D. DES BESOINS EN FINANCEMENT POUR ASSURER LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Si le coût économique de l'inaction face au changement climatique pourrait atteindre, en France, entre 100 à 150 milliards d'euros par an dès 2050 12 ( * ) , la mise en oeuvre de la transition énergétique nécessite de mobiliser à court terme a minima une dizaine de milliards d'euros d'investissements supplémentaires par an 13 ( * ) avant d'en percevoir les gains attendus à moyen et long terme.

Alors que les contours du financement des mesures proposés dans le présent projet de loi restent encore flous, l'exemple allemand de financement de la transition énergétique mérite d'être rappelé.

1. Le modèle allemand : un modèle de financement unique, simple et efficace

La banque publique de développement KfW joue un rôle central . Elle bénéficie d'une garantie de l'État et d'une capacité de refinancement à coût réduit qui lui permettent de lever près de 80 milliards d'euros par an, dont près de la moitié financent les projets d'efficacité énergétique et d'énergies renouvelables à des taux préférentiels. En pratique, les prêts sont octroyés par les banques qui se refinancent auprès de la KfW.

CIRCUIT DE FINANCEMENT POUR LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE
EN ALLEMAGNE

Source : Andreas Rüdinger, La rénovation thermique des bâtiments en France et en Allemagne : quels enseignements pour le débat sur la transition énergétique ?, Working papers n° 07/13, mai 2013, IDDRI, Paris, France.

La rénovation des bâtiments occupe une place importante dans la transition énergétique en Allemagne, comme en France. L'Allemagne a retenu plusieurs objectifs : réduire de 20 % la consommation en énergie dans les bâtiments d'ici 2020 et rénover 720 000 logements par an. Ces objectifs sont équivalents à ceux retenus dans le projet de loi de transition énergétique pour la croissance verte.

On distingue trois types d'aides à la rénovation thermique :

- les prêts octroyés par la KfW d'un montant maximal de 75 000 euros au taux de 1 % ;

- des subventions directes fonction de la performance énergétique et du prêt précité ;

- des subventions pour réaliser des audits énergétiques.

Ces aides obéissent à trois principes :

- une exigence de performance : pour obtenir les aides, le projet doit permettre d'atteindre un certain niveau de performance énergétique ;

- une progressivité des aides : l'aide octroyée est fonction de l'importance du projet ;

- un contrôle par un expert des travaux réalisés : cet expert intervient avant les travaux afin de valider la conformité technique du projet puis après les travaux pour valider la performance énergétique et ainsi permettre le versement de la subvention. Le nombre d'experts est estimé à 4 000.

2. Le modèle français : une multiplicité des dispositifs de financement

Contrairement à l'Allemagne, la France a choisi de multiplier les dispositifs de financements des travaux de rénovation afin que chaque propriétaire, qu'il soit public ou privé, dispose d'une aide adaptée, en fonction de ses ressources.

Parmi ces aides, on peut citer l'éco-PTZ, le crédit d'impôt pour la transition énergétique, le taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation ou encore les aides de l'Anah dans le cadre du programme « Habiter mieux ».

a) L'éco-prêt à taux zéro

L'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), prévu par l'article 244 quater U du code général des impôts, est un prêt sans intérêt et accessible sans condition de ressources, ayant pour objet de financer un ensemble cohérent de travaux d'amélioration de la performance énergétique d'un logement, servant de résidence principale.

Les travaux qui ouvrent droit au prêt doivent :

- soit constituer un « bouquet de travaux » : la combinaison d'au moins deux actions éligibles. Toutefois, dans le cadre de l'éco-prêt « copropriétés », il est possible de ne réaliser qu'une seule action ;

- soit permettre d'atteindre une « performance énergétique globale » minimale du logement ;

- soit constituer des travaux de « réhabilitation de système d'assainissement non collectif » par des dispositifs ne consommant pas d'énergie.

Les logements pouvant bénéficier de l'éco-PTZ sont ceux achevés avant 1990, et après 1948 pour l'option « performance énergétique globale ».

Les travaux doivent être réalisés par un professionnel pour le compte du propriétaire, de la copropriété ou des deux concomitamment. À compter du 1 er septembre 2014, afin de renforcer la qualité des travaux de rénovation, un principe d'éco-conditionnalité a été mis en place. Les professionnels réalisant les travaux doivent fournir l'attestation ou le certificat remis par leur organisme de qualification prouvant qu'elles disposent du label « reconnu garant de l'environnement » (RGE).

b) Le crédit d'impôt pour la transition énergétique

Le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), qui remplace le crédit d'impôt développement durable, permet d'inciter les particuliers à recourir aux équipements les plus performants sur le plan énergétique ainsi qu'aux équipements utilisant les énergies renouvelables (ex chaudière à condensation, utilisation de matériaux d'isolation thermique des parois vitrées).

Dans le cadre de la loi de finances pour 2015, les dépenses entrant dans le champ du crédit d'impôt ont été étendues aux acquisitions de bornes de recharge pour les véhicules électriques et de compteurs individuels d'eau chaude ou de chauffage dans les copropriétés. Certaines dépenses n'ouvrent droit au crédit d'impôt que dans les départements d'outre-mer : équipements de raccordement à un réseau de froid, alimenté majoritairement par du froid d'origine renouvelable ou de récupération ; acquisition d'équipements de protection des parois vitrées contre les rayonnements solaires ou visant à l'optimisation de la ventilation naturelle.

La loi de finances pour 2015 porte le taux du CITE à 30 % du montant des dépenses engagées à compter du 1 er septembre 2014. Le montant des dépenses pris en compte est cependant limité à 8 000 euros pour une personne seule et à 16 000 euros pour un couple. La condition liée à la réalisation d'un « bouquet de travaux » a été supprimée.

À compter du 1 er janvier 2015, les travaux devront être réalisés par des professionnels qualifiés RGE.

c) Le programme « Habiter Mieux »

Le programme « Habiter Mieux » mis en oeuvre par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) vise à lutter contre la précarité énergétique et à aider les ménages les plus modestes à rénover leur logement. Il est financé par le fonds d'aide à la rénovation thermique (FART), auquel s'ajoutent des dotations propres de l'Anah et la participation des obligés du programme des certificats d'économies d'énergie.

Ce programme est mis en oeuvre au travers de trois types d'actions : le repérage des situations à traiter, le diagnostic technique, social et financier, et enfin le financement des travaux qui doivent mener à une amélioration d'au moins 25 % de la performance énergétique du logement pour les propriétaires occupants, et d'au moins 35 % pour les propriétaires bailleurs et syndicats de copropriétaires dans des copropriétés en difficulté.

Le succès du programme « Habiter Mieux » a conduit l'Anah à devoir réviser en 2014 les conditions d'octroi des aides afin de les recentrer sur les ménages très modestes.

3. Des outils complémentaires dont le financement n'est pas complètement assuré

Le projet de loi précise le cadre juridique d'intervention des sociétés de tiers-financement et crée un fonds de garantie de la rénovation énergétique dont les ressources restent à définir.

En complément, la ministre a annoncé la constitution d' un fonds de la transition énergétique logé à la Caisse des dépôts et consignations et doté d'1,5 milliard d'euros sur trois ans mais dont le financement demeure également inconnu.

Ces moyens supplémentaires seront destinés, en particulier, à assurer d'ici à 2017 le doublement du fonds chaleur de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), en complétant les dotations existantes à hauteur de 400 millions d'euros, à accélérer le plan de création des méthaniseurs pour viser les 1 500 unités installées via une ligne de financement dédiée de 100 millions d'euros ou encore à accompagner le développement des territoires à énergie positive.

D'autres ressources ont été évoquées consistant à réserver ou à flécher des enveloppes existantes vers la transition énergétique , qu'il s'agisse des cinq milliards d'euros de prêts de la Caisse des dépôts et consignations destinés aux collectivités territoriales pour l'isolation des bâtiments avec un plafond de 5 millions d'euros par opération sans apport initial, de la mobilisation d'une part du programme des investissements d'avenir et des programmes européens ou encore des prêts de la Banque publique d'investissement (BPI) en faveur des entreprises, dont les prêts aux énergies renouvelables devraient doubler d'ici à 2017 pour atteindre 800 millions d'euros par an.


* 12 Selon les estimations de l'OCDE rappelées dans le rapport du groupe de travail « Quels coûts, quels bénéfices et quel financement de la transition énergétique ? » du Conseil national du débat national sur la transition énergétique (DNTE).

* 13 Le même rapport évalue ainsi que les différents scénarios de transition énergétique examinés lors du DNTE représentent des investissements annuels supplémentaires par rapport à 2012 compris entre 11 et 40 milliards d'euros.

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