EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 47 - Modification du dispositif d'exonération en faveur de l'emploi saisonnier agricole (Rapporteur spécial : Alain Houpert)

Commentaire : le présent article tend d'une part à exclure les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers (ETARF), du champ d'application du dispositif d'exonération en faveur de l'emploi saisonnier agricole, et d'autre part, à mettre fin à l'exonération de la part salariale des cotisations sociales dont bénéficient, pendant un mois par an, les salariés embauchés comme saisonniers agricoles pour les vendanges.

I. LE DROIT EXISTANT

Le code rural et de la pêche maritime prévoit en son article L.741-16 que les salaires versés aux salariés des ETARF bénéficient de l'exonération de cotisations sociales prévue au bénéfice des travailleurs saisonniers agricoles.

Par ailleurs, il applique aux saisonniers employés pour les vendanges une exonération des cotisations salariales.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le Gouvernement propose d'une part de mettre fin au régime dérogatoire de cotisations sociales appliqué aux salariés occasionnels des ETARF, et d'autre part, de supprimer l'exonération de cotisations sociales salariales des employés occasionnels pour les vendanges.

III. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Votre rapporteur spécial, Alain Houpert, considère que l'exposé des motifs déployé par le Gouvernement n'emporte pas la conviction.

S'agissant de la réforme du régime des ETARF il s'agirait de lutter contre la précarisation des emplois et le travail clandestin.

La saisonnalité de certains travaux sylvicoles et agricoles est une réalité technique, non un mode d'organisation du travail souhaité par les employeurs. Une certaine flexibilité du travail s'impose sauf à mettre en difficulté les entreprises concernées. Au demeurant, d'autres secteurs que l'agriculture tiennent compte de cette réalité.

Par ailleurs, l'argument de lutte contre le travail clandestin est quelque peu surprenant dans la mesure où l'exonération appliquée contribue plutôt, de toute évidence, à une normalisation des conditions d'emplois, comme c'est le cas pour d'autres formes d'emplois.

De son côté, la suppression de l'exonération de cotisations sociales salariales aux « vendangeurs » ne saurait sérieusement être considérée comme une mesure favorisant l'attractivité de ces emplois. On ne saurait davantage y voir une mesure de justice sociale. Elle traduit plutôt la propension du Gouvernement à rechercher des effets d'aubaine fiscalo-sociaux.

Ce sont des salariés modestes 31 ( * ) qui seront touchés et si la mesure ne modifie pas le taux de prélèvement obligatoire appliqué aux entreprises, elle se traduira probablement par une élévation de leurs coûts salariaux et/ou par une réduction de la main d'oeuvre. Au-delà des conséquences directes du dispositif proposé, telles que l'incidence sociale, il faut anticiper ses effets probables sur la qualité des produits en raison de la mécanisation accentuée qui résultera de l'incapacité croissante à disposer d'une main d'oeuvre consciencieuse.

Dans son exposé des motifs, le Gouvernement fait valoir que le dispositif d'exonération du « contrat vendanges », proche de celui qu'il avait souhaité voir inclure dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (il comportait une réduction dégressive des cotisations salariales de sécurité sociale) et que le Conseil Constitutionnel dans sa décision 2014-698 DC du 6 août 2014 avait déclaré contraire à la Constitution au motif d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, est affecté d'une même fragilité juridique.

La conversion du Gouvernement à la préoccupation de l'égalité devant les charges publiques mérité d'être saluée. Pour autant, il n'est certain qu'il ne fasse pas ici preuve du zèle du converti.

Il est bien certain que le Parlement doit s'efforcer de respecter et même de défendre la Constitution. Au demeurant, la plupart des dispositions législatives frappées d'inconstitutionnalité sont d'origine gouvernementale. Cependant, le Parlement ne peut exercer un contrôle a priori de constitutionnalité que dans les droites limites de la raison. Quand la contravention à la Constitution est manifeste, ce rôle ne pose pas de problème. Mais, il existe nécessairement une zone d'incertitude constitutionnelle correspondant à l'ensemble des situations où une marge d'appréciation subsiste, ce qui est souvent le cas s'agissant des principes fondamentaux.

En ce qui concerne le principe d'égalité, il est trivial de rappeler qu'il n'est pas un principe absolu. Le législateur peut donc s'écarter de l'identité universelle de la norme dès que les différences qu'il consacre sont justifiées par des différences de situation en rapport avec l'objectif poursuivi par le législateur. Dans les problématiques liées au financement des charges publiques, il faut encore qu'il n'y ait pas de rupture caractérisée d'égalité.

Étant donné la situation très particulière des travailleurs saisonniers occupés à récolter les fruits de la vigne, tant au regard de la durée de leur engagement que des conditions matérielles de leur rémunération, et dans un contexte marqué par une histoire et des traditions, il semble à votre rapporteur spécial que le législateur a le droit de soutenir une activité indispensable à la qualité de la production vitivinicole. Ici comme ailleurs, le raisonnement ne doit pas exclure la raison.

L'adoption de cet article rapporterait de l'ordre de 15 millions d'euros ponctionnés au détriment des secteurs touchés et de leurs salariés qui contribuent efficacement à la production agricole.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.


* 31 Le contrat « vendanges » représenterait un gain moyen de 650 euros soit moins que le seuil de pauvreté.

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