C. AUDITION DE MME VIRGINIE MAGNANT, ADJOINTE À LA DIRECTRICE GÉNÉRALE, CHEFFE DE SERVICE DES POLITIQUES D'APPUI DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA COHÉSION SOCIALE (3 JUIN 2015)

Réunie le mercredi 3 juin 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de Mme Virginie Magnant, adjointe à la directrice générale, cheffe de service des politiques d'appui de la direction générale de la cohésion sociale, sur le RSA activité (programme 304 « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire »).

Mme Michèle André , présidente . - Nous entamons ce matin une série d'auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement. Cette année, nous avons pris le parti d'entendre des responsables de programme sur des sujets bien identifiés et à fort enjeu budgétaire.

Nous débutons donc ces travaux avec Virginie Magnant, cheffe du service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale au sein du ministère des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes, afin d'examiner l'exécution des crédits du programme 304 consacrés au RSA « activité ».

Je voudrais saluer la présence parmi nous de notre collègue Philippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Je rappelle que le RSA « activité » est une prestation sociale qui vient compléter les revenus d'activité des ménages modestes afin de leur garantir un niveau de ressources minimum. Il est financé pour majeure partie par des crédits budgétaires.

Le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, qui sera examiné par le Sénat en séance publique à partir du 22 juin, prévoit de remplacer le RSA « activité » et la prime pour l'emploi par une nouvelle prestation, appelée « prime d'activité », à compter du 1 er janvier 2016. La préparation de cette réforme ne manquera pas de susciter des questions.

Afin que cette réunion soit aussi vivante que possible, je vais d'emblée donner la parole au rapporteur spécial Éric Bocquet pour une première séquence de questions-réponses.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - Le RSA « activité » constitue la principale dépense du programme 304 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » dont je suis rapporteur spécial. En 2014, il a représenté une dépense de près de 2 milliards d'euros, pour environ 822 000 bénéficiaires.

Je commencerai par une série de questions, dont certaines ont déjà été posées lors des exercices antérieurs, mais qui demeurent d'actualité.

Tout d'abord on constate, en 2014 un écart très important entre les crédits ouverts en loi de finances initiale et ceux exécutés s'agissant de la contribution de l'État au Fonds national de solidarité active (FNSA), qui finance principalement le RSA « activité ». Les crédits ouverts étaient d'environ 600 millions d'euros, mais 970 millions d'euros de crédits ont été consommés, soit un dépassement de plus de 61 %. Pourtant, les facteurs de risque semblaient connus : une augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA « activité » et de son montant compte tenu de sa revalorisation de 2 % en 2013 et de 2 % en 2014 d'une part, et la baisse des recettes du FNSA en raison de la baisse du taux du prélèvement de solidarité qui lui est affecté d'autre part. Comment s'explique donc cette sous-budgétisation ?

Par ailleurs, la Cour des comptes relève un important report de charges en 2014 au titre de l'année 2013, de 147 millions d'euros. À quoi ce report est-il dû et pourquoi ne figure-t-il pas dans le rapport annuel de performance annexé à la loi de règlement ?

Enfin, connait-on l'impact qu'ont eu les revalorisations que j'ai mentionnées sur le montant total de la dépense de RSA « activité » ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Je commencerai par rappeler que la contribution que l'État verse au FNSA constitue l'une des deux sources de financement du RSA « activité ». Le solde du FNSA résulte, en effet, d'un équilibre entre ses charges, principalement constituées par le financement du RSA « activité », et ses recettes, constituées du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et des placements, pour une part initialement importante, ainsi que d'une contribution d'équilibre versée par l'État.

Le décalage entre la prévision initiale du montant de la contribution de l'État et l'exécution s'explique à la fois par des raisons classiques, ou du moins récurrentes, et par des facteurs nouveaux intervenus au cours de l'exercice 2014. Pour ce qui est des explications récurrentes, il faut souligner que, depuis sa mise en place pour accompagner la généralisation du RSA en 2009, il extrêmement difficile de prévoir le rendement du prélèvement de solidarité au moment de la budgétisation. Ce prélèvement se caractérise en effet par une assez grande volatilité. En conséquence, il est compliqué d'arriver à ajuster correctement la contribution d'équilibre de l'État au FNSA. Un facteur de complexité supplémentaire est intervenu en 2014, du fait de la baisse du taux de ce prélèvement de 1,45 % à 1,37 %. La baisse de son rendement a été plus que supérieure à ce qui était attendu et ainsi, l'exécution de la recette a été significativement inférieure au montant initialement prévu.

Parallèlement à cela, la dépense de RSA a été plus dynamique que prévu. Vous avez mentionné, Monsieur le rapporteur, la revalorisation exceptionnelle du RSA de 2 % en 2013. Il est vrai que cette revalorisation a provoqué un « effet de champ » qui était difficile à simuler, et qui a conduit à faire entrer dans la prestation davantage de bénéficiaires. Une note récente de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) a fait le point sur l'évolution du RSA entre juin 2013 et juin 2014. Elle souligne qu'en plus de l'effet produit par la revalorisation, la dynamique du RSA « activité » s'est infléchie à la hausse au cours de cette période. Ainsi, sur la période de l'exécution 2014, le nombre de bénéficiaires du RSA « activité » a augmenté de 8 %, en lien avec les premiers signes d'amélioration sur le marché du travail. Or, lors de la budgétisation, les calculs consistent souvent à poursuivre une projection de manière linéaire.

Pour résumer, nous avons eu en 2014 une recette difficile à prévoir et dont le rendement a été inférieur aux prévisions, et une dépense de RSA « activité » supérieure à ce qui était attendu. Il a donc été nécessaire d'ajuster la contribution d'équilibre de l'État en fin de gestion. Il est vrai que cet ajustement n'a pas permis un rétablissement complet de l'équilibre du FNSA. Il a en revanche permis de régler le solde de 2013 sur 2014, et de réduire l'écart entre les dépenses des organismes qui servent le RSA et les recettes du FNSA.

Vous m'avez également interrogée sur la mesure de l'impact de la revalorisation du RSA de 2 % en septembre 2013 et en 2014. Nous pouvons mesurer précisément l'évolution du nombre de bénéficiaires du RSA « activité » et celle du montant moyen de prestation versé, associées à la revalorisation exceptionnelle de 2013. Celle-ci a permis l'accès à la prestation d'environ 15 000 à 16 000 personnes supplémentaires, et le montant moyen du RSA versé a progressé, tant concernant sa part « socle » que sa part « activité », s'établissant à 400 euros par mois pour l'ensemble du dispositif. En revanche, il n'est à ce stade pas possible de mesurer précisément l'impact de ces revalorisations sur l'insertion dans l'activité des travailleurs pauvres.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - Vous l'avez évoqué, le nombre de bénéficiaires du RSA « activité » a augmenté de 8 % en 2014. Cela m'amène à vous interroger sur la problématique du taux de non-recours du RSA « activité », qui a été estimé à plus de 60 % en 2011. Avez-vous des éléments nouveaux concernant l'évolution de ce taux ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - La mesure du taux de non-recours est une question délicate. Lorsque la réforme du RSA est entrée en vigueur, un certain nombre de simulations avaient été effectuées afin d'évaluer le nombre de foyers potentiellement bénéficiaires de ce nouveau dispositif. Dans un premier temps, la notion de non-recours a été appréciée en rapportant le nombre de bénéficiaires réels, enregistrés par le réseau des caisses d'allocations familiales (CAF) et des mutualités sociales agricoles (MSA), au volume de bénéficiaires simulé lors de la réforme. D'un point de vue méthodologique, il est évidemment compliqué de comparer une projection théorique et une situation réelle.

La commission d'évaluation du RSA, qui était présidée par François Bourguignon et rassemblait un certain nombre d'économistes et de chercheurs, a été conduite, lors de la conclusion de ses travaux, à apprécier à partir d'un échantillon de personnes potentiellement éligibles celles qui avaient effectivement recouru à ce dispositif. Elle a abouti à un chiffre de taux de recours de 32 % s'agissant du RSA « activité ». Compte tenu de la complexité de ces travaux, nous ne les avons pas actualisés depuis, mais on considère généralement que la situation, si elle s'est un peu améliorée, n'a pas évolué de manière radicale.

Ce constat d'un faible taux de recours au RSA « activité », qui est peut être le signe de sa faible lisibilité pour les bénéficiaires potentiels ou de sa faible efficacité, est directement à l'origine de la réforme de la prime d'activité,

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - La mise en place de la prime d'activité devrait donc prendre en compte les difficultés constatées s'agissant du recours au RSA « activité » ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Oui, tout à fait.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - Le dernier point que je souhaiterais aborder concerne le RSA « jeunes actifs ». Ce dispositif a du mal à trouver son public. En 2011, il y avait 6 590 jeunes bénéficiaires du RSA « activité » seul. Ce nombre a baissé régulièrement pour atteindre 4 968 en 2014. Comment expliquez-vous l'ampleur de cette baisse ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Il est vraisemblable que ce faible succès tienne aux conditions d'accès très restrictives qui ont été imaginées lors de l'ouverture du RSA aux jeunes actifs de 18 à 25 ans. Un certain nombre de conditions ont en effet été mises en place qui ne favorisent pas l'entrée des jeunes dans le dispositif, puisque ceux-ci doivent attester d'une activité continue de deux années à temps plein durant les trois ans précédant la demande. Il s'agit d'une condition difficile à réunir pour les jeunes, a fortiori dans la période économique que l'on connait. Les conditions initiales pour bénéficier du dispositif et le contexte économique sont les deux facteurs qui expliquent que le nombre de jeunes bénéficiaires du RSA « activité » soit faible, et qu'il ait même décru sur la période récente.

Cette problématique est également prise en compte dans la réforme de la prime d'activité puisque celle-ci sera ouverte à cette part de la population très sensible aux évolutions de la conjoncture, et qui connait des périodes d'insertion professionnelle délicates. L'ambition est de permettre à un million de jeunes de bénéficier à l'avenir d'un soutien à leurs revenus à travers la nouvelle prime.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Pourriez-vous nous préciser si les revenus qui seront pris en compte dans le calcul de la prime d'activité seront les mêmes que pour le RSA « activité »?

Quel sera le nombre de « perdants » et quels seront les ménages concernés ? Ces estimations tiennent-elles bien compte des personnes qui bénéficiaient auparavant de la prime pour l'emploi (PPE) mais qui ne recourront pas à la prime d'activité ?

Le Gouvernement a prévu, par voie d'amendement déposé à l'Assemblée nationale, d'inclure dans les bénéficiaires de la prime d'activité les étudiants et les apprentis. La ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Marisol Touraine, a annoncé que ce coût serait compensé par une réduction du montant de la prime pour le restant des bénéficiaires. Quel sera le montant moyen mensuel ainsi « prélevé » pour financer cette extension ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - S'agissant de votre première question, qui a trait à la comparaison des assiettes des dispositifs, les revenus qui seront pris en compte pour le calcul de la prime d'activité qui, je le rappelle, constituera un différentiel entre un montant cible et des revenus perçus, seront, pour l'essentiel, les mêmes que ceux pris en compte pour le calcul de la plupart des prestations sociales, dont le RSA. Il s'agit d'un point important, l'ambition de ce nouveau dispositif consistant précisément à ne pas revenir sur ce qui a constitué le coeur de la réforme précédente du RSA, c'est-à-dire garantir une fluidité entre les situations. Je précise cependant que les revenus du patrimoine non imposables, qui sont pris en compte dans le RSA, ne le seront pas dans le calcul de la prime d'activité. Dans la mesure où ces revenus ont un impact peu significatif sur l'accès aux prestations, il a été jugé préférable de privilégier l'allègement des formalités administratives et la diminution du volume de justificatifs à produire.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Dans la mesure où les paramètres de calcul retenus sont proches de ceux qui existent actuellement, les caisses d'allocations familiales seront-elles en mesure de mettre en place rapidement ce nouveau dispositif ?

En effet, le montant de la prime pour l'emploi résultait d'un calcul simple réalisé par la direction générale des finances publiques, ce qui ne sera plus le cas pour la nouvelle prime d'activité. Or, j'ai été, comme Éric Bocquet, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et je sais les difficultés entraînées pour les caisses d'allocations familiales par ce type de réformes, à l'origine d'une augmentation importante du nombre de bénéficiaires.

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Cette réforme constitue évidemment un défi pour le réseau de la branche famille. Je pense notamment à la nécessité pour les caisses d'allocations familiales de procéder au reparamétrage du système de gestion et de liquidation Cristal, ou de former les conseillers afin qu'ils puissent renseigner le public et gérer l'afflux de public au guichet. Néanmoins, il a été tenu compte de ces difficultés d'adaptation en essayant, lorsque cela était possible, de s'inscrire dans la continuité afin d'éviter qu'il y ait des « perdants » à cause de difficultés techniques.

S'agissant justement de votre question sur les « perdants » de la réforme, je vous confirme que les chiffres qui ont été annoncés prennent en compte les bénéficiaires actuels de la prime pour l'emploi. La réduction du nombre de bénéficiaires de la future prime d'activité par rapport au nombre de bénéficiaires cumulés du RSA « activité » et de la prime pour l'emploi s'explique par le choix qui a été fait de cibler cette aide sur les personnes dont les revenus sont compris entre 800 euros et 1 300 euros par mois, c'est-à-dire trop élevés pour bénéficier de certaines prestations sociales, mais trop faibles pour être concernés par les baisses d'impôts qui entreront en vigueur en septembre prochain.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Pourriez-vous nous préciser quelle sera la perte moyenne pour les personnes qui bénéficiaient des dispositifs précédents et qui seront exclus du bénéfice de la prime d'activité ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Cette perte sera d'environ 53 euros pour les personnes dont les revenus dépassent 1 400 euros par mois. Cela correspond au point de sortie de la prime d'activité.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'extension par amendement adopté à l'Assemblée nationale du bénéfice de la prime aux apprentis et aux étudiants sera financée par une diminution du montant de la prime pour les autres publics. Pourriez-vous nous indiquer de combien sera cette baisse ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - L'amendement adopté lors de la discussion à l'Assemblée nationale vise en effet à étendre le bénéfice de la future prime aux apprentis et aux étudiants. Le seuil de revenu d'activité sera fixé à 78 % du plafond de référence, soit environ 900 euros par mois, ce qui correspond à la situation d'un apprenti en troisième année. Ce seuil a été fixé par référence au seuil retenu pour les prestations familiales à partir duquel le jeune est considéré comme autonome.

La diminution résultant de cette extension pour les autres publics sera de l'ordre de 5 à 10 euros par mois. Elle concernera la bonification individuelle qui, je le rappelle, se superposera à la composante familialisée du dispositif.

M. Philippe Mouiller . - Merci pour cette intervention et d'avoir accepté de vous plier à un exercice difficile, alors que vous manquez d'éléments de prévision tant sur les dépenses que sur les recettes.

Sur la question du financement du dispositif justement, il me semble que de nombreuses interrogations demeurent en suspens. Cela est compréhensible dans la mesure où les recettes dépendent de l'évolution de la situation économique.

S'agissant des dépenses en revanche, je rappelle que l'augmentation annuelle de 2 % était connue et a été votée. De même, l'augmentation du taux de recours fait également l'objet d'un objectif chiffré. La progression était donc connue et nous avions d'ailleurs alerté sur la probabilité d'un décalage entre le budget voté et la réalité.

Je souhaiterais vous poser trois questions.

Avec la mise en place de la prime d'activité, disposez-vous d'une meilleure prévision de l'évolution de la dépense, alors que le nombre de bénéficiaires risque d'augmenter ?

Disposez-vous d'instruments permettant de consolider l'ensemble des aides auxquelles ont accès les bénéficiaires du RSA ? Je pense notamment à la couverture maladie universelle ou aux diverses exonérations. Cela nous permettrait de mesurer l'écart de revenus entre les bénéficiaires du RSA et les personnes rémunérées au SMIC.

Enfin, pourriez-vous nous préciser quels sont les objectifs de la réforme en matière de retour à l'emploi ?

M. Éric Doligé . - Mes questions vont déborder la problématique du RSA « activité ». On se souvient des déclarations de François Chérèque selon lesquelles 40 % des personnes pouvant bénéficier du RSA n'y ont pas recours. Avez-vous constaté une évolution sur ce point ? Pourriez-vous nous indiquer comment sera financée l'éventuelle augmentation du taux d'utilisation ?

Par ailleurs, avez-vous eu connaissance de collectivités qui n'auraient pas inscrit dans leur budget 2015 l'ensemble des dépenses de RSA ? On m'a cité le cas d'un département qui n'aurait pas inscrit le mois de décembre. C'est une question importante tant les sommes concernées sont considérables.

Vous avez indiqué que l'augmentation de la dépense relative au RSA « activité » résultait d'une amélioration du marché du travail. Avez-vous davantage d'informations sur cette tendance ? Quelles sont les perspectives en matière d'emploi ?

Vous avez qualifié les dépenses en augmentation de « dynamiques ». Le caractère dynamique de la dépense semble être positif dans votre propos. Est-il effectivement positif que la dépense augmente ?

Enfin, l'augmentation du chômage devrait avoir un impact sur les dépenses de RSA. Disposez-vous d'évaluations des risques d'augmentation des dépenses de RSA au-delà de l'objectif de 2 % par an pendant cinq ans ?

M. Serge Dassault . - Je souhaiterais compléter les questions de mes collègues par des questions simples. Pourriez-vous nous indiquer quelle est l'utilité de ce nouveau dispositif, qui inclura l'actuelle prime pour l'emploi, dont on connait la faible efficacité et son coût qui s'élevait à plusieurs milliards d'euros. Constituera-t-il réellement une incitation à la reprise d'emploi ? Comment sera financé ce dispositif alors que l'État est en quasi faillite ? Enfin, qui versera cette nouvelle aide : l'État ou les conseils départementaux ?

M. André Gattolin . - Vous avez exposé la difficulté à évaluer les entrées et les dépenses du futur dispositif à partir de modélisations. Ne pensez-vous pas que nous pourrions avoir davantage recours à l'expérimentation ? Ne serait-il pas plus judicieux de procéder à des expérimentations locales, comme cela été le cas lors de la mise en place du revenu minimal d'insertion, plutôt que de se fier à des modélisations très audacieuses de recettes et de dépenses dont on découvre a posteriori qu'elles ne correspondent pas à ce qu'on a envisagé ?

Mme Virginie Magnant, adjointe à la directrice générale, cheffe de service des politiques d'appui de la direction générale de la cohésion sociale . - Vous m'avez interrogée sur les difficultés de prévision en dépenses et en recettes ainsi que sur la fiabilité et la crédibilité qui peut leur être apportée, notamment au moment de la présentation en loi de finances.

S'agissant des prévisions de dépenses, il me paraît important de souligner que l'année 2014 a été marquée par le plein effet d'une première revalorisation exceptionnelle de 2 %, décidée et appliquée en septembre 2013, de manière relativement rapide. Cette décision résultait du plan de lutte contre la pauvreté et avait été mal prise en compte lors de la budgétisation.

Il faut rappeler à cet égard que le projet de loi de finances se prépare très tôt. S'il est déposé sur le bureau des assemblées en octobre, le travail technique entre les services et la direction du budget commence dès le début de l'année. Les premières simulations et projections sont échangées au printemps, puis les lettres plafonds du Premier ministre sont adressées aux ministres à la fin du mois de juin ou début juillet. Par conséquent, les simulations et projections traduites dans le projet de loi de finances reposent sur des chiffrages du premier semestre, lesquels, compte tenu du fonctionnement de l'appareil statistique, rendent compte des données de l'année précédente. Il existe donc un décalage entre les données disponibles au moment de la construction budgétaire et l'exécution réelle. Les collectifs budgétaires ont précisément pour vocation de tenir compte des évolutions de conjoncture entre la prévision et l'exécution. Car il peut effectivement exister des évolutions importantes en cours d'année, avec un impact sur les prestations, ces dernières constituant des revenus monétaires qui s'ajustent à différents paramètres, tels que la situation macroéconomique ou la situation de l'emploi.

Je ne pense pas, pour autant, que ces contraintes calendaires et techniques invalident l'exercice de projection et de simulation.

Il n'est pas rare, d'ailleurs, que des prestations connaissent des évolutions dynamiques. Par exemple, l'allocation adulte handicapé (AAH), financée sur le programme 157 « Handicap et dépendance », et dont le montant est proche de 7 milliards d'euros, a connu par le passé une telle évolution, en lien notamment avec la revalorisation de 25 % de son montant décidée sous la précédente mandature.

Tout au long de la mise en oeuvre de cette revalorisation exceptionnelle, nous avons a constaté des effets sur les publics bénéficiaires et une dynamique de la dépense significativement supérieurs aux évolutions liées à « l'effet prix » - à savoir la revalorisation régulière du montant de la prestation en lien avec l'inflation - et à « l'effet volume », c'est-à-dire l'augmentation régulière du nombre de bénéficiaires. Des effets de champ se sont ainsi cumulés avec des changements de contexte économique. En conséquence, le nombre de bénéficiaires du dispositif s'est avéré supérieur à nos prévisions.

La fin de la revalorisation exceptionnelle a permis un retour à des évolutions plus classiques. Les deux effets majeurs ont repris leur importance, nos prévisions sont désormais plus fiables et les ouvertures en collectif de fin d'année, qui ont été importantes par le passé, ont été réduites. On constate ainsi peu d'écart entre la prévision de la loi de finances initiale pour 2014 et l'exécution, ainsi que des ouvertures de crédits limitées en collectif.

Les dynamiques de prestations sont donc plus ou moins complexes à estimer. Nous travaillons avec des statisticiens en nous efforçant d'intégrer dans nos projections les phénomènes qui peuvent faire évoluer les paramètres. Il est compliqué de s'ajuster mais je ne crois pas que cela invalide pour autant la sincérité et le sérieux de nos prévisions.

En ce qui concerne la fiabilité des prévisions relatives à la prime d'activité par rapport à la future exécution budgétaire, je voudrais ici rappeler l'histoire récente de la généralisation du RSA en juin 2009 et insister sur la difficulté inhérente au passage d'une simulation théorique, à partir de modèles statistiques, à la réalité. En effet, il nous est impossible de simuler quel sera le taux de recours à la prestation.

S'agissant du RSA, à l'époque, nous avions fait le choix de considérer que le taux de recours serait maximal. Autrement dit, dès la première année de la mise en place de la réforme, il était nécessaire de budgéter le dispositif à son montant cible. Or, en pratique, on a constaté que la prestation ne trouvait pas son public et que le taux de non-recours demeurait important dans la durée. En outre, avant d'atteindre le palier connu par cette prestation sur les années récentes, on s'est heurté à un phénomène de montée en charge, sur lequel aucun statisticien ne peut s'engager, dans la mesure où chaque montée en charge de chaque prestation a été différente.

Pour conclure, je dirais que nos simulations sont les plus fiables possibles, nos données étant issues de micro-simulations croisées et convergentes entre plusieurs départements statistiques. Elles nous permettent de produire des études d'impact fournissant à la fois des montants individuels par composition du foyer ou par tranche de revenus, et de simuler un impact budgétaire.

En revanche, une donnée demeure une inconnue dans la présentation du prochain projet de loi de finances pour 2016, même si l'on en a tenu compte dans la projection budgétaire. Nous évaluons le taux de recours à 50 %, et nous émettons des hypothèses sur les conditions de montée en charge. Mais cela reste des hypothèses et il sera temps de revenir sur leur pertinence lorsque nous discuterons de l'exécution 2016.

Vous m'avez par ailleurs interrogée sur l'intérêt de l'expérimentation pour sortir des modèles théoriques. Pour la direction générale de la cohésion sociale, il est clair que l'expérimentation en matière sociale constitue un outil précieux. Toutefois, encore faut-il réaliser de telles expérimentations dans des conditions sérieuses, comme nous l'avons fait pour le RSA, à travers la mise en place de territoires pilotes d'un côté et de territoires témoins de l'autre, ainsi que d'un dispositif de collecte d'indicateurs et de suivi. L'expérimentation présentait un réel intérêt dans le cas du RSA « activité ». En effet, celui-ci poursuivait plusieurs objectifs, notamment le soutien au revenu des travailleurs modestes et le retour à l'activité pour éviter la discontinuité entre des situations de non-emploi et des situations d'emploi. Dans ce cas, il était décisif de pouvoir disposer d'informations sur l'effectivité des reprises d'emploi associées. Effectivement, lorsque l'on a comparé le revenu des personnes percevant le RSA « activité » à celui de celles qui ne le recevaient pas dans la phase expérimentale, on a pu constater clairement que les bénéficiaires avaient des revenus plus élevés que les autres.

Pour autant, l'expérimentation présente peut-être moins d'intérêt au regard de la prime d'activité. En effet, cette prestation poursuit avant tout un objectif primordial de soutien au pouvoir d'achat. Doit-elle viser un effet incitatif sur le retour à l'emploi ? Ce n'est pas son but premier. Il s'agit de mettre en place une aide monétaire différente, concentrée sur des publics qui disposent d'un revenu d'activité qui ne correspond pas, pour la plupart d'entre eux, à un revenu d'activité à temps plein, mais qui sont d'ores et déjà en voie d'insertion sur le marché du travail. Le Gouvernement a d'abord visé un objectif de rapidité dans le déploiement de cette réforme.

M. Serge Dassault . - Vous n'avez pas répondu sur le financement de la prime d'activité.

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Le financement de la prime d'activité sera assuré par l'État. Le RSA bénéficiait d'un double financement en provenance des conseils généraux pour le RSA « socle » et de l'État pour le RSA « activité ».

La prime d'activité sera quant à elle exclusivement financée par l'État, à travers deux sources existantes : les crédits consacrés au RSA « activité », qui continueront d'être alloués à la prime d'activité, et les financements auparavant dédiés à la prime pour l'emploi, qui seront réorientés vers la prime d'activité.

M. Serge Dassault . - Quel sera le montant total de ces recettes ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Cela représente un montant total estimé à 3,8 milliards d'euros.

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