B. LE DIFFICILE PILOTAGE DES DÉPENSES FISCALES

1. Une hausse de 3,1 milliards d'euros du volume total des dépenses fiscales liée au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE)
a) 453 dépenses fiscales sont recensées en 2015 pour un coût de près de 82 milliards d'euros

Pour 2015, sont recensées 453 dépenses fiscales pour un coût total estimé à 81,9 milliards d'euros en 2015 et à 71,9 milliards d'euros hors crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE) 98 ( * ) .

Le concept de dépenses fiscales, dont la définition est rappelée dans le deuxième tome du rapport « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2015, recouvre toutes les dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'État une perte de recettes fiscales qui a sa contrepartie pour le contribuable dans l'allégement de la charge fiscale qui aurait résulté de l'application de la norme.

La notion repose donc sur l'écart à la norme fiscale et englobe l'ensemble des réductions d'impôt (qui diminuent le montant de l'impôt dû) et des crédits d'impôt (qui entraînent, si le montant du crédit est supérieur à celui de l'impôt dû, une dépense budgétaire en direction du contribuable concerné).

Une part importante du coût des dépenses fiscales est concentrée sur un nombre limité de dispositifs : en 2015, quatorze d'entre eux représenteraient plus de la moitié du coût total. Les deux dépenses les plus importantes en termes quantitatifs sont le crédit d'impôt compétitivité et emploi (CICE) pour un montant estimé en 2015 à 10 milliards d'euros, et le crédit d'impôt recherche (CIR) , chiffré à environ 5 milliards d'euros.

L'augmentation du coût total des dépenses fiscales est largement portée par celle du CICE , qui connaît une croissance de 54 % entre 2014 et 2015 : il augmenterait en effet de 3,5 milliards d'euros, à partir d'un montant prévisionnel révisé de 6,5 milliards d'euros en 2014, notamment du fait de son calcul sur la base de 6 % de la masse salariale éligible en 2014, contre 4 % en 2013.

b) Le respect de l'objectif de stabilisation du coût des dépenses fiscales, hors crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoyait à son article 14 un objectif de stabilisation des dépenses fiscales à 70,8 milliards d'euros, à méthode constante.

D'après les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteur général, à méthode constante et hors crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE), le montant des dépenses fiscales est estimé à 70,9 milliards d'euros en 2013, 70,7 milliards d'euros en 2014 et 70,6 milliards d'euros en 2015.

L'objectif serait donc dépassé de 0,1 milliard d'euros (soit + 0,1 %) en 2013 et respecté en 2014 (- 0,1 %) et en 2015 (- 0,2 milliard d'euros, soit - 0,3 %).

Le projet de loi de programmation des finances publiques 2014-2019 prévoit un double plafond qui, dans sa rédaction issue du Sénat, s'entend hors CICE : à 70,6 milliards d'euros pour les dépenses fiscales et 14,7 milliards d'euros pour l'agrégat plus réduit des crédits d'impôt.

2. La rationalisation des dépenses fiscales : des avancées limitées au regard des engagements pris
a) La mise en oeuvre des conférences fiscales : une avancée vers une plus grande responsabilisation des ministères

Les conférences fiscales ont été mises en oeuvre pour la première fois en 2013, pour la préparation du budget pour 2014, dans le but de faciliter le respect de l'objectif de stabilisation en valeur du coût total des dépenses fiscales prévu par la loi de programmation des finances publiques.

Ces conférences ont été organisées en parallèle des conférences budgétaires et avec le même niveau de représentation : elles associent chacun des ministères responsables d'une mission et le ministère des finances, au travers de la direction de la législation fiscale et de la direction du budget.

Les responsables de programme ont été invités à présenter des propositions de réduction ou de suppression de dépenses fiscales relevant de leur périmètre , en s'appuyant sur les évaluations disponibles ou établies par le responsable de programme .

Votre rapporteur général se félicite de l'association des gestionnaires à la rationalisation du champ des dépenses fiscales et considère que cette approche devrait permettre d'améliorer la gestion des dépenses fiscales, dans la mesure où elle joint à la construction budgétaire une réflexion sur les « niches » fiscales , dont l'effet peut être comparable à celui des crédits budgétaires.

b) Des évaluations éparses et hétérogènes, à rebours des engagements pris dans la loi de programmation des finances publiques 2012-2017

S'il a cherché à intégrer la problématique des dépenses fiscales dans le processus de construction budgétaire à travers les « conférences fiscales », le Gouvernement n'a en revanche pas tenu ses engagements en matière d'évaluation des dépenses fiscales . Après avoir exprimé le souhait d'engager « une démarche partenariale » avec le Parlement lors de son audition relative à loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2012 99 ( * ) , M. Bernard Cazeneuve, alors ministre délégué chargé du budget, a ensuite déclaré lors de son audition au sujet du projet de loi de finances pour 2014 100 ( * ) : « nous nous livrons à un travail d'évaluation permanent. Les évaluations seront transmises à la commission et leurs résultats seront connus au plus tard à la fin de l'année ».

En réalité, aucune évaluation n'a été transmise à la commission des finances du Sénat.

En effet, d'après les informations transmises à votre rapporteur général, 115 dépenses fiscales ont fait l'objet d'une évaluation . Il s'agit toutefois d'un « inventaire à la Prévert » qui se base sur des rapports et publications disparates, n'ayant pas fait l'objet d'une transmission spécifique au Parlement : rapports de l'Inspection générale des finances, de la Cour des comptes, travaux du CIMAP 101 ( * ) , évaluations préalables des articles initiaux des projets de loi de finances pour 2014 et de finances rectificative pour 2013...

Ainsi les évaluations dont le Gouvernement a fait état pour la précédente période de programmation ne sont pas des documents élaborés spécifiquement dans la perspective de l'article 18 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, mais un assemblage de bric et de broc associant diverses publications évoquant, de façon plus ou moins elliptique, le coût et les effets des dépenses fiscales.

Comme le notait déjà notre collègue François Marc, alors rapporteur général, dans son rapport relatif à la loi de règlement pour 2013 102 ( * ) : « la Cour des comptes observe à juste titre, dans son analyse de l'exécution budgétaire 2013, que ces processus d'évaluation ne correspondent pas à la démarche prévue par l'article 18 de la LPFP - laquelle correspond en effet à une évaluation systématique de l'efficacité et de l'efficience suivant des critères homogènes ».

Le principe d'une évaluation systématique des dépenses fiscales n'a donc aucunement été respecté.


* 98 Tome II de l'annexe « Voies et moyens » annexée au PLF 2015, p. 15.

* 99 Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, sur le projet de loi n° 1083 (AN-XIV e législature) de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012 par la commission des finances du Sénat le mercredi 12 juin 2013. Disponible en ligne sur le site du Sénat.

* 100 Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, sur le projet de loi de finances pour l'année 2014 par la commission des finances du Sénat le mardi 1 er octobre 2013. Disponible en ligne sur le site du Sénat.

* 101 Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique.

* 102 Rapport n° 716 (2013-2014) de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances, déposé le 10 juillet 2014.

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