B. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LA JUSTIFICATION AU PREMIER EURO

1. Le soutien à la promotion des exportations

Face à la dispersion des moyens entre plusieurs ministères , quatre opérateurs (Ubifrance, Sopexa, Adepta et FranceAgrimer) et un ensemble d'acteurs publics et privés, votre rapporteur spécial a réalisé, en commun avec Joël Bourdin et avec les rapporteurs spéciaux de la mission « Économie » Christian Bourquin et André Ferrand des travaux en vue de la présentation d'un rapport sur le dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires 19 ( * ) . Ayant plaidé pour une réforme courageuse de la gouvernance nationale du soutien aux exportations agroalimentaires, ils précisent à l'occasion de l'examen du présent PLF pour 2014 que les crédits consacrés à la promotion sont encore en baisse en 2014 (9,8 millions d'euros, contre 11 millions d'euros en 2013).

Le Gouvernement a, en outre, annoncé à l'automne 2013 la mise à l'étude de la création d'une structure commune à Ubifrance et SOPEXA , sous la forme d'une joint venture pour regrouper les fonctions de soutien à l'export agroalimentaire, ce qui pourrait constituer une première réponse aux recommandations de vos rapporteurs spéciaux . Mais une telle piste devra être suivie avec vigilance car le risque existe que, sous couvert de simplification, se multiplient les structures sans effort de rationalisation .

2. La faiblesse du dispositif de gestion des crises

Le paradoxe veut que les aléas climatiques, sanitaires ou économiques, qui bouleversent chaque année dans des proportions variables l'exécution budgétaire, soient pris en charge par l'action la moins dotée du programme.

Bien que la survenue de crises soit par nature imprévisible et rende difficile toute budgétisation en loi de finances initiale, le caractère récurrent des aléas qui touchent le monde agricole peut ici faire douter de la sincérité de la prévision .

En plus de la réduction des crédits du Fonds d'allègement des charges et du mécanisme « Agridiff » 20 ( * ) , votre rapporteur spécial ne peut que regretter qu'une fois encore, le fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), rebaptisé fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) 21 ( * ) , ne soit pas doté par le projet de loi de finances pour 2014, alors même que l'article L. 361-5 du code rural dispose que les ressources du fonds sont composées d'une subvention inscrite au budget de l'Etat. Le MAAF fait valoir traditionnellement que le ministère du budget s'oppose à l'inscription de crédits en loi de finances initiale au titre de ce fonds, au motif que le montant des indemnisations à verser n'est pas connu au moment de l'élaboration du budget. Cette argumentation est contestable, dans la mesure où la loi dispose explicitement que le montant de subvention de l'Etat dont bénéficie le FNGRA doit être au moins égal au produit des contributions des exploitants, et non au montant des indemnisations à attribuer .

Au-delà de la question du FNGRA, votre rapporteur spécial souligne qu'il accorde une grande attention à la question des dispositifs de gestion des aléas climatiques, sanitaires ou économiques , remaniés en 2010 par la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP). Cette dernière a ainsi mis en place un régime plus incitatif pour l'assurance récolte, qui devait permettre de dégager des économies budgétaires sous l'effet du recours aux assurances privées. Ces économies étaient estimées à 20 millions d'euros par an à partir de l'exercice 2012. Votre rapporteur spécial émet de sérieuses réserves quant à ces évaluations réalisées par le Gouvernement.

Ainsi, un référé concernant l'assurance récolte a été communiqué par la Cour des Comptes à votre commission des finances le 25 mars 2013. Les observations de la Cour (bilan mitigé du développement de l'assurance récolte, diffusion très inégale selon les secteurs agricoles, freins à son développement) confortent les analyses de votre rapporteur spécial . Les indemnisations publiques au titre du FNGRA ne peuvent en effet suffire à répondre à l'enjeu de la multiplication des aléas climatiques, sanitaires et économiques qui frappent le monde agricole. De plus, l'offre d'assurances privées , qui permet de responsabiliser les agriculteurs dans la gestion des risques inhérents à leur activité, reste encore à développer . Il doit donc s'agir de sortir du climat d'incertitudes sur les conditions de diffusion de l'assurance récolte, d'une part, en précisant le coût ou l'économie budgétaire pour l'Etat qui résulte du passage des indemnisations publiques à l'assurance et, d'autre part en stabilisant le taux de financement des primes d'assurance par l'Etat. Enfin, il conviendra de clarifier le calendrier et les conditions de mise en place éventuelle d'une réassurance publique , au sujet de laquelle le Parlement attend toujours du Gouvernement les éléments d'information prévus par l'article 27 de la LMAP 22 ( * ) .

Votre rapporteur spécial s'interroge, à cet égard, sur le coût d'une telle réassurance publique , alors que d'après une étude fournie à ce sujet par le ministère de l'économie et des finances, la capacité annuelle de réassurance du secteur privé est aujourd'hui de l'ordre de 500 millions d'euros alors que les besoins de réassurance sont estimés entre 750 millions et 1,5 milliard d'euros par an. Dans ce scénario, les réassureurs privés n'auraient que la capacité d'accompagner le développement de l'assurance récolte et un mécanisme conjoint de réassurance publique serait donc requis. Pour les grandes cultures, la viticulture et l'arboriculture, les moyens du secteur privé semblent certes suffisants, mais s'agissant de l'assurance fourrage, particulièrement suspendue au risque d'un sinistre d'une ampleur exceptionnelle 23 ( * ) , cette capacité n'est pas suffisante. Le coût budgétaire précis de la réassurance publique qui sera mise en place reste à déterminer mais elle pourrait approcher un montant de 500 millions d'euros par an , ce qui est considérable.

Au total, il apparaît que la question des aléas climatiques, économiques et sanitaires subis par le monde agricole ne fait pas l'objet d'une prise en charge satisfaisante d'un point de vue budgétaire . De ce point de vue, le chantier de la couverture des risques par les mécanismes de marché doit être relancé par les pouvoirs publics alors que l'assurance récolte se diffuse trop lentement.

3. Le financement de la filière cheval et la réforme des Haras nationaux

En 2014, la subvention pour charges de service public attribuée à l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE) représente 35,5 millions d'euros en 2014, contre 37 millions d'euros en 2013, 39 millions d'euros en 2012 et 40,6 millions d'euros en 2011. Il s'agit en fait d' une réduction constante depuis 2010 , qui traduit l'aboutissement de la démarche de modernisation entamée ces dernières années et qui fait écho à certains travaux de votre commission des finances 24 ( * ) .

Le regroupement des Haras nationaux et de l'École nationale d'équitation a en effet conduit à la création le 1 er février 2010, par le décret n° 2010-90 du 22 janvier 2010, de l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE) , placé sous la double tutelle des ministères chargés des sports et de l'agriculture. Le recentrage des Haras nationaux sur leurs seules missions de service public, à travers l'IFCE, s'accompagne d'une évolution de cet établissement vers un rôle de structuration de la filière cheval, alors que les activités des Haras nationaux qui étaient menées dans le secteur concurrentiel ont été transférées au groupement d'intérêt public (GIP) « France Haras ».

Le financement de la filière équine

L'organisation de la filière, qui représenterait environ 75 000 emplois, prend notamment depuis 2005 la forme d'un fonds de financement de la filière équine , géré et subventionné par la Fédération nationale des courses françaises (FNCF) , association instituée par le décret n° 97-456 du 5 mai 1997. Il s'agit du fonds « Éperon », placé sous la direction d'un comité composé de huit professionnels et d'un seul représentant de l'Etat qui représente un montant annuel de l'ordre de 10 millions d'euros , redistribués au profit de l'ensemble des sports équestres, de l'équitation de loisir, ou, encore, de l'attelage et destinés à participer au financement de projets structurants et innovants.

Ce montant paraît bien faible par rapport au retour assuré par les courses hippiques, dont le rôle est essentiel dans le financement de la filière cheval - à la faveur du reversement du résultat net du PMU aux sociétés mères et aux autres sociétés de courses, soit 865 millions d'euros en 2012 . Les sociétés de courses et leurs deux sociétés mères , insérées dans une organisation nationale appelée « l'Institution des courses françaises », elle-même représentée par une association, la FNCF, disposent donc de moyens sans commune mesure avec les autres composantes de la filière équine .

Il convient toutefois de souligner l'existence de crédits budgétaires au service de la politique du cheval. Des ressources dont le montant reste à déterminer proviennent de subventions versées par le ministère de la Santé et des sport s (dont une subvention allouée à l'IFCE de l'ordre de 7 millions d'euros par an) mais, surtout, par le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt , qui consacre différentes ressources à la filière.

La subvention allouée à l'IFCE par le programme 154 de la mission AAFAR s'est ainsi élevée à 37 millions d'euros en 2013 et serait réduite à 35,5 millions d'euros en 2014 . L'IFCE, opérateur de l'Etat, apporte un soutien aux professionnels de la filière, notamment via des contrats de partenariat. Par ailleurs, il fournit une aide importante aux chevaux de trait en matière d'étalonnage puisque, pour ceux-ci, l'identification est gratuite (soit un coût d'environ 10 millions d'euros par an).

Le soutien budgétaire du ministère de l'agriculture à la filière cheval passe également par l'action 14 du programme 154, et que le présent PLF propose de porter à 5,2 millions d'euros en 2014 (contre 4,5 millions d'euros en 2013 , une légère hausse qui fait suite à quatre années de baisse puisque, pour mémoire, cette dotation représentait 9 millions d'euros dans la LFI 2010). Cette ligne abonde les subventions destinées à la filière « sport, loisir, travail », dont l'élevage des chevaux de trait et la production de viande. En sont donc exclues les courses hippiques.

Ces crédits sont attribués aux structures (associations nationales de races et fédérations les regroupant), aux associations ayant un rôle national et d'intérêt général (Handi-cheval, Ligue de protection du cheval, Institut du droit équin), aux primes aux compétitions équestres organisées sous l'égide de la Fédération française d'équitation et, enfin, aux primes aux « concours d'élevage 0 à 6 ans » et, en particulier, aux primes réservées aux « épreuves de 4 à 6 ans » organisées par la Société hippique française et dont le but est la formation et la valorisation du jeune cheval (étape essentielle, car le cheval doit être prêt à l'emploi et avoir 5 ou 6 ans pour être commercialisé).

Il convient, en outre, de noter qu'il existe des aides communautaires à la filière , soit dans le cadre général des aides « agricoles », auxquelles peuvent prétendre les éleveurs de chevaux (mesures de « soutien à l'herbe »), soit dans celui de la « prime aux races menacées d'extinction » (PRME), soutien destiné aux chevaux de trait d'un montant de 1,5 million d'euros par an en France.

Au total, il convient de travailler en concertation sur la redistribution au sein de la filière . Bien qu'une réflexion se soit engagée depuis deux ans avec les professionnels pour revoir la nature et la répartition des soutiens, elle n'a pas abouti. Alors que le secteur des courses hippiques bénéficie de ressources considérables, il pourrait ainsi être mis en place sur la base du fonds « Éperon », un projet de fonds en faveur de l'élevage, qui concernerait aussi les chevaux de trait et de sport , pourrait être mis à l'étude, en s'appuyant sur un prélèvement opéré sur les gains des paris hippiques . Un tel fonds pourrait être privé et géré par les acteurs de la filière cheval. Cette piste reste encore à creuser en 2014 .

Source : commission des finances


* 19 « L'agroalimentaire français face au défi de l'export : pour une réforme ambitieuse du dispositif public de soutien », rapport n° 736 (2012-2013) par Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin et André Ferrand.

* 20 Cf supra . Votre rapporteur spécial observe que le FAC s'est substitué en 2010 à la bonification des prêts de crise.

* 21 Le champ d'intervention du fonds - qui continue de couvrir les aléas climatiques - est élargi par la LMAP à la couverture des risques sanitaires et environnementaux. L'incitation ressort surtout de la subvention des primes d'assurance, portée à 65 %, au lieu de 50 %, dans le but de développer la diffusion de l'assurance récolte dans l'ensemble des filières.

* 22 Le principe d'une telle réassurance est posé par la LMAP dans son article 27, qui dispose que dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement présente « les conditions et les modalités d'un mécanisme de réassurance publique qui pourrait être mis en place en réponse à des circonstances exceptionnelles touchant le secteur agricole ». Depuis trois ans, cette obligation législative n'a pas été respectée par le Gouvernement.

* 23 Il convient de rappeler qu'après le 11 septembre 2001, les réassureurs s'étaient retirés du marché de l'assurance du risque terroriste. L'Etat était alors intervenu pour mettre en place un dispositif de pool d'assurance appelé GAREAT (GIE « gestion de l'assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme »). C'est pourquoi le Gouvernement doit aujourd'hui travailler à la façon dont le marché de l'assurance pourrait surmonter demain un « 11 septembre du fourrage ».

* 24 Voir les rapports d'information n° 64 (2006-2007) « Les Haras nationaux doivent-ils dételer ? » et n° 218 (2007-2008) «  Les Haras nationaux. Pour un outil modernisé au service de la filière cheval ».

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