C. L'ARTICLE 3 : ENCADREMENT DES CATÉGORIES DE BÉNÉFICIAIRES

Cet article encadre les catégories de bénéficiaires en énumérant une série d'exclusions visant à éviter les doubles indemnisations.

Les victimes de la Shoah de nationalité française étant déjà éligibles au régime des pensions françaises ne seront donc pas concernées, de même que celles éligibles au même régime en application d'accords de réciprocité conclus par la France (avec la Belgique, la Pologne, le Royaume-Uni et l'ex-Tchécoslovaquie) ou d'une convention internationale sur les réfugiés permettant l'ouverture du droit à pension en France.

L'accord ne s'applique pas non plus aux personnes qui ont reçu ou sont éligibles à une indemnisation au titre du programme instituant des réparations pour les orphelins de parents morts en déportation (décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000), sans condition de nationalité.

Les bénéficiaires de réparations versées au titre de la déportation par un autre Etat ou une institution ne seront par ailleurs pas couverts par cet accord.

Par ce dispositif d'exclusions, l'accord vise à apporter une solution à la situation des déportés de la Shoah depuis la France qui n'ont pu bénéficier de ces dispositifs. Il n'y a donc pas de rupture d'égalité dans la mesure où les bénéficiaires de l'accord ne sont pas dans une situation comparable avec les nationaux français et que l'objectif est, au contraire, de répondre en équité à des cas d'exclusion de notre régime de pension d'invalidité des victimes civiles de guerre.

D. ARTICLE 4 : MISE EN PLACE D'UN FONDS AD HOC UNIQUE

L'article 4 prévoit le transfert d'une somme de 60 millions de dollars du Gouvernement français au Gouvernement des États-Unis pour la mise en place d'un fonds ad hoc unique.

Cette option plutôt que l'extension des droits à pensions dans le cadre du code des pensions a été choisie afin de tenir compte des circonstances particulières. Une extension du régime des pensions à l'instar des accords bilatéraux conclus par la France avec certains pays après-guerre n'aurait pas permis :

- d'indemniser rapidement les survivants, aujourd'hui âgés, de la déportation (la procédure d'attribution du titre de déportés puis de pension d'invalidité requiert au minimum un délai de 18 mois) ;

- de couvrir, par un seul accord, les ressortissants américains mais aussi les déportés d'autres nationalités ;

- de prendre en compte, en termes d'équité, une part acceptable d'antériorité, alors que le régime est ouvert depuis 1946 ;

- de couvrir, au-delà des ayants droit du régime des pensions (conjoint survivant et enfants, pour ces derniers seulement jusqu'à leur 21 e anniversaire, exception faite du cas marginal des orphelins majeurs infirmes), d'autres catégories d'ayants droit pour les déportés décédés après-guerre ;

- de plafonner le coût du dispositif, alors que la connaissance du nombre de bénéficiaires potentiels est incomplète et pourrait s'ils s'avéraient finalement plus nombreux, induire un coût très supérieur pour le budget de l'Etat.

Le montant de 60 millions de dollars correspond à un point d'équilibre au regard notamment des demandes de compensations de certains avocats (200 millions de dollars) et à la première estimation avancée par la partie américaine dans les négociations (107 millions d'euros plus une marge d'aléa de 20 %).

Il a été établi en tenant compte :

- du nombre de bénéficiaires potentiels - survivants de la déportation ou leurs ayants droit pour ceux décédés après-guerre - mais qui ne sera connu qu'après une procédure de recensement engagée par les autorités américaines ; une marge d'aléas pour pouvoir répondre à un possible afflux de demandes a de ce fait été prévue 9 ( * ) ;

- de la volonté de mettre en place une indemnisation juste pour les bénéficiaires et en cohérence avec le régime des pensions d'invalidité des victimes civiles de la guerre par référence au niveau moyen de pension annuelle de l'ordre de 32 000 euros par an (base 2012) ;

- de l'intégration d'une part encadrée d'antériorité dans les indemnisations pour les survivants de la déportation qui n'avaient pu bénéficier du régime des pensions ouvert il y a 70 ans 10 ( * ) . Un compromis a été trouvé entre les demandes américaines qui souhaitaient la prise en compte de la date des premiers contentieux devant les juridictions américaines, soit l'année 2000, et le souhait des autorités françaises de considérer comme base de départ le début des discussions informelles, soit 2012.

Selon la partie américaine et selon les informations, encore très partielles, disponibles, le Fonds pourrait concerner quelques milliers de bénéficiaires.

La dotation du fonds sera transférée du Gouvernement français au Gouvernement des Etats-Unis dans un délai de trente jours à compter de la date d'entrée en vigueur de l'Accord 11 ( * ) . Les 60 millions de dollars seront transférés au Trésor américain et déposé sur un compte portant intérêt en attendant « qu'ils soient répartis, conformément à une décision du Secrétaire d'Etat des États-Unis d'Amérique ou de son mandataire » et le gouvernement américain devra rendre compte de leur utilisation au gouvernement français.

Il est explicitement indiqué que ce paiement constitue, entre la France et les États-Unis, « le moyen définitif, global et exclusif de répondre à toutes demandes au titre de la déportation liée à la Shoah non couvertes par les programmes d'indemnisation existants, qui ont été ou pourraient être formulées à l'encontre de la France, aux États-Unis ou en France. » et « que tout paiement à une personne physique constitue un moyen définitif, global et exclusif de répondre à toutes les demandes de cette personne physique au titre de la déportation liée à la Shoah non couvertes par les programmes d'indemnisation existants, qui ont été ou pourraient être formulées à l'encontre de la France dans quelque instance que ce soit ».

Certains se sont demandé s'il n'aurait pas été préférable que l'indemnisation incombe à la SNCF. En réalité, c'est une option qui a été écarté d'emblée par la partie française. car elle aurait eu pour effet de reconnaître sa responsabilité indirecte dans la déportation des Juifs et le bien-fondé des plaignants américains alors que les historiens, et notamment Serge Klarsfeld, ont prouvé que la SNCF était un rouage du processus d'extermination placée sous réquisition des autorités allemandes d'Occupation et que sa responsabilité ne pouvait être mise en cause et qu'un arrêt du Conseil d'État de 2007 l'a exonérée comme tous les démembrements de l'État de toute responsabilité (voir annexe n° 9).

Il faut ajouter que ce dossier est très différent de celui des spoliations : si les banques françaises ont été mises à contribution à travers l'accord franco-américain de 2001, c'est au titre des avoirs qu'elles avaient abusivement acquis de leur propre initiative.


* 9 Afin de tenir compte de la demande de la partie américaine visant à pouvoir indemniser des victimes de la déportation décédées récemment, le principe d'une indemnisation des héritiers des déportés décédés a été accepté. En raison du faible nombre de bénéficiaires étrangers concernés, l'extension du champ est considérée comme marginale en termes financiers. Outre son impact à la fois symbolique et juridique, une telle extension permettra d'assurer la plus large « paix juridique ».

* 10 La rétroactivité a été un point dur de la négociation, car déterminant majeur du montant de la dotation du « Fonds ad hoc », tout en rappelant qu'aux termes de l'article 6, et sous réserve des exclusions mentionnées à l'article 3, le Gouvernement américain définit unilatéralement et discrétionnairement les critères.

La Partie américaine avait évoqué la possibilité d'une ouverture du dispositif à l'entrée en vigueur du régime des pensions, soit 1948, les demandes ont ensuite visé une rétroactivité de 14 années prenant comme point de départ l'année 2000 et les premiers recours devant les juridictions américaines. Les discussions ont pris en compte la nécessité de pouvoir intégrer une part encadrée d'antériorité dans les indemnisations pour les survivants de la déportation qui n'avaient pu bénéficier du régime des pensions ouvert il y a 70 ans.

Le compromis qui a été trouvé a été considéré comme un bon point d'équilibre par les deux parties, étant précisé que nos partenaires américains souhaitaient la prise en compte de la date des premiers contentieux devant les juridictions américaines, soit l'année 2000, et que et que nous ne souhaitions pas remonter au-delà du début des discussions informelles, soit 2012.

* 11 Qui interviendra aux termes de l'article 9 « le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière notification ».

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