EXAMEN DE L'ARTICLE 2

Depuis le 10 septembre 2014, 19 sites sensibles abritant des activités nucléaires ont été survolés illégalement par des aéronefs circulant sans personne à bord (drones), lors de quarante événements distincts.

Au total, 67 survols illégaux, tous sites confondus, ont été répertoriés.

Les usages civils de drones se développement rapidement. L'évolution technologique de ces appareils est rapide. Il convient de mesurer les conséquences de ce phénomène nouveau , dont les enjeux juridiques, techniques et capacitaires ont été décrits précédemment par votre rapporteur.

Le Secrétariat général de la défense nationale (SGDSN) a été mandaté pour conduire une réflexion interministérielle à ce sujet. Cette réflexion est actuellement en cours et doit aboutir à des propositions concrètes d'ici à l'automne.

Il convient d'associer le Parlement au résultat de ces réflexions, en adoptant sans modification l'article 2 du présent projet de loi, qui dispose que le gouvernement remet au parlement un rapport à ce sujet, avant le 30 septembre 2015.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 13 mai 2015, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Xavier Pintat, rapporteur, sur la proposition de loi n° 277 (2014-2015) relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Jacques Gautier . - L'urgence de cette proposition de loi est réelle. Je suis favorable à la proposition du rapporteur, qui est d'adopter ce texte conformément à sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale. La quasi-totalité des amendements du groupe écologiste cherchent à protéger les militants auteurs d'intrusions. Or un terroriste pourrait profiter de ces intrusions. Il est donc nécessaire de renforcer les sanctions.

Comme l'a indiqué le rapporteur, le CEA a attiré notre attention sur la spécificité de la gestion de ses personnels de sécurité, qui déroge au code du travail. Le CEA aurait souhaité profiter de cette proposition de loi pour institutionnaliser ce fonctionnement dérogatoire. Le rapporteur, qui a rencontré les responsables du CEA, nous propose d'envisager une nouvelle proposition de loi, qui pourra aussi tenir compte des conclusions du futur rapport du SGDSN sur la menace que représentent les drones.

Je suis favorable à ce que cette nouvelle proposition de loi soit déposée et inscrite à l'ordre du jour aussi rapidement que possible.

M. Daniel Reiner . - Le groupe socialiste approuve cette proposition de loi même s'il mesure les limites de sa portée. Il est impossible de ne pas réagir aux événements récents, s'agissant notamment des survols. Nous attendons beaucoup du travail conduit actuellement par le SGDSN et espérons qu'il aboutira à des propositions efficaces. Nous souhaitons également adopter ce texte dans sa rédaction actuelle, afin qu'il puisse entrer immédiatement en application.

M. Jean-Vincent Placé . - Je remercie le rapporteur pour son travail diligent et argumenté, même si je n'en partage pas les conclusions.

J'espère que personne ne pense que les sanctions prévues par cette proposition de loi sont susceptibles de dissuader des terroristes. Si la proposition de loi portait sur une augmentation des protocoles de sécurité, je n'y serais pas opposé. Nous n'avons pas une vision naïve du sujet. Je suis favorable à ce que la sécurité des centrales nucléaires soit au même niveau que celle des installations militaires.

De facto , nous avons plutôt l'impression qu'il s'agit de criminaliser les lanceurs d'alerte qui viennent démontrer l'ineffectivité de cette sécurité.

Le sujet des drones est également crucial. Certes, le SGDSN travaille, mais nous tardons énormément. Le texte ne va pas au fond du sujet. À la limite, il permet d'exonérer les exploitants de leurs propres responsabilités, car les coûts de la sécurité nucléaire sont exorbitants et que personne ne souhaite les prendre en charge.

C'est pourquoi nous pensons que cette proposition de loi n'est pas à la hauteur des enjeux.

Mme Nathalie Goulet . - Ce n'est pas la première fois que nous abordons cette question. Des mesures de sécurité supplémentaires ont-elles été prises pour répondre aux survols d'installations par des drones ? Ces survols posent des problèmes de prévention et de sécurité, qui dépassent la seule question de la répression des intrusions. Il est nécessaire de pouvoir identifier d'où viennent ces drones et d'être en mesure de les neutraliser. Nous demeurons dans une ambiguïté.

M. Jean-Paul Emorine . - Nous sommes l'un des seuls pays au monde à avoir voté une loi sur la sécurité et la transparence dans le domaine nucléaire, puis sur le stockage des déchets nucléaires. Cette proposition de loi me satisfait. Sur les drones, une surveillance adaptée est actuellement à l'étude. Les réponses qui seront apportées nous permettront de compléter le texte examiné aujourd'hui par un autre texte.

M. Jeanny Lorgeoux . - Nos enceintes nucléaires doivent demeurer étanches. L'enceinte du débat politique est ailleurs.

M. Xavier Pintat, rapporteur . - Le dispositif envisagé pour consolider le statut des forces de sécurité intervenant sur les sites n'est pas stabilisé. Le CEA est concerné ; Areva aussi. Le bien-fondé de la mesure doit être examiné avec les organisations syndicales. La conformité au droit européen doit être vérifiée. Une seconde proposition de loi pourrait donc traiter de ce sujet et de celui des drones, comme l'a proposé Jacques Gautier.

Le plus grand danger pourrait provenir, à mon avis, d'une intrusion physique plutôt que d'un drone. C'est pourquoi l'urgence de cette proposition de loi est réelle.

Que les terroristes ne soient pas dissuadés par les sanctions prévues par cette proposition de loi, c'est une évidence, mais les autres intrus le seront. Par conséquent, la menace sera plus clairement identifiable.

Les juges sanctionnent aujourd'hui les intrus pour violation de domicile, ce qui aboutit à des peines insuffisamment dissuasives.

S'agissant des drones, les travaux du SGDSN progressent rapidement. Des projets de recherche sont lancés ; des essais doivent être réalisés. Les délais devraient être tenus. Ce travail se fait en synergie avec d'autre pays.

Quant aux lanceurs d'alerte, ils sont d'autant plus efficaces qu'ils sont eux-mêmes dans une situation juridique claire, plutôt que dans une situation d'illégalité.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. Jean-Vincent Placé . - Je vous propose d'examiner conjointement les neuf amendements du groupe écologiste. Compte tenu des positions exprimées, je comprends qu'en dehors du groupe écologiste, les autres groupes politiques y sont défavorables.

M. Xavier Pintat, rapporteur . - Nous respectons les opinions de chacun et répondrons en détail à chaque amendement lors de la séance publique. Les amendements n° 1 à 6 sont contraires à l'objet même de la proposition de loi. L'amendement n° 1 est un amendement de suppression. Les cinq suivants restreignent le champ d'application du texte, avec pour effet d'en limiter considérablement la portée. Si elle approuve ce texte, la commission ne peut y être que défavorable.

L'amendement n° 7 vise à informer les élus lors du passage sur leurs territoires de convois transportant des matières nucléaires. Or la confidentialité est essentielle à la sécurité de ce type de transport. Cet amendement ne me paraît donc pas acceptable.

L'amendement n° 8 vise à sanctionner les opérateurs qui ne respecteraient pas les avis de l'ASN. Un régime de sanctions existe déjà et son renforcement est prévu dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique. Ce projet de loi habilite le Gouvernement à réformer, simplifier le régime de sanctions existant et à doter l'ASN du pouvoir de prononcer des astreintes et sanctions pécuniaires.

Enfin, l'amendement n° 9 élargit l'objet du rapport demandé au Gouvernement. Or le développement de l'usage des drones constitue une problématique de sécurité à part entière, qui appelle une réflexion d'ordre juridique et technique. Un groupe de travail a été constitué par le Gouvernement. Ce groupe de travail avance rapidement. Il faut qu'il puisse nous soumettre ses propositions dans de brefs délais, d'ici à l'automne. Je vous propose donc, là encore, de ne pas adopter cet amendement.

Les amendements n° 1 à 9 ne sont pas adoptés.

Les articles 1 et 2 sont adoptés sans modification.

L'ensemble de la proposition de loi est adoptée sans modification.

Tableau récapitulatif sur le sort des amendements

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme AÏCHI

1

Amendement de suppression

Rejeté

Mme AÏCHI

2

Exclusion des "manifestations pacifiques" du champ d'application des sanctions pénales

Rejeté

Mme AÏCHI

3

Exclusion des "lanceurs d'alerte" du champ d'application des sanctions pénales

Rejeté

Mme AÏCHI

4

Restriction du champ d'application aux locaux abritant effectivement des matières nucléaires

Rejeté

Mme AÏCHI

5

Restriction du champ d'application aux actes de malveillance

Rejeté

Mme AÏCHI

6

Exclusion des sites protégés intéressant la défense nationale dont la protection est assurée par l'article 413-7 du code pénal

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme AÏCHI

7

Information des élus dont les territoires sont traversés par des convois de matières nucléaires

Rejeté

Mme AÏCHI

8

Répression du non-respect des avis de l'ASN

Rejeté

Article 2

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme AÏCHI

9

Elargissement de l'objet du rapport demandé au gouvernement

Rejeté

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