TITRE III
SOLIDARITÉ ET ÉGALITÉ DES TERRITOIRES

CHAPITRE 1ER
SUPPRESSION DE LA CLAUSE
DE COMPÉTENCE GÉNÉRALE DES DÉPARTEMENTS
ET DÉFINITION DE LEURS CAPACITÉS D'INTERVENTION
POUR LES SOLIDARITÉS TERRITORIALES ET HUMAINES

Article 24
(art. L. 1111-10, L. 3211-1, L. 3232-1-1, L. 3232-1-2 [nouveau] et L. 3233-1
du code général des collectivités territoriales)
Suppression de la clause de compétence générale des départements
et compétences départementales en matière de solidarités territoriales

Le présent article vise, d'une part, à supprimer la clause de compétence générale des départements, à l'instar de l'article 1 er pour les régions et, d'autre part, à préciser les compétences des conseils départementaux en matière de solidarité territoriale.

Le présent article, dans le projet de loi initial, proposait de confier aux départements le rôle de chef de file en matière de solidarité territoriale. Cette compétence se définirait, d'une part, par la faculté, laissée aux départements, d'apporter une ingénierie aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre pour l'exercice de leurs compétences et, d'autre part, par la participation au financement de toutes opérations destinées à aider les entreprises de services marchands en milieu rural.

Votre commission, tout en partageant la philosophie du présent article visant à réaffirmer la vocation des départements en matière de solidarité territoriale, a adopté, outre un amendement de clarification rédactionnelle de ses rapporteurs, deux amendements identiques de ses rapporteurs et de M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, rappelant la vocation des départements en matière de solidarités sociales.

En séance publique, le Sénat a adopté, sur proposition de ses rapporteurs, trois amendements dont un de précision, qui tendent à :

- prévoir la faculté des départements à participer au financement des projets portés par toutes structures de coopération intercommunale, y compris les syndicats intercommunaux ou mixtes ;

- préciser le champ d'application des missions des départements en matière de solidarité territoriale.

En outre, deux amendements identiques de MM. Jacques Mézard et Éric Doligé ont réaffirmé la vocation du département à assurer la solidarité territoriale. Enfin, trois amendements analogues de MM. Jacques Mézard, Éric Doligé et Christian Favier ont proposé une extension du champ de l'assistance technique assurée par les collectivités départementales en faveur des communes et de leurs groupements, aux secteurs de la voirie, de l'aménagement et de l'habitat.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a retenu plusieurs amendements qui ont amoindri la portée du dispositif adopté par le Sénat. Ainsi, ont été adoptés dix amendements parmi lesquels :

- deux amendements identiques du Gouvernement et de M. Paul Molac supprimant les dispositions réaffirmant la vocation du département en matière de solidarités territoriales, au motif que, compte tenu de sa formulation générale et vague, elle consistait à contourner la suppression de la clause de compétence générale des départements ;

- un amendement du Gouvernement réservant l'appui financier des départements aux entreprises de services marchands dont la maîtrise d'ouvrage serait assurée par des communes ou leurs groupements, aux seuls cas de défaillance ou d'absence de l'initiative privée ;

- deux amendements de son rapporteur modifiant l'article L. 3233-1 du code général des collectivités territoriales afin de conserver la possibilité pour les départements de venir en appui aux communes mais également aux EPCI à fiscalité propre ;

- deux amendements identiques du Gouvernement et de M. Alain Rousset supprimant l'extension à la voirie du soutien technique départemental à la suite du transfert aux régions de la compétence en la matière, en vertu de l'article 9 tel qu'issu des travaux de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

En séance publique, l'Assemblée nationale, outre un amendement rédactionnel de son rapporteur, a adopté un amendement du Gouvernement permettant aux départements, dans le cadre d'une convention, avec la région, en complément ou avec l'accord de cette dernière, de participer au financement d'aides en faveur d'une filière ou d'une entreprise agricole, forestière ou de pêche sous forme de subventions. Cette intervention s'inscrirait dans un régime d'aide existant, soit défini par la région, soit relevant du régime général d'exemption par catégorie (RGEC).

Tout en se félicitant du rapprochement des positions des deux assemblées sur la nécessité de conserver aux départements une capacité d'intervention à destination des communes et de leurs groupements, votre commission regrette toutefois certaines modifications adoptées par l'Assemblée nationale qui semblent restreindre la compétence de solidarités territoriales des conseils départementaux. C'est pourquoi, à l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a rétabli certains apports adoptés par votre Haute Assemblée en première lecture ou modifié des dispositions introduites par l'Assemblée nationale :

- par l' amendement COM-645 rect. , votre commission a supprimé la disposition introduite par le Gouvernement rappelant les missions sociales des départements, cette disposition apparaissant redondante et peu pertinente au regard du droit en vigueur ;

- avec l' amendement COM-646 , elle a rétabli la disposition supprimée par l'Assemblée nationale qui rappelle la compétence du département en matière de solidarités territoriales et de développement équilibré du territoire départemental ;

- elle a également rétabli l'extension à la voirie du soutien technique départemental, par coordination, l'Assemblée nationale ayant finalement supprimé le transfert de la voirie départementale aux régions, ce dont se félicite votre commission. Tel est l'objet des amendements COM-644 de ses rapporteurs, COM-109 de M. Bruno Sido, COM-344 de M. Michel Delebarre et COM-404 de M. Philippe Adnot ;

- elle a, par l' amendement COM-647 de ses rapporteurs, apporté de nombreuses modifications rédactionnelles et de précision à la disposition autorisant les départements à aider, avec la région, les filières ou entreprises agricoles ;

- enfin, elle a adopté l' amendement de cohérence COM-508 du Gouvernement.

Votre commission a adopté l'article 24 ainsi modifié .

Article 24 bis AA
(art. L. 2215-8 du code général des collectivités territoriales)
Missions des laboratoires départementaux

Le présent article a été inséré à l'initiative de Mmes Annie Le Houérou et Jeanine Dubié à l'Assemblée nationale en séance publique. Il vise à conforter le rôle des laboratoires publics territoriaux.

On distingue aujourd'hui, au sein des conseils généraux, deux catégories de laboratoires : d'une part, les laboratoires vétérinaires qui interviennent dans les domaines de la sécurité sanitaire des aliments et de la santé animale et, d'autre part, les laboratoires hydrologiques qui assurent la qualité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine

L'article L. 2215-8 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 26 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, prévoit qu'en cas de menace ou d'atteintes graves à la santé publique, le représentant de l'État dans le département peut recourir au laboratoire du service vétérinaire ou au laboratoire hydrologique du conseil général ou, à défaut, à ceux d'un autre département en coordination avec le représentant de l'État du département concerné.

L'article 46 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt définit les laboratoires départementaux comme des acteurs de la politique publique de sécurité sanitaire.

Le présent article vise à compléter l'article L. 2215-8 du code général des collectivités territoriales par trois alinéas :

- le premier rappelle que les laboratoires publics d'analyses des collectivités territoriales représentent un élément essentiel de la politique publique de sécurité sanitaire ;

- le deuxième dispose que tout contrôle dans les domaines de la santé publique vétérinaire, végétale, de la qualité de l'eau et de l'environnement peut être délégué par convention aux collectivités territoriales disposant d'un laboratoire agréé ;

- enfin, le troisième alinéa prévoit qu'une collectivité territoriale ne disposant pas de laboratoires agréés peut conclure une convention avec une autre collectivité territoriale.

On ne peut que s'interroger sur la pertinence et le manque de précision de ces dispositions. Elles apparaissent redondantes avec les dispositions adoptées récemment par le Parlement à l'article 46 de la loi précitée du 13 octobre 2014. En particulier, les dispositions du premier alinéa sont sans portée normative et s'apparentent plus à un exposé des motifs. C'est la raison pour laquelle votre commission a adopté l' amendement COM-648 , proposé par ses rapporteurs, supprimant cet alinéa inutile.

La même analyse s'applique au dernier alinéa permettant à une collectivité territoriale ne disposant pas de laboratoires d'analyses agréés de conventionner avec une collectivité en possédant un. Outre que la rédaction proposée est imprécise, une telle faculté est déjà prévue par le droit existant. En effet, le troisième alinéa de l'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales autorise les collectivités territoriales à conclure des conventions entre collectivités territoriales ayant pour objet la réalisation de prestations de services. C'est pourquoi votre commission a supprimé cet alinéa, en adoptant l' amendement COM-650 de ses rapporteurs.

Quant au deuxième alinéa, votre commission a adopté l' amendement COM-649 de ses rapporteurs afin de clarifier et de préciser le dispositif proposé portant sur la faculté, pour l'État, une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités de déléguer par convention la réalisation de contrôles dans certains domaines à une collectivité disposant d'un laboratoire agréé.

Votre commission a adopté l'article 24 bis AA ainsi modifié .

Article 24 bis A
(art. L. 1424-7 du code général des collectivités territoriales)
Révision quinquennale du schéma départemental d'analyse
et de couverture des risques

Cet article résulte de l'adoption, par le Sénat, d'un amendement de séance de notre collègue Jacques Mézard.

Il vise à fixer une périodicité à la révision des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR).

Ce document inventorie les risques de toute nature pour la sécurité des personnes et des biens auxquels doivent faire face les services d'incendie et de secours et détermine les objectifs de couverture (implantation des casernes, dotation en personnels et en matériels...).

Il est élaboré par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) sous l'autorité du préfet puis soumis au conseil départemental. Il est fixé par arrêté préfectoral sur l'avis conforme du conseil d'administration du SDIS.

L'article L. 1424-7, enfin, prévoit sa révision à l'initiative du préfet ou du conseil d'administration, sans plus de précision.

L'auteur de l'amendement s'est appuyé sur les travaux de notre collègue Dominique de Legge, alors rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de la sécurité civile. Celui-ci considérait le SDACR comme « un outil de pilotage stratégique, précieux en particulier en vue de la réalisation de nouveaux investissements » et regrettait qu'il soit « devenu dans de nombreux départements totalement obsolète » ; il concluait en conséquence à la nécessité de le soumettre à « une révision régulière » 95 ( * ) .

L'Assemblée nationale a approuvé ce dispositif sous réserve d'un amendement rédactionnel de son rapporteur.

Votre commission des lois a complété, par un amendement COM-651 de ses rapporteurs, l'article 24 bis A pour préciser que la périodicité quinquennale était applicable au SDACR des Bouches-du-Rhône régi par des dispositions particulières en raison de la division du territoire du département entre les interventions respectives du SDIS et du bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMPM).

Votre commission a adopté l'article 24 bis A ainsi modifié .

Article 24 bis BA (supprimé)
(art. L. 1424-1-1 [nouveau] et L. 1424-35
du code général des collectivités territoriales)
Faculté de transférer aux EPCI les contributions des communes
au budget des SDIS

L'article 24 bis BA est issu de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement de Mme Christine Pires Beaune.

Son objet est de permettre le transfert des contributions communales aux budgets des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) aux EPCI non compétents ou créés lors de la départementalisation des services d'incendie et de secours opérée par la loi n° 96-369 du 3 mai 1996.

Il s'agit ainsi de remédier au droit en vigueur, appliqué dans toute sa rigueur par le Conseil d'État : la Haute juridiction a jugé que les communes ne pouvaient transférer à l'intercommunalité à laquelle elles appartiennent leur contribution due au titre du fonctionnement du SDIS, qui constitue une dépense obligatoire et non une compétence 96 ( * ) .

Or, note l'auteur de l'amendement, « cette situation fragilise considérablement le bon fonctionnement de nombreux SDIS, faute pour eux de disposer de ressources suffisantes, et met parallèlement en péril certaines communes, contraintes de verser des contributions qui parfois s'avèrent difficilement soutenables » 97 ( * ) .

En conséquence, l'article 24 bis BA permet le transfert des contributions communales à l'EPCI créé après le 3 mai 1996. Dans ce cas, le montant versé par l'EPCI au SDIS serait égal à la somme des contributions des communes concernées pour l'exercice précédant le transfert.

Comme le prévoit déjà l'article L. 1424-35 pour le calcul des contributions des communes et EPCI, pourrait être prise en compte la présence d'agents publics titulaires ou non parallèlement sapeurs-pompiers volontaires parmi les effectifs des communes membres.

Par ailleurs, celles des communes qui auraient transféré l'acquittement de leur contribution à l'intercommunalité continueraient de siéger au conseil d'administration du SDIS jusqu'au prochain renouvellement de celui-ci « afin de ne pas perturber les équilibres existants ».

Pour vos rapporteurs, la disposition proposée soulève une difficulté juridique majeure en contournant le principe de spécialité des établissements publics, lequel constitue l'un des fondements de leur cadre statutaire.

Sans méconnaître la réalité des difficultés rencontrées par certaines communes, ils considèrent que cette question doit s'inscrire dans une réflexion générale sur le fonctionnement des SDIS.

En conséquence, par l'adoption de leur amendement COM-652 , votre commission a supprimé l'article 24 bis BA.

Article 24 bis B
(art. L. 3231-3-2 et L. 4253-6 [nouveaux] du code général
des collectivités territoriales)
Octroi de subventions par les départements et régions
aux associations intervenant en matière de secours en mer

Cet article résulte de l'adoption par le Sénat, en séance, d'un amendement de vos rapporteurs destiné à pérenniser les interventions de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) qui, agréée pour les opérations de secours et de sauvetage par le ministre chargé de la mer, assure une mission de service public au large des côtes françaises, en métropole comme outre-mer.

Vos rapporteurs rappellent que les moyens de la SNSM assurent près de la moitié des opérations de sauvetage dans la zone littorale et en mer, 80 % des interventions de nuit et le week-end en mer.

Une partie de son financement provient de fonds publics. Outre l'État, les régions, les communes et les départements lui attribuent des subventions qui complètent les ressources privées résultant essentiellement de legs et dons.

L'article 24 bis B vise donc à préserver sa capacité opérationnelle au-delà de la suppression de la clause générale de compétence des départements et des régions en ouvrant la faculté en tout état de cause aux départements et régions d'attribuer des subventions de fonctionnement et d'investissement aux associations reconnues d'utilité publique assurant une mission de service public en matière de secours en mer.

Cependant, par l'adoption d'un amendement du Gouvernement par sa commission des lois, l'Assemblée nationale a supprimé l'article 24 bis B en considérant qu'il était redondant avec la disposition proposée par le même auteur à l'article 11 pour compléter le code des transports : celle-ci prévoit la possibilité pour les collectivités territoriales compétentes en matière de ports - régions et communes - de concourir au financement des organismes de secours et de sauvetage en mer agréés. Le département, selon le texte adopté par l'Assemblée nationale, serait donc exclu du dispositif. Une partie des financements actuels de la SNSM serait de ce fait supprimée.

C'est pourquoi, par un amendement COM-653 de ses rapporteurs, la commission a privilégié la solution qu'elle avait précédemment proposée à la Haute assemblée afin de préserver un outil indispensable de notre système d'organisation du secours maritime.

Votre commission a rétabli l'article 24 bis B dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.

Article 24 bis C
(art. L. 3461-1 et L. 5552-2 [nouveaux]
du code général des collectivités territoriales)
Octroi de subventions par les départements et les régions d'Alsace-Moselle pour la promotion du droit alsacien-mosellan

Le présent article, inséré par le Sénat en séance publique à l'initiative de vos rapporteurs, a été supprimé par la commission des lois de l'Assemblée nationale, par adoption d'un amendement du Gouvernement. Il propose d'insérer deux nouveaux articles au sein du code général des collectivités territoriales permettant aux départements de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et des régions Alsace et Lorraine d'attribuer des subventions à l'Institut de droit alsacien-mosellan et à tout organisme local concourant à la connaissance et à la promotion du droit local dans ces territoires. Votre commission a jugé indispensable l'insertion de cette précision en raison de la suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements, prévue respectivement aux articles 1 er et 24 du présent projet de loi.

Le droit local en Alsace et Moselle, applicable dans les seuls départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, est un régime juridique créé en 1919 pour conserver les dispositions mises en place par les autorités allemandes entre 1871 et 1918 lorsque ces dernières sont estimées plus favorables que les dispositions préexistantes qui ont, entre-temps, été modifiées ou supprimées par la législation française. Il diffère ainsi, dans plusieurs matières, du droit applicable dans le reste du territoire national 98 ( * ) .

Par ailleurs, comme l'avait indiqué notre ancien collègue M. Jean-Pierre Michel, le Conseil constitutionnel a reconnu, en 2011, que l'existence du droit local alsacien-mosellan représentait un principe fondamental reconnu par les lois de la République 99 ( * ) . Par conséquent, « la différence de traitement résultant du particularisme du droit local avec le droit applicable sur le reste du territoire national ne peut être remise en cause sur le fondement du principe constitutionnel d'égalité devant la loi. » Pour promouvoir la connaissance du droit local et apporter une expertise aux problèmes juridiques soulevés par sa combinaison avec le droit général national, a été créé en 1985, sous la forme d'une association inscrite de droit local, l'Institut de droit local alsacien-mosellan. Sa mission a été reconnue d'utilité publique en 1995. Il est à la disposition des administrations, des élus, des praticiens du droit et des citoyens confrontés à l'application d'une disposition de droit local. Une circulaire du Premier ministre du 30 mai 1996 100 ( * ) invite les différents ministères à consulter l'Institut lors de la codification de dispositions intéressant le droit local.

Les spécificités du droit alsacien-mosellan et les missions assignées à l'Institut ont incité votre commission, à l'initiative de ses rapporteurs, à prévoir explicitement une possibilité, pour les collectivités départementales et régionales concernées, de pouvoir participer par des subventions au fonctionnement de cet institut et de tout organisme poursuivant les mêmes missions. M. André Vallini, secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale, s'est opposé à ces dispositions, estimant que « même après la suppression de la clause de compétence générale, [les collectivités territoriales concernées] pourront continuer à participer au financement de l'Institut du droit local alsacien-mosellan au titre de leurs compétences en matière de culture ou d'accès au droit. » 101 ( * ) Or l'accès au droit ne constitue pas, en tant que telle, une compétence régionale. Votre commission ne partage pas l'argument du Gouvernement, repris par la commission des lois de l'Assemblée nationale, selon lequel les articles L. 1111-2 et L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales consacrent le caractère partagé de la compétence des collectivités territoriales en matière de développement culturel. Votre commission n'est pas convaincue par la qualification avancée par le Gouvernement selon laquelle la promotion et la connaissance du droit alsacien-mosellan et son articulation avec le droit de l'Intérieur seraient une composante de la culture locale.

Aussi, votre commission a-t-elle adopté l' amendement COM-654 de ses rapporteurs tendant à rétablir l'article 24 bis C dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.

Article 24 bis D (suppression maintenue)
(art. L. 224-9 et L. 224-11 [abrogé] du code de l'action sociale et des familles)
Suppression de l'obligation de constituer des associations départementales d'entraide des pupilles et anciens pupilles de l'État

Introduit lors de l'examen en séance publique au Sénat contre l'avis de vos rapporteurs, cet article visait à supprimer l'obligation de constituer des associations départementales d'entraide des pupilles et anciens pupilles de l'État, ainsi que l'obligation d'utiliser les biens de pupilles de l'État décédés sans héritier au profit des pupilles et anciens pupilles.

Selon les auteurs des amendements à l'origine de cette disposition 102 ( * ) , la diminution du nombre d'enfants abandonnés ou orphelins de père et de mère, reconnus pupilles de l'État, aurait conduit les associations des pupilles et des anciens pupilles de l'État à s'ouvrir à d'autres publics, tels les anciens bénéficiaires de l'aide sociale à l'enfance. Faute de pupilles de l'État à aider, ces associations auraient dû être dissoutes par les préfets et, en tout état de cause, il conviendrait de mettre fin à l'obligation légale de constituer de telles associations dans chaque département en abrogeant l'article L. 224-11 du code de l'action sociale et des familles. Cette abrogation aurait pour seule conséquence de supprimer l'obligation légale tout en permettant aux associations existantes de prospérer.

Cette disposition visait également à mettre fin aux dérives constatées dans l'utilisation des fonds recueillis par certaines associations en application de l'article L. 224-9 du code de l'action sociale et des familles. Ce dernier prévoit en effet que les biens d'un pupille de l'État décédé sans héritier « sont recueillis par le département et utilisés pour l'attribution de dons ou de prêts aux pupilles et anciens pupilles de l'État ». La suppression de ce dernier membre de phrase aurait donc pour effet, pour les auteurs de cette disposition, de prévenir toute malversation dans l'utilisation de ces biens.

Lors de l'examen en séance publique, vos rapporteurs avaient fait valoir que cette disposition était sans lien, même indirect, avec le texte en discussion.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a, quant à elle, observé que l'article L. 224-11 du code de l'action sociale et des familles prévoit explicitement la participation de ces associations d'entraide à l'effort d'insertion sociale des personnes admises ou ayant été admises dans le service de l'aide sociale à l'enfance ; en conséquence, il ne pouvait être soutenu que ces associations perdaient leur objet en l'absence de pupilles de l'État dans un département, sauf à méconnaître le champ d'intervention reconnu par le législateur à ces associations. Elle relevait qu'au contraire, ces associations avaient toute leur utilité en leur qualité de représentantes des pupilles et des usagers des services de la protection de l'enfance, siégeant de surcroît au sein des conseils de famille et dans les commissions d'agrément en vue d'adoption, en application des articles L. 224-2 et R. 225-9 du code de l'action sociale et des familles.

Enfin, s'agissant des abus constatés dans l'utilisation des legs au profit des pupilles, la commission des lois de l'Assemblée nationale estimait, à juste titre, que ces agissements relevaient de sanctions pénales, non du droit à l'aide sociale. Elle a donc adopté un amendement de suppression du Gouvernement.

Souscrivant à l'ensemble de ces observations, votre commission a maintenu la suppression de l'article 24 bis D.

Article 24 bis (suppression maintenue)
Financement de la prise en charge des mineurs isolés étrangers

Introduit lors de l'examen en commission en première lecture au Sénat par un amendement de notre collègue René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, cet article créait un prélèvement sur les recettes de l'État destiné à contribuer au financement de la prise en charge des mineurs isolés étrangers par les départements.

Ce prélèvement sur recettes avait un double objet.

D'une part, il permettait de pérenniser, en lui conférant une base légale, la partie financière du protocole d'accord conclu entre l'État et l'Assemblée des départements de France le 31 mai 2013. Celui-ci prévoit en effet la prise en charge par l'État de la période de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation des jeunes gens se présentant comme mineurs isolés étrangers, dans la limite de cinq jours et sur la base d'un remboursement forfaitaire de 250 euros par jeune et par jour.

D'autre part, il visait à couvrir la prise en charge des mineurs isolés étrangers recueillis au sein des services de l'aide sociale à l'enfance au-delà de cette première période de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation lorsque le coût de cette prise en charge excède un seuil fixé par arrêté interministériel. Ce dispositif ne remettait ainsi pas en cause la compétence départementale en la matière tout en permettant à un département exposé à un surcoût de solliciter une assistance financière.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement supprimant cette disposition au motif qu'eu égard à son bilan encourageant, le dispositif issu du protocole du 31 mai 2013 bénéficierait d'un financement pérenne de la part de l'État.

Cette disposition étant ainsi satisfaite - du moins, en partie -, votre commission a maintenu la suppression de l'article 24 bis .


* 95 Cf. rapport d'information n° 33 (2012-2013) - Les investissements de la sécurité civile : Intérêt national, enjeux locaux - Gérer les risques au meilleur coût.

* 96 Cf. Conseil d'État, décision du 22 mai 2013, requête n° 354992.

* 97 Cf. exposé sommaire de l'amendement n° 997 rectifié.

* 98 Rapport n° 612 (2013-2014) de M. Jean-Pierre Michel sur la proposition de loi tendant à moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

* 99 Décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011, Société SOMODIA.

* 100 Circulaire du 30 mai 1996 relative à la codification des textes législatifs et réglementaires, NOR : PRMX9601534C.

* 101 Séance du 23 janvier 2015.

* 102 Il s'agit des amendements n° 367, présenté par M. Éric Doligé et plusieurs de ses collègues, et n° 569 de M. Philippe Adnot.

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