Rapport n° 133 (2013-2014) de M. Michel DELEBARRE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 13 novembre 2013

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N° 133

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 novembre 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de M. Richard YUNG et plusieurs de ses collègues, tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE),

Par M. Michel DELEBARRE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Mme Hélène Lipietz, MM. Roger Madec, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendlé, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

866 (2012-2013) et 134 (2013-2014)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

La commission des lois, réunie le mercredi 13 novembre 2013, sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur , président, a examiné le rapport de M. Michel Delebarre , rapporteur, et établi son texte sur la proposition de loi n° 866 (2012-20132), déposée par M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon (procédure accélérée).

Cette proposition de loi se situe dans le prolongement des travaux d'information conduits au sein de la commission des lois en 2010 et 2011 par MM. Laurent Béteille et Richard Yung, qui ont donné lieu au dépôt d'une première proposition de loi adoptée avec modification par la commission en juillet 2011 mais depuis restée sans suite .

Après avoir rappelé l'impact économique lourd de la contrefaçon sur l'activité et l'emploi, le rapporteur a indiqué que ce phénomène aujourd'hui s'internationalisait du fait du développement du commerce mondial et se diversifiait bien au-delà des seuls produits de luxe . La contrefaçon dépend de plus en plus de réseaux de criminalité organisée, tandis que les produits concernés (médicaments, pièces détachées automobiles, jouets...) constituent souvent des menaces pour la sécurité et la santé des consommateurs . Cette situation accentue l'exigence de la lutte contre le fléau de la contrefaçon.

La proposition de loi ne constitue pas une réforme en profondeur des dispositifs de protection des droits de propriété intellectuelle et de lutte contre la contrefaçon, laquelle a déjà été réalisée par la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, mais procède à des améliorations ainsi qu'à une harmonisation des mécanismes existants , tant en matière d'action civile qu'en matière de répression pénale, ainsi qu'au renforcement des moyens d'action des douanes .

La commission a tenu à exprimer une position cohérente avec celle déjà adoptée en 2011 sur la précédente proposition de loi. Elle a adopté dix amendements , présentés pour l'essentiel par son rapporteur, tout en s'en tenant au plus près du texte de 2011.

Elle a souhaité maintenir en l'état l'attribution des contentieux des droits de propriété intellectuelle à certains tribunaux, tout en rappelant la nécessité de renforcer la formation des magistrats dans ce domaine.

Elle n'a pas souhaité, à l'occasion de ce texte, ouvrir le débat sur l'introduction en droit français des dommages et intérêts punitifs, estimant que le droit actuel, sous réserve des améliorations apportées par le texte, permettait déjà de prendre en compte les bénéfices tirés de la contrefaçon.

Elle a soutenu les efforts engagés par le Gouvernement pour faire évoluer le droit communautaire afin de surmonter la jurisprudence « Nokia » de la Cour de justice de l'Union européenne, qui restreint la possibilité de contrôle douanier des marchandises supposées être en simple transit sur le territoire de l'Union européenne.

Elle ne s'est pas opposée à la mise en place par les douanes d'un traitement automatisé des données des colis transportés par la Poste et les entreprises de fret express, destiné à mieux cibler les contrôles douaniers, tout en rappelant sa vigilance de principe sur la protection de la vie privée.

Enfin, elle a instauré une obligation de formation continue pour les conseils en propriété industrielle, profession engagée dans la lutte contre la contrefaçon aux côtés des entreprises.

La commission a également adopté plusieurs amendements visant à clarifier le texte, améliorer les procédures en matière de droit de la preuve (saisie-contrefaçon...) et préciser son application outre-mer.

La commission des lois a adopté la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon ainsi modifiée .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Votre commission est saisie de la proposition de loi n° 866 (2012-2013) tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon, déposée par notre collègue Richard Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés le 30 septembre 2013. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte dès le 2 octobre 2013.

Ce texte reprend pour l'essentiel le contenu de la proposition de loi n° 525 (2010-2011) tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon, déposée le 17 mai 2011 par notre ancien collègue Laurent Béteille. Cette proposition de loi avait fait l'objet d'un rapport de notre collègue Richard Yung, alors membre de votre commission, et d'un texte adopté le 12 juillet 2011 par votre commission 1 ( * ) . Elle aurait ensuite dû être inscrite à l'ordre du jour du Sénat en novembre 2011 si les circonstances politiques du moment n'en avaient décidé autrement.

Le texte de 2011 demeure donc à ce jour en attente d'inscription à l'ordre du jour. Votre rapporteur en avait d'ailleurs été désigné rapporteur en remplacement de notre collègue Richard Yung.

Aussi, afin de relancer cette initiative, alors que le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre la contrefaçon, notre collègue Richard Yung, également président du comité national anti-contrefaçon (CNAC),
a-t-il souhaité déposer une nouvelle proposition de loi, bénéficiant du soutien de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur.

L'intégralité des articles du texte adopté par votre commission en 2011 se retrouve, quasiment sans modification, au sein de seize articles de la présente proposition de loi (articles 1 er à 11 et 16 à 20), complétée par quatre articles qui comprennent des dispositions nouvelles (articles 12 à 15).

La présente proposition de loi, ainsi que la précédente, se situe dans le prolongement des travaux d'information menés par notre ancien collègue Laurent Béteille et par notre collègue Richard Yung en 2010 et 2011, destinés à évaluer la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon trois ans après son adoption 2 ( * ) .

À caractère essentiellement technique, cette proposition de loi ne constitue pas une vaste réforme de la législation relative à la lutte contre la contrefaçon, laquelle a déjà été opérée par la loi du 29 octobre 2007 précitée. Elle comporte plutôt une série d'adaptations et d'ajustements au regard de la pratique constatée depuis, une meilleure mise en cohérence des dispositifs régissant la protection des différents droits de propriété intellectuelle, ainsi que des dispositions destinées à renforcer les moyens d'action des services des douanes.

S'agissant des dispositions de la présente proposition de loi qui reprennent les dispositions équivalentes du texte adopté en 12 juillet 2011, votre commission a souhaité s'en tenir à la position qu'elle a déjà adoptée, sous réserve de difficultés ponctuelles apparues lors des auditions de votre rapporteur et qui justifiaient de revoir le texte adopté en 2011.

I. MIEUX SOUTENIR LA LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON : UNE EXIGENCE ÉCONOMIQUE DANS L'INTÉRÊT DES ENTREPRISES ET DES CONSOMMATEURS

A. LA CONTREFAÇON, UN FLÉAU MODERNE DEVENU PROTÉIFORME

Alors que l'image traditionnelle de la contrefaçon est attachée aux produits de luxe, engendrant des conséquences dommageables de nature essentiellement économique, la contrefaçon devient aujourd'hui protéiforme. Elle porte atteinte désormais à la santé et la sécurité des consommateurs et plus seulement aux droits de propriété industrielle des entreprises.

Selon les personnes entendues par votre rapporteur, depuis la loi du 29 octobre 2007, le phénomène de la contrefaçon s'est en effet amplifié, s'est davantage internationalisé, en lien avec des réseaux de criminalité organisée, et s'est diversifié, changeant en partie de nature et avec le recours à internet.

1. Un coût économique majeur

La contrefaçon constitue d'abord un coût économique majeur pour les entreprises françaises, pour le savoir-faire français et pour l'emploi.

Par définition, il est difficile d'établir des chiffres, mais selon les représentants des entreprises entendus en audition, la contrefaçon coûterait de l'ordre de 35 000 emplois par an à la France. Selon l'OCDE, l'impact financier mondial de la contrefaçon s'élèverait à 250 milliards de dollars. Certains avancent même le chiffre de 1000 milliards de dollars 3 ( * ) . En tout cas, il est certain que l'impact économique de la contrefaçon est lourd et massif.

La propriété intellectuelle constitue donc un enjeu de compétitivité des entreprises, qui ne doit pas être sous-estimé. Le coût de la contrefaçon pèse sur la compétitivité des entreprises françaises.

Ces dernières années, selon les services des douanes, le phénomène de la contrefaçon s'est nettement amplifié et davantage internationalisé, profitant du développement du commerce mondial, en particulier avec des pays émergents.

2. Des liens croissants avec le crime organisé

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, les flux internationaux de contrefaçon semblent de plus de plus en lien avec des organisations criminelles transnationales, qui trouvent dans la contrefaçon un trafic plus rentable, moins risqué pénalement et financièrement et encore moins poursuivi par les États que le trafic de drogue par exemple.

La contrefaçon représente aujourd'hui un problème de criminalité organisée pour les pouvoirs publics, et plus seulement un coût économique pour les entreprises qui en sont victimes.

3. Une menace pour la santé et la sécurité des consommateurs

Les marchandises faisant l'objet de contrefaçon ont elles aussi évolué, en se diversifiant considérablement.

Autrefois, on appréhendait la question de la contrefaçon à travers le seul prisme des produits de luxe, ce qui expliquait sans doute une certaine tolérance à l'égard du phénomène, au motif que les entreprises qui en étaient victimes devaient avoir les moyens de le supporter.

Aujourd'hui les choses ont changé. Ce ne sont pas seulement des sacs à main ou des vêtements de marque qui sont contrefaits, mais ce sont d'abord des pièces détachées automobiles, des médicaments, des produits cosmétiques, des produits pour le bâtiment ou encore des jouets... Ce type de contrefaçon, qui se développe rapidement, soulève une question nouvelle, celle de la menace à la sécurité et à la santé des consommateurs qui, parfois à leur insu, peuvent utiliser de tels produits.

Cet état de fait renforce d'ailleurs la nécessité de pouvoir assurer, dans l'intérêt des consommateurs, la traçabilité des produits mis à la vente, dans tous les secteurs et pas seulement en matière alimentaire.

L'urgence de la lutte contre la contrefaçon demeure donc plus que jamais d'actualité.

B. LES MOYENS JURIDIQUES DE LA LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON

La lutte contre la contrefaçon s'effectue selon deux voies.

D'une part, elle emprunte la voie de l'action civile des entreprises lésées par la contrefaçon, qui cherchent à en obtenir réparation. En matière civile, diverses procédures spécifiques existent, saluées pour leur efficacité par les acteurs de la lutte contre la contrefaçon et de la protection des droits de propriété industrielle en matière de collecte de preuves de contrefaçon (droit à l'information, saisie-contrefaçon...).

D'autre part, elle emprunte également la voie pénale, qui est moins souvent employée en pratique, y compris de la part des entreprises lésées.

Dans la lutte contre la contrefaçon, l'action des douanes, qui s'exerce dans un cadre communautaire précis, est par construction primordiale, en raison de leur mission de contrôle des marchandises entrant sur le territoire. Cette action s'effectue notamment grâce à la retenue douanière, à laquelle les douanes peuvent procéder d'office ou bien à la demande d'une personne qui s'estime lésée, permettant de retenir des marchandises susceptibles d'être des contrefaçons.

Toutefois, ces instruments doivent s'adapter à l'heure d'internet et du développement rapide du commerce électronique, qui sont des vecteurs de propagation et de dissémination de la contrefaçon.

Si la coordination européenne progresse en matière de lutte contre la contrefaçon, appuyée sur des textes communautaires efficaces qui imposent une harmonisation des législations nationales, force est de reconnaître qu'au niveau international la coordination reste défaillante et la volonté manque en matière de lutte contre la contrefaçon, selon l'Institut national de la propriété industrielle.

II. LA PROPOSITION DE LOI : AJUSTER LA RÉFORME DE 2007 POUR LA RENDRE PLUS EFFICACE

Ainsi que cela a déjà été indiqué plus haut, la présente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon ne constitue pas une réforme d'ampleur des outils juridiques et administratifs qui permettent de lutter contre la contrefaçon en sanctionnant civilement et pénalement les atteintes portées aux divers droits de propriété intellectuelle. Il s'agit plutôt d'une adaptation de la réforme opérée par la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, constituant la traduction législative d'une large part des recommandations du rapport d'information de 2011 et animée d'un souci d'harmonisation des règles applicables aux différents droits de propriété intellectuelle.

Ainsi que l'indique l'exposé des motifs de la proposition de loi, « le dispositif national de lutte contre les atteintes à la propriété intellectuelle est (...) déjà très protecteur ».

La proposition de loi modifie pour l'essentiel le code de la propriété intellectuelle et le code des douanes, l'administration des douanes étant particulièrement impliquée dans la lutte contre la contrefaçon du fait de ses missions de contrôle à l'égard des marchandises provenant de l'étranger.

Dans seize de ses articles, la présente proposition de loi reprendre de façon intégrale le contenu de la proposition de loi adoptée le 12 juillet 2011 par votre commission (articles 1 er à 11 et 16 à 20), tandis que quatre autres articles comportent des dispositions supplémentaires, intéressant les compétences de l'administration des douanes (articles 12 à 15).

A. LE RENFORCEMENT DE LA SPÉCIALISATION DES TRIBUNAUX EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

La présente proposition de loi vise à renforcer le mouvement de spécialisation des tribunaux en matière propriété intellectuelle ( article 1 er ). Elle précise que la compétence du tribunal de grande instance de Paris en matière de brevets d'invention couvre aussi les inventions de salariés et lui attribue une compétence exclusive en matière d'indications géographiques.

B. L'AMÉLIORATION DES DÉDOMMAGEMENTS CIVILS EN MATIÈRE DE CONTREFAÇON

La présente proposition de loi cherche à améliorer le montant des dommages et intérêts auxquels peuvent prétendre les titulaires de droits de propriété intellectuelle victimes de contrefaçon ( article 2 ).

Pour ce faire, adaptant le droit en vigueur sans le bouleverser, elle veut préciser davantage les trois chefs de préjudice à indemniser, tout en conservant la possibilité d'une indemnisation forfaitaire. Ces trois chefs de préjudice sont les conséquences économiques négatives pour la partie lésée, le préjudice moral ainsi que les bénéfices réalisés par le contrefacteur. Elle ajoute que tout ou partie des recettes tirées de la contrefaçon peut être confisquée au profit de la partie lésée si le juge estime que le montant des dommages et intérêts découlant des trois chefs de préjudice ne permet pas de réparer l'intégralité du préjudice.

C. LA MISE À JOUR ET L'HARMONISATION DES PROCÉDURES CIVILES EXISTANTES EN MATIÈRE DE CONTREFAÇON

La présente proposition de loi procède également à l'actualisation et à l'harmonisation, entre les différents droits de propriété intellectuelle, des procédures existantes en matière de contrefaçon. Elle clarifie ainsi et rend plus efficace la procédure du droit à l'information ( article 3 ).

La proposition de loi tend aussi à harmoniser la procédure de saisie-contrefaçon pour les différents droits de propriété intellectuelle (article 4 ). Cette procédure originale et reconnue, exécutée par les huissiers de justice, qui comporte une saisie descriptive et une saisie réelle, permet de collecter sur autorisation du juge des preuves de contrefaçon avant même que soit engagée une action civile ou pénale en contrefaçon. La proposition de loi instaure aussi une procédure permettant au juge d'ordonner toutes mesures d'instruction permettant de collecter des preuves, même en l'absence de saisie-contrefaçon.

La proposition de loi vise également à modifier les conséquences sur la saisie-contrefaçon de l'absence d'action civile ou pénale introduite par le demandeur de cette saisie ( article 5 ), pour en limiter les effets à la mainlevée de la saisie réelle, conservant de fait sa valeur à la saisie descriptive.

D. L'ACCROISSEMENT DES MOYENS D'ACTION DES DOUANES

De nombreux articles de la présente proposition de loi ont pour objet de renforcer les moyens d'action des douanes pour contrôler des infractions douanières, parmi lesquelles figure la contrefaçon.

La proposition de loi vise à clarifier les utilisations prohibées des droits de propriété intellectuelle sans le consentement de leur titulaire et à les harmoniser pour toutes les catégories de droits ( article 6 ). Ce faisant, tous les droits de propriété intellectuelle bénéficieraient d'un régime complet de protection identique, sous le contrôle des douanes.

Elle tend également à harmoniser la procédure de retenue douanière de marchandises pour tous les droits de propriété intellectuelle, en conformité avec le droit communautaire ( article 7 ). Elle serait ainsi revue en matière de propriété littéraire et artistique et elle serait étendue aux droits pour lesquels elle n'existe pas : brevets d'invention, obtentions végétales et indications géographiques.

La proposition de loi précise la liste des marchandises prohibées et en clarifie la rédaction ( article 8 ). De ce fait, elle étend le champ de contrôle des douanes à l'ensemble des marchandises contrefaisantes et pas aux seuls marques et dessins et modèles.

Le texte autorise aussi plus largement les douanes à réaliser des opérations d'infiltration ( article 9 ) à faciliter la constatation du délit de contrefaçon par la technique dite du « coup d'achat », qui permet de solliciter un vendeur de produits de contrefaçon afin de constituer le délit de commercialisation de produits contrefaisants ( article 10 ).

Il modernise les modalités du droit d'accès des agents des douanes aux locaux postaux, en l'étendant à tous les prestataires de services postaux ainsi qu'aux entreprises de fret express, dans un objectif d'amélioration du contrôle sur le contenu des colis ( article 12 ).

Dans le même ordre d'idées, la proposition de loi crée un traitement automatisé des données des prestataires de services postaux et entreprises de fret express, afin de mieux cibler le contrôle du contenu des colis et faciliter la constatation des infractions douanières ( article 13 ).

Enfin, elle simplifie la procédure d'accès des douanes aux parties de locaux à usage d'habitation au sein de locaux à usage professionnel, avec l'assentiment de la personne concernée ou de son représentant ( article 15 ).

E. DES DISPOSITIONS PÉNALES

La présente proposition de loi intervient de manière limitée dans le champ pénal. D'une part, elle simplifie l'engagement de l'action pénale pour la partie lésée par une contrefaçon ( article 11 ). D'autre part, et surtout, elle vise à aggraver le quantum des peines encourues en cas de contrefaçon de marque, lorsque les marchandises contrefaisantes sont dangereuses pour la santé ou la sécurité de l'homme ou de l'animal ( article 18 ).

F. L'ALIGNEMENT DES DÉLAIS DE PRESCRIPTION EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE SUR LE DROIT COMMUN

La présente proposition de loi aligne les divers délais de prescription de l'action civile en matière de contrefaçon sur le délai de droit commun de cinq ans issu de la réforme de la prescription en matière civile intervenue en 2008 ( article 16 ).

G. DES DISPOSITIONS DIVERSES

La présente proposition de loi corrige enfin des erreurs de référence ( article 14 ), supprime une disposition inutile dans le code de la propriété intellectuelle ( article 17 ) et procède à diverses adaptations rédactionnelles concernant l'action civile en matière d'indications géographiques ( article 19 ).

La proposition de loi prévoit également son application outre-mer, en fonction des domaines de compétences de l'État ( article 20 ).

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : CONFIRMER LA POSITION PRISE EN 2011 TOUT EN PROCÉDANT À CERTAINS AJUSTEMENTS NÉCESSAIRES

Outre quelques amendements rédactionnels, destinés à clarifier ou préciser le texte de la proposition de loi, votre commission lui a apporté un nombre limité de modifications, dès lors qu'elle reprenait pour l'essentiel le texte qu'elle avait adopté le 12 juillet 2011.

Votre commission se situe délibérément dans le prolongement de sa position de 2011, de sorte qu'elle a approuvé sans modification la plupart des dispositions qu'elle avait examinées en 2011.

A. MAINTENIR LA RÉPARTITION ACTUELLE DU CONTENTIEUX DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté deux amendements en matière de répartition du contentieux de la propriété intellectuelle. Le premier apportait une précision rédactionnelle, tandis que le second visait à supprimer la spécialisation exclusive du tribunal de grande instance de Paris en matière d'indications géographiques, afin de s'en tenir aux dix tribunaux actuellement compétents.

Considérant que le contentieux de la propriété intellectuelle appelait désormais une spécialisation et une formation renforcée des magistrats et pas une spécialisation accrue des juridictions, votre commission a estimé que le schéma actuel de répartition des contentieux et de spécialisation, distinct selon les droits de propriété intellectuelle, était satisfaisant.

B. CLARIFIER LES RÈGLES DE DÉTERMINATION DU MONTANT DES DOMMAGES ET INTÉRÊTS EN MATIÈRE DE CONTREFAÇON

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté deux amendements portant sur les règles de dédommagements civils en matière de contrefaçon.

Par le premier amendement, votre commission a supprimé du texte, dans un souci de précaution juridique, une disposition à la portée incertaine, prévoyant que les recettes tirées de la contrefaçon pouvaient être confisquées au profit de la partie lésée dès lors que le montant des dommages et intérêts, pourtant calculés pour tous les chefs de préjudice existants en cas de contrefaçon, ne réparait pas selon le juge l'intégralité du préjudice subi.

Ce faisant, votre commission a écarté le débat sur l'introduction en droit français de la notion controversée de dommages et intérêts punitifs.

Le second amendement visait à assurer la cohérence du texte avec le droit en vigueur.

C. PERMETTRE LE CONTRÔLE PAR LES DOUANES DES MARCHANDISES EN TRANSBORDEMENT

Alors que les conditions du contrôle douanier des marchandises en transbordement ont été transformées du fait de l'arrêt dit Nokia de la Cour de justice de l'Union européenne du 1 er décembre 2011, votre commission a approuvé les efforts du Gouvernement, rappelés par son rapporteur, visant à faire modifier le droit communautaire en la matière en vue de permettre un plein contrôle des marchandises extracommunautaires en transbordement, qui peuvent constituer des contrefaçons en réalité destinées à être écoulées sur le marché européen.

Si votre commission s'attache généralement à ce que le droit français soit conforme au droit communautaire, tel qu'il est interprété par la Cour de Luxembourg, elle a considéré sur ce point que le droit peut évoluer, de sorte qu'elle n'a pas modifié le texte de la proposition de loi.

D. À TITRE CONSERVATOIRE, MAINTENIR LE FICHIER DES DONNÉES RELATIVES AUX COLIS POSTAUX ET DE FRET EXPRESS

Attentive aux enjeux de protection des données personnelles, votre commission a cependant conservé en l'état le dispositif de transmission aux douanes des données relatives aux colis postaux et de fret express, destiné à mieux cibler et à rendre plus efficaces les contrôles douaniers, dans l'attente d'une réflexion plus approfondie en séance publique et, s'il y a lieu, à la faveur de la navette parlementaire.

S'il comporte les garanties habituelles en matière de traitement de données personnelles, ce dispositif n'en soulève pas moins une interrogation au regard du principe de proportionnalité. Votre commission s'interroge sur la proportionnalité entre l'atteinte à la vie privée qui résulterait de ce fichier er l'objectif, certes d'intérêt général, d'amélioration du contrôle douanier, dans un contexte marqué par le principe du secret des correspondances.

E. CLARIFIER LES PROCÉDURES EN MATIÈRE DE CONTREFAÇON

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a également adopté quatre amendements visant à clarifier ou préciser les modifications opérées par la proposition de loi dans diverses procédures existantes en matière de contrefaçon. Elle a également adopté un amendement déposé par le Gouvernement.

F. PRÉVOIR UNE OBLIGATION DE FORMATION CONTINUE POUR LES CONSEILS EN PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement visant à instaurer une obligation de formation continue pour la profession de conseil en propriété industrielle.

Gage d'adaptation mais aussi de crédibilité, une telle obligation était souhaitée par les représentants de la profession.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon ainsi modifiée .

EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER - SPÉCIALISATION DES JURIDICTIONS CIVILES EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Article 1er (art. L. 615-17, L. 615-18, L. 615-19 et L. 722-8 du code de la propriété intellectuelle) - Clarification de la spécialisation du TGI de Paris en matière de brevets et spécialisation exclusive en matière d'indications géographiques

L'article 1 er de la proposition de loi vise à modifier la compétence du tribunal de grande instance (TGI) de Paris en matière de contentieux de la propriété intellectuelle. Il précise que la compétence du TGI de Paris en matière de brevets d'invention, prévue par l'article D. 211-6 du code de l'organisation judiciaire en application de l'article L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle, couvre aussi les inventions de salariés. Il supprime deux articles devenus inutiles du code de la propriété intellectuelle. Enfin, il attribue au TGI de Paris une compétence exclusive en matière d'indications géographiques.

Cet article reprend sans modification les articles 2 bis , 2 ter et 4 du chapitre I er du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon, les autres articles de ce chapitre ayant été supprimés.

Ainsi que le montre l'encadré ci-après, le contentieux de la propriété intellectuelle a donné lieu à la spécialisation de certains TGI, en particulier le TGI de Paris exclusivement s'agissant des actions civiles engagées en matière de brevets d'invention, les actions civiles concernant les autres droits de propriété intellectuelle pouvant être engagées devant une dizaine de TGI.

La répartition actuelle du contentieux des droits de propriété intellectuelle

Selon l'article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, les actions civiles en matière de propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont « exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire ».

Il en est de même en matière de dessins et modèles, en application de l'article L. 521-3-1, de brevets d'invention, en application de l'article L. 615-17, de marques, en application de l'article L. 716-3, et d'indications géographiques, en application de l'article L. 722-8.

S'agissant des obtentions végétales, l'article L. 623-31 indique que les actions civiles sont « exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance », sans qu'il soit précisé que ces tribunaux sont déterminés par voie réglementaire, alors que de fait ils le sont.

Le pouvoir réglementaire a fait trois choix distincts selon le type de droit de propriété intellectuelle.

Seul le TGI de Paris est compétent en matière de brevets d'invention, ainsi que de certificats d'utilité, de certificats complémentaires de protection et de topographies de produits semi-conducteurs (article D. 211-6 du code de l'organisation judiciaire).

En matière d'obtentions végétales, dix TGI ont été désignés (article D. 211-5 du code de l'organisation judiciaire) : Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Lille, Limoges, Lyon, Nancy, Paris, Rennes et Toulouse.

En matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de marques et d'indications géographiques, dix TGI ont également été désignés (article D. 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire), qui ne sont pas les mêmes que ceux désignés en matière d'obtentions végétales : Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nanterre, Nancy, Paris, Rennes, Strasbourg et Fort-de-France.

En premier lieu, l'article 1 er de la proposition de loi vise à clarifier que la compétence exclusive attribuée, par le pouvoir réglementaire, au TGI de Paris en matière de brevets d'invention s'étend aux inventions de salariés.

L'article L. 611-7 traite en effet du cas où l'inventeur du brevet est un salarié. Il est logique que le contentieux civil des inventions de salariés, par cohérence, soit traité par le TGI de Paris exclusivement comme les brevets eux-mêmes, en raison de la connexité évidente des deux matières.

En deuxième lieu, l'article 1 er de la proposition de loi abroge les articles L. 615-18 et L. 615-19 du code de la propriété intellectuelle.

L'article L. 615-18 du code de la propriété intellectuelle précise que certaines actions indemnitaires en matière de brevets, notamment pour ceux intéressant la défense nationale, doivent être portées devant le TGI de Paris. Une telle disposition est redondante avec l'article L. 615-17, dès lors que le TGI de Paris est d'ores et déjà seul compétent en matière de brevets. L'article L. 615-19 du même code dispose que les actions en contrefaçon de brevet et les questions connexes de concurrence déloyale relèvent de la compétence exclusive du TGI. Une telle disposition est également superflue, dès lors que l'article L. 615-17 prévoit que les actions civiles et les demandes relatives aux brevets relèvent de la compétence exclusive de certains TGI déterminés par voie réglementaire.

En troisième lieu, l'article 1 er de la proposition de loi attribue au TGI de Paris une compétence exclusive pour connaître des actions civiles et des demandes relatives aux indications géographiques. Parmi les indications géographiques figurent en particulier les appellations d'origine protégées (AOP) 4 ( * ) et les indications géographiques protégées (IGP).

Le contentieux des indications géographiques ne semble pas revêtir une complexité telle qu'il faille le confier à un seul tribunal. Le faible nombre des affaires - et donc le faible nombre d'affaires traitées en la matière par certains tribunaux - ne plaide pas davantage pour une telle spécialisation, dès lors qu'il s'agit d'un contentieux relativement simple. Aucune personne entendue par votre rapporteur n'a approuvé cette disposition.

En effet, en matière de propriété intellectuelle, les attentes portent davantage sur le renforcement de la formation et sur la spécialisation des magistrats que sur une spécialisation accrue des juridictions, ainsi que l'ont d'ailleurs souligné notre collègue Richard Yung et notre ancien collègue Laurent Béteille dans leur rapport d'information de 2011.

Au surplus, le contentieux des indications géographiques comporte par nature une importante dimension locale, de sorte que sa concentration à Paris ne semble pas opportune d'un point de vue pratique et géographique, à l'inverse du contentieux des brevets, à fort enjeu économique et présentant une certaine complexité juridique et technique.

Dès lors, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement supprimant la spécialisation exclusive du TGI de Paris en matière de contentieux des indications géographiques.

Par ailleurs, pour assurer la cohérence rédactionnelle du code de la propriété intellectuelle, votre commission a adopté un amendement présenté par son rapporteur, en vue de préciser que les TGI compétents en matière d'obtentions végétales sont « déterminés par voie réglementaire ».

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À L'AMÉLIORATION DES DÉDOMMAGEMENTS CIVILS

Article 2 (art. L. 331-1-3, L. 331-1-4, L. 521-7, L. 615-7, L. 623-28, L. 716-14 et L. 722-6 du code de la propriété intellectuelle) - Amélioration des dédommagements civils en cas de contrefaçon

L'article 2 de la proposition de loi vise à améliorer le montant des dommages et intérêts auxquels peuvent prétendre les titulaires de droits de propriété intellectuelle victimes de contrefaçon, en précisant davantage pour le juge les différents chefs de préjudice à indemniser, tout en conservant la possibilité d'une indemnisation forfaitaire. Ces dispositions ne bouleversent pas le droit en vigueur, mais visent à l'adapter.

Comme d'autres articles de la présente proposition de loi, compte tenu de la structure du code de la propriété intellectuelle, cet article duplique les mêmes dispositions pour les différents droits de propriété intellectuelle : d'une part, la propriété littéraire et artistique (droit d'auteur, droits voisins du droit d'auteur et droits du producteur de base de données) et, d'autre part, s'agissant de la propriété industrielle, les dessins et modèles, les brevets d'invention, les obtentions végétales, les marques et les indications géographiques. Les mêmes dispositions sont ainsi reproduites à six reprises.

Cet article reprend sans modification les articles 5 à 10 du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Partant du constat que l'état du droit ne permet pas aux entreprises détentrices de droits et lésées par une contrefaçon d'obtenir un montant suffisant de dommages et intérêts en cas d'action en responsabilité contre l'auteur de la contrefaçon, alors même que dans certains cas la contrefaçon reste une source de bénéfice pour le contrefacteur condamné en raison de la disproportion entre son chiffre d'affaires issu de la contrefaçon et le montant des dommages et intérêts, la proposition de loi veut conduire les tribunaux à augmenter le montant des indemnisations prononcées.

Depuis la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, le code de la propriété intellectuelle dispose, en la matière, que le juge doit prendre en considération « les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte » pour fixer le montant des dommages et intérêts.

Sur le fait de savoir si les tribunaux ont eu tendance, depuis 2007, à alourdir le montant des dommages et intérêts prononcés, les auditions de votre rapporteur ont abouti à des informations contradictoires, de sorte que la situation ne semble pas encore pleinement satisfaisante.

La proposition de loi veut être plus précise en indiquant que le juge prend en compte « distinctement » ces trois chefs de préjudice pour fixer ce montant, tout en ajoutant la prise en compte des économies réalisées grâce à la contrefaçon par son auteur :

- les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

- le préjudice moral causé à la partie lésée ;

- les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte et, le cas échéant, les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels qu'il en a retirées.

Ainsi, dans l'hypothèse où les dommages et intérêts correspondant aux premier et troisième chefs de préjudice seraient jugés insuffisants, il serait loisible au juge de prononcer des dommages et intérêts importants au titre du préjudice moral (atteinte à l'image et à la réputation...). En tout état de cause, demander au juge de distinguer ces trois critères a pour finalité de conduire à des dommages et intérêts d'un montant total plus élevé.

La proposition de loi ajoute que, si le juge estime que les sommes qui en découlent ne réparent pas l'intégralité du préjudice subi par la partie lésée, il ordonne la confiscation de tout ou partie des recettes procurées par l'atteinte aux droits au profit de la partie lésée. Il s'agirait de verser à la personne lésée par la contrefaçon tout ou partie du chiffre d'affaires réalisé grâce à cette contrefaçon, de façon à éviter que la faute reste lucrative.

On peut toutefois s'interroger sur l'hypothèse concrète dans laquelle le montant des dommages et intérêts calculé en application des trois chefs de préjudice pourrait ne pas couvrir l'intégralité du préjudice. Les personnes entendues par votre rapporteur, en particulier les avocats spécialisés en droit de la propriété intellectuelle, ont partagé cette interrogation. Sauf à écarter à terme la condition d'absence de réparation intégrale du préjudice, on ne pourrait pas en pratique trouver une situation permettant de confisquer le chiffre d'affaires tiré de la contrefaçon au profit de la partie lésée. La portée réelle de cette disposition est en l'état difficile à percevoir.

Ajoutée au troisième chef de préjudice, qui va déjà au-delà du strict droit de la réparation et que certains analysent déjà comme des dommages et intérêts punitifs, cette disposition pourrait s'apparenter à des dommages et intérêts punitifs, notion américaine, consistant à fixer un montant de dommages et intérêts au profit de la personne lésée supérieur au montant du préjudice réellement subi par celle-ci, dans le but de « punir » la personne responsable du préjudice. Serait alors à craindre l'extension d'un tel mécanisme en droit français de la responsabilité.

Votre rapporteur indique cependant qu'il existe, uniquement en matière de propriété littéraire et artistique, une disposition spécifique, au dernier alinéa de l'article L. 331-1-4 du code, selon laquelle « la juridiction peut également ordonner la confiscation de tout ou partie des recettes procurées par la contrefaçon, l'atteinte à un droit voisin du droit d'auteur ou aux droits du producteur de bases de données, qui seront remises à la partie lésée ou à ses ayants droit », sans condition particulière quant à la réparation du préjudice. Il s'agit d'un mécanisme de réparation propre à la propriété littéraire et artistique, que la proposition de loi remet d'ailleurs en cause en le subordonnant à l'absence de réparation intégrale du préjudice.

Les représentants des entreprises entendus par votre rapporteur - entreprises pourtant victimes de la contrefaçon en tant que titulaires de droits de propriété industrielle - ont exprimé une hostilité unanime à l'égard de l'introduction en droit français de la notion de dommages et intérêts punitifs, quand bien même les entreprises lésées pourraient en retirer des dommages et intérêts d'un montant plus conséquent qu'actuellement.

Votre rapporteur tient cependant à rappeler que notre collègue Alain Anziani et notre ancien collègue Laurent Béteille avaient envisagé, dans leur rapport d'information de 2009 sur la responsabilité civile 5 ( * ) , la mise en place de dommages et intérêts punitifs dans certains contentieux spécialisés, d'un montant limité, afin de mieux sanctionner la faute lucrative. La contrefaçon fait indéniablement partie des contentieux concernés, car le contrefacteur, même sanctionné civilement au versement de dommages et intérêts, peut tout de même retirer un bénéfice important de sa contrefaçon.

Pour autant, l'introduction des dommages et intérêts punitifs serait un grand bouleversement du droit civil français. En matière de sanction de la faute lucrative, il serait également possible d'explorer la voie de l'amende civile pour récupérer le chiffre d'affaires indu, au bénéfice du Trésor public et non de la partie lésée, qui aura obtenu réparation par le montant normal des dommages et intérêts dont la vocation, en l'état du droit, est de réparer intégralement, mais uniquement, le préjudice subi.

En tout état de cause, il est difficile d'apprécier si les dispositions de la présente proposition de loi ouvriraient la voie à des dommages et intérêts punitifs. Tout au plus votre rapporteur constate-t-il que le fait de confisquer les recettes tirées de la contrefaçon en cas d'absence de réparation intégrale du préjudice manque de consistance juridique. Dans ces conditions, votre rapporteur estime préférable de clarifier le texte en restant au plus près des chefs de préjudice déjà prévus en 2007, étant entendu que l'obligation pour le juge de distinguer les trois chefs de préjudice constituerait déjà un progrès au regard de la pratique actuelle des dommages et intérêts généralement prononcés « tous chefs de préjudice confondus ».

En conséquence, afin de lever toute ambiguïté dans la rédaction de la proposition de loi et d'écarter à ce stade la question controversée des dommages et intérêts punitifs, tout en gardant l'avancée que comporte la proposition de loi, votre commission a adopté à l'initiative de son rapporteur un amendement visant à supprimer la disposition selon laquelle le juge peut ordonner la confiscation des recettes au profit de la partie lésée s'il estime que les sommes indemnisant les trois chefs de préjudice n'assurent pas une réparation intégrale du préjudice causé par la contrefaçon. Cet amendement maintient en outre le dispositif de confiscation des recettes propre au régime de protection de la propriété littéraire et artistique.

Par ailleurs, votre commission a également adopté un amendement présenté par son rapporteur destiné à conserver le droit en vigueur lorsque le juge alloue une somme forfaitaire au titre des dommages et intérêts, sur demande de la partie lésée, pour simplifier le traitement de l'affaire. En l'état du droit, cette somme forfaitaire « ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ». La proposition de loi prévoit que cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits, afin d'améliorer l'indemnisation. Votre rapporteur estime que cette somme forfaitaire doit également pouvoir être égale à ce montant, en cohérence avec le droit en vigueur.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

CHAPITRE III - CLARIFICATION DE LA PROCÉDURE DU DROIT À L'INFORMATION

Article 3 (art. L. 331-1-2, L. 521-5, L. 615-5-2, L. 623-27-2, L. 716-7-1, L. 722-5 du code de la propriété intellectuelle) - Clarification de la procédure du droit à l'information

L'article 3 de la proposition de loi vise à clarifier et à rendre plus efficace la procédure dite du droit à l'information en matière de contrefaçon, outre des précisions et des coordinations à caractère rédactionnelle.

Cet article reprend sans modification les articles 11 à 16 du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Créée par la loi du 29 octobre 2007 précitée, la procédure du droit à l'information facilite la collecte de preuves. En effet, elle permet au juge saisi d'une action civile en matière de contrefaçon d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, « la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits contrefaisants (...) ». Approuvée par toutes les personnes entendues par votre rapporteur, car elle permet d'apprécier la consistance de la contrefaçon, cette procédure recèle cependant une incertitude. Des débats existent sur le fait de savoir s'il appartient au seul juge au fond d'ordonner la communication des documents ou bien si juge saisi en référé peut également y procéder. Afin de dissiper cette incertitude, la proposition de loi confie cette compétence à la juridiction saisie « au fond ou en référé ». De la sorte, le droit à l'information pourra être utilisé avant l'examen au fond de l'affaire, c'est-à-dire avant que soit tranchée la question de la responsabilité de la contrefaçon, facilitant ainsi la collecte de preuves quant à l'étendue de la potentielle contrefaçon avant l'engagement de l'action au fond.

L'article 3 de la présente proposition de loi correspond à une des recommandations formulées par notre collègue Richard Yung et notre ancien collègue Laurent Béteille dans leur rapport d'information de 2011 : « préciser que le droit à l'information peut être mis en oeuvre avant la condamnation au fond pour contrefaçon, y compris par le juge des référés ».

En outre, la proposition de loi supprime les dispositions précisant de façon exhaustive la nature des documents et des informations susceptibles d'être communiqués 6 ( * ) , la laissant par conséquent à l'appréciation du juge. Cette modification de la procédure est également de nature à la rendre plus efficace. Ceci correspond également à une recommandation formulée par le rapport d'information de 2011 précité : « supprimer la liste des documents ou informations dont la communication est susceptible d'être ordonnée par le juge dans le cadre du droit à l'information ».

Votre commission a adopté l'article 3 sans modification .

CHAPITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DE LA PREUVE

Article 4 (art. L. 332-1, L. 332-1-1 [nouveau], L. 332-4, L. 343-1, L. 343-1-1 [nouveau], L. 521-4, L. 521-4-1 [nouveau], L. 615-5, L. 615-5-1-1 [nouveau], L. 623-27-1, L. 623-27-1-1 [nouveau], L. 716-7, L. 716-7-1 A [nouveau], L. 722-4 et L. 722-4-1 [nouveau] du code de la propriété intellectuelle) - Harmonisation de la procédure de saisie-contrefaçon et des procédures connexes pour tous les droits de propriété intellectuelle

L'article 4 de la proposition de loi vise à harmoniser la procédure de saisie-contrefaçon, qui consiste à collecter des preuves de contrefaçon sous forme de saisie descriptive ou de saisie réelle, pour l'ensemble des droits de propriété intellectuelle, en conformité avec le droit communautaire. À cette fin, il aligne la procédure de saisie-contrefaçon en matière de propriété littéraire et artistique 7 ( * ) sur celle suivie pour les autres droits de propriété intellectuelle et il précise que la saisie-contrefaçon des matériels utilisés pour contrefaire peut être une saisie descriptive plutôt qu'une saisie réelle. En outre, il crée une procédure connexe permettant au juge d'ordonner toutes mesures d'instruction visant à collecter des preuves, même en l'absence de saisie-contrefaçon.

Cet article reprend sans modification les articles 17 A à 29 du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon, à l'exception de son article 17 bis ., repris à l'article 5 de la présente proposition de loi.

La procédure de saisie-contrefaçon a été saluée par les personnes entendues par votre rapporteur en raison de son efficacité comme mode de preuve, au point d'avoir été reprise par le droit communautaire.

Le code de la propriété intellectuelle prévoit que « la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens ». La procédure de saisie-contrefaçon consiste à saisir le juge civil statuant en référé afin qu'il autorise, par ordonnance, un huissier, le cas échéant assisté d'experts 8 ( * ) , à procéder « soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des objets prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant ».

Ainsi, la saisie-contrefaçon comporte soit une saisie descriptive, le cas échéant avec prélèvement d'échantillons de marchandises, soit une saisie réelle de l'ensemble des marchandises. En pratique, la saisie-contrefaçon est le plus souvent une saisie descriptive. Il s'agit ainsi d'un mode de preuve très efficace, reposant sur l'intervention des huissiers de justice.

Entendue par votre rapporteur, la chambre nationale des huissiers de justice a fait état de jurisprudences divergentes entre cours d'appel sur le fait de savoir s'il était possible de procéder à une saisie-contrefaçon portant sur des documents se rapportant à des objets prétendus contrefaisants en l'absence de tels objets. Cette pratique des huissiers auparavant admise, utile dans la perspective d'une action en contrefaçon, semblerait remise en cause. Votre rapporteur souhaite approfondir cette question avant l'examen de la présente proposition de loi en séance publique, étant entendu que la Cour de cassation n'a jamais eu l'occasion de se prononcer.

La possibilité de procéder à une saisie descriptive, au lieu d'une saisie réelle, des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer des biens de contrefaçon correspond à une des recommandations formulées dans le rapport d'information précité de 2011. Il en est de même pour la faculté, pour le juge, d'ordonner la production d'éléments de preuve détenus par les parties indépendamment de la saisie-contrefaçon.

Sur ce second point toutefois, votre rapporteur relève que la faculté pour le juge d'ordonner toutes mesures d'instruction même lorsque n'a pas été ordonnée une saisie-contrefaçon s'exerce d'office mais pas à la demande de la partie intéressée. Aussi, sur la proposition de son rapporteur, votre commission a-t-elle adopté un amendement prévoyant que ces mesures de nature à collecter des éléments de preuve, autres que la saisie-contrefaçon, puissent aussi être demandées par toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, dans un souci là encore d'efficacité des procédures.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 (art. L. 332-3, L. 521-4, L. 615-5, L. 623-27-1, L. 716-7 et L. 722-4 du code de la propriété intellectuelle) - Remplacement de l'annulation de la saisie-contrefaçon par la mainlevée en l'absence d'action civile ou pénale du saisissant

L'article 5 de la proposition de loi vise à modifier les conséquences sur la saisie-contrefaçon de l'absence d'action civile ou pénale introduite par le demandeur de cette saisie dans un certain délai fixé par décret 9 ( * ) , tout en harmonisant les dispositions relatives à la propriété littéraire et artistiques avec celles relatives à la propriété industrielle.

Cet article reprend sans modification l'article 17 bis du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Actuellement, en matière de propriété industrielle, à défaut pour le demandeur de s'être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, dans le délai indiqué plus haut, l'intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi, qui n'a pas à motiver la demande. En matière de propriété littéraire et artistique, l'annulation n'est qu'une faculté.

Aussi le présent article vise-t-il à harmoniser les deux régimes, tout en limitant les effets de l'absence d'action du demandeur à la seule saisie réelle, en remplaçant l'annulation de saisie-contrefaçon par une mainlevée. De la sorte, la saisie descriptive réalisée par l'huissier demeure valide et peut être utilement produite, le cas échéant, à l'occasion d'une autre action, ce qui peut rendre plus efficaces les actions ultérieurement engagées en matière de contrefaçon. La saisie descriptive peut être accompagnée d'échantillons, qui semblent devoir échapper également à la mainlevée.

La rédaction retenue par la présente proposition de loi a cependant suscité de la part de diverses personnes entendues par votre rapporteur des difficultés d'interprétation, s'agissant des effets de la mainlevée sur la saisie descriptive. À l'évidence, la mainlevée ne peut concerner que des biens et donc la saisie réelle. À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement destiné à préciser les effets réels de la mainlevée, tout en approuvant cette disposition utile pour les entreprises victimes de contrefaçon qui s'engagent dans des actions civiles.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

CHAPITRE V - RENFORCEMENT DES MOYENS D'ACTION DES DOUANES

Article 6 (art. L. 335-2, L. 335-4, L. 513-4, L. 613-3, L. 623-4 et L. 722-1 du code de la propriété intellectuelle) - Clarification du régime des utilisations interdites des droits de propriété intellectuelle à défaut de consentement de leur titulaire

L'article 6 de la proposition de loi vise à clarifier dans le code de la propriété intellectuelle les utilisations interdites des droits de propriété intellectuelle sans le consentement de leur titulaire et à les harmoniser pour toutes les catégories de droits, en particulier pour les obtentions végétales et les indications géographiques, pour lesquelles ces utilisations interdites ne sont pas précisées. Est ainsi intégré parmi ces utilisations interdites, outre la production, l'offre, la vente, la mise sur le marché, l'importation ou encore l'exportation de biens utilisant ces droits, le transbordement. Par conséquent, tous les droits de propriété intellectuelle bénéficieraient d'un régime complet de protection identique.

Cet article reprend avec un ajustement rédactionnel limité l'article 31 du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Votre rapporteur indique que le rapport d'information précité de notre collègue Richard Yung et de notre ancien collègue Laurent Béteille comportait une recommandation demandant de clarifier la réglementation douanière communautaire pour prévoir explicitement la possibilité pour les douanes d'intervenir pour les produits en transbordement, c'est-à-dire de provenance et de destination extracommunautaires transitant en Europe.

Or, depuis ce rapport d'information et depuis l'adoption du texte de 2011 par votre commission, est intervenu un arrêt dit Nokia 10 ( * ) de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), le 1 er décembre 2011, sous l'empire du règlement (CE) n° 1383/2003 du 22 juillet 2003 concernant l'intervention des autorités douanières à l'égard de marchandises soupçonnées de porter atteinte à certains droits de propriété intellectuelle.

La question préjudicielle posée portait sur la possibilité de contrôler les marchandises placées en régime douanier suspensif et soupçonnées de constituer des contrefaçons. Parmi les régimes suspensifs figure le transit externe, appelé transbordement en droit français, qui permet la circulation sur le territoire douanier de l'Union européenne de marchandises provenant d'un pays tiers et destinées à un pays tiers. Il s'agissait, selon l'arrêt, de savoir « si des marchandises provenant d'un État tiers et constituant une imitation d'un produit protégé dans l'Union (...) peuvent être qualifiées de « marchandises de contrefaçon » (...) au sens du règlement n° 1383/2003 (...) du seul fait qu'elles sont introduites sur le territoire douanier de l'Union », et donc à ce titre faire l'objet d'un contrôle douanier. À cette question, la CJUE a répondu par la négative. Étaient discutés « le risque d'un détournement frauduleux vers les consommateurs dans l'Union de marchandises déclarées sous un régime suspensif » et le fait que, en l'absence d'un tel risque, il n'était pas possible de donner aux droits de propriété intellectuelle protégés par le droit de l'Union européenne une portée territoriale à l'extérieur de l'Union.

La CJUE a indiqué dans son arrêt que « les marchandises placées sous un régime douanier suspensif ne sauraient, du seul fait de ce placement, porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle applicables dans l'Union », ce qui ne serait pas le cas dans l'hypothèse où « des marchandises provenant d'États tiers font l'objet d'un acte commercial dirigé vers les consommateurs dans l'Union », ce qui peut justifier leur contrôle au regard du droit communautaire.

L'arrêt de la CJUE précise ensuite que « l'autorité douanière ayant constaté la présence en entrepôt ou en transit de marchandises imitant ou copiant un produit protégé, dans l'Union, par un droit de propriété intellectuelle peut valablement intervenir lorsqu'elle dispose d'indices selon lesquels l'un ou plusieurs des opérateurs impliqués dans la fabrication, l'expédition ou la distribution des marchandises, tout en n'ayant pas encore commencé à diriger ces marchandises vers les consommateurs dans l'Union, est sur le point de le faire ou dissimule ses intentions commerciales ».

Les indices dont doit disposer l'autorité douanière sont caractérisés comme « des éléments de nature à faire naître un soupçon », qui découlent des circonstances de l'espèce. L'arrêt précise que « peuvent notamment constituer de tels éléments le fait que la destination des marchandises n'est pas déclarée alors que le régime suspensif sollicité exige une telle déclaration, l'absence d'informations précises ou fiables sur l'identité ou l'adresse du fabricant ou de l'expéditeur des marchandises, un manque de coopération avec les autorités douanières ou encore la découverte de documents ou d'une correspondance à propos des marchandises en cause suggérant qu'un détournement de celles-ci vers les consommateurs dans l'Union est susceptible de se produire ».

Ainsi, les bases juridiques permettant aux douanes de contrôler des marchandises de contrefaçon en transbordement sont assez larges, puisque même un manque de coopération avec les douanes peut le justifier.

Pour conclure, l'arrêt de la CJUE indique notamment que « des marchandises provenant d'un État tiers et constituant une imitation d'un produit protégé dans l'Union (...) ne sauraient être qualifiées de « marchandises de contrefaçon » (...) en raison du seul fait qu'elles sont introduites sur le territoire douanier de l'Union sous un régime suspensif », mais que « ces marchandises peuvent, en revanche, porter atteinte audit droit (...) lorsqu'il est prouvé qu'elles sont destinées à une mise en vente dans l'Union, une telle preuve étant fournie, notamment, lorsqu'il s'avère que lesdites marchandises ont fait l'objet d'une vente à un client dans l'Union ou d'une offre à la vente ou d'une publicité adressée à des consommateurs dans l'Union, ou lorsqu'il ressort de documents ou d'une correspondance concernant ces marchandises qu'un détournement de celles-ci vers les consommateurs dans l'Union est envisagé ».

Selon les indications fournies par les douanes, l'arrêt a tout de même eu pour effet de sérieusement restreindre leurs capacités d'action, dans la mesure où le tiers de leurs résultats en matière de contrefaçon provenaient jusque-là de marchandises en transit sur le territoire européen. Les douanes françaises respectent donc l'interprétation donnée par l'arrêt Nokia.

Depuis, le règlement (CE) n° 1383/2003 a été revu et remplacé par le règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 concernant le contrôle, par les autorités douanières, du respect des droits de propriété intellectuelle, entrant en vigueur le 1 er janvier 2014, sans pour autant que le transbordement soit pris en compte. Le droit n'est pas modifié sur ce point.

Or, l'article 6 de la proposition de loi a pour effet de soumettre les marchandises en transbordement au contrôle douanier, en contradiction avec l'arrêt Nokia. Votre commission ne peut que constater, en l'état du droit communautaire et de son interprétation par la CJUE, qu'il n'est pas possible de soumettre au contrôle l'ensemble des marchandises en transbordement.

Pour autant, le Gouvernement oeuvre depuis plusieurs mois pour faire modifier le droit communautaire afin de surmonter la jurisprudence de l'arrêt Nokia, en vue de faire reconnaître la possibilité de contrôler toutes les marchandises en transit sur le territoire de l'Union européenne au titre des droits de propriété intellectuelle, à l'occasion notamment de la renégociation en cours de la directive sur les marques.

En conséquence, votre commission n'a pas souhaité modifié le texte de la proposition de loi sur ce point.

Par ailleurs, votre commission a adopté un amendement présenté par le Gouvernement de coordination rédactionnelle.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 7 (art. L. 335-10, L. 335-11 à L. 335-15 [nouveaux], L. 521-14, L. 521-15, L. 522-1, L. 614-32 à L. 614-37 [nouveaux], L. 623-36 à L. 623-41 [nouveaux], L. 716-8, L. 716-8-1 et L. 722-9 à L. 722-14 [nouveaux] du code de la propriété intellectuelle) - Extension et harmonisation avec le droit communautaire de la procédure de la retenue douanière de marchandises en cas de contrefaçon

L'article 7 de la proposition de loi vise à harmoniser la procédure de retenue douanière de marchandises 11 ( * ) avec le droit communautaire, s'agissant en particulier de la retenue en matière de propriété littéraire et artistique, ainsi qu'à l'étendre aux droits de propriété intellectuelle pour lesquels elle n'existe pas, c'est-à-dire les brevets d'invention, les obtentions végétales et les indications géographiques.

Cet article reprend sans modification les articles 32 à 37 du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

La procédure de retenue douanière existe uniquement, à ce jour, en matière de droit d'auteur ou de droit voisin, de dessins et modèles et de marques. Cette procédure consiste, pour l'administration des douanes, sur demande justifiée du titulaire d'un droit de propriété intellectuelle ou de sa propre initiative dans le cadre de ses contrôles, à retenir des marchandises susceptibles de constituer des contrefaçons. La retenue douanière est notifiée au titulaire du droit, qui dispose d'un délai de dix jours ouvrables 12 ( * ) pour justifier auprès des douanes du fait qu'il a obtenu de la part du juge des mesures conservatoires ou bien qu'il a engagé une action civile ou pénale en contrefaçon 13 ( * ) , faute de quoi la retenue est levée de plein droit. Les douanes peuvent dans ce cadre communiquer diverses informations utiles concernant les biens retenus pour que le titulaire du droit puisse engager une action. La retenue fait aussi l'objet d'une information du procureur de la République.

À côté de la procédure de saisie-contrefaçon, la retenue douanière constitue un instrument juridique efficace pour lutter contre la contrefaçon.

Votre commission a adopté l'article 7 sans modification .

Article 8 (art. 38 du code des douanes) - Clarification de la liste des marchandises prohibées provenant d'un autre État-membre de l'Union européenne

L'article 8 de la proposition de loi précise la liste des marchandises prohibées et en clarifie la rédaction, à l'article 38 du code des douanes. De ce fait, il clarifie et étend le champ de contrôle des douanes à l'ensemble des marchandises contrefaisantes et pas aux seuls marques et dessins et modèles.

Cet article reprend avec quelques modifications l'article 38 du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

L'article 38 du code des douanes fixe, dans son 1, le principe selon lequel « sont considérées comme prohibées toutes marchandises dont l'importation ou l'exportation est interdite à quelque titre que ce soit, ou soumise à des restrictions, à des règles de qualité ou de conditionnement ou à des formalités particulières ». Ce principe est détaillé dans les 2 et 3 du même article.

Le 4 du même article 38 du code des douanes énumère différentes catégories de marchandises prohibées, par dérogation au principe de libre circulation des marchandises sur le territoire de l'Union européenne 14 ( * ) . Sont notamment visés les produits liés à la défense, certains produits chimiques, les stupéfiants, divers produits liés à la santé publique ou au corps humain, les déchets, les objets à caractère pédopornographique et les « marchandises présentées sous une marque contrefaisante ou incorporant un dessin ou modèle tel que mentionné à l'article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle et tel que visé par l'article 19 du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires ». En d'autres termes, les douanes ont la compétence de contrôler ces marchandises prohibées, quand bien même elles viendraient d'un autre État-membre de l'Union européenne.

Le présent article clarifie la rédaction de la longue liste de produits et marchandises énumérés par le code, la rendant ainsi plus lisible, et la complète par les biens culturels et trésors nationaux et, en remplacement des marchandises présentée sous une marque contrefaisante ou incorporant un dessin ou modèle de façon illicite, par les marchandises contrefaisantes dans leur ensemble. Ainsi, toute marchandise contrefaisante, quel que soit le droit de propriété intellectuelle concerné, sera considérée comme une marchandise prohibée et pourra faire l'objet de contrôles par les douanes.

Votre commission a adopté l'article 8 sans modification .

Article 9 (art. 67 bis du code des douanes) - Extension des opérations d'infiltration conduites par les douanes à l'ensemble des marchandises contrefaisantes

L'article 9 de la proposition de loi vise à autoriser plus largement les douanes à réaliser des opérations d'infiltration, afin de rechercher également des délits de contrefaçon. Il modifie à cet effet l'article 67 bis du code des douanes, qui autorise et encadre les opérations d'infiltration.

Cet article reprend avec une modification limitée l'article 38 bis du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Légalement autorisées par l'article 67 bis du code des douanes pour les agents des douanes 15 ( * ) depuis 1991, les opérations d'infiltration consistent, pour des agents des douanes spécialement habilités à cet effet, à « surveiller des personnes suspectées de commettre un délit douanier en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou intéressés à la fraude », en utilisant une identité d'emprunt 16 ( * ) et commettant des actes qui constituent des infractions, sans être pénalement responsables de ces infractions. Les opérations d'infiltration sont réalisées avec l'autorisation et sous le contrôle du procureur de la République.

En l'état du droit, les opérations d'infiltration sont autorisées pour constater les infractions douanières suivantes : importation, exportation ou détention de stupéfiants, contrebande de tabac manufacturé, d'alcool et spiritueux, opération financière entre la France et l'étranger portant sur des fonds provenant d'un délit douanier ou d'une infraction à la législation sur les stupéfiants. Ces opérations ont pour but d'identifier les auteurs et les complices de ces infractions et d'effectuer les saisies.

Sont également visées l'importation et l'exportation de marchandises portant atteinte à certains droits de propriété intellectuelle : marque, dessin ou modèle, droit d'auteur et droits voisins, brevet.

La rédaction proposée par la présente proposition de loi s'avère plus lisible, tout en étendant utilement la possibilité pour les douanes d'organiser des opérations d'infiltration pour constater des atteintes à tous les droits de propriété intellectuelle et artistique et de propriété industrielle, en particulier les obtentions végétales et les indications géographiques, jusque-là écartées. Toutes les marchandises contrefaisantes seraient désormais couvertes, quel que soit le droit de propriété intellectuelle en cause.

Cette disposition pourrait par exemple avoir une conséquence sur le trafic de certaines marchandises de contrefaçon, dès lors qu'une indication géographique pourrait être accordée à des produits non alimentaires, comme le prévoit le projet de loi relatif à la consommation actuellement en navette 17 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 9 sans modification .

Article 10 (art. 67 bis-1 du code des douanes) - Extension des compétences des douanes en matière de « coup d'achat » à l'ensemble des marchandises contrefaisantes

L'article 10 de la proposition de loi vise à faciliter la constatation du délit de contrefaçon, par la reconnaissance de la pratique appelée du « coup d'achat », qui permet de solliciter un vendeur de produits de contrefaçon afin de constituer le délit de commercialisation de produits contrefaisants.

Cet article reprend avec des ajustements rédactionnels l'article 38 ter du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Autorisée depuis la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la pratique du « coup d'achat » consiste, pour des agents des douanes habilités à cet effet, avec l'autorisation et sous le contrôle du procureur de la République, à acquérir des produits illicites ou à aider des personnes se livrant au trafic de tels produits, tout en bénéficiant d'une exonération de responsabilité pénale, à l'instar des opérations d'infiltration. Lorsque ces produits sont vendus par le biais d'un moyen de communication électronique, il peut être fait usage d'une identité d'emprunt 18 ( * ) . Ces opérations ont pour finalité de constater des infractions et d'identifier leurs auteurs, comme les opérations d'infiltration.

En l'état du droit, ce dispositif s'applique aux produits stupéfiants, ainsi qu'à certaines marchandises de contrefaçon. Sont seules concernées les marchandises portant atteinte à certains droit de propriété intellectuelle : marque, dessin ou modèle, droit d'auteur et droits voisins, brevet.

Comme pour les opérations d'infiltration à l'article à de la présente proposition de loi, il s'agit de prendre en compte toutes les marchandises contrefaisantes sans exception, étendant donc le dispositif aux obtentions végétales et aux indications géographiques.

En outre, le présent article 10 étend la finalité de ces opérations à l'identification, outre des auteurs et des complices des infractions concernées en matière de stupéfiants et de contrefaçon, des personnes qui y ont participé comme étant intéressées à l'infraction 19 ( * ) , par analogie avec ce que prévoit le code pour les opérations d'infiltration.

Votre commission a adopté l'article 10 sans modification .

Article 11 (art. L. 343-2, L. 521-6, L. 521-14, L. 615-3, L. 623-27, L. 716-6, L. 716-8 et L. 722-3 du code de la propriété intellectuelle) - Simplification de l'action pénale en matière de contrefaçon

L'article 11 de la proposition de loi vise à simplifier l'engagement de l'action pénale pour la partie lésée par une contrefaçon, étant entendu qu'en l'absence d'action civile ou pénale dans un délai fixé par voie réglementaire, les diverses mesures temporaires destinées à prouver la contrefaçon doivent être levées (retenue douanière, saisie-contrefaçon et mesures conservatoires ordonnées par un juge) 20 ( * ) .

Cet article reprend sans modification l'article 38 quater du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

En l'état du droit, il n'est pas possible d'engager une action pénale en matière de contrefaçon par simple dépôt de plainte auprès du procureur de la République, mais il faut soit une citation directe soit un dépôt de plainte avec constitution de partie civile, ce qui soit est peu adapté soit plus contraignant en termes de délais.

Votre rapporteur relève que les personnes lésées par une contrefaçon utilisent généralement par préférence l'action civile, plus simple à engager, se limitant à demander des dommages et intérêts tout en pouvant utiliser les procédures de retenue douanière ou saisie-contrefaçon. Peut-être le présent article permettra-t-il qu'un nombre plus important d'actions pénales soient engagées en matière de contrefaçon.

Votre commission a adopté l'article 11 sans modification .

Article 12 (art. 66 du code des douanes et art. L. 6-1 du code des postes et des communications électroniques) - Actualisation des modalités d'accès des agents des douanes aux locaux des prestataires de services postaux et des entreprises de fret express

L'article 12 de la proposition de loi modernise les modalités du droit d'accès des agents des douanes aux locaux de la Poste, en l'étendant à tous les prestataires de services postaux 21 ( * ) ainsi qu'aux entreprises de fret express, dans un objectif d'amélioration du contrôle sur le contenu des colis. Il réécrit à cette fin l'article 66 du code des douanes.

À cet égard, votre rapporteur a constaté lors de ses auditions que, du fait vraisemblablement de l'article 66 du code des douanes, la Poste avait une habitude de plus grande collaboration avec les douanes que les entreprises de fret express, autrement appelées expressistes.

Cet article ne figurait pas dans le texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

L'article 66 du code des douanes n'avait pas été modifié depuis la refonte du code des douanes en 1948, entrée en vigueur le 1 er janvier 1949, et sa rédaction actuelle apparaît quelque peu obsolète. Ce dispositif en l'état ne prévoit pas l'information ou l'intervention du procureur de la République. Il dispose ainsi que « les fonctionnaires des douanes ont accès dans les bureaux de poste sédentaires ou ambulants, y compris les salles de tri, en correspondance directe avec l'extérieur, pour y rechercher, en présence des agents des postes, les envois, clos ou non, d'origine intérieure ou extérieure, à l'exception des envois en transit, renfermant ou paraissant renfermer des objets de la nature de ceux visés au présent article ». Il ajoute, selon une formulation obsolète et ambiguë, que la Poste est « autorisée à soumettre au contrôle douanier » les envois frappés de prohibition à l'importation ou à l'exportation, passibles de droits ou taxes douaniers ou soumis à des restrictions ou formalités à l'entrée ou à la sortie. Il s'agit en réalité de permettre le contrôle douanier de tous les envois. L'article 66 du code des douanes rappelle toutefois qu'« il ne peut, en aucun cas, être porté atteinte au secret des correspondances ».

À cet égard, votre rapporteur tient à rappeler que le secret des correspondances est un principe de valeur constitutionnelle, reconnu par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2004-492 du 2 mars 2004 sur la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Le Conseil constitutionnel énonce dans cette décision « qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir, l'inviolabilité du domicile privé, le secret des correspondances et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, ainsi que la liberté individuelle, que l'article 66 de la Constitution place sous la surveillance de l'autorité judiciaire » 22 ( * ) .

Pour autant, il semble à votre rapporteur que l'ouverture d'un colis postal ne constitue pas en soi une violation du secret des correspondances, dans la mesure où un colis comporte en principe des biens et marchandises. Au surplus, l'objectif poursuivi par le présent texte est bien la recherche des auteurs d'infractions, en l'espèce en matière douanière.

En outre, le contenu de l'article 66 du code des douanes est rappelé par l'article L. 6-1 du code des postes et des communications électroniques.

La présente proposition de loi prévoit que les agents des douanes ont accès aux locaux des prestataires de services postaux et des entreprises de fret express aux fins de recherche et de constatation des infractions à la législation douanière, lorsque sont susceptibles d'y être détenus des envois renfermant ou paraissant renfermer des marchandises, sommes, titres ou valeurs en rapport avec ces infractions. Ce droit d'accès ne s'étend pas aux éventuelles parties de ces locaux à usage d'habitation. Sur ce dernier point, l'article 15 de la présente proposition de loi modifie le droit en vigueur 23 ( * ) .

S'agissant des heures d'accès, le présent dispositif reprend celui qui existe déjà au deuxième alinéa de l'article 63 ter du code des douanes relatif au droit d'accès des douanes aux locaux et lieux à usage professionnel, c'est-à-dire « entre 8 heures et 20 heures ou, en dehors de ces heures, lorsque l'accès au public est autorisé, ou lorsque sont en cours des activités de production, de fabrication, de conditionnement, de transport, de manutention ou d'entreposage ».

L'article 12 du présent texte précise en outre que le contrôle a lieu en présence de l'opérateur contrôlé ou de son représentant et fait l'objet d'un procès-verbal. Il maintient la disposition selon laquelle il ne peut pas être porté atteinte au secret des correspondances à l'occasion de ces contrôles. Il simplifie enfin la rédaction de l'article L. 6-1 du code des postes et des communications électroniques, en procédant à un simple renvoi à l'article 66 du code des douanes, ce qui paraît plus satisfaisant du point de vue de la coordination entre les codes dès lors que l'on veut conserver une mention de ce dispositif dans le code des postes et des communications électroniques.

Le dispositif ainsi modernisé de l'article 66 du code des douanes correspond, selon votre rapporteur, aux exigences actuelles et aux garanties requises pour un droit d'accès de l'administration à des locaux à caractère professionnel aux fins de contrôle, qui n'entre pas dans le cadre de visites domiciliaires ou de perquisitions 24 ( * ) , lesquelles se déroulent sous le contrôle de l'autorité judiciaire.

Votre commission a adopté l'article 12 sans modification .

Article 13 (art. 67 sexies [nouveau] du code des douanes) - Accès des douanes aux données des prestataires de services postaux et des entreprises de fret express à des fins de contrôle

L'article 13 de la proposition de loi crée au sein du code des douanes un nouvel article 67 sexies pour organiser la transmission aux douanes, par les prestataires de services postaux et les entreprises de fret express, des « données dont ils disposent et pour autant qu'elles soient nécessaires à l'identification des marchandises, biens et objets acheminés, de leurs moyens de transport ainsi que des personnes concernées par leur acheminement », afin de soumettre ces données à des traitements automatisés destinés à faciliter la constatation des infractions douanières.

Cet article ne figurait pas dans le texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Seraient cependant exclues de cette transmission, conformément au I de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les « données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci ». Votre rapporteur s'interroge sur les conditions dans lesquelles cette restriction pourrait être, en pratique, respectée.

Lors de ses auditions, votre rapporteur a constaté que cette nouvelle disposition était vivement contestée par les entreprises de fret express, mais nettement moins par la Poste, sans doute davantage habituée à collaborer avec les douanes. Selon les expressistes, cette dispositions représenterait un coût important et pourrait créer des distorsions de concurrence avec les pays étrangers. Votre rapporteur a demandé au Gouvernement de poursuivre le dialogue avec ces opérateurs, afin de parvenir si possible à une entente. Les expressistes ont exprimé leur préférence pour une formule plus souple de conventions de coopération avec les douanes, formule qui ne permettrait pas la collecte et le traitement de données personnelles.

Les opérateurs sont déjà soumis à diverses obligations déclaratives auprès des douanes pour les colis de provenance extracommunautaire, en application du code des douanes communautaire 25 ( * ) . Ici, tous les colis seraient visés, y compris d'ailleurs ceux en simple transit sur le territoire français.

Ce dispositif ne concerne pas que la contrefaçon, mais l'ensemble des délits douaniers de première et deuxième classes, visés aux articles 414 et 415 du code des douanes, ainsi que les infractions à la législation relative aux relations financières avec l'étranger, visées à l'article 459 du même code.

Sont ainsi visées les infractions suivantes :

- tout fait de contrebande 26 ( * ) ainsi que tout fait d'importation ou d'exportation sans déclaration lorsque ces infractions se rapportent à des marchandises de la catégorie de celles qui sont prohibées ou fortement taxées (article 414) ;

- toute opération financière entre la France et l'étranger portant sur des fonds provenant, directement ou indirectement, d'un délit douanier ou d'une infraction à la législation sur les stupéfiants (article 415) ;

- toute infraction à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger, soit en ne respectant pas les obligations de déclaration ou de rapatriement, soit en n'observant pas les procédures prescrites ou les formalités exigées, soit en ne se munissant pas des autorisations requises ou en ne satisfaisant pas aux conditions dont ces autorisations sont assorties (article 459).

Auraient seuls accès aux données collectées des agents des douanes « individuellement désignés et spécialement habilités par le ministre chargé des douanes ». L'information des personnes concernées par cette collecte, en particulier les expéditeurs et destinataires, afin de leur permettre d'exercer leur droit d'accès et de rectification, serait réalisée par les opérateurs. Les modalités de mise en oeuvre du dispositif, s'agissant notamment de la durée de conservation des données, seraient déterminées par un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Ainsi, ce dispositif est encadré avec les garanties habituelles en matière de traitement automatisé de données à caractère personnel : fixation de la finalité du traitement, limitation des personnes autorisées à le consulter, information des personnes concernées, données exclues...

L'objectif recherché par les douanes est de pouvoir appliquer des de critères de risque connus aux données transmises, à l'aide de traitements automatisés, afin de mieux cibler les contrôles et de les rendre plus efficaces (nature des marchandises, pays d'origine, expéditeur, destinataire...).

En effet, selon les représentants des douanes entendus en audition, attachés à ce nouveau dispositif, alors que les délits douaniers se constatent traditionnellement dans des entrepôts de stockage de marchandises, le développement du commerce électronique, à partir de l'étranger notamment, conduit à ce que des marchandises illicites peuvent se déplacer de façon isolée et beaucoup plus discrète par le biais des colis transportés par la Poste et les expressistes.

Ce dispositif soulève la question de l'atteinte à la vie privée et aux données personnelles et de la proportionnalité de cette atteinte avec l'objectif de contrôle poursuivi, dans un contexte particulier qui est celui, déjà évoqué, du secret des correspondances. Cette question est d'ordre constitutionnel. Votre rapporteur rappelle à cet égard que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2012-652 DC du 22 mars 2012 sur la loi relative à la protection de l'identité, a censuré le fichier d'identité biométrique.

Dans l'attente de la poursuite des discussions, votre rapporteur a toutefois proposé d'adopter le présent article en l'état, à titre conservatoire, sans préjudice de la position et des éventuels amendements qu'il pourra soumettre à votre commission en vue de la séance publique.

Votre commission a adopté l'article 13 sans modification .

Article 14 (art. L. 233-1 et L. 251-2 du code de la sécurité intérieure) - Correction d'erreurs de référence au code des douanes dans le code de la sécurité intérieure

L'article 14 de la proposition de loi procède à la correction de deux erreurs de référence à l'article 414 du code des douanes au sein des articles L. 233-1 et L. 251-2 du code de la sécurité intérieure, visant la commission de délits douaniers en bande organisée.

Cet article ne figurait pas dans le texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Il n'appelle pas d'observations de la part de votre rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 14 sans modification .

Article 15 (art. 63 ter du code des douanes) - Accès des douanes aux locaux d'habitation attenant à des locaux professionnels à des fins de contrôle

L'article 15 de la proposition de loi vise à simplifier la procédure d'accès des douanes aux parties de locaux affectées à un usage d'habitation au sein de locaux à usage professionnel, avec l'assentiment de la personne concernée ou de son représentant. En effet, les douanes disposent d'un droit d'accès, sous réserve d'information préalable du procureur de la République qui peut s'y opposer, aux locaux et lieux à usage professionnel.

Cet article ne figurait pas dans le texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

En application de l'article 63 ter du code des douanes, les douanes disposent d'un droit d'accès aux locaux professionnels, « entre 8 heures et 20 heures ou, en dehors de ces heures, lorsque l'accès au public est autorisé, ou lorsque sont en cours des activités de production, de fabrication, de conditionnement, de transport, de manutention, d'entreposage ou de commercialisation ». En revanche, ce droit d'accès ne peut pas s'appliquer lorsqu'une partie de ces locaux sont à usage de domicile privé, une chambre ou un appartement attenant à un magasin par exemple, ou encore sont à usage privatif, des vestiaires par exemple. En pareille hypothèse, hors cas de flagrant délit, il faut une autorisation judiciaire, délivrée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention, en application de l'article 64 du code des douanes.

Or, cette procédure d'autorisation judiciaire préalable peut sembler inutilement lourde lorsque la personne contrôlée, de bonne foi, ne s'oppose pas à ce que les douanes accèdent à ces parties de locaux à usage privé. Aussi l'article 15 de la proposition de loi prévoit-il, à titre dérogatoire, que les agents des douanes peuvent accéder à ces parties de locaux dès lors que la personne concernée ou son représentant a donné son assentiment, lequel serait annexé au procès-verbal établi par les agents à l'issue de leur visite.

Cette disposition constitue donc un assouplissement et une facilité d'action pour les douanes, lorsque la personne contrôlée est de bonne foi, dès lors qu'elle lui conserve la faculté de refuser. En pareille hypothèse, une autorisation judiciaire serait évidemment toujours nécessaire.

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle visant à éviter toute ambiguïté dans l'interprétation de cet article, s'agissant notamment de la détermination de la partie des locaux et lieux à usage professionnel qui est affectée à usage d'habitation, tout en élargissant cette faculté à l'ensemble des parties à usage privatif et pas seulement à usage d'habitation.

Votre commission a adopté l'article 15 ainsi modifié .

CHAPITRE VI - DISPOSITIONS DIVERSES

Article 16 (art. L. 321-1, L. 321-9, L. 511-10, L. 521-3, L. 611-8, L. 615-8, L. 622-3, L. 623-29, L. 712-6 et L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle) - Alignement sur le droit commun des délais de prescription de l'action civile en matière de contrefaçon

L'article 16 de la proposition de loi vise à aligner les divers délais de prescription de l'action civile en matière de contrefaçon sur le délai de droit commun de cinq ans, établi par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, dont notre collègue Jean-Jacques Hyest a été l'auteur, en conclusion d'une mission d'information conduite avec nos collègues Hugues Portelli et Richard Yung. Depuis 2008, le code civil dispose en effet, dans son article 2224, que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

Cet article reprend avec un ajout limité l'article 39 A du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

En l'état du code de la propriété intellectuelle, il existe trois délais de prescription différents, de trois 27 ( * ) , cinq et dix 28 ( * ) ans, que la présente proposition de loi prévoit de tous aligner sur cinq ans, dans un souci de simplification du droit de la propriété intellectuelle comme de rationalisation de l'ensemble du droit civil.

Votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité de mettre en place des dispositions transitoires pour les délais de prescription en cours à la date de publication du présent texte, afin de préciser les effets dans le temps soit de l'allongement soit de la réduction des délais de prescription, à l'instar de ce que l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 précitée a prévu. En réalité, cette préoccupation est déjà satisfaite, par l'article 2222 du code civil, lui-même créé à la faveur de la réforme de 2008 pour fixer les règles transitoires en cas de modification du régime d'une prescription ou d'une forclusion, reprenant la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière.

L'article 2222 du code civil dispose :

« La loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.

« En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »

Dans ces conditions, l'article 2222 trouvera à s'appliquer s'agissant de la modification des délais de prescription au sein du code de la propriété intellectuelle.

Enfin, par rapport au texte adopté par votre commission en 2011, le présent article comporte une disposition supplémentaire, qui vise à tirer les conséquences en matière de propriété littéraire et artistique de l'alignement sur cinq ans des délais de prescription, en modifiant l'article L. 321-9. En effet, les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur peuvent utiliser certaines sommes perçues à des fins d'aide à la création, de diffusion du spectacle vivant et à de formation des artistes « à compter de la fin de la cinquième année suivant la date de leur mise en répartition, sans préjudice des demandes de paiement des droits non prescrits ». Dès lors que la prescription est fixée à cinq ans, il n'y a plus lieu de prévoir la réserve des droits non prescrits. La proposition de loi supprime donc utilement cette réserve.

Votre commission a adopté l'article 16 sans modification .

Article 16 bis (art. L. 422-10-1 [nouveau] du code de la propriété intellectuelle) - Instauration d'une obligation de formation continue pour les conseils en propriété industrielle

Introduit par votre commission sur la proposition de son rapporteur, l'article 16 bis de la proposition de loi vise à instaurer une obligation de formation continue pour la profession de conseil en propriété industrielle, régie par le code de la propriété intellectuelle.

La question de l'obligation de formation continue des conseils en propriété industrielle est débattue depuis de nombreuses années. Entendue par votre rapporteur, la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI) a fait état de son souhait que soit mise en place une telle obligation. Elle a d'ailleurs adopté une résolution en ce sens lors de son assemblée générale du 19 décembre 2012.

D'autres professions réglementées sont astreintes à une obligation de formation continue, gage de crédibilité et d'adaptation des compétences, à l'instar par exemple des avocats.

Une telle obligation, requérant une base légale, trouverait aisément sa place dans la présente proposition de loi. Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement en ce sens présenté par son rapporteur.

L'article 16 bis crée un nouvel article L. 422-10-1 dans le chapitre II, relatif aux conditions d'exercice de la profession de conseil en propriété industrielle, au sein du titre II du livre IV de la deuxième partie du code de la propriété intellectuelle. Cet article prévoit que la formation continue est obligatoire pour les conseils en propriété industrielle, sous le contrôle de la compagnie nationale. Il ajoute qu'un décret en Conseil d'État détermine la nature et la durée des activités susceptibles d'être validées au titre de l'obligation de formation continue, ainsi que les modalités de son contrôle.

Votre commission a adopté l'article 16 bis ainsi rédigé .

Article 17 (art. L. 615-20 du code de la propriété intellectuelle) - Suppression d'une disposition inutile

L'article 17 de la proposition de loi vise à supprimer le fait que, dans le cas où un « consultant » est désigné par le juge pour suivre une procédure civile engagée en matière de brevets, soit d'office soit à la demande des parties, ce consultant ne peut interroger les parties ou leurs représentants qu'« en chambre du conseil », c'est-à-dire en audience non publique.

Cette restriction n'apparaissant pas justifiée, les mots « en chambre du conseil » seraient supprimés de l'article L. 612-20 du code de la propriété intellectuelle, rendant cette procédure publique et donc plus simple, de sorte qu'un expert technique puisse plus aisément contribuer à éclairer le juge.

Cet article reprend sans modification l'article 39 du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

À titre de comparaison, le code de la propriété intellectuelle prévoit que les débats ont lieu en chambre du conseil du tribunal de grande instance lorsqu'ils sont relatifs à des inventions et des brevets en lien avec la défense nationale, auquel cas l'absence de publicité se comprend davantage 29 ( * ) .

En outre, le code de la propriété intellectuelle prévoit aussi, dans son article L. 615-21, que les débats ont lieu en chambre du conseil en cas de contentieux portant sur une invention faite par un salarié, à la suite d'une procédure de conciliation entre employeur et salarié. L'absence de publicité peut sembler ici moins pertinente, même si elle s'explique par la particularité du contentieux concerné entre un employeur et son salarié.

Votre commission a adopté l'article 17 sans modification .

Article 18 (art. L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle) - Aggravation des sanctions pénales en cas de contrefaçon dangereuse pour la santé ou la sécurité de l'homme ou de l'animal

L'article 18 de la proposition de loi vise à aggraver le quantum des peines encourues en cas de contrefaçon de marque, lorsque les marchandises contrefaisantes sont dangereuses pour la santé ou la sécurité de l'homme ou de l'animal. Il complète à cet effet l'article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle, qui punit la contrefaçon de marque de trois ans de prison et 300 000 euros d'amende, peines portées à cinq ans de prison et 500 000 euros d'amende lorsque ce délit est commis en bande organisée ou sur un réseau de communication au public en ligne. S'agissant de produits dangereux pour la santé ou la sécurité, les peines seraient aggravées de la même manière.

Cet article reprend sans modification l'article 39 bis du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Ainsi que votre rapporteur l'a déjà souligné supra , le phénomène de la contrefaçon se diversifie aujourd'hui sur des marchandises qui peuvent présenter un danger pour la santé ou la sécurité des consommateurs. Une telle aggravation des sanctions pénales paraît donc tout à fait opportune.

Votre commission a adopté l'article 18 sans modification .

Article 19 (art. L. 722-1, L. 722-2, L. 722-3, L. 722-4 et L. 722-7 du code de la propriété intellectuelle) - Adaptations rédactionnelles en matière de contentieux des indications géographiques

L'article 19 de la proposition de loi procède à diverses adaptations rédactionnelles au sein des articles du code de la propriété intellectuelle qui traitent de l'action civile en matière d'indications géographiques, dans un but d'harmonisation rédactionnelle au sein du code. Il prévoit en particulier de remplacer la notion d'atteinte à une indication géographique par la notion de contrefaçon : une telle atteinte constitue clairement une contrefaçon, étant donné qu'une indication géographique peut s'analyser comme une marque collective. Il s'agit donc d'une clarification rédactionnelle, qui ne modifie pas l'état du droit.

Cet article reprend sans modification l'article 39 ter du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Votre commission a adopté l'article 19 sans modification .

CHAPITRE VII - DISPOSITIONS FINALES

Article 20 - Application de la proposition de loi dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie

L'article 20 de la proposition de loi prévoit son application dans les collectivités ultramarines régies par le principe de spécialité législative (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna et Terres australes et antarctiques françaises), lequel exige une mention expresse de la part du législateur pour étendre leur application. En l'absence d'une telle mention, le droit applicable localement ne prendrait pas en compte les modifications apportées par la présente proposition de loi.

Cet article reprend avec modification l'article 40 du texte adopté par votre commission le 12 juillet 2011 sur la précédente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Il prévoit que l'ensemble de la proposition est loi est applicable dans les Terres australes et antarctiques françaises et les îles Wallis et Futuna. En revanche, il ne rend applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française que les dispositions pénales, renvoyant aux « articles 33, 34, 36, 37, 39, 43 et 50 » de la proposition de la loi, lesquels n'existent pas.

Suivant l'intention des auteurs du texte, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur rectifiant la rédaction de cet article.

En premier lieu, afin de respecter les compétences des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie déterminées, en application des articles 74 et 77 de la Constitution, par la loi organique, le législateur ne peut étendre que les dispositions relevant de son domaine de compétence. La loi ne peut ainsi étendre les dispositions de la présente proposition de loi relatives au droit civil, à la procédure civile et au droit commercial qui relèvent, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, de la compétence des autorités locales. C'est pourquoi, pour ces deux collectivités, votre commission s'est bornée à étendre les dispositions relatives au droit pénal et à la procédure pénale ou mettant en jeu les libertés publiques, notamment par l'introduction de règles relatives à des mesures privatives de liberté, l'ensemble de ces dispositions relevant de la compétence de l'État.

En second lieu, aucune mention expresse n'est requise du législateur lorsque l'application de plein droit des dispositions est d'ores et déjà prévue par la loi organique, pour les collectivités d'outre-mer ou la Nouvelle-Calédonie, ou par la loi, pour les Terres australes et antarctiques françaises.

S'agissant des Terres australes et antarctiques françaises, les règles de droit civil de droit commercial, de droit pénal, de procédure pénale y sont applicables de plein droit en application de l'article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955. Dès lors, la mention expresse prévue par le présent article, dans sa rédaction initiale, a été supprimée par votre commission en raison de sa redondance.

En Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna, votre commission a souhaité étendre les dispositions de la présente proposition de loi dès lors qu'elles relèvent de la compétence de l'État.

Enfin, dans un souci d'exactitude et de clarté, votre commission a modifié l'intitulé de la division au sein du code de la propriété intellectuelle spécifique à l'application outre-mer des dispositions de ce code, afin de remplacer une référence aux « territoires d'outre-mer », terminologie qui ne vise désormais que les Terres australes et antarctiques françaises mais ni les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, ni Mayotte, ni la Nouvelle-Calédonie, également concernés par cette partie.

Votre commission a adopté l'article 20 ainsi modifié .

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon ainsi modifiée .

EXAMEN EN COMMISSION

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Le texte que nous abordons maintenant concerne des milliers d'emplois.

M. Michel Delebarre , rapporteur . - Je tiens à saluer Richard Yung et Laurent Béteille, qui ont mené au nom de notre commission des travaux d'information en 2010 et 2011, afin d'évaluer la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon. Laurent Béteille avait ensuite déposé une proposition de loi, dont Richard Yung avait été nommé rapporteur et que notre commission avait adoptée en juillet 2011. Devant être inscrite à l'ordre du jour à l'automne 2011, elle fut finalement retirée. Notre collègue Yung, qui préside depuis cette année le Comité national anti-contrefaçon, a déposé une nouvelle proposition de loi en septembre dernier, avec le soutien du Gouvernement, en particulier de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, particulièrement attachée à la lutte contre le fléau de la contrefaçon. Moi aussi, contrefacteur d'un jour, je reprends la responsabilité d'une initiative préparée par d'autres...

La contrefaçon est aujourd'hui un fléau protéiforme. Ce fléau économique, pour nos entreprises et nos emplois, pour le savoir-faire français, coûte environ 35 000 emplois par an à la France. Selon l'OCDE, son impact financier mondial s'élèverait à 250 milliards de dollars. Certains avancent même le chiffre de 1 000 milliards. En tout cas, son effet est lourd et massif.

La contrefaçon s'est nettement amplifiée et internationalisée ces dernières années, avec le développement du commerce mondial, en particulier avec les pays émergents. Je ne veux citer aucun pays, mais la plupart des pays d'origine des marchandises contrefaisantes seraient à l'est de la France, plus ou moins loin. Ces flux internationaux de contrefaçon semblent de plus en plus en lien avec des organisations criminelles transnationales, qui trouvent là un trafic bien plus rentable et bien moins risqué pénalement et financièrement que le trafic de drogue par exemple. La contrefaçon pose aujourd'hui un problème de criminalité organisée.

Les marchandises concernées se sont considérablement diversifiées. Autrefois tolérée, car abordée à travers le seul prisme des produits de luxe, la contrefaçon porte aujourd'hui d'abord sur des pièces détachées automobiles, des médicaments, des produits cosmétiques, des éléments de construction pour le bâtiment ou encore des jouets. Elle représente désormais une menace pour la sécurité et la santé des consommateurs. De fausses plaquettes de frein peuvent provoquer un accident, un faux médicament peut être un remède pire que le mal.

Cette proposition de loi rend notre législation plus efficace dans la lutte contre la contrefaçon, qui s'effectue largement par l'action civile des entreprises lésées, qui cherchent à obtenir réparation, la voie pénale étant moins souvent employée. L'action des services des douanes, qui s'exerce dans un cadre communautaire précis, est primordiale. La proposition de loi adapte donc les mécanismes civils existant dans le code de la propriété intellectuelle et renforce les moyens d'action et de contrôle des douanes. Elle comporte aussi quelques dispositions pénales.

Cette proposition de loi ne constitue pas une vaste réforme de la législation, déjà opérée par la loi du 29 octobre 2007. Elle apporte une série d'adaptations et d'ajustements au regard de la pratique constatée, ainsi qu'une mise en cohérence des dispositifs régissant la protection des différentes catégories de droit de propriété intellectuelle : le droit d'auteur et les droits voisins, pour la propriété littéraire et artistique, et les droits en matière de dessins et modèles, de brevets, de marques, d'obtentions végétales et d'indications géographiques pour la propriété industrielle. Le texte reprend entièrement celui de la proposition de loi de Laurent Béteille que notre commission avait adoptée en juillet 2011, avec quelques ajouts.

La proposition de loi prévoit de renforcer la spécialisation du TGI de Paris en matière de propriété intellectuelle, en lui confiant à titre exclusif le contentieux des indications géographiques. Il faut préférer à cette disposition injustifiée le renforcement de la formation et de la spécialisation des magistrats en matière de propriété intellectuelle et de contrefaçon. Depuis 2009, le TGI de Paris est seul compétent en matière de brevets, tandis qu'un nombre limité de TGI sont compétents pour le contentieux des autres droits de propriété industrielle.

Le texte améliore les dédommagements civils. Depuis la loi de 2007, pour fixer le montant des dommages et intérêts, le juge doit considérer les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte. La proposition de loi, plus précise, indique que le juge prend en compte distinctement ces trois critères et ajoute que les bénéfices réalisés par le contrefacteur peuvent comprendre les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels qu'il a retirées de la contrefaçon.

Si le juge estime que les sommes qui en découlent ne réparent pas l'intégralité du préjudice subi par la partie lésée, il peut ordonner la confiscation de tout ou partie des recettes procurées par l'atteinte aux droits au profit de la partie lésée, de façon à éviter que la faute reste lucrative.

Ajoutée au troisième chef de préjudice qui va déjà au-delà du strict droit de la réparation, mais qui existe depuis 2007, cette disposition s'apparente à des dommages et intérêts punitifs, notion américaine qui consiste à fixer un montant de dommages et intérêts supérieur au préjudice réellement subi par la personne lésée, dans le but de punir le responsable du préjudice. Serait alors à craindre l'extension d'un tel mécanisme en droit français de la responsabilité. Même les représentants des entreprises y sont hostiles. Je vous proposerai de clarifier une rédaction dont la portée juridique paraît bien incertaine. Il est déjà possible de prendre en compte les bénéfices réalisés par le contrefacteur pour évaluer le préjudice, de façon à ce que la faute ne soit pas lucrative. Sur ce point, il faut aussi distinguer bénéfices et chiffre d'affaires.

Alain Anziani et Laurent Béteille, dans leur rapport d'information de 2009 sur la responsabilité civile, avaient envisagé des dommages et intérêts punitifs d'un montant limité afin de mieux sanctionner la faute lucrative dans certains contentieux spécialisés. La contrefaçon en fait partie, car le contrefacteur, même sanctionné civilement au versement de dommages et intérêts, peut tout de même retirer un bénéfice de la contrefaçon. Les dommages et intérêts punitifs apporteraient cependant un grand bouleversement à notre droit civil. En matière de faute lucrative, il serait envisageable d'explorer la voie de l'amende civile pour récupérer l'éventuel chiffre d'affaires indu, mais au bénéfice du Trésor public, la partie lésée ayant de toute façon obtenu réparation par le montant normal des dommages et intérêts destinés à réparer intégralement, mais uniquement, le préjudice subi. Cela mériterait toutefois un examen plus approfondi.

Différentes procédures prévues par le code de la propriété intellectuelle en matière de contrefaçon sont améliorées : droit à l'information, droit de la preuve, procédure de saisie-contrefaçon. Ces dispositions n'appellent pas d'observations significatives.

Les moyens d'action des douanes sont renforcés. La proposition de loi harmonise la procédure de retenue douanière pour les différents droits de propriété intellectuelle, en conformité avec le droit communautaire. Elle autorise plus largement les douanes à mener des opérations d'infiltration en matière de contrefaçon, et facilite la constatation de l'infraction de contrefaçon, en permettant aux douanes de solliciter un vendeur, selon la technique dite du « coup d'achat » ; ces deux dispositifs comportent une exonération de responsabilité pénale pour les agents des douanes.

L'accès des douanes à l'ensemble des locaux, qui n'existe que pour la Poste, est étendu à l'ensemble des prestataires de services postaux et des entreprises de fret express. Le texte permet aussi aux douanes d'accéder aux locaux à usage d'habitation qui sont à l'intérieur de locaux professionnels, avec l'autorisation de l'occupant. Sans autorisation, il faudra comme aujourd'hui solliciter une autorisation du juge des libertés et de la détention.

L'article 13 prévoit le transfert aux douanes, par les prestataires de services postaux et les entreprises de fret express, de toutes leurs données relatives à l'identification des expéditeurs, des destinataires et des marchandises transportées dans les colis. Cette obligation existe en droit communautaire, pour le contrôle des colis de provenance extracommunautaire. Là, tous les colis seraient visés. Les douanes souhaitent des traitements automatisés de ces données, à partir de critères de risque, pour cibler leurs contrôles. Elles invoquent le développement du commerce électronique, à partir de l'étranger notamment, et le fait que des marchandises illicites peuvent se glisser discrètement dans la myriade des colis transportés. J'ai demandé au Gouvernement de poursuivre un dialogue technique avec les expressistes. Ces derniers sont, contrairement à la Poste, très hostiles à cette nouvelle obligation, qui représenterait un coût et pourrait créer selon eux des distorsions de concurrence avec les autres États de l'Union européenne.

Se pose aussi la question de l'atteinte à la vie privée et aux données personnelles et de sa proportionnalité à l'objectif de contrôle poursuivi, ce dans le contexte particulier du secret des correspondances. Le Conseil constitutionnel est très sensible à ces questions, comme l'a montré sa décision sur les fichiers d'identité biométriques. J'attends une appréciation de la CNIL. À ce stade, je propose d'adopter cette disposition en l'état, sachant que le dispositif a été encadré par les garde-fous habituels en matière de fichiers. Au vu de mes auditions, c'est dans la proposition de loi le second sujet le plus controversé, avec la question des dommages et intérêts punitifs.

Les délais de prescription en matière de propriété intellectuelle sont alignés sur le délai de droit commun de cinq ans, fixé en 2008. La proposition de loi étend les effets de la réforme de la prescription en matière civile, initiée par le président Jean-Jacques Hyest.

Enfin, des dispositions éparses de modeste importance, notamment en matière pénale, figuraient déjà dans le texte de 2011. Il est prévu d'aggraver les sanctions pénales encourues en matière de contrefaçon lorsque celle-ci porte sur des produits présentant un danger sur la santé ou la sécurité : on passerait de trois à cinq ans de prison et de 300 000 à 500 000 euros d'amende.

Nous nous plaçons dans la continuité de nos propres pas, ainsi je vous proposerai un nombre limité d'amendements. Nous devons être cohérents avec ce que nous avons déjà adopté en 2011. Le Gouvernement présentera quelques amendements, assez volumineux, visant à tirer les conséquences de l'adoption de textes européens récents : le nouveau règlement du 12 juin 2013 concernant le contrôle par les douanes du respect des droits de propriété intellectuelle, et sans doute les textes relatifs à la juridiction unifiée du brevet, adoptés dans le cadre d'une coopération renforcée. Sous réserve des amendements que nous allons examiner, je vous propose donc d'adopter cette proposition de loi particulièrement bienvenue, qui n'a que trop attendu d'être examinée par le Sénat.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Tel Mercure, vous nous annoncez des amendements volumineux du Gouvernement. Il serait judicieux qu'il nous en donne connaissance à temps.

M. François Pillet . - Cette proposition et les amendements du rapporteur mettent en valeur la cohérence du travail du Sénat, qui doit être saluée.

J'apprécie sa remarque sur la spécialisation du TGI de Paris, dont l'on a tendance à croire qu'il peut résoudre tous les problèmes spécifiques : il ne s'agit pas d'une affaire de compétence géographique, mais de compétence des magistrats. Le tribunal de Paris a des chambres très pointues, comme celle sur la presse ; toutefois, la chambre spécialisée en matière fiscale fait-elle mieux la jurisprudence que le TGI de Tulle ? Je ne vois pas bien ce qui justifierait une compétence particulière sur les indications géographiques.

Nous avons tort de recréer ce qui existe déjà. En précisant, on complexifie. Protéger les victimes par une saisie préalable du chiffre d'affaires dû à la contrefaçon est sans doute une excellente idée certes, mais je m'interroge sur l'intérêt de préciser ce mécanisme, alors que nous disposons de la saisie conservatoire. Ne rajoutons pas du droit au droit - saisie sur saisie ne vaut. Il y a des textes généraux, que les magistrats peuvent appliquer. Je conserve un souvenir peu glorieux de certains textes que nous avons pu adopter malgré l'existence de dispositions antérieures, sur les manèges dangereux ou sur les chiens dangereux.

Enfin, nous ne devons pas, pour lutter contre certaines déviances, heurter des droits fondamentaux, qui sont prioritaires, s'agissant notamment des prérogatives des douanes.

Mme Nicole Bonnefoy . - Je remercie Richard Yung et Michel Delebarre. Ce texte très attendu par les entreprises met en valeur le travail de la Haute assemblée, ce qui doit nous rassembler pour lutter contre ce fléau. Nous soutiendrons ce rapport.

M. Alain Anziani . - Le travail du rapporteur est remarquable. Avec Laurent Béteille, nous avions introduit les notions anglo-saxonnes de faute lucrative et de dommages et intérêts punitifs parce que, malgré les dispositions civiles et pénales, le contrefacteur s'enrichit toujours.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Avec cynisme, des contrefacteurs considèrent que les amendes seront très inférieures à leur enrichissement.

M. François Pillet . - Il faut en rester au strict préjudice. La pénalité doit revenir dans les poches de l'État : on ne va pas enrichir la victime d'un préjudice subi par l'État.

M. Michel Delebarre , rapporteur . - Nous définissons trois catégories de domaines où le juge peut prendre position, mais il est de sa responsabilité de punir de façon significative le contrefacteur. Ce n'est pas à l'occasion de ce texte particulier que nous devons trancher le débat sur les dommages et intérêts punitifs. Notre idée, si nous prenions une décision, serait que l'amende aille au Trésor public. Cette question mérite un débat plus large.

Pour répondre à M. Pillet, la saisie conservatoire est la procédure la plus souvent appliquée. Nous n'avons pas fait référence au chiffre d'affaires, pour éviter les inconvénients décrits par M. Pillet.

EXAMEN DES ARTICLES

Division additionnelle avant le chapitre I er

Mme Hélène Lipietz . - L'amendement n° 3 indique que la reproduction par un agriculteur de semences de ferme pour les besoins de son exploitation agricole ne constitue pas une contrefaçon. C'est un amendement fondamental : il faut limiter la protection des brevets pour tout ce qui concerne le vivant et la chaîne alimentaire.

M. Michel Delebarre , rapporteur . - Il me semble que cette question a été tranchée avec la loi du 8 décembre 2011 sur les obtentions végétales, sur laquelle je propose de ne pas revenir. Nous pourrons avoir ce débat à l'occasion du projet de loi sur l'avenir de l'agriculture.

Mme Hélène Lipietz . - Je maintiens notre amendement.

M. Jean-Jacques Hyest . - Nous y sommes opposés.

L'amendement n° 3 est rejeté.

Article additionnel avant le chapitre I er

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Même vote pour l'amendement n° 4 ?

M. Jean-Jacques Hyest . - Cet amendement est dangereux. Prenons l'exemple de l'obtention des rosiers. Si elle n'est pas protégée, que feront les rosiéristes ?

Mme Hélène Lipietz . - Je reprendrai l'écriture de cet amendement.

L'amendement n° 4 est retiré.

Article 1 er

L'amendement n° 5 est adopté.

M. Michel Delebarre , rapporteur . - L'amendement n° 6 supprime la spécialisation exclusive du TGI de Paris en matière d'indications géographiques.

M. Jean-Jacques Hyest . - Nous avons prévu des spécialisations partielles. En spécialisant trop, on risque de centraliser. Il est nécessaire d'avoir à traiter un nombre minimum d'affaires, de manière à avoir une compétence permanente.

M. Michel Delebarre , rapporteur . - Une dizaine de tribunaux sont compétents en matière de propriété intellectuelle.

L'amendement n° 6 est adopté.

Article 2

M. Michel Delebarre , rapporteur . - L'amendement n° 7 modifie le mode de fixation des dommages et intérêts en matière de contrefaçon, dans le sens que j'ai indiqué dans mon intervention.

L'amendement n° 7 est adopté, ainsi que l'amendement n° 8.

M. Michel Delebarre , rapporteur . - L'amendement n° 1 du Gouvernement est satisfait par l'amendement n° 7 que nous venons d'adopter.

L'amendement n° 1 est satisfait.

Article 4

M. Michel Delebarre , rapporteur . - L'amendement n° 9 ouvre la possibilité de saisir le juge à toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon pour demander des mesures d'instruction. C'est du bon sens.

M. Jean-Jacques Hyest . - « Agir en contrefaçon », ce n'est pas très joli.

M. Michel Delebarre , rapporteur . - C'est dans le code...

L'amendement n° 9 est adopté.

Article 5

M. Michel Delebarre , rapporteur . - L'amendement n° 10, qui précise la portée de la mainlevée en matière de saisie-contrefaçon, doit être rectifié : le dernier alinéa concerné n'est pas l'alinéa 12, mais l'alinéa 13.

L'amendement n° 10 est adopté.

Article 6

M. Michel Delebarre , rapporteur . - Je retire l'amendement n° 11, qui prenait en compte les critères fixés par l'arrêt Nokia de la Cour de justice de l'Union européenne pour encadrer le contrôle des marchandises en transbordement sur le territoire de l'Union. Le Gouvernement essaie en effet d'obtenir une modification de ces règles au niveau européen.

L'amendement n° 11 est retiré.

L'amendement n° 2 est adopté.

Article 15

M. Michel Delebarre , rapporteur . - L'amendement n° 12 précise le texte au bénéfice des douanes. Je vous propose de le rectifier, sur la suggestion du Gouvernement : « usage privatif » est en effet préférable à « usage d'habitation », trop restrictif.

L'amendement n° 12 ainsi rectifié est adopté.

Article additionnel après l'article 16

M. Michel Delebarre , rapporteur . - L'amendement n° 13 crée une obligation de formation continue pour la profession de conseil en propriété intellectuelle.

L'amendement n° 13 est adopté.

Article 20

M. Michel Delebarre , rapporteur . - L'amendement n° 14 ajuste les dispositions relatives à l'application de la loi dans les collectivités d'outre-mer.

L'amendement n° 14 est adopté.

Mme Hélène Lipietz . - Je m'abstiendrai sur l'ensemble.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Division(s) additionnelle(s) avant chapitre 1 er

Mme LIPIETZ

3

Droits de propriété intellectuelle attachés aux semences de ferme

Rejeté

Article(s) additionnel(s) avant chapitre 1 er

Mme LIPIETZ

4

Rémunération des droits de propriété intellectuelle attachés à la sélection des animaux et végétaux à des fins agricoles

Retiré

Article 1 er
Clarification de la spécialisation du TGI de Paris en matière de brevets
et spécialisation exclusive en matière d'indications géographiques

M. DELEBARRE, rapporteur

5

Précision rédactionnelle

Adopté

M. DELEBARRE, rapporteur

6

Suppression de la spécialisation exclusive du tribunal de grande instance de Paris en matière d'indications géographiques

Adopté

CHAPITRE II
Dispositions relatives à l'amélioration des dédommagements civils

Article 2
Amélioration des dédommagements civils en cas de contrefaçon

M. DELEBARRE, rapporteur

7

Suppression de la confiscation des recettes tirées de la contrefaçon en matière de propriété industrielle

Adopté

M. DELEBARRE, rapporteur

8

Cohérence avec le droit en vigueur

Adopté

Le Gouvernement

1

Confiscation des recettes tirées
de la contrefaçon en matière de propriété littéraire et artistique

Satisfait ou sans objet

CHAPITRE IV
Dispositions relatives au droit de la preuve

Article 4
Harmonisation de la procédure de saisie-contrefaçon et des procédures connexes
pour tous les droits de propriété intellectuelle

M. DELEBARRE, rapporteur

9

Ouverture à toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon de la possibilité de demander des mesures d'instruction

Adopté

Article 5
Remplacement de l'annulation de la saisie-contrefaçon par la mainlevée
en l'absence d'action civile ou pénale du saisissant

M. DELEBARRE, rapporteur

10

Clarification des effets de la mainlevée prononcée par le juge dans le cas d'une saisie-contrefaçon

Adopté

CHAPITRE V
Renforcement des moyens d'action des douanes

Article 6
Clarification du régime des utilisations interdites des droits de propriété intellectuelle
à défaut de consentement de leur titulaire

M. DELEBARRE, rapporteur

11

Mise en conformité du droit français avec la jurisprudence « Nokia » de la Cour de justice de l'Union européenne

Retiré

Le Gouvernement

2

Cohérence rédactionnelle

Adopté

Article 15
Accès des douanes aux locaux d'habitation attenant à
des locaux professionnels à des fins de contrôle

M. DELEBARRE, rapporteur

12 rect.

Clarification rédactionnelle

Adopté

CHAPITRE VI
Dispositions diverses

Article(s) additionnel(s) après Article 16

M. DELEBARRE, rapporteur

13

Obligation de formation continue pour la profession de conseil en propriété industrielle

Adopté

CHAPITRE VII
Dispositions finales

Article 20
Application de la proposition de loi dans les collectivités
d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie

M. DELEBARRE, rapporteur

14

Clarification et correction
d'erreurs de références

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- M. Richard Yung , sénateur, auteur de la proposition de loi

Ministère du commerce extérieur

- M. Vincent Aussilloux , conseiller économique au cabinet de la ministre

- M. Yohann Petiot , chef adjoint du cabinet de la ministre, conseiller chargé des relations avec le Parlement et les élus

- M. Thomas Charvet , chef du bureau des affaires juridiques et contentieuses, direction générale des douanes et des droits indirects

- Mme Elisabeth Melscoet , adjoint au chef du bureau des affaires juridiques et contentieuses, direction générale des douanes et des droits indirects

- Mme Katell Guiziou , chef du bureau de la politique tarifaire et commerciale, direction générale des douanes et des droits indirects

- Mme Nadine Babonneau , adjointe au chef du bureau de la politique tarifaire et commerciale, direction générale des douanes et des droits indirects

- Mme Rita Codevelle , bureau des affaires juridiques et contentieuses, direction générale des douanes et des droits indirects

Ministère de la justice

- Mme Aude Ab-der-Halden , sous directrice du droit économique, direction des affaires civiles et du sceau

- Mme Julie Saint-Paul , rédactrice au bureau du droit commercial, direction des affaires civiles et du sceau

- Mme Catherine Sorita-Minard , sous-directrice de la justice pénale spécialisée, direction des affaires criminelles et des grâces

- Mme Marie Moles-Delgado , inspectrice principale des douanes et cadre spécialisé, direction des affaires criminelles et des grâces

Institut national de la propriété industrielle (INPI)

- M. Yves Lapierre , directeur général

- M. Erwan Chapelier , coordinateur du Comité national anti-contrefaçon

- Mme Isabelle Hegedus , chargée de mission à la direction des affaires juridiques et internationales

Tribunal de grande instance de Paris

- Mme Dominique Bibal-Sery , vice-présidente chargée d'un cabinet d'instruction, spécialiste du droit de la contrefaçon

Chambre nationale des huissiers de justice (CNHJ)

- M. Jean Daniel Lachkar , président

- M. Patrick Sannino , vice-président

- M. Jean-François Bauvin , vice-président

- M. Gabriel Mecarelli , directeur des affaires juridiques

- M. Thibaut Astier , conseil

Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI)

- M. Alain Michelet , président

- M. Alexandre Lebkiri , vice-président

- M. Christian Texier , président de la commission « brevets »

Conseil national des barreaux (CNB)

- M. Guillaume Le Foyer de Costil , avocat

- Mme Mathilde Jouanneau , avocat

- Mme Françoise Louis-Tréfouret , responsable des relations institutionnelles

Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

- M. Thierry Sueur , président du comité « propriété intellectuelle »

- M. José Monteiro , président du comité « marques, dessins et modèles » au sein du comité « propriété intellectuelle »

- M. Patrick Schmitt , directeur de la recherche, de l'innovation et des nouvelles technologies

- Mme Ophélie Dujarric , chargée de mission senior à la direction des affaires publiques

Association française des entreprises privées (AFEP)

- Mme Emmanuelle Flament-Mascaret , directrice « concurrence, consommation et propriété intellectuelle »

Chambre de commerce et d'industrie de Paris Île-de-France

- M. Jérôme Frantz , co-président de l'Institut de recherche en propriété intellectuelle (IRPI), membre élu de la chambre, président de la fédération des industries mécaniques

- M. Jean-Christophe Galloux , professeur à l'université Paris II, co-président de l'IRPI

- Mme Catherine Druez-Marie , responsable du département études et information de l'IRPI

- Mme Véronique Etienne-Martin , responsable du département affaires publiques et valorisation des études

Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) (excusée)

Union française de l'express (UFEX)

- Mme Brigitte Iconomoff , responsable des affaires douanières chez FedEx EMEA

- M. Edouard Barreiro, directeur des affaires publiques chez UPS France

- M. Leon Kouyoumjian, responsable des affaires douanières chez DHL France

La Poste et Chronopost

- M. Jean-Paul Forceville , directeur des relations extérieures

- Mme Joëlle Bonnefon , attachée parlementaire

TNT Express France

- Mme Milouda Mechmeche , directrice des affaires douanières et de la qualité

- Mme Christiane Malvezin , responsable des affaires douanières

- Mme Pascale Gelly , avocat

Contributions écrites

- Union des Fabricants (UNIFAB)

- Comité français de la chambre de commerce internationale (ICC France)


* 1 Le dossier législatif de cette proposition de loi est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-525.html .

* 2 Rapport d'information n° 296 (2010-2011) sur l'évaluation de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-296-notice.html .

* 3 Chiffres communiqués par l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).

* 4 L'appellation d'origine protégée (AOP), mention obligatoire exclusive depuis 2012, est l'équivalent européen de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) française, qui ne demeure que pour le vin.

* 5 Rapport d'information n° 558 (2008-2009) sur la responsabilité civile. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2008/r08-558-notice.html .

* 6 Sont limitativement énumérés les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants, de même que les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que le prix obtenu.

* 7 Une des spécificités de la saisie-contrefaçon en matière de propriété littéraire et artistique, appelée également « saisie-commissaire », réside dans le fait qu'elle ne fait pas intervenir le juge, ce qui peut constituer une fragilité constitutionnelle et plaide pour son alignement sur le droit commun.

* 8 Il est généralement fait appel à des conseils en propriété industrielle en matière d'atteinte à un droit de propriété industrielle.

* 9 Ce délai est de 20 jours ouvrables ou 31 jours civils, le plus long des deux délais étant retenu.

* 10 Arrêts C-446/09 Philips Electronics et C-495/09 Nokia de la CJUE du 1 er décembre 2011.

* 11 Cette procédure ne doit pas être confondue avec la retenue douanière de personnes, comparable à la garde à vue et qui a donné lieu à ce titre à la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-32 QPC du 22 septembre 2010.

* 12 Trois jours ouvrables en cas de denrées périssables.

* 13 Lorsque la retenue est mise en oeuvre à l'initiative des douanes, un délai est prévu pour permettre au titulaire du droit d'adresser en régularisation une demande de retenue.

* 14 L'article 2 bis du code des douanes dispose en effet que le code des douanes ne s'applique pas à l'entrée sur le territoire douanier français de marchandises communautaires ainsi qu'à la sortie de ce territoire de marchandises communautaires à destination d'autres États-membres.

* 15 La loi n° 91-1264 du 19 décembre 1991 relative au renforcement de la lutte contre le trafic des stupéfiants a clarifié et posé les fondements des opérations d'infiltration susceptibles d'être menées par les officiers et agents de police judiciaire et par les agents des douanes, dans le domaine du trafic de stupéfiants pour commencer.

* 16 La révélation de l'identité d'emprunt peut faire encourir, selon les cas, de cinq à dix ans de prison et de 75 000 à 150 000 euros d'amende.

* 17 Exemple des couteaux dits de Laguiole.

* 18 La révélation de l'identité d'emprunt est punie des mêmes peines qu'en cas d'infiltration.

* 19 L'article 399 du code des douanes définit la notion de personne intéressée à une infraction, qui est passible des mêmes peines que l'auteur de l'infraction.

* 20 Dix jours ouvrables pour la retenue douanière, ramenés à trois jours pour des denrées périssables, et vingt jours ouvrables ou trente-et-un jours civils pour la saisie-contrefaçon.

* 21 À ce jour, seule la Poste a la qualité de prestataire de services postaux en France.

* 22 Considérant 4. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a admis que l'autorisation judiciaire puisse autoriser l'interception et l'enregistrement des correspondances électroniques pour rechercher les auteurs de crimes ou délits en bande organisée.

* 23 Voir infra .

* 24 Sur les perquisitions douanières, voir la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-150 QPC du 13 juillet 2011.

* 25 Ces obligations résultent du règlement (CE) n° 648/2005 du 13 avril 2005, qui a modifié le règlement (CEE) n° 2913/92 établissant le code des douanes communautaire, et du règlement n° 1875/2006 du 18 décembre 2006, qui a modifié le règlement (CEE) n° 2454/93 d'application du code des douanes communautaire.

* 26 La contrebande est définie par les articles 417 à 422 du code des douanes.

* 27 Délai fréquent pour diverses actions en matière de propriété industrielle.

* 28 Délai pour l'action en paiement des droits perçus par les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur, en matière de propriété littéraire et artistique.

* 29 Selon l'article L. 612-18 du code de la propriété intellectuelle, « le ministre chargé de la défense est habilité à prendre connaissance auprès de l'Institut national de la propriété industrielle, à titre confidentiel, des demandes de brevet ».

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