C. LE DISPOSITIF ACTUEL ISSU DE LA LOI DE 2004

Dans sa décision n° 2004/162/CE du 10 février 2004, le Conseil de l'Union européenne, se fondant sur l'article 299-2 du traité sur les Communautés européennes (TCE), a fait droit à cette demande en autorisant la France à maintenir un régime dérogatoire jusqu'au 1 er juillet 2014 , tout en lui demandant de procéder à d'importantes modifications.

L'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne - (ex art. 299-2 du Traité sur les Communautés européennes)

Le droit communautaire prohibe en principe les droits de douane et taxes d' « effet équivalent » de nature à fausser la libre concurrence sur le marché intérieur. Toutefois, des dispositions spécifiques ont été prévues pour les « régions ultrapériphériques ». Ainsi, l'article 299-2 du TCE dans sa rédaction issue du traité d'Amsterdam entré en vigueur le 1 er mai 1999, précisait que « compte tenu de la situation économique et sociale structurelle des départements français d'outre-mer, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l'application du présent traité à ces régions, y compris les politiques communes.

Le Conseil, en arrêtant les mesures visées au deuxième alinéa, tient compte des domaines tels que les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l'agriculture et de la pêche, les conditions d'approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d'État, et les conditions d'accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de la Communauté.

Le Conseil arrête les mesures visées au deuxième alinéa en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques sans nuire à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques communes ».

Avec le traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007 et entré en vigueur le 1 er janvier 2009, l'article 299-2 du TCE a été remplacé par l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Le dispositif actuellement en vigueur est issu de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer et de son décret d'application n° 2004-1550 du 30 décembre 2004, qui transposent la décision du Conseil du 10 février 2004.

1. Champ d'application et assiette de l'imposition

L'octroi de mer est composé de deux taxes : l'octroi de mer (OM) en tant que tel et l'octroi de mer régional (OMR) , dont le taux ne peut être supérieur à 2,5 % et dont l'assiette est identique à celle de l'octroi de mer.

Aux termes de l'article 1 er de la loi du 2 juillet 2004, l'octroi de mer est applicable en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion.

En tant qu'impôt indirect, l'octroi de mer est perçu sur deux types d'opérations : les importations et certaines livraisons de biens.

Les prestations de services sont, par conséquent, situées hors du champ d'application de cette taxe.

Contrairement au régime issu de la loi du 17 juillet 1992, l'article 2 de la loi du 2 juillet 2004 prévoit en outre que « toute personne qui exerce de manière indépendante une activité de production dans les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte ou de La Réunion est assujettie à l'octroi de mer, quels que soient son statut juridique et sa situation au regard des autres impôts » (association, entreprise individuelle, société, etc.).

Aux termes de l'article 33 de la loi du 2 juillet 2004 précitée, sont redevables de l'octroi de mer :

- les personnes désignées comme destinataires réels des biens sur la déclaration en douane , pour les opérations d'importation ;

- les personnes qui réalisent des livraisons imposables ;

- toute personne mentionnant l'octroi de mer sur une facture , sauf si une erreur a été commise « de bonne foi ».

a) L'octroi de mer perçu sur les importations (octroi de mer « externe »)

Les importations de marchandises en provenance de la métropole, d'un autre département d'outre-mer, d'un État membre de l'Union européenne, d'un État ou d'un territoire n'appartenant pas à l'Union européenne, sont en principe soumises à l'impôt, dès lors que ces marchandises n'ont pas fait l'objet d'un dédouanement .

Aux termes de l'article 9 de la loi du 2 juillet 2004 précitée, la base d'imposition est constituée, selon les cas :

- de la valeur en douane au sens communautaire ;

- du prix payé ou à payer au prestataire situé hors de la région pour les biens expédiés temporairement hors d'un département d'outre-mer puis réimportés dans la région d'expédition, à la suite, par exemple, d'une réparation, d'une transformation ou d'une adaptation.

Le fait générateur se produit au moment de l'importation (article 10) et la liquidation s'effectue au moment de la déclaration en douane (article 13).

b) L'octroi de mer perçu au titre des livraisons de biens à titre onéreux issus d'opérations de production (octroi de mer « interne »)

Les livraisons de biens effectuées à titre onéreux issus d'opérations de production (fabrication, transformation, rénovation, agricoles ou extractives) sont également soumises à l'octroi de mer.

L'article 1 er de la loi du 2 juillet 2004 précitée précise que la livraison d'un bien correspond au « transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire ».

Aux termes de l'article 9, la base d'imposition équivaut au prix hors TVA (les autres taxes sont en revanche incluses dans l'assiette).

Le fait générateur se produit au moment de la livraison par les assujettis des biens issus de leur production locale (article 10) et la liquidation s'effectue auprès du bureau de douane territorialement compétent, au vu de déclarations trimestrielles souscrites par les assujettis (article 13).

2. Un système de taux reposant sur un mécanisme d'exonérations totales ou partielles

L'article 27 de la loi du 2 juillet 2004 précitée prévoit que les taux de l'octroi de mer et de l'octroi de mer régional sont fixés par délibération du conseil régional, à l'exception de Mayotte où ces taux sont fixés, depuis le 1 er janvier 2014, par le conseil général.

Il prévoit en outre que « les produits identiques ou similaires appartenant à une même catégorie, c'est-à-dire désignés par un même code de la nomenclature combinée, passibles de l'octroi de mer [...] sont soumis au même taux, quelle que soit leur provenance ».

a) Exonérations de plein droit

Les livraisons de biens réalisées par les entreprises exerçant des activités de production dont le chiffre d'affaires est inférieur à 550 000 euros sont exonérées de plein droit.

Les entreprises concernées demeurent toutefois assujetties à l'octroi de mer et sont tenues, à ce titre, de respecter certaines obligations déclaratives.

Les conseils régionaux ont la possibilité de déroger à cette règle, de manière temporaire et exceptionnelle, en mettant en place une taxe sur ces opérations dès lors que l'exonération de ces entreprises aurait pour effet d'impliquer une réduction d'un taux d'octroi de mer perçu à l'importation.

Cette mesure trouve notamment à s'appliquer dans le cas d'un bien produit par une petite entreprise et ne figurant pas dans l'annexe à la décision du Conseil du 10 février 2004 précitée. L'application des seules dispositions de l'article 29 de la loi du 2 juillet 2004 précitée, conduirait à une situation où le conseil régional ne pourrait appliquer qu'un taux de 5 % à l'importation. Il en résulterait une diminution des recettes d'octroi de mer. Pour éviter cette situation, l'article 5 de la loi du 2 juillet 2004 précitée prévoit la possibilité pour les conseils régionaux de ne pas exonérer ces entreprises et d'appliquer le même taux aux importations et aux livraisons.

Par ailleurs, les livraisons de biens expédiés ou transportés hors de la région de production (exportations) par l'assujetti, par l'acquéreur qui n'y est pas établi ou pour leur compte sont exonérées d'octroi de mer.

b) Exonérations facultatives de certaines importations

L'article 6 de la loi du 2 juillet 2004 prévoit la possibilité pour les conseils régionaux d'exonérer de l'octroi de mer les importations concernant :

- les « matériels d'équipement destinés à l'industrie hôtelière et touristique » ainsi que les « produits, matériaux de construction, engrais ou outillages industriels et agricoles » ;

- les « matières premières destinées à des activités locales de production » ;

- les « équipements destinés à l'accomplissement des missions régaliennes de l'État » ;

- les « équipements sanitaires destinés aux établissements de santé publics ou privés » ;

- les biens réimportés dans leur état initial par la personne qui les a exportés.

Le montant total de ces exonérations sur les importations varie selon les collectivités. Entre 2005 et 2011, il s'est ainsi élevé à 9,52 millions d'euros en moyenne en Guadeloupe, contre 25,17 millions d'euros en Martinique.

Moyenne 2005-2011 du montant des exonérations octroyées - au titre des importations

(en millions d'euros)

Guadeloupe

Guyane

Martinique

La Réunion

9,52

15,1

25,17

18,17

Source : étude d'impact du présent projet de loi

Comme le rappelle l'étude d'impact du présent projet de loi, ces exonérations sont généralement utilisées par les conseils régionaux afin de limiter l'effet inflationniste de l'octroi de mer externe susceptible de pénaliser tant les acteurs économiques (entreprises du secteur hôtelier et touristique, producteurs agricoles, etc.), par exemple à travers l'accroissement du prix des investissements, que certaines institutions publiques . En effet, les conseils régionaux ont la possibilité de ne retenir que certaines des exonérations prévues et, parmi elles, de limiter le champ d'application à certains produits.

Par ailleurs, les conseils régionaux conditionnent généralement l'application de ces exonérations à l'absence de production locale avec laquelle ces importations seraient susceptibles d'entrer en concurrence.

c) Exonérations partielles ou totales de certaines livraisons de biens

Conformément à la décision du Conseil du 10 février 2004, les conseils régionaux peuvent prévoir une taxation différenciée favorable aux livraisons de productions locales réalisées par des entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 550 000 euros.

Ces produits sont répartis en trois catégories figurant en parties A, B ou C de l'annexe de la décision du Conseil du 10 février 2004 :

- les produits figurant en partie A peuvent bénéficier d'un différentiel de taux de 10 points maximum . Ils correspondent essentiellement aux « produits de base ou à ceux pour lesquels un certain équilibre par rapport à la concurrence a été trouvé, ainsi que des productions résultant de politiques de filières conduites avec succès depuis de nombreuses années » 2 ( * ) ;

- les produits figurant en partie B peuvent bénéficier d'un différentiel de taux de 20 points maximum . Il s'agit pour l'essentiel de « produits subissant une concurrence plus forte en provenance des marchés extérieur et qui nécessitent souvent des investissements spécifiques pour faire face à cette concurrence » ;

- les produits figurant en partie C peuvent bénéficier d'un différentiel de taux de 30 points maximum . Il s'agit de « produits de consommation courant fabriqués en très grande série par des multinationales et vendus dans les départements d'outre-mer à bas prix ».

Ainsi, un bien relevant de l'annexe A de la décision du 10 février 2004 taxé à hauteur de 15 % lorsqu'il est importé pourra, sur décision du conseil régional, n'être taxé qu'à hauteur de 5 % s'il est produit localement.

Par ailleurs, l'article 29 de la loi du 2 juillet 2004 précitée prévoit que lorsque les marchandises importées entrent en concurrence avec des biens produits localement par des entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 550 000 euros, le conseil régional peut majorer de 5 points supplémentaires le différentiel de taux.

Concrètement, un bien produit localement par des entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas 550 000 euros, relevant de la partie A de l'annexe de la décision du 10 février précitée et bénéficiant d'une exonération totale d'octroi de mer, pourra être taxé jusqu'à 15 % s'il est importé.

Dans l'hypothèse où ce bien remplirait les critères décrits précédemment mais ne figurerait pas dans l'annexe à la décision du Conseil de juillet 2004, un différentiel maximum de 5 % pourrait être appliqué sur les importations de ce produit.

La fixation des taux d'octroi de mer

Outre le soutien à la production locale, le niveau des taux et des exonérations reflète divers choix de stratégies de développement :

- l'application à des priorités sectorielles (soutien plus ou moins marqué aux filières identifiées comme stratégiques) ;

- l'adaptation des différentiels au niveau réel de handicap au moment de la fixation des taux, et maintien d'une marge de manoeuvre (à la hausse comme à la baisse) en cas d'évolution de la situation concurrentielle ;

- l'adoption pour les livraisons locales de taux inférieurs (jusqu'à l'exonération totale) aux taux maximum autorisés à l'import dans un souci de maintien du niveau des prix ;

- le maintien du niveau de financement des collectivités (communes, département ou région, selon le cas) ;

- des préoccupations en termes de développement durable ou de santé publique.

D'une façon générale, les produits dits de première nécessité (alimentation, produits de base), certains équipements (destinés aux personnes handicapées par exemple) et parfois certains biens culturels sont faiblement voire non taxés, tandis que les produits de luxe (parfums, voitures de forte cylindrée par exemple), les alcools et tabacs sont fortement taxés.

En Guadeloupe et en Martinique, 13 taux effectifs s'appliquent, 14 à La Réunion, 18 en Guyane et 25 à Mayotte . Le taux de base, ou taux par défaut appliqué à une majorité de positions, diffère assez nettement selon les régions : il est de 6,5 % à La Réunion, de 9,5 % aux Antilles et de 17,5 % en Guyane.

Selon les DOM, il existe 2 ou 3 taux d'OMR : un taux normal (2,5 %), un taux nul et des taux réduits de 1 %, 1,5 % ou 2 %.

En Martinique et en Guadeloupe, la grande majorité des positions tarifaires (même taxées à 0 % d'octroi de mer) sont taxées à l'OMR (taux réduit ou taux nul).

En Guyane, la situation est plus contrastée : un certain nombre de positions (alimentaires et de première nécessité notamment) sont taxées à un taux d'octroi de mer et d'OMR nul, d'autres supportent uniquement l'OMR. À La Réunion, un produit non taxé à l'octroi de mer n'est pas plus taxé à l'OMR.

S'agissant plus particulièrement du volet interne de l'octroi de mer, en Guyane, tous les différentiels autorisés sont pleinement ou quasiment pleinement utilisés, en exonérant totalement (yaourts, bois bruts) ou quasi totalement (octroi de mer nul et OMR à taux réduit pour les liqueurs à base de rhum) la production locale.

En Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, les différentiels appliqués sont le plus souvent d'environ 7 points pour les produits de la liste A, de 15 à 17 points pour la liste B et de 25 points pour la liste C, en exonérant la production locale d'OM et partiellement d'OMR en ce qui concerne la Guadeloupe et la Martinique.

À Mayotte, les différentiels ne sont pas pleinement utilisés et les productions locales sont totalement exonérées d'octroi de mer et d'OMR (poissons, produits laitiers, savons, etc.).

Source : direction générale des outre-mer

Moyenne 2011-2013 du montant des exonérations octroyées au titre des livraisons

(en millions d'euros)

Guadeloupe

Guyane

Martinique

La Réunion

70,7

30,5

97,3

142,5

Source : étude d'impact du présent projet de loi

d) La procédure de mise à jour des listes de produits

La procédure de mise à jour des listes de produits comporte deux phases : une phase nationale et une phase européenne.

Au stade national, cette procédure est régie par les dispositions de l'article 30 de la loi du 2 juillet 2004 précitée.

La demande doit être adressée par le conseil régional au préfet. Elle doit contenir l'ensemble des éléments permettant de justifier l'application d'un différentiel de taux « au regard des surcoûts supportés par les productions locales dont l'inclusion dans les listes est sollicitée ».

Elle ne peut avoir lieu qu'une fois par an, au premier trimestre de l'année. Toutefois, en cas de situation « de mise en péril d'une production locale ou de besoin impérieux pour une nouvelle production locale », le conseil régional n'est pas tenu de respecter ces contraintes.

Au stade européen, l'article 3 de la décision du 10 février 2004 prévoit que « le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission , arrête les mesures nécessaires à l'application de la présente décision en ce qui concerne l'actualisation des listes de produits figurant à l'annexe ».

Par ailleurs, le dispositif de l'octroi de mer étant considéré comme une aide d'État au regard du droit communautaire, toute modification de son régime doit faire l'objet d'une notification à la Commission européenne .

e) Le cas particulier des échanges entre le « marché unique antillais » et la Guyane
(1) Le « marché unique antillais »

Depuis le 1 er janvier 1995 3 ( * ) , la Guadeloupe et la Martinique forment un « marché unique antillais » en matière de TVA, de droits d'accises et d'octroi de mer .

La mise en place de ce marché unique visait à pallier l'étroitesse des marchés de ces deux territoires en permettant aux entreprises s'implantant dans l'un ou l'autre département de bénéficier de plus larges débouchés.

Ainsi, les biens produits ou importés dans un département et expédiés dans l'autre département ne sont soumis à aucune formalité de dédouanement.

Les livraisons de biens produits dans l'un de ces deux départements, réalisées sur le territoire de l'autre département, sont en outre taxées à l'octroi de mer au taux du département d'origine.

Par ailleurs, les biens importés dans l'un des deux départements et destinés à l'autre département sont taxés au taux du département d'importation.

Ainsi, une marchandise importée en Martinique et expédiée par la suite pour être mise en consommation en Guadeloupe est soumise à l'octroi de mer en Martinique, au taux prévu par le conseil régional de cette région. À son entrée sur le territoire guadeloupéen, elle est en revanche exonérée d'octroi de mer en vertu des dispositions propres au marché unique antillais.

Il en résulte donc une recette supplémentaire pour la Martinique et une perte de ressources pour la Guadeloupe, où le produit est finalement consommé.

C'est pourquoi l'article 39 de la loi du 2 juillet 2004 met en place un mécanisme de reversement annuel destiné à compenser les montants d'octroi de mer externe acquittés à l'importation dans le département d'outre-mer d'entrée et qui, dans le cas général, auraient dû être acquittés dans le département de consommation.

(2) Des échanges Antilles-Guyane soumis à un régime spécifique

L'article 4 de la loi du 2 juillet 2004 précitée fixe un cadre dérogatoire pour les échanges de produits entre le marché unique antillais et la Guyane.

Ainsi, si les importations sont soumises au droit commun concernant l'octroi de mer (celles-ci étant taxées dans le département de mise en consommation), les livraisons de productions locales sont, de manière dérogatoire, taxées dans le département d'origine .

Or, lors de l'établissement, en 2004, des listes de produits pouvant faire l'objet d'un différentiel de taux, les productions guyanaises se limitaient à une vingtaine de productions, dans la mesure où la plupart des entreprises se situaient en dessous du seuil de taxation, souvent identiques à celles de la Martinique et de la Guadeloupe. Cette situation s'est traduite par une détérioration de la compétitivité de la Guyane par rapport aux Antilles, les productions guyanaises étant concurrencées par des marchandises antillaises sur lesquelles le différentiel de taux mis en place en Guyane ne s'appliquait pas. Comme le rappelle l'étude d'impact du présent projet de loi, « les exportations guyanaises vers les Antilles concernent peu de produits et concurrencent donc moins les productions antillaises. Ces exports représentaient en 2013, 10 millions d'euros (contre 26 millions d'euros des Antilles vers la Guyane, hors carburants) ».

Par ailleurs, s'agissant des recettes d'octroi de mer, aucun mécanisme de compensation comparable à celui mis en place au sein du marché unique antillais n'a été prévu.

Cette situation apparaît, par conséquent, doublement pénalisante pour la Guyane . En effet, d'une part, ses recettes d'octroi de mer sont réduites du fait de l'impossibilité de taxer sur son territoire les importations de marchandises produites dans les Antilles et, d'autre part, le dispositif actuel rend inopérants une grande partie des différentiels de taux décidés par son conseil régional.

Votre rapporteur estime par conséquent nécessaire que les collectivités et les organismes socio-professionnels concernés puissent trouver un accord afin de rééquilibrer la situation actuelle .

3. Le droit à déduction

L'article 14 de la loi du 2 juillet 2004 met en place un mécanisme de déductibilité de l'octroi de mer comparable à celui applicable pour la TVA prévu à l'article 271 du code général des impôts.

L'octroi de mer acquitté en amont et qui a grevé le prix de revient d'une livraison soumise à l'impôt peut ainsi être déduit. Le droit à déduction est ouvert lorsque la taxe devient exigible .

La possibilité de déduction est ouverte dans deux cas : sur l'octroi de mer versé lors de l'importation ou sur l'octroi de mer qui apparaît sur les factures délivrées par les fournisseurs.

Sont toutefois exclues du droit à déduction les dépenses relatives à :

- des biens d'investissement affectés pour un pourcentage inférieur ou égal à 50 % à des opérations ouvrant droit à déduction (I de l'article 19) ;

- des véhicules ou engins qui sont conçus pour transporter des personnes ou à usage mixte. Il en est de même des éléments constitutifs, des pièces détachées et accessoires de ces véhicules et engins (II de l'article 19).

La déduction de l'octroi de mer s'effectue par imputation sur celui dû par l'assujetti. Ainsi, un producteur important un matériel et acquittant un octroi de mer de 100, doit verser, au titre des biens qu'il a produits localement, un octroi de mer de 120. Au titre du droit à déduction, ce producteur pourra imputer les 100 qu'il a payés sur les 120 qu'il doit et ne verser que 20.

Le montant de l'octroi de mer déduit doit être mentionné sur « la déclaration afférente au trimestre au cours duquel le droit à déduction a pris naissance ».

L'octroi de mer qui n'a pas pu faire l'objet d'une imputation ne peut être remboursé que dans deux cas :

- lorsque le crédit a pour origine une déduction sur un bien d'investissement ;

- lorsque le crédit a pour origine une déduction afférente à des exportations ou à des opérations assimilées à des opérations taxées (par exemple, opérations taxées à taux zéro et dont l'octroi de mer acquitté en amont ne peut donc pas être imputé).

4. Les obligations déclaratives et comptables des entreprises

Les assujettis sont tenus de s'identifier auprès du bureau de douane territorialement compétent . À cette occasion, il leur est demandé de remettre une copie de la déclaration d'existence souscrite auprès du centre de formalités des entreprises compétent et de fournir le montant du chiffre d'affaires de l'année civile précédente relatif aux activités de production réalisées localement.

Les entreprises dont les activités sont taxables à l'octroi de mer (dont le chiffre d'affaires dépasse 550 000 euros) sont en outre tenues de déclarer leur production trimestriellement.

Les personnes assujetties mais dont les livraisons sont exonérées de plein droit (dont le chiffre d'affaires est inférieur au seuil de 550 000 euros) sont en revanche dispensées de cette obligation.

S'agissant des obligations comptables, l'article 35 de la loi du 2 juillet 2004 précitée prévoit que les assujettis sont tenus de délivrer une facture devant comporter, pour chaque marchandise, sa référence dans la nomenclature combinée, les montants de l'octroi de mer et de l'octroi de mer régional ainsi que les taux d'imposition applicables. Lorsque les livraisons sont totalement exonérées, les factures doivent porter la mention « livraison exonérée d'octroi de mer ».

L'article 36 de la loi du 2 juillet 2004 précitée prévoit en outre que :

- les opérations taxées et les opérations exonérées doivent apparaître de manière distincte. Cette disposition trouve à s'appliquer dans le cas d'une entreprise qui aurait, par exemple, deux productions, l'une frappée de l'octroi de mer et l'autre exonérée ;

- les pièces justificatives doivent être conservées pendant trois ans ;

- les pièces justificatives qui ouvrent droit à des déductions doivent être des pièces d'origine ;

- toute collaboration est attendue en termes de transmission des données au service des douanes afin de fixer les opérations imposables à l'octroi de mer.


* 2 Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République de l'Assemblée nationale sur le projet de loi (n° 1518) relatif à l'octroi de mer par M. Didier Quentin, 19 mai 2004, XII e Législature.

* 3 Article 42 de la loi n° 94-638 du 27 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.

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