EXAMEN EN COMMISSION

(Mercredi 8 janvier 2013)

Au cours de sa réunion du mercredi 8 janvier 2014, la commission des Affaires économiques a examiné le rapport et le texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 226 (2013-2014) présentée par Mme Bernadette Bourzai, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur les biocarburants.

M. Roland Courteau . - J'approuve entièrement cette proposition de résolution, équilibrée et frappée au coin du bon sens. Son point n° 17, en particulier, préconise à juste titre de conserver l'outil industriel existant et de stabiliser le taux d'incorporation à 7 % afin de maintenir les emplois, les capacités d'innovation et de recherche. Certes, la première génération de biocarburants présente nombre d'inconvénients majeurs, et notamment les changements d'affectation de sols. Elle a déçu les espoirs s'agissant de limitation des émissions de CO 2 , et cette production a contribué à aggraver la difficulté à nourrir sept milliards d'êtres humains. Elle peut être améliorée, cependant, et ne doit donc pas être abandonnée. N'oublions pas que notre dépendance aux hydrocarbures nous coûte quelque 66 milliards d'euros par an ! La troisième génération de biocarburants semble plus prometteuse en termes de réduction des émissions de CO 2 et ne mobilisera pas d'immenses surfaces agricoles. À Narbonne, l'Inra travaille sur des micro-algues dont le potentiel exploitable est colossal. Hélas, cette filière ne sera pas opérationnelle avant 2030. Et ces recherches requièrent d'importants financements, tout comme le développement de la filière lignocellulosique et de son produit phare, le Jatropha. Cette filière de deuxième génération ne serait rentable qu'à partir d'un prix de 250 dollars par baril.

M. Joël Labbé . - Il y a des doutes sur l'ampleur des conséquences alimentaires du changement d'affectation des sols, mais le mal est déjà fait. Nous sommes hostiles au maintien de l'objectif à 7 %. Les deuxième et troisième générations de biocarburants sont intéressantes, mais en sont encore au stade expérimental. Elles doivent être évaluées, notamment pour détecter d'éventuels effets pervers. Certains d'entre nous avaient très tôt tiré la sonnette d'alarme sur les biocarburants de première génération, avant que ceux-ci ne sévissent dans le monde entier.

M. Gérard Bailly . - La situation des agriculteurs est compliquée. On leur demandait déjà, il y a des décennies, de produire des biocarburants comme alternative aux importations de carburants fossiles. Et, Joël Labbé, vous dites que certains d'entre vous ont tiré la sonnette d'alarme, mais il y a vingt ans, au conseil régional de Franche-Comté, Dominique Voynet prônait sans retenue les biocarburants. On a ensuite imposé aux agriculteurs des jachères : 10 à 15 % des terres agricoles, il y a encore dix ans. Dans mon département, en outre, la sucrerie d'Aiserey a fermé, les betteraviers ont dû se reconvertir dans la production de légumes, qu'ils ne peuvent plus continuer aujourd'hui... Ces changements d'orientation coûtent cher aux producteurs, qui consentent à chaque fois des investissements nouveaux. Le monde agricole, en vingt ans, a connu de nombreux bouleversements.

M. Martial Bourquin, président . - Le travail de la rapporteure est remarquable et équilibré. Il ne faut pas brûler ce qu'on a aimé hier, même si l'affectation des terres arables est un problème qu'on ne peut négliger. Ne condamnons pas une filière qui a réalisé de lourds investissements. Une start-up que j'ai visitée travaille sur des biocarburants issus de micro-algues : la production de CO 2 serait quasi nulle. La pire des choses en économie, ce sont les coups de balancier. Mieux vaut rectifier intelligemment la trajectoire. Cette filière redeviendra peut-être prometteuse.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - Au Parlement européen j'ai été rapporteure pour avis sur cette question en 2008 au nom de la commission de l'agriculture. Les craintes que nous avions exprimées sur les changements d'affectation des sols n'ont hélas pas débouché sur des mesures restrictives. Quelques années plus tard, on constate qu'il y a un problème réel, il convient de ne pas l'aggraver.

M. Roland Courteau . - Oui !

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - La Commission européenne propose de plafonner à 5 % le taux d'incorporation des biocarburants de première génération. La France défend 7 %, taux qu'elle a presque atteint. Elle ne souhaite pas que l'on remette brutalement en cause l'existence de cette filière. Les recherches sur les biocarburants de deuxième et troisième génération donneront des résultats dès 2020. C'est pourquoi je propose d'encourager les comptages doubles ou quadruples, pour conforter une telle évolution.

M. Martial Bourquin, président . - Le moteur à deux litres n'est pas une utopie. Or il apportera à la fois limitation des émissions de CO 2 et amélioration de notre solde commercial extérieur.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 1 remplace le terme « biocarburants » par « agro-carburants ». J'y suis défavorable aujourd'hui : je proposais moi-même ce changement sémantique en 2008 au Parlement européen - il m'a manqué deux voix ! - mais puisque nous souhaitons désormais que les matières premières soient, de plus en plus, des végétaux forestiers ou des algues, la proposition n'est plus de mise.

M. Roland Courteau . - Comment appellerons-nous les carburants issus des micro-algues ?

M. Joël Labbé . - Bonne question, quoi qu'il en soit, l'appellation « bio » est trop valorisante pour les carburants de première génération. C'est ce qui me dérange. Je maintiens mon amendement.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - Évitons de multiplier les appellations. Parler de biocarburants de première et de deuxième génération est assez clair, je pense.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 2 vise à tenir compte de la contradiction entre les effets néfastes du changement d'affectation des sols indirect et les effets positifs de la réduction des émissions de gaz carbonique. L'ampleur des conséquences du changement d'affectation étant encore mal connue, restons prudents. Avis défavorable.

M. Joël Labbé . - Il ne s'agit que de clarifier les choses.

L'amendement n° 2 n'est pas adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 3 supprime la mention selon laquelle l'ampleur et la nature des effets du changement d'affectation des sols indirect sont loin de faire l'objet d'un consensus. Or, l'alinéa 11 vise à constater l'absence de consensus et à demander en conséquence une certaine retenue dans les décisions. C'est l'un des éléments essentiels de cette proposition de résolution ! Avis défavorable.

L'amendement n° 3 n'est pas adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 4 limite à 5 % le plafond d'incorporation des biocarburants en 2020. Nous proposons le chiffre de 7 %, qui correspond à une stabilisation. Ne revenons pas en arrière. Je souligne, surtout, que la défiscalisation s'achèvera en 2015. Vous aurez bientôt satisfaction. Avis défavorable.

M. Joël Labbé . - La France s'est montrée excessivement volontariste. La Cour des comptes a indiqué qu'entre 2005 et 2010 la défiscalisation partielle avait coûté 2,65 milliards d'euros à l'État, dont 1,8 milliard d'euros ont profité aux producteurs de biodiesel, lesquels ont, dans le même temps, réalisé 500 millions d'euros d'investissement, soit quatre fois moins ! À lui seul, le groupe Sofiprotéol a touché 50 millions d'euros... J'avais demandé il y a deux ans à M. Cahuzac, lors d'un débat sur le collectif budgétaire, que ce cadeau fiscal soit supprimé - sans succès. Je maintiens mon amendement.

M. Martial Bourquin, président . - Votre argument est juste, mais votre proposition sans objet, puisque la défiscalisation va cesser. Et certains agriculteurs se sont endettés pour financer ces investissements, ils ne survivraient pas à un retour à 5 %.

M. Joël Labbé . - Gérard Bailly a raison : les agriculteurs ont déjà été trop brinquebalés. Affirmons que leur mission est de nourrir la population, grâce à une production de qualité - et de proximité, autant que possible. Quant à la promotion des biocarburants il y a vingt ans, elle faisait débat au sein de notre mouvement et si Dominique Voynet était pour, ce n'était pas le cas de tout le monde. Je maintiens mon amendement.

M. Martial Bourquin, président . - Les petits agriculteurs n'ont pas à payer le prix des revirements de politiques.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - La Cour des comptes a indiqué, dans son rapport de 2012 cité par Joël Labbé, que c'était finalement le consommateur qui supportait à son insu le coût de cette politique fiscale.

L'amendement n° 4 n'est pas adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 5 subordonne le soutien aux biocarburants avancés à leur potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre et à l'absence d'impact négatif sur la sécurité alimentaire. Avis favorable.

L'amendement n° 5 est adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 6 supprime le comptage multiple des carburants avancés. Avis défavorable : il faut encourager clairement les carburants les plus performances sur le plan environnemental.

L'amendement n° 6 n'est pas adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 7 supprime l'appel à maintenir un objectif d'incorporation de 7 %. Avis défavorable.

L'amendement n° 7 n'est pas adopté.

La proposition de résolution européenne ainsi amendée est adoptée.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNESUR LES BIOCARBURANTS

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