C. LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI

1. La création d'un statut d'entreprise solidaire de presse d'information

La proposition de loi de Michel Françaix a souhaité, dans son titre III, créer un statut d'entreprise solidaire de presse d'information inspiré des modes de gestion propres à l'économie sociale et solidaire qui proscrivent le profit individuel et prévoient le réinvestissement des résultats. L'appellation d'origine qui faisait référence aux termes d'entreprise « citoyenne » de presse d'information a été modifiée par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale afin de tenir compte de la réaction défavorable des autres acteurs de la presse qui considèrent, à juste titre, concourir également à une mission citoyenne.

Selon le rapporteur de l'Assemblée nationale, « il s'agit de créer les conditions de l'émergence de nouveaux modèles entrepreneuriaux pour les entreprises de presse » , celui-ci étant par ailleurs convaincu « qu'une troisième voie, fondée sur l'émancipation tant par rapport aux aides publiques que par rapport aux actionnaires industriels doit être encouragée » 6 ( * ) .

L'émancipation par rapport aux aides publiques prônée par Michel Françaix doit sans doute être considérée comme un objectif de long terme puisque l'inscription de ce dispositif juridique dans la loi a précisément pour objectif de permettre de pouvoir créer une aide fiscale en loi de finances .

Sur ce point, la proposition de loi se limite en effet à prévoir les conditions permettant à une entreprise de presse d'adopter le statut d'entreprise citoyenne de presse d'information. Celles-ci seraient doubles puisque l'entreprise intéressée devrait à la fois être consacrée pour une large part à l'information politique générale au sens de l'article 39 bis A du code général des impôts et, par ailleurs, répondre à des critères de gestion, 20 % au moins des bénéfices de l'exercice devant être affectés à la constitution d'une réserve obligatoire consacrée au maintien et au développement de l'activité tandis qu'au moins 50 % des bénéfices de l'exercice devront être affectés au report bénéficiaire et à la réserve obligatoire. Ces critères de gestion sont ceux qui s'appliquent aux entreprises de l'économie sociale et solidaire.

Le rapporteur de l'Assemblée nationale propose, par ailleurs, de construire le dispositif fiscal qui pourrait être attaché à ce nouveau statut, sur la base de la réduction d'impôt pour souscription au capital des sociétés de presse, créée par l'article 14 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 (article 220 undecies du code général des impôts) . Cette disposition qui n'a pas été prorogée par la loi de finances initiale pour 2013 prévoyait que les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés pouvaient bénéficier d'une réduction d'impôt égale à 25 % du montant des sommes versées au titre des souscriptions en numéraire réalisées au capital des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun et exploitant soit un journal quotidien, soit une publication à la périodicité au maximum mensuelle consacrée à l'information politique et générale .

Michel Françaix propose donc dans son rapport de réactiver ce dispositif concernant la prise de participation minoritaire dans une entreprise de presse et d'en étendre le bénéfice aux particuliers soumis à l'impôt sur le revenu. Il suggère également de majorer l'avantage fiscal jusqu'à 50 % des sommes investies lorsque l'investissement concernerait une entreprise solidaire de presse d'information . Cette incitation pourrait être, selon lui, de nature à mobiliser des capitaux pour aider des projets innovants ou favoriser la reprise d'entreprises en difficulté sous la forme de financement participatif. Le coût de ce nouveau dispositif n'a toutefois pas été chiffré et rien n'indique que le ministère des Finances y soit aujourd'hui favorable.

2. La possibilité pour les parlementaires visitant certains lieux privatifs de liberté d'être accompagnés par des journalistes

L'article 15 de la proposition de loi modifie l'article 719 du code de procédure pénale afin de prévoir la possibilité pour les parlementaires visitant certains lieux privatifs de liberté d'être accompagnés par des journalistes. Il a été introduit par la commission des affaires culturelles à l'occasion de son examen de la proposition de loi. Cet article figurait déjà dans le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 11 décembre 2013 et s'inspire d'une demande de l'association « Prisons du coeur », présidée par M. Pierre Botton.

Cette disposition n'ayant pas de rapport direct avec la question du secret des sources et compte tenu de l'absence d'inscription du projet de loi à l'ordre du jour, un an après son adoption par la commission des lois, la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale a considéré qu'elle avait davantage sa place dans cette proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse.

Le droit pour les députés et les sénateurs de visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d'attente et les établissements pénitentiaires a été institué par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes puis étendu aux députés européens par la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

Les journalistes peuvent, quant à eux, réaliser des reportages dans les prisons sur autorisation préalable dans les conditions prévues par l'article D. 277 du code de procédure pénale. L'Assemblée nationale a estimé que l'existence de cette autorisation administrative n'était pas satisfaisante pour la liberté d'information tout en reconnaissant que des règles de sécurité devaient permettre d'encadrer les visites de journalistes dans les prisons. La rédaction adoptée par la commission des affaires culturelles a ainsi prévu d'encadrer par décret les modalités de l'accompagnement des parlementaires par des journalistes dans les prisons.

Au cours du débat en séance publique, les députés ont décidé, à l'initiative de Michel Poujol, d'ajouter les centres éducatifs fermés à la liste des établissements que peuvent visiter les journalistes. Cette décision n'a pas été sans poser des questions relatives au fait que les centres éducatifs fermés accueillent des mineurs et que permettre à des journalistes de les rencontrer ne pouvait être envisagé sans certaines garanties. Sur proposition du président de la commission, Patrick Bloche, il a été prévu par le Gouvernement qu'un décret en Conseil d'État encadrerait les modalités d'application de ces dispositions.


* 6 Rapport n° 2442 précité p. 45.

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