II. LES ARTICLES PRÉCISÉS OU ENRICHIS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a amendé ou précisé le contenu de 19 articles dans les termes présentés ci-après 3 ( * ) .

a) Paramètres et pilotage du système de retraite

• L'article 2 bis concerne la réalisation d'un rapport du Gouvernement sur la possibilité de revenir sur les mesures d'âge adoptées en 2010 et de réduire le taux de la décote.

Sur proposition de son rapporteur en commission, l'Assemblée nationale a avancé de trois mois la date limite de remise de ce rapport, désormais fixée au 1 er janvier 2015 .

• L'article 3 définit un nouveau mode de pilotage annuel du système de retraite qui s'appuie sur le conseil d'orientation des retraites (COR) et la création d'un comité de suivi composé d'experts.

Cet article a été modifié sur trois points.

- L'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision du rapporteur en commission qui propose une formulation plus englobante à l'alinéa 20 pour que l'intégralité des régimes complémentaires gérés par les partenaires sociaux soit destinataire des recommandations du comité de suivi des retraites. Un amendement identique avait été proposé par votre rapporteure en première lecture.

- Par un amendement de notre collègue députée Dominique Orliac en commission, il a été précisé que l'avis annuel du comité de suivi des retraites doit accorder, dans son analyse de l'évolution du pouvoir d'achat des retraités, une attention « prioritaire » (et non plus seulement « particulière ») aux retraités dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté .

- A l'initiative du Gouvernement en séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui introduit à l'article 3 les dispositions relatives au jury citoyen qui figuraient jusqu'alors inopportunément à l'article 28 du projet de loi, duquel elles sont par ailleurs supprimées (cf. infra ). Cet amendement permet d'intégrer le jury citoyen dans le code de la sécurité sociale. Un décret précise les modalités de tirage au sort et de fonctionnement du jury. L'impossibilité de défrayer les membres du jury citoyen est supprimée, au motif que sans cette compensation financière les personnes tirées au sort pourraient ne pas souhaiter s'investir dans cette nouvelle mission.

• L'article 4 bis prévoit l'alignement du mode de revalorisation des pensions des marins sur celui du régime général.

Un amendement du Gouvernement adopté en séance publique étend au « minimum vieillesse » mahorais le maintien de la revalorisation au 1 er avril de chaque année, prévu dans l'hexagone pour l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Cette modification se traduit par l'ajout d'un paragraphe II à l'article 4 bis .

b) Compte personnel de prévention de la pénibilité

• L'article 5 modifie le régime de la fiche de prévention des expositions à des facteurs de risques professionnels afin d'améliorer son effectivité.

Deux modifications principales ont été apportées à cet article.

- En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un double amendement de clarification du Gouvernement qui précise que les expositions doivent être prises en compte après application des mesures de protection collective et individuelle (alinéa 4), la mention du caractère « effectif » de l'exposition, jugée insuffisamment compréhensible, étant parallèlement supprimée.

- Elle a également adopté un amendement du Gouvernement qui permet aux partenaires sociaux des branches professionnelles d'aider les entreprises à mettre en oeuvre la traçabilité des expositions professionnelles prévue dans le cadre de la fiche, et à identifier les salariés concernés et éligibles au compte de prévention de la pénibilité.

Cette modification se traduit par l'ajout d'un paragraphe II bis qui insère dans le code du travail un article L. 4161-2 nouveau. Celui-ci prévoit que l'accord de branche étendu peut « caractériser l'exposition des travailleurs à un ou plusieurs des facteurs de risques professionnels (au-delà des seuils fixés au niveau réglementaire) par des situations types d'exposition, faisant notamment référence aux postes occupés et aux mesures de protection collective et individuelle appliquées ». Les conditions dans lesquelles ces situations types peuvent être prises en compte par l'employeur pour établir la fiche sont définies par décret.

• L'article 5 bis prévoit la réalisation d'un rapport du Gouvernement sur l'évolution des conditions de pénibilité auxquelles sont exposés les salariés et sur la mise en oeuvre des dispositifs de prévention créés par cette loi.

- A l'initiative du rapporteur en commission, l'Assemblée nationale a réécrit cet article afin d'introduire une périodicité de cinq ans pour ce rapport.

Elle a par ailleurs supprimé la seconde phrase de cet article car elle était satisfaite par les dispositions de l'article L. 1 du code du travail issues de la loi Larcher de 2007.

Les modifications proposées par votre rapporteure en première lecture ont ainsi été reprises par l'Assemblée nationale.

- L'Assemblée nationale a adopté en séance publique un amendement présenté par notre collègue députée Catherine Coutelle qui complète par ailleurs l'article 5 bis afin de prévoir la prise en compte dans le rapport des conditions de pénibilité des métiers majoritairement occupés par les femmes .

• L'article 6 institue, à compter du 1 er janvier 2015, un compte personnel de prévention de la pénibilité pour chaque salarié exposé à des facteurs de risques professionnels.

L'Assemblée nationale a apporté trois modifications à cet article.

- A l'initiative du Gouvernement en séance publique, les modalités d'information du salarié sur la procédure à suivre en cas de désaccord avec son employeur sur le recensement de ses expositions à la pénibilité ont été précisées. Il revient à l'organisme gestionnaire, lorsqu'il porte à la connaissance du salarié les points d'exposition déclarés par l'employeur, de l'informer de ces modalités.

- L'Assemblée nationale a adopté deux amendements présentés en séance publique par notre collègue députée Dominique Orliac qui renforcent le rôle joué par la mutualité sociale agricole (MSA) dans la mise en oeuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité. En premier lieu, une convention tripartite entre l'État, la Cnav et la caisse centrale de la MSA (CCMSA) peut prévoir que l'information des salariés agricoles et des entreprises du secteur agricole soit mise en oeuvre par les organismes de mutualité sociale agricole. En second lieu, les caisses de MSA pourront effectuer les contrôles de l'effectivité de l'exposition aux facteurs de pénibilité pour les entreprises relevant du secteur agricole sans qu'il leur soit nécessaire d'être saisies d'une demande en ce sens par le gestionnaire du compte.

- Enfin, à l'initiative du Gouvernement en séance publique, l'Assemblée nationale a souhaité préciser que les différends portant sur l'établissement ou le contenu de la fiche ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui mentionné à l'article 6 (recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale après un recours préalable devant l'employeur et la saisine de l'organisme qui gère son compte). En d'autres termes, la procédure contentieuse prévue revêt un caractère exclusif et le litige ne peut, quel que soit le moment envisagé, être porté devant une autre juridiction.

• L'article 8 modifie le régime des accords de prévention de la pénibilité, institués en 2010 dans les entreprises d'au moins cinquante salariés exposant au moins la moitié de leur effectif à l'un des facteurs de risques professionnels.

Sur proposition de son rapporteur en commission, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui prévoit que ces accords puissent également être négociés par des salariés mandatés dans la mesure où la négociation dérogatoire, conduite par les représentants du personnel ou les délégués du personnel, est possible en l'absence de délégués syndicaux. Les salariés mandatés sont des salariés de l'entreprise mandatés par des organisations syndicales représentatives dans la branche.

c) Mesures d'équité

Une clarification des dispositions relatives au cumul emploi-retraite

• L'article 12 modifie le dispositif du cumul emploi-retraite (CER) à compter du 1 er janvier 2015 dans un objectif de plus grande équité entre les assurés.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement en séance publique pour prévoir que la disposition relative à l'exclusion du champ d'application de cet article des indemnités d'élus locaux (qui ne sont pas considérées comme des revenus d'activité au sens du CER), soit mise en oeuvre dès l'entrée en vigueur de la loi.

L'article 12 est en outre complété par un paragraphe VII qui, compte tenu des spécificités du métier de marin, prévoit un aménagement pour les assurés relevant du régime de retraite géré par l'Etablissement national des invalides de la marine (Enim). Le dispositif prévu leur sera applicable à compter du 1 er janvier 2018 selon des modalités particulières qui pourront être définies, en tant que de besoin, par un décret en Conseil d'Etat tenant compte de la diversité des profils.

• L'article 12 bis prévoit, en cas de dépassement du plafond prévu dans le dispositif du cumul emploi-retraite plafonné, de réduire les montants de pension servis à due concurrence (au lieu de suspendre le service des pensions).

S'agissant du cumul emploi-retraite déplafonné, l'Assemblée nationale a souhaité préciser, sur proposition de son rapporteur en commission, que les assurés n'ont pas l'obligation de liquider leur pension de retraite pour pouvoir continuer leur activité , lorsque celle-ci ne peut être liquidée, le cas échéant sans décote, du fait d'un âge d'ouverture des droits à retraite supérieur à celui de l'âge légal. Cette précision permet donc de prendre en compte les cas dans lesquels les pensions de retraite versées par un régime complémentaire ne peuvent être liquidées sans décote avant un âge plus élevé que l'âge légal (comme, par exemple, dans la plupart des régimes de retraite complémentaires des professions libérales).

Une demande de rapport sur la retraite complémentaire obligatoire en outre-mer

• L'article 22 permet d'attribuer des points de retraite complémentaire obligatoire aux exploitants retraités dont les pensions sont les plus faibles afin que le niveau de celles-ci atteigne 75 % du Smic d'ici 2017.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par notre collègue députée Huguette Bello qui complète l'article par un nouvel alinéa pour prévoir la remise par le Gouvernement au Parlement, dans les six mois à compter de la promulgation de la loi, d'un rapport sur les retraites des salariés agricoles de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion, en particulier sur les modalités de mise en place d'un dispositif de retraite complémentaire à l'instar de celui créé par la loi du 4 mars 2002 tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les exploitants agricoles.

Une entrée en vigueur reportée au 1 er février 2014 pour plusieurs mesures de solidarité en faveur des retraités agricoles et des personnes handicapées

Pour tirer les conséquences d'une possible promulgation de la loi à une date postérieure au 1 er janvier 2014 , la date d'entrée en vigueur des mesures de solidarité prévues aux articles 20, 21, 23, 24 et 25 en faveur des retraités agricoles et des personnes handicapées a été reportée d'un mois par la voie d'amendements gouvernementaux adoptés en séance publique. Cette date passe ainsi du 1 er janvier au 1 er février 2014.

• L'article 20 modifie les conditions d'éligibilité à la pension majorée de référence pour les non-salariés agricoles en supprimant l'obligation d'avoir à justifier d'une durée d'assurance de 17 ans et demi.

• L'article 21 modifie les règles relatives au régime complémentaire obligatoire (RCO) des non-salariés agricoles en prévoyant une attribution de points gratuits aux conjoints collaborateurs et aidants familiaux, en élargissant le champ de la pension de réversion servie par ce régime et en permettant au conjoint survivant, s'il poursuit l'activité de l'exploitation de l'assuré décédé, de combiner les points de RCO de ce dernier avec les siens.

• L'article 23 modifie les conditions d'accès à la retraite anticipée des travailleurs handicapés en l'ouvrant aux assurés justifiant d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 50 %.

• L'article 24 ouvre la possibilité, pour les personnes handicapées justifiant d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 50 %, de liquider leur retraite à taux plein dès l'âge d'ouverture des droits et sans autre condition.

• L'article 25 supprime la condition de ressources à laquelle sont soumis les aidants familiaux de personnes handicapées pour bénéficier de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et crée une majoration de durée d'assurance pour les aidants familiaux en charge d'un adulte lourdement handicapé.

d) Droit à l'information et gouvernance

• L'article 26 prévoit la création, d'ici 2017, d'un service en ligne donnant à tout moment aux assurés un accès à leur situation actuelle et future en matière de retraite.

Sur proposition d'un amendement présenté par notre collègue députée Jacqueline Fraysse, l'Assemblée nationale a jugé utile de spécifier la gratuité de ce service.

• L'article 28 simplifie le calcul de la retraite des polypensionnés dans le régime général et les régimes alignés en prévoyant que ce calcul se fasse comme si l'assuré relevait d'un régime unique.

A la suite de l'adoption d'un amendement en séance publique en première lecture à l'Assemblée nationale, cet article comportait un alinéa 10 prévoyant l'accompagnement du comité de suivi des retraites par un jury citoyen. En nouvelle lecture, cet alinéa a été supprimé à l'initiative du Gouvernement car il n'avait pas sa place à l'article 28. Ce jury a été réintroduit à l'article 3 du projet de loi par la voie d'un autre amendement du Gouvernement ( cf. supra ).

• L'article 30 prévoit la tenue annuelle d'un débat entre le Gouvernement et les organisations syndicales de fonctionnaires sur les orientations de la politique des retraites dans la fonction publique.

Sur proposition de son rapporteur en commission, l'Assemblée nationale a souhaité préciser que le débat se tiendra au sein du conseil commun de la fonction publique afin de ne pas créer de nouvelle instance de concertation et de prévoir effectivement la représentation des trois fonctions publiques d'État, territoriale et hospitalière.

Un amendement identique avait été présenté par votre rapporteure en première lecture.

• L'article 32 renforce la gouvernance de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales (OAAVPL).

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale y a apporté quatre modifications en séance publique.

- L'énumération des rôles de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) est complétée pour préciser que celle-ci est chargée d' assurer la cohésion et la coordination de l'OAAVPL et de la représenter auprès des pouvoirs publics et des autres partenaires institutionnels. L'alinéa 7 est ainsi rétabli dans sa rédaction d'origine (il avait été supprimé en première lecture).

- Pour tenir compte de l'existence de plusieurs systèmes d'information au sein de l'OAAVPL, l'alinéa 10 prévoit désormais que la caisse nationale garantit la cohérence et la coordination des systèmes d'information des membres de cette organisation. Votre rapporteure avait déposé un amendement identique en première lecture.

- Les conditions de nomination du directeur de la CNAVPL sont assouplies par la suppression de la limite de temps prévue pour cette fonction (alinéa 14). Le texte prévoit ainsi que le mandat du directeur est de cinq ans renouvelable. Votre rapporteure avait présenté un amendement similaire en première lecture.

- Enfin, il est précisé à l'alinéa 32 que la création d'une association entre les sections professionnelles (et non plus seulement d'un groupement d'intérêt économique) doit faire l'objet d'une convention constitutive .

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A l'issue de ses travaux, votre commission a adopté le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites dans la rédaction issue de son adoption par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.


* 3 Parmi ceux-ci, les articles 2 bis, 3, 5, 6, 8, 22, 23, 28, 32 ont en outre fait l'objet d'amendements rédactionnels et/ou de coordination.

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