 millions d'euros en 2012 contre 710 millions les trois années précédentes. Ce montant serait reconduit pour 2014 comme il l'a été en 2013.

Nouvelles suites données aux principales propositions et recommandations
émises en juin 2011 par la commission instituée par l'article L. 176-2
du code de la sécurité sociale, présidée par Noël Diricq

Recommandation :

Concernant les médecins : amélioration de leur formation et information, notamment à travers des enseignements obligatoires relatifs aux maladies professionnelles au cours de leur cursus universitaire, la sensibilisation des présidents d'université à cette thématique et l'élaboration d'outils d'information par les sociétés médicales savantes ;

Suite donnée en 2013 : Dans le cadre du deuxième cycle des études de médecine, un arrêté du 8 avril 2013 relatif au régime des études en vue du premier et deuxième cycles des études médicales prévoit une unité d'enseignement relative notamment à la santé au travail, dans le cadre du tronc commun des objectifs généraux de la formation. Elle porte sur l'environnement professionnel et la santé au travail, l'organisation de la médecine du travail et la prévention des risques professionnels, les accidents du travail et les maladies professionnelles.

II. DES EXCÉDENTS FRAGILES

Après un exercice 2012 qui s'est avéré considérablement plus déficitaire que prévu (600 millions au lieu des 100 millions prévus dans la LFSS 2012 pour l'ensemble des régimes obligatoires de base), la branche devrait parvenir en 2013 à dégager un excédent de l'ordre de 400 millions d'euros grâce à une baisse proportionnelle des recettes et des charges liée à la faible croissance de la masse salariale et à la baisse conjoncturelle des transferts. L'augmentation particulièrement importante du transfert vers le Fiva prévu pour 2014 réduit nécessairement les excédents potentiels de la branche qui devraient s'établir à 100 millions d'euros. Les prévisions figurant dans l'annexe B du PLFSS, qui reposent sur une hypothèse de reprise soutenue de la croissance de la masse salariale, laissent néanmoins espérer que les excédents dégagés sur les quatre prochaines années permettent effectivement d'apurer la dette cumulée, de 2,2 milliards d'euros. Ceux-ci devraient en effet atteindre 1 milliard d'euros en 2017.

L'équilibre des comptes s'impose à la branche en raison de sa vocation assurantielle, son rétablissement après plusieurs années de déficit doit donc être vu comme un retour à la normale. De même, le choix fait par le Gouvernement, en accord avec les partenaires sociaux, d'affecter les excédents anticipés au remboursement de la dette de la branche tend à résoudre un problème lourd. Votre rapporteur regrette cependant que les partenaires sociaux n'aient pu s'entendre sur un remboursement plus rapide des déficits passés. Les prévisions de solde s'avérant fragiles, une dégradation bien plus importante que prévu de la dette a précédé le retour attendu des excédents, ce qui repousse d'un an de plus la possibilité de remboursement total.

A. DES RECETTES EN AUGMENTATION

1. Les recettes de la branche

Les recettes de la branche AT-MP se composent, en 2012, de 95,1 % de cotisations patronales nettes, de 0,2 % de cotisations prises en charge par l'Etat, de 2,5 % de recettes fiscales affectées et de 2,4 % de produits divers (recours contre tiers, produits financiers, produits de gestion courante...). Les cotisations prises en charge par l'Etat ne représentent plus que 0,01 % de recettes de la branche.

Le taux de cotisation AT-MP, fixé à 2,285 % depuis 2006, a été augmenté de 0,1 point en 2011 et devrait être augmenté à nouveau de 0,05 point en 2013 . Il s'établirait donc à 2,435 % . Il s'agit là d'un taux moyen, le taux effectivement appliqué à chaque entreprise variant en fonction du nombre de sinistres qui lui sont imputables au cours des trois dernières années et avec la taille de l'entreprise.


La détermination du taux de cotisation d'une entreprise


• Les principes de tarification

Le système de tarification est fondé sur un triple principe :

- une prise en charge par le seul employeur ;

- un souci de prévention, le montant de la cotisation étant fixé selon le degré de risque de chaque entreprise ;

- un principe de mutualisation, intrinsèquement lié à la nature assurantielle du système de sécurité sociale.


• Le calcul du taux de cotisation

En application de ces principes, le taux de cotisation est actualisé chaque année et déterminé pour chaque entreprise selon la nature de son activité et selon ses effectifs.

Le taux net , qui est en fait le taux exigible, est la somme d'un taux brut et de trois majorations spécifiques.

Le taux brut est le rapport, pour les trois dernières années de référence, entre les prestations servies en réparation d'accidents ou de maladies imputables à l'entreprise du fait de sinistres déclarés avant 2010 et les salaires. Pour les sinistres déclarés depuis 2010, ils sont pris en compte au travers d'un coût moyen dans le cadre de la réforme progressivement mise en place depuis 2012 et qui sera pleinement effective en 2014 .

Selon la taille de l'entreprise, ce taux brut est :

- celui calculé pour l'ensemble de l'activité dont relève l'établissement : c'est le taux collectif pour les entreprises de moins de vingt salariés ;

- celui calculé à partir du report des dépenses au compte de l'employeur : c'est le taux réel pour les entreprises de 200 salariés et plus ;

- pour les entreprises dont les effectifs sont situés entre 20 et 149 salariés, la tarification est dite mixte, le calcul se faisant en partie selon le taux collectif et en partie selon le taux réel, la part de ce dernier augmentant avec les effectifs.

Au taux brut sont ajoutées trois majorations forfaitaires identiques pour toutes les entreprises et activités, pour tenir compte :

- des accidents de trajet (M1) ;

- des charges générales, des dépenses de prévention et de rééducation professionnelle (M2) ;

- de la compensation entre régimes et des dépenses qu'il n'est pas possible d'affecter à un employeur, inscrites au compte spécial « maladies professionnelles » (M3).


• Le rôle de la branche

La commission des AT-MP est chargée de fixer, avant le 31 janvier, les éléments de calcul des cotisations, conformément aux conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale déterminées par les lois de financement. A défaut, ils sont déterminés par arrêté interministériel.

Puis les caisses régionales d'assurance maladie déterminent le taux de cotisation de chaque entreprise, à partir des informations collectées régionalement et des éléments fixés par la commission. Elles disposent en outre d'une possibilité d'appliquer soit des cotisations supplémentaires, soit des ristournes, pour inciter les entreprises à mieux encadrer les risques professionnels.

Tableau n° 7 : Les recettes de la branche AT-MP du régime général

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014 (e)

PRODUITS

10 510,8

11 339,4

11 524,5

11 770,5

12 050,8

Cotisations patronales nettes

8 221,6

10 725,6

10 957,8

11 383,3

11 641,8

Cotisations prises en charge par l'Etat

23,0

4,6

1,0

0,2

0,2

Impôts et taxes affectés

1 910,3

296,1

293,0

119,6

113,3

Transferts entre organismes de sécurité sociale

4,6

2,3

3

2,5

2,4

Divers produits techniques dont :

334,8

281,0

230,4

222,3

244,9

Recours contre tiers

288,8

187,9

223,7

215,5

238,1

Produits financiers

1,1

1,5

0,6

0,0

0,0

Source : Direction de la sécurité sociale

2. L'évolution contrastée des différentes recettes

En 2012, les cotisations nettes ont progressé comme la masse salariale de 2,2 % et contribué à la hausse de l'ensemble des produits nets. Les remboursements de cotisations versées par la branche suite à des litiges avec les employeurs se sont réduits mais cet effet a été compensé par l'obligation imposée par la Cour des comptes de prévoir une provision sur les contentieux. Celle-ci a été fixée à 49 millions d'euros ce qui augmente la part mutualisée des cotisations.

En 2013, les cotisations seraient plus dynamiques que la masse salariale dont la croissance est prévue à 1,3 %, en raison de l'augmentation des taux de cotisations AT-MP votée en LFSS pour 2013. A l'inverse, la branche ne bénéficierait plus en 2013 de la fraction des droits de consommation sur les tabacs qui lui avait été temporairement attribuée en LFSS pour 2011.

En 2014, dans l'hypothèse d'une stabilité du poids des litiges et des conditions de recouvrement, les cotisations nettes de la branche progresseraient à un rythme voisin de celui de la masse salariale du secteur privé en 2014 (+ 2,3 %), et les recettes nettes augmenteraient de 2,4 %.

Tableau n° 8 : Les paramètres de l'évolution des recettes de la Cnam AT-MP

2010

2011

2012

2013 (e)

2014 (e)

Masse salariale du secteur privé

2,0 %

3,6 %

2,2 %

1,30 %

2,2 %

- effectifs du secteur privé

- 0,2 %

1,0 %

0,0 %

-0,60 %

0,1 %

- salaire moyen du secteur privé

2,2 %

2,6 %

2,2 %

1,9 %

2,1 %

Source : Direction de la sécurité sociale

B. UNE AUGMENTATION FAIBLE DES CHARGES

1. La structure des charges de la branche du régime général

Les dépenses de prestations (légales, extralégales et autres, augmentées des obligations comptables) représentent en 2012 près de 75 % des charges de la branche. Les transferts techniques vers d'autres régimes et fonds (mines, salariés agricoles, Cnam maladie, Fcaata, Fiva, Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie...) comptent pour 17,2 % des charges ; le reste est constitué des charges de gestion courante et de diverses charges techniques, ces dernières comprenant la provision passée au titre des déficits du Fcaata.

En 2012 , les charges nettes ont progressé moins rapidement que prévu, de 1,2 %, en raison de la stabilité des prestations d'incapacité permanente en volume ainsi que du recul des dépenses de soins de ville et d'indemnités journalières liées aux accidents du travail.

En 2013 , la progression des dépenses de prestations légales nettes serait un peu plus rapide avec une hausse de 1,7 %. Cette hausse résulterait de l'augmentation des prestations de ville et de la progression en volume des rentes d'incapacité permanente.

L'accélération des prestations légales serait amplement compensée par un recul de 16,2 % des charges techniques sous les effets d'une baisse conjoncturelle de 200 millions d'euros de la dotation au Fiva et d'un transfert nul au titre de la pénibilité, qui conjointement atténueraient de 2,6 points la croissance des charges nettes. Dans une moindre mesure, les allocations de préretraite du Fcaata se réduiraient de 6,8 % et contribueraient pour - 0,3 point à la progression des charges. Au total, les charges nettes de la branche se contracteraient de 1,9 %.

En 2014 , les prestations légales nettes d'incapacité temporaire augmenteraient en raison de la croissance de 3,9 % des IJ AT. L'absence, comme en 2013, de transfert au titre de la pénibilité limiterait la hausse des charges. A l'inverse, la dotation au Fiva, transitoirement abaissée en 2013, retrouverait non seulement son niveau de 2012 (315 millions d'euros) mais augmenterait de 120 millions d'euros pour atteindre 435 millions d'euros. Au final, les charges nettes après mesures du PLFSS 2014 devraient s'élever à 12 milliards d'euros, en hausse de 4,4 % par rapport à 2012.

2. Une obligation : la prise en charge des victimes de l'amiante

Près d'un cinquième des charges de la branche AT-MP est constitué de dépenses de transfert vers d'autres régimes de sécurité sociale, vers la branche maladie du régime général ou vers différents fonds, notamment ceux dédiés aux victimes de l'amiante. Ces charges reculent en 2014 comme en 2013 sous l'effet de la disparition du transfert à la Cnav. A l'inverse, la dotation du Fiva retrouve son niveau de 2012, l'augmentation de 120 millions d'euros prévue l'an prochain s'apparentant à un rattrapage, partiel, de la baisse enregistrée en 2013.

La charge des transferts est globalement croissante sur la période  2004-2014, l'année 2013 faisant figure d'exception.

Tableau n° 9 : Les principaux transferts à la charge de la branche AT-MP

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013 (e)

2014 (e)

Mines

545,2

436,1

443,7

407,4

400,9

375,7

358,0

343,6

MSA

113,3

115,6

114,5

110,9

114,9

117,4

117,4

116,7

Branche maladie

410,0

410,0

710,0

710,0

710,0

790,0

790,0

790,0

Branche vieillesse

na

na

na

na

35,0

110,0

0

0

Fcat

44,0

38,3

34,5

28,5

27,9

23,5

20,0

17,4

Fcaata

800,0

850,0

880,0

880,0

890,0

890,0

890,0

821,0

Fiva

315,0

315,0

315,0

315,0

340,0

315

115

435,0

Total des principaux transferts

2 227,5

2 165,0

2 497,7

2 451,8

2 518,7

2 621,6

2 290,4

2523,7

Source : Cnam

a) Les transferts à la branche maladie et à la branche vieillesse

La branche AT-MP du régime général assure des transferts de compensation vers les régimes de sécurité sociale dont les effectifs diminuent, notamment les régimes des mines et des salariés agricoles, afin de les aider à faire face à leurs obligations financières. Le montant du transfert au régime agricole et la compensation au régime des mines seraient en baisse en 2014.

Elle effectue, on l'a vu, un reversement à la branche maladie du régime général pour compenser la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des AT-MP ; pour 2014 , ce reversement s'élève à 790 millions.

La LFSS pour 2011 a également mis à la charge de la branche AT-MP une contribution à la branche vieillesse tendant à compenser le coût du dispositif de départ en retraite anticipé au titre de la pénibilité. Cette contribution est passée de 35 millions d'euros en 2011 à 110 millions en 2012. Elle a été supprimée en 2013 et à nouveau en 2014 en raison du faible nombre de dossiers susceptibles de répondre aux critères actuels de reconnaissance de la pénibilité. Votre rapporteur a eu l'occasion de souligner les limites du système actuel et les difficultés que pose son financement par la branche AT-MP.

b) La contribution aux fonds de l'amiante

L'indemnisation des victimes de l'amiante repose sur deux dispositifs principaux : le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), institué par la LFSS pour 1999, et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), créé par la loi de financement pour 2001.

Le Fcaata verse aux salariés ayant été exposés à l'amiante une allocation de cessation anticipée d'activité et s'assimile donc à un régime de préretraite. Le Fiva complète l'indemnisation offerte par les régimes de sécurité sociale afin que les victimes de l'amiante obtiennent une réparation complète de leur préjudice.

Bien que les sommes versées par ces fonds n'entrent pas dans le champ des prestations du régime général, la branche AT-MP du régime général en est le principal financeur. Depuis 2012, l'ensemble des dépenses et recettes du Fcaata est intégré dans le compte de la branche. En 2014, le montant versé aux deux fonds serait de 1,235 milliard d'euros (821 millions pour le Fcaata, 435 millions pour le Fiva). Par rapport à 2013 il baisse de 69 millions pour le Fcaata mais augmente considérablement pour le Fiva (+ 320 millions). La dotation de 115 millions votée en 2013 reposait sur la prise en compte du fond de roulement accumulé par cet organisme. En fait l'accélération heureuse du rythme de règlement des dossiers par le Fiva a considérablement accru ses besoins par rapport aux estimations faites en 2012. Il est donc nécessaire de prévoir non seulement un retour à la dotation tendancielle de la branche mais encore une augmentation de celle-ci. S'il se félicite de l'efficacité retrouvée du Fiva, votre rapporteur regrette que l'intégralité de l'effort financier repose sur la branche AT-MP alors que le PLF envisage l'absence de dotation de l'Etat (50 millions d'euros en 2012) pour 2014 comme pour 2013 et sans garantie pour l'avenir .

Votre rapporteur rappelle que, s'agissant de la participation de l'Etat, la mission d'information sénatoriale avait émis une préconisation, reprise depuis par la Mecss, tendant à ce que l'Etat assume un tiers de la dotation du Fiva. Il regrette que cette solution d'équité ne semble pas être envisagée.

La part des charges liées à l'amiante rapportée aux dépenses totales de la branche AT-MP pour le régime général est passée de 12,8 % en 2001 (1 milliard sur 8,4 milliards de charges) en 2012, elle atteint 18,8 % des charges. En 2014, la part des charges renouerait avec cette tendance longue après la baisse enregistrée en 2013 du fait de la réduction importante de la dotation au Fiva.

Cette évolution s'explique principalement par la croissance des dotations au Fcaata, qui ont été multipliées par plus de quatre entre 2001 et 2011 en raison de la montée en charge du dispositif. En 2014, pour la première fois, la dotation au Fcaata baisserait de 69 millions.

La stabilisation des dépenses du Fcaata

Le financement du fonds est assuré, pour l'essentiel (97 %), par la branche AT-MP du régime général, dont la contribution devrait baisser pour la première fois en 2014 depuis la création du fonds pour se situer à 821 millions.

Tableau n° 10 : Financement du Fcaata

(en milliers d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013 (e)

2014 (e)

Contributions de la branche AT-MP du régime général

850 000

880 000

880 000

890 000

890 000

890 000

821 000

Fraction des droits sur les tabacs

30 324

31 137

32 654

34 000

34 000

34 000

34 000

Contribution MSA

-

300 000

260 000

600

600

600

600

Contribution sur les entreprises

34 402

- 2 735

- 4 832

- 1

0

0

0

Produits financiers

564

189

46

0

0

0

0

Reprise sur provisions

930

6 114

394

Total

916 220

915 005

908 522

924 000

925 000

925 000

856 000

Source : rapport annuel du Fcaata

Après de nombreuses années durant lesquelles les charges de ce fonds ont été supérieures à ses recettes, leur montant s'est stabilisé après 2009 et décroît depuis cette date. Les recettes ont pour leur part continué à augmenter jusqu'en 2013 permettant au Fcaata de présenter un résultat net excédentaire depuis 2010.

Cette situation s'explique par l'accroissement régulier des sorties du dispositif (plus de 6 000 par an) car les bénéficiaires arrivent à l'âge de la retraite, et par la réduction du nombre d'entrants (4 300 prévus en 2014). Depuis 2008, le nombre d'allocations en cours de versement est en baisse. En 2014, le nombre d'allocataires devrait atteindre 22 000 personnes contre 33 900 en 2007.

Cette situation permet au fonds de rembourser progressivement son déficit cumulé qui devrait être entièrement résorbé en 2014. Il convient toutefois de noter l'amorce d'un décrochage entre le nombre d'allocations servies et les charges totales du Fcaata. En effet, l'article 87 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a maintenu les conditions de départ en retraite des allocataires. En conséquence, l'article 98 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a mis à la charge du Fcaata, et donc de la branche AT-MP, un versement à la Cnav destiné à compenser les charges pesant sur les régimes de retraite. Cette allocation a cru régulièrement en charge et devrait atteindre 67 millions en 2013.

Tableau n° 11 : Résultats financiers du Fcaata

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013 (p)

2014 (p)

Résultat net

- 12

- 11

8,7

50,5

64

102

58

Fonds propres

- 272

- 284

- 275

- 225

- 160

- 58

0

(p) prévisions

Source : Direction de la sécurité sociale

Tableau n° 12 : Dépenses du Fcaata

(en millions d'euros)

2008

%

2009

%

2010

%

2011

%

2012 (p)

%

2013 (p)

%

2014 (p)

%

Charges

929

1,2

926

- 0,2

900

- 2,9

874

- 2,9

851

- 2,6

822

- 4,1

798

-2,9

(p) prévisions

Source : Direction de la sécurité sociale

Une question encore pendante : l'ouverture d'une nouvelle voie d'accès individuelle au dispositif de cessation anticipée d'activité
des travailleurs de l'amiante

En 2008 un groupe de travail présidé par M. Jean Le Garrec a remis au ministre du travail un rapport sur le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante intitulé « Propositions pour une réforme nécessaire et juste ». La réforme devait s'inscrire dans le respect des trois objectifs suivants : équité, faisabilité et soutenabilité financière.

La principale proposition du rapport consistait à envisager l'établissement d'une liste de métiers afin de permettre aux salariés qui ont été les plus exposés de pouvoir bénéficier du dispositif. Il est apparu après expertise de l'administration qu'une telle liste de métiers devrait s'articuler avec le dispositif actuel de liste d'établissements, être ciblée sur les métiers les plus exposés en fonction de critères préalablement définis et garantir une gestion pratique et homogène des demandes présentées.

Un premier travail de recensement des métiers a été effectué conjointement par les services de la Cnam, de la direction de la sécurité sociale et de la direction générale du travail. En outre, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a été saisie en mai 2009 afin d'établir une synthèse des connaissances scientifiques et techniques nationales et internationales sur les expositions professionnelles à l'amiante. L'agence a rendu en mai 2011 son rapport sur le sujet.

Ce dernier présente d'abord les bases de données existantes en matière de niveaux d'exposition professionnelle, puis présente les résultats de l'exploitation de différentes expérimentations de suivi post-professionnel de personnes exposées à l'amiante sous l'angle d'une approche par exposition, et présente enfin les modalités de fonctionnement des dispositifs de reconnaissance et d'indemnisation des victimes de l'amiante en Europe. Il conclut à la faisabilité technique d'une nouvelle voie d'accès individuelle au Fcaata.

Aucune modification du dispositif n'est cependant intervenue à ce jour en raison de la difficulté à évaluer les coûts associés aux différents scénarii et de celle que représenterait pour les salariés la charge de la preuve de l'exercice d'un des métiers listés, dans la mesure où les bulletins de salaire antérieurs à 1990 ne mentionnaient bien souvent pas le métier exercé.

Toutefois, en application de l'article 90 de la LFSS pour 2013, le Gouvernement devait remettre au Parlement, avant le 1 er juillet 2013, un rapport sur les modalités de création d'une nouvelle voie d'accès individuelle au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. L'élaboration de ce rapport a été confiée à une mission de l'Inspection générale des affaires sociales dont les travaux sont encore en cours.

Cette situation ne paraît pas satisfaisante à votre rapporteur qui note le blocage de l'évolution de l'accès au Fcaata qui résulte de l'absence de l'ouverture d'une voie individuelle mais également de la nécessité pour les personnes exposées d'engager un contentieux et d'obtenir une injonction judiciaire pour faire inscrire un établissement de flocage, de calorifugeage et de fabrication de l'amiante sur la liste ouvrant droit à l'accès au dispositif de cessation anticipée d'activité.

Une augmentation continue des charges du Fiva

La situation financière du Fiva longtemps plus saine que celle du Fcaata, dans la mesure où les dotations qu'il a obtenues ont excédé ses dépenses jusqu'en 2004, est désormais plus fragile du fait de la résorption en 2013 de ses déficits cumulés.

Tableau n° 13 : Situation financière du Fiva

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013 (p)

2014 (p)

CHARGES

465

400

481

530

480

PRODUITS

429

485

433

233

540

Contribution de la branche AT-MP

315

340

315

115

435

Contribution de l'Etat

48

48

47

0

0

Autres produits (dont reprise sur provisions)

67

97

71

118

115

Résultat net

- 36

84

- 48

-297

60

Résultat cumulé depuis 2001

258

345

298

0

60

(p) prévisions

Source : Fiva, huitième rapport d'activité

Depuis la création du fonds et jusqu'au 31 décembre 2012, le Fiva a adressé aux seules victimes directes de l'amiante 73 374 offres. Les dépenses d'indemnisation cumulées depuis 2002 atteignent un montant total de 3,523 milliards d'euros.

L'année 2012 se caractérise par une diminution du nombre de demandes d'indemnisation déposées par les victimes directes (4 414 demandes contre 5 508 en 2011). A l'inverse, le nombre total des offres d'indemnisation notifiées a augmenté (7 567 contre 7 125 en 2011). L'année 2012 a été marquée par une activité très importante des services du fonds, ceux-ci ayant proposé 19 201 offres d'indemnisation au total et le montant total des indemnisations (provisions incluses) a atteint 472 millions d'euros.

En 2012, la part des pathologies graves est plus importante que les années précédentes et représente près de 38 % des demandes (5,4 % de victimes d'asbestoses, 20,4 % de victimes de cancers broncho-pulmonaires et 12,3 % de victimes d'un mésothéliome).

L'effort accompli en 2012 et 2013 a permis de mettre fin à l'allongement des délais de présentation des offres qui se rapproche désormais des délais légaux (9 mois fin septembre 2013 au lieu des 6 mois prévus par la loi, mais moins que les 11 mois de délai moyen constatés fin 2012). Le contrat de performance 2014-2016 qui doit être signé en début d'année prochaine doit permettre d'améliorer les conditions de prise en charge des victimes de l'amiante.

Dans l'appréciation des délais relatifs aux offres, il convient néanmoins de distinguer deux types de demandes : les demandes pour aggravation et les demandes d'ayants droit. Or, le premier type de demande entraîne normalement un montant d'indemnisation élevé (125 000 euros pour un mésothéliome et 136 000 pour un cancer pulmonaire en 2009), en lien avec la gravité de la pathologie, alors que les demandes des ayants droit, portant, pour la plupart d'entre elles, sur le seul préjudice moral, sont indemnisées selon un barème faible (23 900 euros pour le conjoint, 5 400 euros pour un enfant hors du foyer, en application du barème revalorisé d'avril 2008).

En 2013 les dépenses d'indemnisation ont été plus importantes que prévu et ont conduit au vote d'un budget modificatif par le conseil d'administration en octobre 2013. Au total 455 millions d'euros auront été nécessaires au lieu des 355 prévus. Quatre facteurs expliquent cette situation :

- une sous-estimation initiale des besoins de la branche par les tutelles ;

- un report important lié à une augmentation du nombre d'offres sur la fin 2012 dont le paiement a effectué en 2013 (29 millions de plus de report sur les neuf premiers mois de 2013 que sur la même période en 2012) ;

- un nombre d'offres croissant. Sur les neufs premiers mois de l'année, le nombre d'offres globales faites en 2013 est en hausse de 22,5 % ;

- un mode de fonctionnement du service financier plus efficace avec un délai moyen de paiement des offres acceptées de deux mois et une semaine (le délai légal est de deux mois).

La gestion du Fiva en 2012 a été marquée par les conséquences de l'annulation par la Cour de cassation des décisions de la cour d'appel de Douai entrainant une augmentation de l'indemnisation perçue par les victimes de l'amiante.

Le 28 juin 2012, la ministre des affaires sociales et de la santé et le ministre délégué au budget ont demandé au Fiva d'accorder une remise gracieuse totale du supplément d'indemnisation que les victimes avaient reçu initialement au titre du préjudice corporel en application de la décision de la cour d'appel. Le champ d'application de cette décision a été étendu par le conseil d'administration du fonds par une délibération du 29 octobre 2012 aux victimes concernées par des arrêts de la Cour de cassation rendus à la suite d'un pourvoi effectué par le Fiva sur la question de la déduction des indemnités versées par les organismes de sécurité sociale. Au total, 666 dossiers sont concernés.

Il convient de souligner que les sommes perçues par les victimes à raison de l'imputation par la cour d'appel sur la rente AT-MP due par le Fiva des prestations versées par la sécurité sociale à raison du même préjudice devront pour leur part être remboursées. Les victimes pourront toutefois obtenir des délais de paiement voire une remise partielle ou totale des sommes dues. Un protocole entre la directrice et l'agent comptable sera proposé lors d'un prochain conseil d'administration pour le traitement de ces remises exceptionnelles pour définir dans quelles conditions sont traités les recouvrements de créances et mises en oeuvre de remises. La décision du Gouvernement ne devrait donc pas aboutir à maintenir la double indemnisation de certaines victimes même si le Fiva n'a encore reçu aucun remboursement sur les titres de créance qu'il a émis.

Votre rapporteur approuve ce qui parait être une solution d'équité. Il regrette cependant la très importante charge de travail qui pèse sur les services du Fiva . Ceci est d'autant plus regrettable que les conséquences juridiques et financières des décisions prises conformément à la demande des ministres reposent directement sur l'agent comptable, la directrice et le conseil d'administration de l'établissement. Il note néanmoins la persistance d'un nombre important de recours contre les décisions d'indemnisation du Fiva. Même si le nombre de recours introduits décroît chaque année depuis 2010, 1 128 recours ont été engagés en 2012 dont près de la moitié portait sur le quantum des préjudices pour lequel le fonds applique le barème spécifique adopté par son conseil d'administration.

C. LE RETOUR AUX EXCÉDENTS

L'augmentation des charges de la branche a faussé à plusieurs reprises ses perspectives de retour à l'équilibre. Elle semble devoir s'orienter à partir de 2013 vers des années excédentaires qui serviront d'abord à combler le déficit cumulé des années précédentes.

1. Le régime général

Le tableau ci-dessous retrace, pour les années 2006 à 2013, le montant des résultats nets de la branche AT-MP de la Cnam, en droits constatés.

Tableau n° 14 : Solde net de la branche AT-MP

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013 (p)

2014 (p)

Résultat net

-455

+ 241

- 713

- 726

- 221

- 174

290

68

(p) prévisions

Source : PLFSS pour 2014

2. Les régimes de base

Compte tenu du poids de la branche AT-MP du régime général dans l'ensemble des régimes de base, son résultat influe fortement sur la situation financière de ceux-ci.

Le résultat net global des régimes de base autres que le régime général est fortement déficitaire en 2012 à hauteur de 407 millions d'euros. Il devrait redevenir positif en 2013 avec une prévision d'excédent de 73 millions, ce qui devrait également être le cas en 2014.

Le tableau suivant présente les résultats nets des différents fonds et régimes de base en charge des AT-MP :

III. LES GRANDS ENJEUX DE LA BRANCHE

L'année 2014 doit être celle de l'entrée en vigueur de la nouvelle convention d'objectif et de gestion (COG) de la branche. L'évaluation de la convention 2009-2012 conduite par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), dont le rapport a été rendu public en avril 2013, dresse un bilan positif de la mise en oeuvre de la convention précédente, signe de l'implication des acteurs et de la capacité de mobilisation de la branche. L'Igas constate néanmoins l'hétérogénéité d'action des caisses et note que les services proposés par la branche aux victimes sont encore insuffisants. L'avenant à la convention pour l'année 2013 a permis de mettre en place une réforme du pilotage de la branche susceptible de permettre de répondre à ces critiques. La convention 2014-2017 devrait permettre de progresser dans cette voie.

A. L'ANALYSE DE LA COG 2009-2012 PAR L'INSPECTION GÉNÉRALE DES AFFAIRES SOCIALES

L'Igas constate des avancées significatives dans de nombreux domaines :

- un net renforcement du pilotage national ;

- une meilleure structuration et lisibilité des actions de prévention des risques professionnels, tout en soulignant la nécessité de prévoir dans la future COG des indicateurs de résultats permettant de mieux évaluer l'action de la branche sur la sinistralité des entreprises ;

- des progrès sur la réparation, la tarification, le contentieux et la lutte contre les fraudes ;

- une contribution satisfaisante des fonctions support à la modernisation de la branche ;

- une offre de service aux employeurs commune aux branches AT-MP et retraite, dont le développement doit néanmoins rester maîtriser.

En ce qui concerne la prévention de la désinsertion professionnelle (PDP), l'appréciation de la mission sur le dispositif mis en place est en revanche plutôt négative. En effet, au-delà des résultats qu'elle qualifie de non probants ou modestes, la mission considère qu'il présente de nombreuses insuffisances (hétérogénéité des pratiques, disparité des prestations mises en oeuvre, fragilité et variabilité des financements) et qu'une refonte, passant par un allègement de son organisation et de son fonctionnement ainsi que par une modification de son mode de financement, est indispensable.

L'Igas souligne également que la méconnaissance du dispositif de suivi post-professionnel des personnes ayant été exposées à des risques à effet différé (SPP) et le faible niveau de demandes de SPP au regard du nombre de cancers professionnels invitent à s'interroger sur la conception du dispositif actuel. Plus spécifiquement, dans le cas de l'amiante, elle estime regrettable que la mise en oeuvre d'un suivi pour les bénéficiaires de l'Acaata ne soit toujours pas concrétisée et souligne l'urgence d'y parvenir.

En matière de lutte contre la sous-déclaration, il paraît utile à l'inspection de généraliser l'expérimentation sur la sous-déclaration des cancers de la vessie d'origine professionnelle à d'autres pathologies.

S'agissant des partenariats entre Carsat et services de santé au travail (SST), elle constate que l'engagement d'établir des relations contractuelles avec les SST n'a pas été atteint en raison des réticences multiples de ces derniers et qu'il convient désormais de s'inscrire dans le cadre de la contractualisation tripartite (Direccte, SST, Carsat) prévue par la loi de juillet 2011 sur la médecine du travail.

Enfin, la mission souligne que la gestion du risque professionnel sous ses différents aspects (prévention, tarification, réparation) devrait être pleinement reconnue, non seulement dans la prochaine COG, mais dans le pilotage du réseau par la Cnam.

S'agissant des gains de productivité de la branche, la mission constate qu'ils restent limités avec de forts écarts entre caisses. Elle indique que tous organismes confondus, les effectifs de la branche AT-MP ont diminué, entre 2004 et 2011, de 5,2 % et que ce chiffre est inférieur à celui de la baisse enregistrée sur l'ensemble des effectifs de la Cnam (13,1 %). Elle recommande que la prochaine COG AT-MP mentionne non seulement les objectifs de gain de productivité pour les personnels des Carsat dédiés aux activités AT-MP (tarification et prévention) dont les dépenses sont retracées dans le FNPATMP, mais qu'elle détermine également, en lien avec la COG maladie, un objectif cible de réduction des écarts de productivité au sein du réseau des CPAM avec alignement sur les caisses les plus performantes.

B. LA NOUVELLE CONVENTION ENTRE L'ETAT ET LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE POUR LA PÉRIODE 2014-2017

Si les travaux préparatoires à l'élaboration de cette nouvelle convention s'appuient pour l'essentiel sur les orientations des partenaires sociaux et les recommandations de l'Igas, les préconisations formulées par la Cour des comptes dans son rapport public annuel 2013 et les arguments avancés pour la non-certification des comptes de la branche, trois années consécutives, doivent également être pris en compte.

1. Les orientations définies par la CAT-MP en septembre 2012

La commission AT-MP a défini ses priorités pour la future COG AT-MP lors de sa séance du 12 septembre 2012. Cinq grandes orientations s'inscrivant dans la continuité du travail engagé depuis 2009 ont été adoptées :


• Positionner la prévention au coeur de la gestion du risque professionnel afin de faire baisser la sinistralité reconnue et anticiper les risques émergents ;


• Améliorer la gestion du risque professionnel en renforçant la transparence et l'équité dans le traitement des dossiers et en coordonnant mieux les différents métiers ;


• Développer une relation de service avec les chefs d'entreprise et les salariés ;


• Consolider, approfondir et diversifier les partenariats pour optimiser la couverture des besoins en prévention, notamment des TPE-PME ;


• Renforcer la cohésion de la branche pour gagner en efficience.

2. Les recommandations de la Cour des comptes

Dans son rapport public annuel de février 2013, la Cour des comptes consacre un chapitre aux actions de prévention développées par la branche AT-MP auprès des entreprises et des salariés, en accompagnement de nombreux autres acteurs qui concourent à la politique de santé au travail. Elle préconise tout d'abord d'utiliser le coût du risque comme principal indicateur statistique de sinistralité. Qu'il s'agisse des aides financières ou des moyens humains, elle considère ensuite que des progrès doivent être réalisés par la branche pour que leur allocation soit de plus en plus en adéquation avec les caractéristiques de la sinistralité. Enfin, la Cour préconise également de concentrer les aides financières sur les entreprises de trente à soixante-dix salariés, de rapprocher les effectifs de prévention des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail de la répartition géographique de la sinistralité, de centrer les efforts des caisses sur les entreprises qui ont beaucoup de sinistres et de cibler les actions de prévention relatives aux causes d'accident les plus courantes en matières d'accidents routiers.

Par ailleurs, les arguments avancés par la Cour pour la non-certification des comptes de la branche concernent d'une part le provisionnement des contentieux, d'autre part l'insuffisance du contrôle interne.

3. Etat des négociations

Les travaux préparatoires à l'élaboration de la prochaine COG AT-MP ont débuté le 6 février 2013. A ce jour, ni les objectifs de la future COG, ni les moyens correspondants, ne sont définitivement arrêtés mais ils devraient l'être dans le courant du mois de novembre.

La structure de la prochaine COG devrait être simplifiée afin d'en assurer une meilleure lisibilité et d'établir une plus grande transversalité entre les différentes missions de la branche.

A partir des orientations de la CAT-MP et des préconisations des différents rapports, il semble que la prochaine convention s'articulera autour des quatre axes stratégiques suivants :

- assurer une meilleure prévention des risques fondée à la fois sur le ciblage et l'évaluation ;

- gagner en efficience par une meilleure harmonisation des pratiques et des moyens du réseau ;

- renforcer la cohérence de la branche en tant qu'assureur solidaire des risques professionnels, en développant les relations contractuelles ;

- maîtriser les risques et poursuivre l'adaptation des règles de tarification.

Ces axes pourraient constituer le cadre général des actions à réaliser pendant la durée de la convention et à chacun pourraient être associés trois objectifs opérationnels.

C. MIEUX PRENDRE EN COMPTE LES INTÉRACTIONS ENTRE SANTÉ ET TRAVAIL

Un rapport élaboré par l'Igas et publié en juin 2013 pose les premiers jalons d'une approche globale des interactions entre santé et travail 3 ( * ) .

Le rapport relève tout d'abord la place de la santé au travail au sein de la stratégie nationale de santé. L'axe 3.2 de celle-ci, « renforcer le pilotage national », prévoit la création d'un comité interministériel pour la santé, placé auprès du Premier ministre, qui portera une « attention particulière (...) à la santé au travail ». Votre rapporteur juge que cette approche interministérielle est nécessaire, la santé au travail étant parfois desservie par le partage des compétences entre les ministères en charge de la santé, de la sécurité sociale et du travail.

La mission de l'Igas souligne également la nécessité d'intégrer la santé au travail au sein des Projets régionaux de santé tout en les articulant avec les Plans régionaux de santé au travail. De ce point de vue il faudra veiller à la cohérence entre le prochain Plan santé au travail, le Plan santé-environnement et la future loi de santé publique.

Surtout, à partir de cas d'étude, le rapport montre la nécessaire prise en compte de l'impact du travail sur les pathologies, qu'il les créé au sens des maladies professionnelles, ou qu'il les aggrave. Le cas de maladies cardio-vasculaires étudié à partir de meta-analyses récentes montre l'impact direct des charges lourdes et des emplois postés sur les accidents vasculaires. Mais il ressort aussi des études épidémiologiques que l'impact des risques psycho-sociaux est équivalent à celui de l'obésité abdominale comme facteur de risque. Dès lors, une prise en charge à l'intérieur des entreprises doit être mise en oeuvre avec un suivi des travailleurs les plus à risque.

Si votre rapporteur reste prudent quant à l'idée de faire de l'entreprise un lieu de promotion de la santé publique, autrement que par une action volontaire des CHSCT et des comités d'entreprises, il est important de développer le niveau de connaissance en matière d'interaction entre santé et activité professionnelle afin de lutter contre la sous-déclaration et de limiter la survenue de pathologies liées au travail dont l'organisation internationale du travail considère qu'elles sont une « épidémie silencieuse ».

EXAMEN EN COMMISSION

Audition de M. Dominique MARTIN, directeur des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés

(Mardi 15 octobre 2013)

Mme Annie David, présidente . - Nous poursuivons maintenant nos auditions sur le PLFSS 2014.

M. Dominique Martin, directeur des risques professionnels de la Cnam . - Ce PLFSS ne comprend pas de mesures spécifiques à la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), hormis son financement. A cet égard, si le projet de loi s'inscrit dans la poursuite du rétablissement de l'équilibre de la branche, il prévoit une hausse significative de la dotation transférée au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) : elle passe d'un peu plus de 100 millions d'euros cette année à 413 millions l'an prochain, la moyenne des années antérieures se situant aux alentours de 300 millions.

La hausse de ce transfert, décidée par le Gouvernement, me paraît s'expliquer par plusieurs raisons. Une bonne nouvelle d'abord : l'accélération du traitement des dossiers entraîne mécaniquement une hausse des dépenses. En outre, l'indemnisation concerne de plus en plus des préjudices graves. La réévaluation des provisions accroît le coût moyen des dossiers. Il faut également reconstituer le fonds de réserve prudentielle, asséché cette année et qui, compte tenu de l'incertitude attachée à tout mécanisme assurantiel, doit couvrir entre deux et trois mois d'activité. Enfin, pas plus que cette année, où l'on avait choisi de puiser dans le fonds de roulement, il n'y aura l'an prochain de dotation de l'Etat au Fiva. J'ai cru comprendre que la dotation du Fiva avait été définie in extremis, après la présentation du PLFSS, ce qui explique pourquoi elle repose entièrement sur la branche AT-MP, alors que l'Etat y contribue habituellement à hauteur de 50 millions d'euros environ.

La situation est exceptionnelle : l'an prochain, la dotation du Fiva devrait très vraisemblablement revenir aux alentours de 300 millions d'euros. Evidemment, le choix du Gouvernement réduit l'excédent de la branche AT-MP, qui devrait servir à rembourser la dette - elle s'élève à environ 2 milliards d'euros. D'autre part, le financement du Fiva étant mutualisé entre les entreprises, toute hausse de la part mutualisée de la tarification réduit d'autant la part ciblée sur les entreprises à forte sinistralité, ce qui diminue la capacité de la branche à user de la tarification comme d'un outil de prévention.

La convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la branche AT-MP doit être signée avant la fin de l'année : les dernières réunions auront lieu la semaine prochaine au plus tard, puis le projet sera soumis à la commission AT-MP en novembre. Ce texte structurant fixera des orientations et des objectifs opérationnels assez précis pour les quatre ans à venir. Il répondra aux préoccupations exprimées en septembre par les partenaires sociaux, ainsi qu'aux recommandations émises par la Cour des comptes et l'Inspection générale des affaires sociales. Outre une partie programmatique, il comprendra un volet budgétaire assurant le financement des activités de prévention et de tarification des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) - la réparation des préjudices, qui occupe les deux tiers de nos agents, relevant de la convention d'objectifs et de moyens entre l'Etat et la branche maladie. En effet, la branche AT-MP, sur le plan opérationnel, repose au niveau régional sur la branche vieillesse, et au niveau des caisses primaires sur la branche maladie.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur . - Voilà plusieurs années que la Cour des comptes refuse de certifier les comptes de la branche AT-MP. Il est vrai que, cette année, elle ne l'a pas exactement refusé, mais s'est dite dans « l'incapacité » de le faire... Les choses progressent-elles ? Peut-on espérer que les comptes seront bientôt certifiés ?

Lors d'une audition, M. le ministre du budget avait assuré que l'excédent de la branche AT-MP servirait à rembourser la dette inscrite dans les comptes de l'Acoss. Ne voit-on pas cet objectif s'éloigner, compte tenu de l'absence de toute participation de l'Etat au financement du Fiva, et du prélèvement opéré sur votre excédent ? Deux milliards d'euros de dette, ce n'est pas rien.

Quel bilan tirez-vous de la nouvelle tarification ? A-t-elle eu un effet sur l'ampleur du contentieux, qui coûte chaque année près de 500 millions d'euros à la branche ? Quelle place la nouvelle convention d'objectifs et de moyens fait-elle à la prévention ? Comment le compte de prévention de la pénibilité prévu par le projet de loi sur les retraites s'articulera-t-il avec le fonctionnement de la branche AT-MP ? Enfin, savez-vous si l'Etat s'engage à de nouveau apporter sa contribution au financement du Fiva en 2015 ? Le rapport du Sénat estimait que, compte tenu de la responsabilité de l'Etat dans le scandale de l'amiante, sa participation devrait être d'environ 30 %.

M. Dominique Martin . - La question de la certification de nos comptes n'a rien de formel : il s'agit de la sécurité financière de la branche, dont le budget s'élève à 12 milliards d'euros. Le problème tient à l'impossibilité de définir précisément le niveau de la provision pour risque contentieux. Naguère, cette provision n'existait pas : le coût des contentieux était simplement mutualisé entre les entreprises. C'était une erreur comptable, mais aussi politique, puisque la mutualisation réduit notre capacité à prévenir les accidents du travail.

Paradoxalement, le problème est accru par le fait que la branche est à l'équilibre : dans ces conditions, une erreur de 100 millions d'euros peut convertir un excédent en déficit, et changer qualitativement la situation comptable de la branche. En outre, nous avons du mal à comptabiliser les contentieux en cours.

Pour y remédier, il est prévu de créer un logiciel spécialisé de gestion des contentieux, qui servira aussi à la branche maladie. Il y faudra au moins deux ans. En attendant, nous préparons avec la Cour des comptes l'enquête questionnaire auprès des caisses primaires pour faire l'inventaire des contentieux en cours au 31 décembre de cette année. Malgré cela, il n'est pas sûr que nous obtenions l'an prochain la certification.

La Cour nous reproche également le manque de contrôle interne sur la tarification. Ce contrôle devrait porter aussi bien sur la branche elle-même que sur ses relations avec les Urssaf. Nous y travaillons. Toutefois, je reste persuadé qu'il n'y aura pas de contrôle interne satisfaisant tant que nous n'aurons pas simplifié la tarification. On compte en France plus de 600 codes risques, contre 40 tout au plus chez nos voisins européens. Cette catégorisation ne correspond à aucune autre : elle est incompatible avec la nomenclature d'activités française (NAF) utilisée par l'Insee. Le travail de simplification en cours n'aboutira pas avant quelque temps : il faudra rechercher un accord entre partenaires sociaux, dans le cadre des comités techniques nationaux des branches professionnelles. C'est l'intérêt des entreprises comme des salariés.

Pour en revenir au Fiva, tout prélèvement sur notre excédent réduit d'autant notre capacité à rembourser notre dette. Cependant, je ne conteste pas le montant global de la dotation du Fiva, qui correspond à ses besoins. La participation habituelle de l'Etat, de l'ordre de 50 millions d'euros, est somme toute relativement marginale, même si j'aurais évidemment apprécié d'avoir un excédent supérieur de 50 millions... Bien que je n'aie pas d'information sur les intentions de l'Etat pour 2015, j'ai bon espoir qu'il participera de nouveau au financement du fonds, parce qu'on aura mieux anticipé les choses. En outre, le fonds ayant retrouvé d'ici là un certain équilibre, sa dotation globale devrait repartir à la baisse.

La nouvelle tarification n'avait pas pour but de réduire le risque contentieux. A cet égard, le décret entré en vigueur en 2010, qui encadre les possibilités de recours relatifs à l'instruction des dossiers en fixant un délai de deux mois, s'est révélé très efficace, en particulier pour les contentieux procéduraux. La réforme de la tarification visait à rendre celle-ci plus lisible aux yeux des entreprises, en la forfaitisant et en la reliant plus étroitement aux sinistres. En revanche, elle pourrait susciter des contentieux d'ordre médico-administratif, du fait de l'importance des seuils : 90 000 euros pour un préjudice occasionnant une incapacité professionnelle de 39 %, 400 000 euros pour une incapacité de 40 %. Cela incite naturellement à sous-évaluer l'incapacité... Tout dépend de la qualité du travail fait avec les médecins-conseils. Ce contentieux-là ne peut être réduit par décret.

Au-delà de l'utile réforme de la tarification, il faut réfléchir à une simplification, pour améliorer le service rendu et inciter à la prévention. Le système actuel est trop complexe. Il pèse sur les agents, rend difficile le contrôle interne et peu lisible le mécanisme assurantiel. Dès lors, la tarification ne joue pas son rôle d'outil de prévention. Or la branche AT-MP a précisément pour objet de prévenir ces drames humains que sont les accidents du travail et maladies professionnelles.

La prévention primaire occupe une grande place dans le projet de convention d'objectifs et de gestion. Nous avons tenu compte de certaines recommandations de la Cour des comptes, en particulier sur la nécessité d'identifier des priorités, de définir des cibles et d'évaluer l'impact de nos actions. En revanche, la question des tableaux ou celle des trajets nous paraissent être plutôt du ressort de l'Etat. Nous ne sommes pas non plus tout à fait favorables à l'utilisation comme principal indicateur de la valeur du risque, croisement de la fréquence et du coût individuel du risque. Si cet indicateur traduit la gravité d'un accident du travail, très bien. S'il traduit le niveau de responsabilité professionnelle du salarié, il n'est pas pertinent : nous n'avons pas à traiter différemment un cadre supérieur et un ouvrier spécialisé. Je ne sais que répondre à votre question sur la pénibilité...

M. Jean-Pierre Godefroy , rapporteur . - Vous avez raison.

M. Dominique Martin . - On comprend bien l'intérêt de la création du compte pénibilité. Toutefois, je crains qu'il se heurte au principe de prévention. Souvent, une entreprise choisira d'offrir à ses salariés une compensation - par exemple une formation - plutôt que réduire la pénibilité de leurs tâches, comme l'exposition à des agents cancérogènes. Et les salariés feront le même arbitrage, plutôt que de se prémunir contre le risque de tomber malades vingt ou trente ans plus tard...

M. Alain Milon. - Maladie ou pénibilité ?

M. Dominique Martin . - Or la branche AT-MP est bien fondée, depuis 1898, sur l'intérêt commun des employeurs et des salariés à prévenir les risques professionnels. Nous verrons ce que diront les décrets. Dans les entreprises où les travailleurs sont exposés à des facteurs de pénibilité importants, il faudra mener en même temps des actions de prévention. Pour le reste, je ne sais comment les choses s'organiseront au sein des Carsat, sinon que les ingénieurs et inspecteurs du travail pourront être sollicités. Là encore, il faut attendre les décrets.

Mme Aline Archimbaud . - Je n'ai pas bien compris pourquoi l'Etat se désengageait cette année du Fiva. C'est une décision lourde de sens, car l'indemnisation des victimes de l'amiante devrait relever de la solidarité nationale. Les sommes en jeu ne sont pas si considérables.

Un environnement de travail cancérogène n'est pas seulement pénible, il est dangereux. Envisage-t-on d'intervenir dans les processus de production des entreprises, l'organisation du travail, ou se contentera-t-on d'informer les salariés ?

M. Alain Milon . - Les députés sont passés très vite sur le compte pénibilité, dont les contours seront définis par décret. Comment, par qui et avec qui ? La loi reconnaît déjà les accidents du travail, les maladies professionnelles, l'invalidité, l'incapacité. La médecine du travail, elle, doit prévenir tous les risques : cancers, mais aussi silicose du boulanger, par exemple. Quant à la pénibilité, je ne sais pas ce que c'est, et je me pose beaucoup de questions sur le nouveau compte.

Mme Annie David, présidente . - La pénibilité est déjà reconnue, par exemple quand des travailleurs de nuit partent plus tôt à la retraite.

M. Alain Milon . - Certes. Cependant, la longévité des travailleurs de nuit et de jour est sensiblement la même. Les premiers ont même tendance à vivre plus longtemps...

Mme Catherine Génisson . - Cela dépend si le travail est posté ou pas.

Mme Annie David, présidente . - En effet, l'organisation du travail est importante.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur . - Si favorable que je sois à l'instauration d'un compte pénibilité, je ne vous cacherai pas mes inquiétudes. Dans l'entreprise où je travaillais, on n'avait aucun mal à trouver des volontaires pour les tâches pénibles, récompensées par des primes ou un départ à la retraite anticipé. Ne perdons pas de vue la prévention.

Mme Catherine Génisson . - Vous soulevez là un problème très important. On sait que les travailleurs de nuit, même lorsqu'ils font valoir leur droit à un repos compensateur plutôt que de demander une rallonge financière, préfèrent en général prendre ces temps de repos successivement plutôt que selon le rythme préconisé par les chronobiologistes. A nous, législateurs, de réduire les risques professionnels plutôt que de les valoriser. Certaines conditions de travail, comme l'exposition aux nanoparticules, pourraient être dangereuses, sans que l'on en soit sûr. En revanche, on connaît très bien les risques associés à d'autres situations, et l'on sait les prévenir.

M. Dominique Martin . - La loi prévoit que l'Etat subventionne le Fiva ; il l'a fait tous les ans sauf l'année dernière, où le financement s'est fait par prélèvement sur le fonds de roulement, et cette année, où la définition du montant a été trop tardive pour figurer dans le PLFSS. Si nous nous y prenons assez tôt, nous devrions avoir un financement équilibré à l'avenir, grâce à une subvention qui a du sens en termes de responsabilité collective.

Les facteurs de la pénibilité sont déterminés par décret : certains sont précis, tels que le travail de nuit ou le travail posté ; d'autres, tels que l'exposition aux agents cancérogènes ou la manipulation de charges lourdes seront soumis à un seuil.

Comme Mme Catherine Génisson, je considère que parallèlement à la mise en place du compte pénibilité, une prévention ciblée doit soustraire le plus possible les salariés aux risques auxquels ils sont soumis. Ainsi notre convention définit-elle trois domaines prioritaires dans les quatre années à venir : les chutes dans le secteur du bâtiment et travaux publics, les troubles musculo-squelettiques, qui occasionnent de grandes souffrances dans l'agro-alimentaire et la grande distribution, et l'exposition aux agents cancérogènes. Nous cherchons ainsi à substituer à ces derniers des agents inoffensifs ou à installer des dispositifs protecteurs, tels que des aspirateurs de fumée. Nous menons d'ores et déjà ces actions, et nous continuerons à le faire dans chaque entreprise où des comptes pénibilité seront ouverts.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur . - Comment les entreprises sollicitées pour financer la branche AT-MP réagiront-elles ?

M. René Teulade . - Comment concilier deux démarches incompatibles, puisqu'elles reposent l'une sur des prescriptions libérales et l'autre sur des prestations socialisées ?

Mme Annie David, présidente . - Vaste débat !

M. Dominique Martin . - Très politique, une telle question dépasse mon domaine de compétence.

Les entreprises ne décideront pas du niveau de tarification ; celle-ci, à la différence de la branche AT-MP, sera double : d'une part sur l'ensemble des entreprises et d'autre part sur les entreprises où un risque est avéré.

M. Alain Milon . - Dans la branche AT-MP, les très petites entreprises comptent très peu d'accidents, de même que les grandes. Les entreprises entre vingt et cent-cinquante salariés concentrent l'essentiel des accidents.

M. Dominique Martin . - On remarque en effet une sur-sinistralité dans ces entreprises qui forment la majeure partie de notre économie.

Mme Annie David, présidente . - Si elles ne veulent pas trop payer, elles auront intérêt à faire de la prévention. Nous avons reçu des salariés qui ont du mal à faire valoir leurs droits.

M. Alain Milon . - Je crains que le réflexe ne soit l'absence d'embauche.

Mme Annie David, présidente . - Je remercie M. Martin d'avoir répondu à nos questions.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

• Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva)

Agnès Plassart , directrice

Claire Fabre , présidente du conseil d'administration

• Fédération nationale des accidentés du travail (Fnath)

Arnaud de Broca , secrétaire général

SYNDICATS DE SALARIÉS :

• CGT

Jean-François Naton , vice-président commission CAT-MP

• CFE-CGC

Bernard Salengro , e xpert - santé au travail, handicap

SYNDICATS PATRONAUX :

• CGPME

Docteur Pierre Thillaud , membre de la commission sociale


* 1 « Surveillance de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants. Premiers résultats », Bossard C, Santin G, Guseva Canu I, Institut de veille sanitaire, 10/10/2013.

* 2 Observatoire national des asthmes professionnels II (Onap II) Résultats 2008-2011, Iwatsubo Y, Bénézet L, Bonnet N, Ameille J, Dalphin JC et al., Institut de veille sanitaire, 11/10/2013.

* 3 « Interactions entre santé et travail », Anne-Carole Bensadon, Philippe Barbezieux, François-Olivier Champs, juin 2013.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page