II. LES DÉPENSES DU BUDGET GÉNÉRAL : DES ÉCONOMIES INSUFFISANTES ET PEU DOCUMENTÉES

A. LE BUDGET 2015 DANS LA TRAJECTOIRE TRIENNALE : D'UNE LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES À L'AUTRE

1. Le budget 2015 au regard de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoyait une stabilisation de la norme de dépenses en valeur de l'État 103 ( * ) . Cependant, pour faire face à la dégradation de la situation économique et compenser - partiellement - les pertes de recettes constatés en 2013 et 2014, le Gouvernement s'est trouvé dans l'obligation de diminuer davantage les dépenses de l'État. Au total, les dépenses des missions sont moindres que cela n'était prévu par la loi de programmation.

Par rapport aux prévisions de la loi de programmation 2012-2017, les missions définies comme « prioritaires » par le Gouvernement ont bénéficié de 1,9 milliard d'euros supplémentaires : « Enseignement scolaire » (0,9 milliard d'euros), « Travail et emploi » (0,7 milliard d'euros), « Solidarité, insertion et égalité des chances » (0,1 milliard d'euros) et « Égalité des territoires, logement et ville» (0,2 milliard d'euros).

Les autres missions contribuent au financement de ces priorités par une baisse de leurs crédits par rapport aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques.

2. Le budget 2015 au regard du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019
a) Le budget triennal : une diminution des dépenses en valeur de 1,2 milliard d'euros entre 2014 et 2019

Le projet de loi de programmation pour les années 2014 à 2019 prévoit un budget triennal pour l'ensemble des missions du budget de l'État , hors compte d'affectation spéciale « Pensions » et hors charge de la dette, dans la mesure où ces deux ensembles sont considérés comme peu pilotables.

Comme dans les précédentes lois de programmation des finances publiques, le budget est semi-glissant : la norme globale vaut pour les trois années de la programmation, les plafonds par missions devront normalement être respectés les deux premières années mais la répartition par programme ne vaut que la première année du triennal (c'est-à-dire 2015).

Au total, les crédits des missions diminueraient d'environ 0,55 % entre 2014 et 2017, soit environ 1,2 milliard d'euros en valeur. Entre 2015 et 2017, la baisse ne serait que d'environ 400 millions d'euros.

b) Un plan d'économies pour l'État et ses agences de 19 milliards d'euros sur la période 2015-2017

Le respect de ces plafonds suppose que l'État et ses agences fassent, d'ici à 2017, 19 milliards d'euros d'économies (par rapport à l'évolution tendancielle des dépenses) : selon le Gouvernement, « la mise en oeuvre des 19 milliards d'euros d'économies d'ici à 2017 permettra de tenir les objectifs de dépenses déclinés par mission dans le budget triennal ».

Les collectivités territoriales sont amenées à faire un effort important dans le cadre de ce plan , compte-tenu de la réduction de leurs dotations de 3,7 milliards d'euros en 2015, 2016 et 2017. Cette baisse devrait être proportionnée à la part de chaque niveau de collectivité territoriale dans les recettes totales. Ainsi, le bloc communal perdrait environ 2,1 milliards d'euros de dotations (dont les deux tiers concerneraient les communes et le tiers restant leurs groupements), contre une réduction de 1,1 milliard d'euros pour les départements et de 500 millions d'euros environ pour les régions.

Les effets attendus de la baisse des dotations aux collectivités territoriales, notamment en termes d'évolution de leurs recettes et de leurs dépenses, sont développés dans le rapport de votre rapporteur général sur le projet de loi de programmation pour les années 2014 à 2019 104 ( * ) , ainsi que dans les commentaires des articles relatifs aux finances locales du présent projet de loi.

Les économies sur les dépenses de l'État sont quant à elles réparties entre quatre grands agrégats d'ampleur comparable : la maîtrise de la dépense des opérateurs, les dépenses de personnel, les dépenses d'intervention et les autres dépenses de l'État (qui regroupent notamment les dépenses de fonctionnement hors personnel et les dépenses d'investissement).

c) Les revues de dépenses, un nouveau dispositif qui souligne l'échec de la MAP

L'article 22 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 instaure des « revues de dépenses » annuelles , qui portent sur l'ensemble des moyens et des dépenses, y compris les niches fiscales et sociales , de toutes les administrations publiques , et visent à identifier des sources d'économies. Les revues menées et leurs conclusions doivent faire l'objet d'une communication au Parlement .

Votre rapporteur général se félicite que soit mis en place un dispositif visant à identifier et réaliser des économies réelles et durables , par des réformes structurelles et non seulement des « rabots » au cas par cas. Il ne peut cependant éviter de remarquer qu'au bout de deux ans, le Gouvernement découvre, enfin, la nécessité d'identifier en amont des pistes crédibles d'économies structurelles et de les documenter.

Il semble ainsi que la création des « revues de dépenses » soit rendue nécessaire par l'échec des précédentes initiatives du Gouvernement pour réformer la dépense publique. La modernisation de l'action publique (MAP) a en effet échoué dans sa méthode comme dans ses résultats.

Tout d'abord, l'association du Parlement, présentée au départ comme une innovation majeure par rapport à la révision générale des politiques publiques (RGPP), n'a pas été respectée . Sans même parler d'une « association » du Parlement, la simple information du législateur a fait défaut : si l'article 92 de la loi de finances pour 2013 105 ( * ) prévoyait plusieurs modalités d'information des chambres parlementaires au sujet de la MAP, en pratique les informations transmises ont été très rares et irrégulières . La MAP est ainsi largement, pour le Parlement, une « boîte noire ».

De plus, la MAP n'a pas permis d'identifier des mesures d'économies crédibles et durables . Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport de juin 2014 sur la situation et les perspectives des finances publiques, « les économies identifiées à ce jour dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP) ne sont pas à la hauteur de l'enjeu ». La révision générale des politiques publiques (RGPP) avait été rejetée par l'actuelle majorité gouvernementale au motif que la réforme de l'État ne pouvait avoir pour principale ambition de réduire ses dépenses, mais quel est l'intérêt d'une « modernisation de l'action publique » déconnectée des enjeux réels des finances publiques ? Certes, la RGPP présentait quelques faiblesses : elle était sans doute trop exclusivement ciblée sur le fonctionnement de l'État et ses travaux faisaient l'objet d'une publicité limitée, qui n'a pas favorisé l'essor du débat public sur les pistes d'économies identifiées. Mais la RGPP a permis de réaliser 12 milliards d'euros d'économies 106 ( * ) , là où le dernier CIMAP 107 ( * ) n'évoque que 3 milliards d'euros d'économies liées aux évaluations de politiques publiques (EPP) déjà menées. Quant aux programmes ministériels de modernisation et de simplification (PMMS), d'après les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteur général, « aucun chiffrage des coûts et bénéfices de ces réformes n'est disponible ».

Enfin, la MAP a été construire sur un calendrier inadapté , au point qu'un dispositif entièrement nouveau apparaît nécessaire pour assurer le chaînage des recommandations à la construction budgétaire.

On ne peut donc manquer s'interroger au sujet de la mise en oeuvre effective et des résultats de ces « revues de dépenses » dont les thèmes devraient être connus prochainement en vue de conclusions avant le 1 er mars prochain.


* 103 La norme de dépenses en valeur inclut les dépenses du budget général, hors dette et pensions, prélèvements sur recettes et plafond des recettes affectées aux opérateurs. Cf. commentaire de l'article 8 du présent projet de loi.

* 104 Rapport n° 55 (2014-2015) de votre rapporteur général, fait au nom de la commission des finances et déposé le 29 octobre 2014.

* 105 Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

* 106 Inspection générale des finances (IGF), « Bilan de la RGPP et conditions de réussite d'une nouvelle politique de réforme de l'État » n° 2012-M-058-01, p. 3.

* 107 Relevé de décisions du CIMAP du 18 décembre 2013.

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