N° 327

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 janvier 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de résolution européenne de M. Dominique BAILLY, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur l' approfondissement de l' Union économique et monétaire ,

Par M. François MARC,

Sénateur

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Jacques Chiron, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

259 (2013-2014)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES

Réunie le mercredi 29 janvier 2014 sous la présidence de Michèle André, vice-présidente, la commission des finances du Sénat a procédé à l'examen du rapport de François Marc sur la proposition de résolution européenne n° 259 (2013-2014) présentée par Dominique Bailly au nom de la commission des affaires européennes, sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire .

La commission des finances a débattu des orientations définies par les institutions européennes concernant la création d'un instrument de convergence et de compétitivité , la coordination préalable des projets de grandes réformes des politiques économiques et la dimension sociale de l'Union économique et monétaire. Elle a souligné la complexité de ces nouvelles procédures et l'importance de la meilleure prise en compte des questions sociales et d'emploi dans la gouvernance économique et monétaire.

Elle a adopté deux amendements , l'un rédactionnel et l'autre visant à ne pas préjuger des modalités de financement de la future « capacité budgétaire » de la zone euro : s'il paraît opportun que cette « capacité » soit abondée par une ressource sensible aux cycles économiques, retenir pour base de travail le transfert d'une part du produit de l'impôt sur les sociétés pourrait retarder l'avancement de ce processus, comme tenu de la difficulté de faire aboutir le projet d'une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS).

La commission des finances a ensuite adopté la proposition de résolution européenne dans la rédaction issue de ses travaux .

Mesdames, Messieurs,

En vertu de l'article 88-4 de la Constitution, la commission des affaires européennes a adopté le 11 décembre 2013, à l'initiative de notre collègue Dominique Bailly, une proposition de résolution européenne sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire 1 ( * ) , sur la base des documents suivants :

- la communication de la Commission du 28 novembre 2012 intitulée « Projet détaillé pour une Union économique et monétaire véritable et approfondie. Lancer un débat européen » (COM(2012) 777 final) ;

- le rapport du président du Conseil européen, établi en étroite collaboration avec le président de la Commission européenne, le président de l'Eurogroupe et le président de la Banque centrale européenne, du 5 décembre 2012 intitulé « Vers une véritable Union économique et monétaire » ;

- la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 20 mars 2013 intitulée « Vers une Union économique et monétaire véritable et approfondie. Création d'un instrument de convergence et de compétitivité » (COM(2013) 165 final) ;

- la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 20 mars 2013 intitulée « Vers une Union économique et monétaire véritable et approfondie. Coordination préalable des projets de grandes réformes des politiques économiques » (COM(2013) 166 final) ;

- la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 2 octobre 2013 intitulée « Renforcer la dimension sociale de l'Union économique et monétaire » (COM(2013) 690 final).

En application de l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat, la commission des finances a été saisie au fond et est aujourd'hui appelée à se prononcer sur le texte adopté par la commission des affaires européennes.

La proposition de résolution européenne soumise à la commission des finances s'articule autour de trois « thèmes » :

- la création d'un instrument de convergence et de compétitivité ;

- la coordination préalable des projets des grandes réformes des politiques économiques ;

- la dimension sociale de l'Union économique et monétaire (UEM).

Cette proposition de résolution et les travaux réalisés par la commission des affaires européennes 2 ( * ) , qui s'inscrivaient initialement dans la perspective du Conseil européen de décembre 2013, n'ont en rien perdu de leur actualité. En effet, les conclusions du Conseil européen des 19 et 20 décembre 2013 n'ont arrêté ni le contenu, ni même les modalités précises de fonctionnement des nouveaux instruments de coordination des politiques économiques dont il a été proposé la création dans le cadre du système de partenariats pour la croissance, l'emploi et la compétitivité - « arrangements contractuels » et « mécanismes de solidarité associés ». De même, la dimension sociale de l'UEM en est à ses prémices.

Il est donc essentiel que notre assemblée « pèse » sur les négociations à venir de manière à ce que l'approfondissement de l'UEM puisse se faire, autant que possible, conformément à sa vision de la construction européenne.

I. L'INSTRUMENT DE CONVERGENCE ET DE COMPÉTITIVITÉ

Les conclusions du Conseil européen des 18 et 19 octobre 2012 appelaient à ce que soit engagée « une réflexion [...] sur l'idée selon laquelle les Etats membres concluraient chacun, avec les institutions de l'UE, des arrangements de nature contractuelle sur les réformes qu'ils s'engagent à entreprendre et sur leur mise en oeuvre ». Dans cette perspective, la Commission européenne a proposé la « création d'un instrument de convergence et de compétitivité » dans sa communication du 28 novembre 2012 3 ( * ) ; de même, le rapport du 5 décembre 2012 du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy 4 ( * ) , accordait une place déterminante aux « arrangements de nature contractuelle » parmi les leviers d'approfondissement de l'Union économique et monétaire.

Pour autant, les contours de ce type nouveau d'instrument de coordination économique demeurent flous et n'ont été que partiellement précisés par le Conseil européen des 19 et 20 décembre 2013 ; aussi la présente proposition de résolution européenne avance-t-elle des pistes d'évolution s'agissant des modalités de fonctionnement et de financement de ces « arrangements de nature contractuelle » et aborde également la question de leur « gouvernance » politique.

A. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

1. Un instrument reposant sur une logique contractuelle...

Constatant la « mise en oeuvre trop lente, voire inexistante, de réformes structurelles importantes sur de longues périodes », la Commission européenne a estimé, dans la communication précitée du 28 novembre 2012, qu'il était nécessaire pour les États membres de la zone euro de se doter d'« instruments spécifiques » qui participeraient à un renforcement de la gouvernance économique de la zone.

Aussi, cet instrument de convergence et de compétitivité (ICC) permettrait de « soutenir la mise en oeuvre en temps utile des réformes structurelles ». La communication de la Commission précise que cet instrument comporterait deux dimensions :

- des accords contractuels ;

- un soutien financier .

L'instrument de convergence et de compétitivité, tel qu'il est conçu dans la communication précitée, reposerait sur une logique contractuelle en vertu de laquelle États membres et Commission européenne négocieraient un accord dans lequel ils s'engageraient mutuellement sur un programme de réformes donnant lieu à un soutien financier .

2. ... associé à un soutien financier européen...

Ainsi que le souligne la Commission, ce soutien financier présenterait une dimension « symbolique » , constituant « un signal incontestable reconnaissant à la fois le coût de la réforme pour cet État membre et l'intérêt des réformes nationales pour le restant de la zone euro grâce aux externalités transfrontalières », mais également incitative , dès lors que « le concours financier pourra[it] être retenu » s'il était constaté a posteriori que l'État membre concerné n'a pas totalement respecté les termes de l'accord.

Le projet de la Commission européenne indique, en outre, que le soutien financier devrait être conçu comme une « allocation globale » versée par l'intermédiaire d' un « instrument financier spécial » relevant du budget de l'Union européenne, financé par des recettes affectées 5 ( * ) et qui ne serait pas soumis au cadre financier pluriannuel (CFP). Toutefois, l'exécutif européen ne donne pas plus de précisions quant à la nature et aux modalités de distribution de ce soutien financier.

3. ... qui s'inscrit dans le cadre de la procédure de déséquilibres macroéconomiques

Enfin, il convient de préciser que la Commission souhaite associer étroitement l'instrument de convergence et de compétitivité et la procédure de déséquilibres macroéconomiques (PDM), soulignant que les « accords seraient toujours fondés sur les recommandations par pays émises dans le cadre de la PDM » (cf. encadré infra ). Elle estime également que ces accords seraient obligatoires pour les Etats membres de la zone euro faisant l'objet d'une procédure de déséquilibre excessif ; cependant, ils seraient adoptés sur une base volontaire s'agissant des États dont les déséquilibres économiques ne font l'objet que d'une action préventive. Ainsi la Commission conclue-t-elle que « la PDM établit [...] un filtre adéquat pour les réformes en profondeur susceptibles de bénéficier d'un soutien financier ».

La procédure de déséquilibres macroéconomiques (PDM)

Instituée en novembre 2011 dans le cadre du « s ix-pack » 6 ( * ) , la procédure de déséquilibres macroéconomiques (PDM) permet à la Commission et au Conseil de l'Union européenne d'adopter à titre préventif, soit avant que les déséquilibres ne s'aggravent, des recommandations. Dans les cas les plus graves, le volet correctif permet l'ouverture d'une procédure de déséquilibre excessif à l'encontre de l'Etat concerné, qui doit alors soumettre un plan d'action corrective comportant une feuille de route précise et les délais de mise en oeuvre des mesures prévues.

S'agissant des Etats membres de la zone euro, l'application du volet correctif est particulièrement rigoureuse dans la mesure où un État qui ne met pas en oeuvre les mesures recommandées peut se voir imposer un dépôt portant intérêt. En outre, si celui-ci persiste à ne pas se conformer à ces recommandations, le dépôt portant intérêt peut être converti en amende 7 ( * ) . Des sanctions peuvent également être appliquées à un Etat qui, après deux rappels, n'a pas remis un plan d'action corrective satisfaisant. Les sanctions sont adoptées par le Conseil de l'Union européenne à la majorité qualifiée inversée (MQI) 8 ( * ) , ce qui leur confère un caractère quasi automatique .

Afin de pleinement s'inscrire dans le cadre du semestre européen, la mise en oeuvre de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM) suit le calendrier suivant :

- en novembre-décembre , la Commission publie le rapport sur le mécanisme d'alerte , qui fait le point sur l'évolution de la situation macroéconomique dans les différents pays de l'Union européenne. Sur la base de ce rapport, elle peut décider de réaliser un bilan approfondi de la situation dans les pays où le risque de déséquilibres macroéconomiques est considéré comme élevé 9 ( * ) ;

- en mars-avril , la Commission publie les bilans approfondis relatifs aux déséquilibres macroéconomiques.

Les préconisations figurant dans les bilans approfondis inspirent, généralement, les recommandations par pays que la Commission transmet ensuite au Conseil de l'Union européenne.


* 1 Proposition de résolution n° 259 (2013-2014) présentée par Dominique Bailly au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement du Sénat, sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, enregistrée à la Présidence du Sénat le 30 décembre 2013.

* 2 Cf. rapport d'information n° 228 (2013-2014) fait par Dominique Bailly au nom de la commission des affaires européennes du Sénat.

* 3 Communication de la Commission européenne du 28 novembre 2013, intitulée « Projet détaillé pour une Union économique et monétaire véritable et approfondie. Lancer un débat européen » (COM(2012) 777 final).

* 4 Rapport du président du Conseil européen, établi en étroite collaboration avec le président de la Commission européenne, le président de l'Eurogroupe et le président de la Banque centrale européenne, du 5 décembre 2012 intitulé « Vers une véritable Union économique et monétaire ».

* 5 S'agissant de ces recettes affectées, la Commission indique seulement que la « contribution financière nécessaire pour l'instrument [financier spécial] serait basée sur un engagement des Etats membres de la zone euro ou sur une obligation légale à cet effet inscrite dans la législation relative aux ressources propres de l'UE », sans plus de précisions .

* 6 La procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM) a été instituée par deux règlements du « six-pack », les règlements (UE) du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 n° 1174/2011 établissant des mesures d'exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro et n° 1176/2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques.

* 7 Le montant de cette amendement peut représenter jusqu'à 0,1 % du PIB de l'Etat membre.

* 8 En application de la procédure de la majorité qualifiée inversée (MQI), une recommandation de la Commission européenne est réputée adoptée sauf si le Conseil de l'Union européenne, statuant à la majorité qualifiée, décide de la rejeter dans un délai donné. Cette procédure de décision vise à rendre plus difficile la constitution d'une majorité de blocage au sein du Conseil de l'Union européenne.

* 9 Le dernier rapport de la Commission européenne sur le mécanisme d'alerte, en date du 13 novembre 2013, a préconisé un bilan approfondi pour l'Espagne et la Slovénie, dès lors que des « déséquilibres excessifs » avaient été identifiés au cours du cycle précédent d'examen, la Belgique, la Bulgarie, de Danemark, la Finlande, la France, la Hongrie, l'Italie, Malte, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni, en raison de l'existence de « déséquilibres » dans ces pays, l'Allemagne et le Luxembourg, afin de mieux analyser leur position extérieure et, enfin, la Croatie, de manière à cerner les risques macroéconomiques potentiels de ce nouvel Etat membre.

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