II. UNE PROPOSITION DE LOI DONT LES DIFFICULTÉS JURIDIQUES ET PRATIQUES FONT OBSTACLE À SON ADOPTION

A. DES RÉSERVES SUBSTANTIELLES LIÉES À L'AMBIGUÏTÉ DES OBJECTIFS DE LA PROPOSITION DE LOI

1. Une proposition de loi au périmètre imprécis

Votre rapporteur observe tout d'abord que les dispositions de cette proposition de loi se réfèrent à la classification obsolète des « armes de quatrième catégorie ». Sa rédaction ne prend donc pas en compte la nouvelle nomenclature des armes, adoptée à la suite de la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif 12 ( * ) qui a réécrit l'article L. 2331-1 du code de la défense.

Comme le rappelait notre collègue M. Antoine Lefèvre, rapporteur de ce texte au nom de la commission des lois, cette classification résultait de l'accumulation de différents textes, parfois très anciens et avait abouti à une classification compliquée des armes, fondée sur des critères aussi bien objectifs tels que la longueur du canon de l'arme, que subjectifs comme la possibilité de transformer une arme.

Cette classification peu lisible a donc été remplacée par une classification fondée sur la dangerosité des armes . Les armes de quatrième catégorie dont il est proposé la suspension de la commercialisation, l'utilisation et la distribution ont été essentiellement requalifiées en catégorie B, dont le régime de détention est soumis à autorisation préalable.

Néanmoins, votre rapporteur observe qu'il n'existe pas de correspondance stricte entre l'ancienne quatrième catégorie et la catégorie B. Certaines armes qui appartenaient à la quatrième catégorie, à l'instar des armes à feu camouflées dans un autre objet, relèvent aujourd'hui de la catégorie A. À l'inverse, certaines armes de poing semi-automatiques classées en 1 ère catégorie, sont désormais classées en catégorie B1.

L'ancien classement des armes

I. - Matériels de guerre :

- 1 ère catégorie : armes à feu et leurs munitions conçues pour ou destinées à la guerre terrestre, navale ou aérienne.

- 2 e catégorie : matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu.

- 3 e catégorie : matériels de protection contre les gaz de combat.

II. - Armes et munitions non considérées comme matériels de guerre :

- 4 e catégorie : armes à feu dites de défense et leurs munitions.

- 5 e catégorie : armes de chasse et leurs munitions.

- 6 e catégorie : armes blanches.

- 7 e catégorie : Armes de tir, de foire ou de salon et leurs munitions.

- 8 e catégorie : Armes et munitions historiques et de collection.

Source : Rapport n° 149 (2011-2012) de M. Antoine LEFÈVRE, fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 novembre 2011, page 26

Classement actuel des armes
(art. L. 2331-1 du code de la défense)

- Catégorie A : matériels de guerre et armes interdits à l'acquisition et à la détention, sous réserve des dispositions de l'article L. 2336-1, subdivisée en deux sous-catégories :

- A1 : les armes et éléments d'armes interdits à l'acquisition et à la détention

- A2 : les armes relevant des matériels de guerre, les matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu, les matériels de protection contre les gaz de combat ;

- Catégorie B : armes soumises à autorisation pour l'acquisition et la détention ;

- Catégorie C : armes soumises à déclaration pour l'acquisition et la détention ;

- Catégorie D : armes soumises à enregistrement et armes et matériels dont l'acquisition et la détention sont libres.

À considérer que les auteurs de la proposition de loi souhaitent instaurer un moratoire sur l'ensemble des armes de catégorie B, cette interdiction viserait une frange très large d'armes et qui ne serait pas sans conséquence pour les tireurs sportifs ou les collectionneurs.

À ce titre, votre rapporteur s'interroge sur la recevabilité financière de cette proposition de loi au regard de l'article 40 de notre Constitution, qui impose de gager les diminutions de ressources publiques. Or la suspension de la commercialisation, et donc de l'exportation de certaines armes, entraînerait une moindre entrée de recettes fiscales.

Au regard de l'exposé des motifs, votre rapporteur a considéré que l'auteur de la proposition de loi visait les armes de force intermédiaire, plus particulièrement le lanceur de balles de défense de 44 mm, dit « Flash-Ball superpro » et le pistolet à impulsion électrique (PIE) classés en catégorie B ainsi que, dans une moindre mesure, le lanceur de balles de défense (LBD) de calibre 40 mm en dotation collective, classé en catégorie A2.

2. L'ambiguïté née des difficultés d'articulation des deux articles de la proposition de loi

Composée de deux articles, la présente proposition de loi vise, d'une part, à instaurer un moratoire sur la commercialisation, la distribution et l'utilisation des armes de quatrième catégorie et, d'autre part, à modifier l'article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure afin de restreindre les circonstances dans lesquelles ces armes peuvent être utilisées par les forces de l'ordre.

Le régime proposé présente ainsi une certaine ambiguïté : en effet, si un moratoire est décidé à l'article 1 er , ce qui est conforme avec le titre de la proposition de loi comme avec son exposé des motifs, cela semble rendre caduque ou du moins contradictoire l'objet du second article qui est de restreindre les possibilités d'utilisation de ces armes par les forces de sécurité en situation du maintien de l'ordre.

De plus, les deux articles semblent tous deux concerner uniquement les forces de l'ordre. S'il est vrai que l'article 1 er de la proposition de loi vise à suspendre la commercialisation, la distribution et l'utilisation des armes de ces armes pour toute personne, les armes de force intermédiaire relèvent néanmoins des catégories A et B qui sont d'ores et déjà interdites au public sauf autorisation préalable.

Il y a donc une certaine contradiction entre les deux articles, ambiguïté renforcée par l'incertitude du champ d'application de ces dispositions qui renvoient à des mesures réglementaires.


* 12 Rapport n° 149 (2011-2012) de M. Antoine Lefèvre fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-255.html

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